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26/09/2008 | FRANCE | N°07/00288

France | France, Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre civile 1, 26 septembre 2008, 07/00288


R. G : 07 / 00288
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C /
Société DE CRÉDIT POUR LE DÉVELOPPEMENT (SODEMA) SCP Y..., GRANGENOIS et BERGUET SALOMON S. A. R. L. MAV DIFFUSION Z... A...

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2008

Décision déférée à la Cour : Tribunal de Grande Instance de FORT-DE-FRANCE, décision attaquée en date du 15 octobre 2002, enregistrée sous le no

APPELANT :
Monsieur Barbe Jean X...... 97200 FORT-DE-FRANCE
Représenté par Me Raymond AUTEVILLE, avocat au barreau de FORT-DE-FRANCE

INTIMES :
SociétÃ

© DE CRÉDIT POUR LE DÉVELOPPEMENT (SODEMA), devenue SOFIAG, prise en la personne de son représentant légal. 12, ...

R. G : 07 / 00288
X...
C /
Société DE CRÉDIT POUR LE DÉVELOPPEMENT (SODEMA) SCP Y..., GRANGENOIS et BERGUET SALOMON S. A. R. L. MAV DIFFUSION Z... A...

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2008

Décision déférée à la Cour : Tribunal de Grande Instance de FORT-DE-FRANCE, décision attaquée en date du 15 octobre 2002, enregistrée sous le no

APPELANT :
Monsieur Barbe Jean X...... 97200 FORT-DE-FRANCE
Représenté par Me Raymond AUTEVILLE, avocat au barreau de FORT-DE-FRANCE

INTIMES :
Société DE CRÉDIT POUR LE DÉVELOPPEMENT (SODEMA), devenue SOFIAG, prise en la personne de son représentant légal. 12, Boulevard du Général de Gaulle 97200 FORT-DE-FRANCE
Représentée par Me Dinah RIOUAL-ROSIER de la SELARL RIOUAL-ROSIER, avocat au barreau de FORT-DE-FRANCE

SCP Y..., GRANGENOIS et BERGUET SALOMON, représentée par Me Michel B..., ès qualité de Liquidateur nommé à cette fonction.... ... 97200 FORT-DE-FRANCE
Représentée par Me Michel BOCALY, avocat au barreau de FORT DE FRANCE

S. A. R. L. MAV DIFFUSION, prise en la personne de son gérant. 15, Avenue Jean Jaurès Terres Sainville 97200 FORT-DE-FRANCE
Non représentée,

Monsieur Alex ALEXANDRE...... 97200 FORT-DE-FRANCE
Non représenté,

Madame Henriette Marguerite A... épouse Z......... 97200 FORT-DE-FRANCE
Non représentée,

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 30 mai 2008 en audience publique, devant Madame Luce BERNARD, Président de Chambre et Madame Dominique HAYOT, Conseiller,
Les avocats ne s'y sont pas opposés,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composé de :

Madame Luce BERNARD, Président de Chambre, Monsieur Yves ROLLAND, Président de Chambre, Madame Dominique HAYOT, Conseiller,

Greffier, lors des débats :
Madame Louisiane SOUNDOROM,,

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE. prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile ;

EXPOSE DU LITIGE.

Aux termes d'un acte établi le 22 mars 1994 par Me Georges Alain Y..., notaire associé à Fort-de-France, Barbe Jean X... vendait à la SARL " MAV DIFFUSION " :
" Un fonds de Commerce de vente d'accessoires et pièces détachées pour autos, motos et vélos et d'articles de quincaillerie, exploitée à Fort-de-France (Martinique), au rez-de-chaussée d'un immeuble sis au..., appartenant au vendeur " ;
pour le prix de 91 469, 41 euros (600 000 F) s'appliquant à hauteur de :
82 032, 92 euros (538 100 F) aux éléments incorporels comprenant l'enseigne, la clientèle et l'achalandage ; 9 436, 59 euros (61 900 F) aux éléments corporels comprenant le matériel ;
ce prix devant être payé comptant à hauteur de 22 867, 35 euros (150 000 F) et à concurrence de 68 602, 06 euros (450 000 F) au moyen des deniers provenant d'un prêt consenti à l'acquéreur par la " SODEMA ".

Par acte passé le même jour devant le même notaire et portant la date des 11 février et 22 mars 1994, la SOCIÉTÉ DE CRÉDIT POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA MARTINIQUE (la " SODEMA ") prêtait à la SARL " MAV DIFFUSION ", acquéreur, la somme de 68 602, 06 euros (450 000 F), ce prêt étant garanti par :
la caution solidaire indivise de " Alex Z... " et de madame " Henriette Z... son épouse " (sic), sans autre indication d'état civil ;
le nantissement du fonds de commerce dont l'acquisition était financée par le prêt ;
l'affectation en hypothèque de premier rang au profit du prêteur, par Jean X..., vendeur du fonds financé par le prêt, d'un immeuble lui appartenant situé....

La SARL " MAV DIFFUSION " n'honorait pas ses engagements et été mise en Liquidation Judiciaire par jugement du 25 mai 1999.
La SODEMA ayant fait citer les époux Z... et Barbe jean X... en paiement des échéances impayées et du capital restant du devant le Tribunal de Grande Instance de Fort-de-France, Jean X... appelait en garantie la SCP Y...- GRANGENOIS-BERGUET ET SALOMON, notaires associés, en intervention forcée devant cette juridiction.

Par jugement en date du 15 octobre 2002, le Tribunal de Grande Instance de Fort-de-France ordonnait la mise hors de cause des notaires rédacteurs, condamnait Barbe X... à leur payer 1500 euros de dommages intérêts pour procédure abusive et 900 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et, avant dire droit sur la demande principale en paiement, enjoignait à la SODEMA de produire la décision d'admission de sa créance et l'état des créances.
Cette décision était confirmée par à un arrêt rendu par la cour d'appel de ce siège le 12 mars 2004, condamnant au surplus Barbe X..., conjointement et solidairement avec Alex Z... et Henriette A... son épouse, à payer à la SODEMA 64 013, 82 euros et 800 euros sur le fondement l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Cette décision ayant fait l'objet d'un pourvoi, la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation rendait le 19 décembre 2006 un arrêt aux termes duquel elle
" CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la SCP Y...- GRANGENOIS-BERGUET ET SALOMON n'avait pas commis de faute engageant sa responsabilité et, en conséquence, l'a mis hors de cause, l'arrêt rendu le 12 mars 2004 entre les parties par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de fort de France, autrement composée ".
C'est que dans ces conditions que, par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel le 9 mars 2007, Barbe Jean X... saisissait la cour d'appel de ce siège.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 18 décembre 2007, Barbe Jean X... demande à la cour de renvoi, sur le fondement l'article 1382 du Code civil, de :
dire que la SCP Y...- GRANGENOIS-BERGUET ET SALOMON, notaire instrumentaire, a engagé sa responsabilité à son égard et qu'elle doit le garantir des conséquences de la caution hypothécaire consentie à la SODEMA ; " qu'ainsi, l'intégralité de la créance de la SARL MAV DIFFUSION, garantie par cette caution sera intégralement payée par SCP Y...- GRANGENOIS-BERGUET ET SALOMON " ;
La condamner, en la personne de son liquidateur, à lui payer :
• 80 000 euros de dommages intérêts en réparation du préjudice moral, des troubles dans les conditions d'existence causée par l'inexécution par le notaire instrumentaire de ses obligations, la longue procédure et les mesures d'exécution dont il a été l'objet ;

• 10 000 euros sur le fondement l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour les frais non compris dans les dépens exposés devant les juridictions qui se sont succédées, outre les dépens.
*****
Dans ses dernières conclusions notifiées le 9 juillet 2007, la SOCIÉTÉ FINANCIÈRE ANTILLES GUYANE (la SOFIAG), venant aux droits de la SODEMA, demande à la cour de lui donner acte de son intervention, de " confirmer l'arrêt de la Cour de Cassation en ce qu'il a rejeté les deux moyens de M. X... " et par conséquent, de rejeter sa demande visant à ce que la SCP Y...- GRANGENOIS-BERGUET ET SALOMON le garantisse des condamnations prononcées à son encontre et de " confirmer " ce faisant l'arrêt de la cour d'appel le 12 mars 2004.
Elle sollicite au surplus 5 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
*****
Dans le dernier état de ses conclusions datées du 30 novembre 2007, la SCP Y...- GRANGENOIS-BERGUET ET SALOMON représentée par Me Michel B..., ès qualités de liquidateur, conclut à la confirmation, par substitution de motifs, du jugement rendu le 15 octobre 2002, en retenant que la SCP de notaire a parfaitement exécuté son obligation de conseil à l'égard de M. X..., et de condamner ce dernier à lui payer 10 000 euros sur le fondement l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère expressément aux décisions antérieures ainsi qu'aux conclusions écrites.
L'ordonnance de clôture est en date du 14 février 2008.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

sur l'étendue de la saisine de la cour de renvoi.
Il résulte des termes de l'arrêt de cassation partielle rendue le 19 décembre 2006 par la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation, qui délimite la compétence de la présente juridiction statuant comme cour de renvoi, que :
la nature et le contenu des obligations de Barbe Jean X..., comme celle des époux Z..., sont définitivement jugées et fixées par l'arrêt rendu par cette même cour le 12 mars 2004 et qu'il n'y a donc pas lieu de " confirmer " ni cette décision ni l'arrêt de la Cour de Cassation qui a rejeté les moyens du pourvoi sur ces différents points, ces décisions se suffisant à elles mêmes ;

ne reste en litige que la responsabilité éventuelle du notaire rédacteur des actes à l'égard des parties à l'actes.

Sur la responsabilité du notaire.
Les notaires sont tenus d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets ainsi que sur les risques des actes auxquels ils sont requis de donner la forme authentique.
C'est au notaire qu'il incombe de rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation de conseil.
Contrairement aux moyens développés par la SCP intimée, les motivations des co-contractants n'affranchissent pas le notaire de son obligation de conseil.
En effet, il n'est pas demandé au notaire de justifier qu'il a tenté de s'opposer à la volonté des parties à l'acte mais simplement de rapporter la preuve qu'il a attiré l'attention de celles-ci sur la portée et les effets de leur convention à laquelle il est requis de donner la forme authentique ainsi que sur les risques qui en découlent pour chacune d'elle.
Il résulte des termes des actes notariés rédigés et signés le même jour en l'étude de Me Y... que le vendeur du fonds de commerce, non seulement ne bénéficiait d'aucune garantie sur le paiement effectif du prix de vente, mais au surplus qu'il était lui-même le seul garant " réel " du remboursement du prêt consenti à l'acquéreur pour payer ce prix de vente. Ce montage faisait donc du vendeur le seul véritable garant du paiement effectif et définitif du prix de vente puisqu'il s'obligeait à en rembourser la plus grande part à la première défaillance de la société acquéreur.
Force est de constater que le notaire ne démontre pas, ne serait-ce que par un courrier joint à l'envoi du projet d'acte à son client, avoir attiré l'attention de celui-ci sur cette particularité d'une convention qu'il n'est pas abusif de présenter comme " peu fréquente " selon les termes utilisés par les premiers juges.
Cette obligation d'information aurait dû s'exercer indépendamment de la compétence prêtées aux " qualités de juristes " du vendeur.
Au demeurant, la cour note que la transaction portait sur la vente d'un modeste fonds de commerce de pièces détachées dans un quartier populaire de Fort-de-France, situation dont il ne se déduit pas, intrinsèquement, que le vendeur était un " commerçant aguerris " et notoirement au fait des conséquences juridiques de ses actes comme l'ont retenu les premiers juges.
Les termes de la convention signée permettent même sérieusement d'en douter.

Il se déduit de ce qui précède que le notaire instrumentaire a failli à son obligation de conseil et doit en conséquence indemniser Barbe Jean X... des conséquences qu'ont entraînées pour lui l'engagement aventureux prévu par l'acte litigieux.
Font incontestablement partie de ce préjudice les sommes qu'il a été obligé de payer à la SOFIAG en exécution de l'arrêt de cette cour du 12 mars 2004 aujourd'hui définitif, savoir 64 013, 82 euros outre les intérêts sur cette somme.
S'y ajoutent, les préjudices matériel et moral liés aux procédures judiciaires dont il a été l'objet pendant de nombreuses années.
Compte tenu de ces différents éléments d'appréciation, la somme de 80 000 euros apparaît justifiée et il y a lieu de faire droit aux dommages et intérêts réclamés à hauteur de ce montant.

PAR CES MOTIFS.

LA COUR ;
Vu l'arrêt rendu le 19 décembre 2006 par la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation ;
Infirme le jugement rendu le 15 octobre 2002 par le Tribunal de Grande Instance de Fort-de-France en ce qu'il a retenu que la SCP Y...- GRANGENOIS-BERGUET ET SALOMON n'avait commis aucune faute et ordonné sa mise hors de cause ;
Statuant à nouveau sur ce seul point ;
Dit que le notaire instrumentaire, rédacteur des actes des 11 février et 22 mars 1994, n'a pas respecté son obligation d'information et de conseil envers les parties et notamment envers Barbe Jean X..., vendeur du fonds de commerce ;
Dit que ce dernier justifie du préjudice en lien direct avec cette faute ;
Condamne en conséquence la SCP Y...- GRANGENOIS-BERGUET ET SALOMON, prise en la personne de son liquidateur, à lui payer la somme de 80 000 euros en réparation de son préjudice, toutes causes confondues, outre les intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
La condamne en outre à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, au titre des frais et honoraires non compris dans les dépens exposés devant les différentes juridictions qui ont eu à connaître de cette affaire ;
la condamne enfin aux dépens exposés tant en première instance qu'en appel et devant la Cour de Cassation, avec distraction au profit de maître AUTEVILLE, avocat, sur l'affirmation qu'il en a fait l'avance.
Arrêt signé par Monsieur Yves ROLLAND, Président, et par Madame Louisiane SOUNDOROM, Greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Fort-de-France
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 07/00288
Date de la décision : 26/09/2008
Type d'affaire : Civile

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Obligation d'éclairer les parties - Etendue - Obligation d'information sur les risques de l'acte - / JDF

Les notaires sont tenus d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets ainsi que sur les risques des actes auxquels ils sont requis de donner la forme authentique. C'est au notaire qu'il incombe de rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation de conseil. Ne satisfait pas à cette obligation le notaire rédacteur d'un acte selon lequel le vendeur d'un fonds de commerce, non seulement ne bénéficiait d'aucune garantie sur le paiement effectif du prix de vente, mais était lui-même le seul garant réel du remboursement du prêt consenti à l'acquéreur pour payer le prix de vente. Cette obligation d'information doit s'exercer indépendamment de la compétence prêtée aux qualités de juriste du vendeur, alors qu'il ne se déduit pas des modalités intrinsèques du contrat que le vendeur était un commerçant aguerri et notoirement au fait des conséquences juridiques de ses actes


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Fort-de-France, 15 octobre 2002


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.fort-de-france;arret;2008-09-26;07.00288 ?
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