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25/09/2008 | FRANCE | N°07/00202

France | France, Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre sociale, 25 septembre 2008, 07/00202


ARRET No
R. G : 07 / 00202
Du 25 / 09 / 2008
Tribunal Paritaire des Baux Ruraux du Lamentin 25 octobre 2007 RG no 54-07-000001

SARL CHOISY
C /
Z...

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2008

APPELANTE :
SARL CHOISY... 97212 SAINT JOSEPH
représenté par Me Jean-Emmanuel ROBERT, avocat au barreau de REIMS

INTIME :
Monsieur Gaston Z...... 97212 SAINT JOSEPH
représenté par Me Romain PREVOT, avocat au barreau de FORT DE FRANCE

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibérÃ

©
Monsieur Yves ROLLAND, Président de Chambre, Monsieur Pascal FAU, Président de la chambre de l'instruction Monsieur...

ARRET No
R. G : 07 / 00202
Du 25 / 09 / 2008
Tribunal Paritaire des Baux Ruraux du Lamentin 25 octobre 2007 RG no 54-07-000001

SARL CHOISY
C /
Z...

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2008

APPELANTE :
SARL CHOISY... 97212 SAINT JOSEPH
représenté par Me Jean-Emmanuel ROBERT, avocat au barreau de REIMS

INTIME :
Monsieur Gaston Z...... 97212 SAINT JOSEPH
représenté par Me Romain PREVOT, avocat au barreau de FORT DE FRANCE

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré
Monsieur Yves ROLLAND, Président de Chambre, Monsieur Pascal FAU, Président de la chambre de l'instruction Monsieur Claude TESTUT, Conseiller

GREFFIER
Monsieur Philippe BLAISE

DÉBATS : A l'audience publique du 19 juin 2008
A l'issue des débats, le président a avisé les parties que la décision sera prononcée le 25 septembre 2008 par sa mise à disposition au greffe de la Cour conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE et en dernier ressort

EXPOSE DU LITIGE.
Aux termes d'un acte notarié en date du 12 juillet 1999, Gaston Z... donnait à bail à la SARL CHOISY représentée par son gérant Axel X... une « propriété agricole » d'une superficie totale de 71 ha 14 a 62 ca, comprenant les parcelles cadastrées, sur le territoire de la commune de Saint-Joseph (97 212) :
S 236, lieu dit «... » d'une superficie de 12 ha 87 a 25 ca
S 723, lieu-dit «... » d'une superficie de 09 ha 38 a 21 ca
S 722, lieu dit «... » d'une superficie de 03 ha 32 a 10 ca
S 136, lieu dit « ... » d'une superficie de 00 ha 03 a 75 ca
S 428, lieu dit « Prospérité » d'une superficie de 05 ha 68 a 00 ca
S1109, lieu dit «... » d'une superficie de 18 ha 54 a 26 ca " à l'exception d'une portion d'environ 6000 m ² "
S 1044, lieu dit «... » d'une superficie de 21 ha 91 a 27 ca " à prendre sur une parcelle plus grande de 36 ha 74 a 96 ca après division de la parcelle no1028 "
un hangar, sur la parcelle 1109.
Le bail stipulait expressément que :
il était la continuation d'un précédent bail notarié du 20 août 1991, portant sur une propriété de 55 ha 23 a 35 ca, auquel les parties convenaient amiablement de mettre un terme ;
il était conclu pour une durée de 10 ans « qui ont commencé à courir le 1er mai 1999 pour se terminer le 30 avril 2009 » ;
il était conclu sous la condition résolutoire " du respect par le locataire des obligations ci-après mises à sa charge : que le preneur rétablisse dans un délai de 6 mois les haies vives qui existaient et les clôtures qui limitaient la propriété lorsqu'a été signé le bail du 20 août 1991 ; le rétablissement des haies et clôtures devant s'accompagner de l'expulsion des tiers occupant abusivement certaines parties des terres louées, ces occupations étant dues au non-respect par le dit preneur de l'obligation qui lui incombait aux termes du bail susvisé de veiller à la conservation des bornes et des marques, indiquant les limites de la propriété affermée " ;
le montant du fermage annuel correspondait à « la valeur en espèce de 3, 30 t de bananes par hectare, soit pour 71 ha 14 a 62 ca, un total annuel de 234, 78 t de bananes » que le preneur s'obligeait à payer en 12 termes mensuels égaux.
Par actes d'huissier des 27 juillet et 18 novembre 2006, le bailleur faisait commandement au preneur de payer respectivement la somme de 17 042, 47 euros correspondant aux loyers d'avril à juillet 2006 outre les frais pour le premier, celle de 20 393, 53 euros pour le second.
Par requête en date du 16 février 2007, la SARL CHOISY saisissait alors le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux du Lamentin qui, par jugement rendu le 25 octobre 2007, statuait de la façon suivante :
" Vu les articles 112 et 114 du nouveau code de procédure civile ;
- Rejette les arguments d'irrecevabilité soulevés par M. Gaston Z... ;
Vu les articles L. 411-13 et L. 411-18 du code rural ;
- Déclare les actions en révision du prix du fermage pour prix illicite ou défaut de contenance irrecevables ;
Vu l'article L. 461-5 du code rural ;
- Fait droit à la demande de résiliation du bail et ordonne l'expulsion de la SARL CHOISY avec au besoin l'aide de la force publique dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision ;
- Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;
Sur les sommes dues au titre des loyers ;
- Dit que les loyers seront calculés en fonction du prix prévu dans le bail notarié jusqu'à la date de résiliation du bail fixé au jugement ;
- Dit qu'il appartiendra aux parties de faire les comptes en fonction des règlements intervenus et de produire un décompte précis et les pièces justificatives ;
- Renvoie l'affaire sur ce point à l'audience du vendredi 11 janvier à 9 h 30 ;
- Réserve les demandes au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. "

Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel le 16 novembre 2007, la SARL CHOISY interjetait appel de la décision qui lui avait été notifiée le 30 octobre 2007.
*****
Dans le dernier état de ses « Conclusions en réponse et récapitulatives » déposées le 19 juin 2008, la SARL CHOISY conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté l'exception d'irrecevabilité tirée des modalités de saisine du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux, à son infirmation pour le surplus et demande à la cour de :

juger que le bailleur ne peut demander un fermage sur les superficies, soit 1 ha 42 a 57 ca, dont elle n'a pas la jouissance en raison du non-respect par Gaston Z... de son obligation de lui en assurer la jouissance paisible ;
juger que le bailleur ne peut demander un fermage calculée sur la base de 3, 30 t de bananes par hectare sur les superficies boisées, soit 15 ha 14 a 97 ca et qu'il ne peut donc solliciter de fermage que sur la base d'une superficie totale de 55 ha 64 a 92 ca, sous réserve de la cessation des empiétements en cours ;
ordonner en cas de besoin une expertise afin de déterminer la superficie pouvant être véritablement exploité aux termes du bail " en raison soit des empiétements, soit des surfaces boisées " ;
condamner Gaston Z... à lui rembourser
• la somme de 75 800, 07 euros " au titre des fermages illicites perçus pendant les années 2002 à 2008 " ; • celle de 7 086, 83 euros " au titre des fermages indûment perçus sur les terres dont elle n'a pas eu la jouissance de 2002 à 2008 " ; • celle de 30 499, 53 euros " au titre des fermages illicites et indus " perçus de janvier 2006 à juillet 2007 ;
dire la demande reconventionnelle en résiliation du bail irrecevable et infondée, le bailleur ne pouvant se prévaloir de deux défauts de paiement ayant persisté dans un délai de trois mois ;
à titre infiniment subsidiaire, retenir l'existence de " raisons sérieuses et légitimes " de nature à écarter la demande en résiliation du bail ;
condamner Gaston Z... à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir en substance à l'appui de ses demandes que :
à la suite de la grave crise qu'a connu le secteur de la banane en raison de la réorganisation des règles de son commerce mondial, elle faisait part de ses difficultés à son bailleur et lui demandait en particulier de renégocier le montant du fermage pour tenir compte des problèmes de privation de jouissance liés aux " empiétements " et à l'importance des surfaces boisées ;
cette démarche s'étant soldée par un échec, elle saisissait le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux avant l'expiration du délai de trois mois suivant la seconde mise en demeure ;
le bailleur viole les dispositions de l'article 1719 du Code civil lui faisant obligation d'assurer au locataire une jouissance paisible des lieux loués en ne s'opposant pas avec efficacité aux nombreux empiétements commis par des tiers, qui diminuent d'autant la surface cultivable ;

pour autant, elle n'a jamais argué d'une erreur sur la contenance du fonds loué et il est incompréhensible que les premiers juges aient déclaré sa demande irrecevable alors que l'action fondée sur un trouble de jouissance peut être exercé à tout moment en cours de bail ;
le bailleur n'hésite pas à inclure les surfaces boisées de l'exploitation dans la superficie servant d'assiette au calcul du fermage, de telle sorte que 22 % de cette assiette correspond à des parcelles boisées que le bail lui interdit de défricher et qu'elle ne peut donc planter ;
le bailleur tente ainsi de contourner les règles d'ordre public sur la fixation du fermage en incluant massivement dans la base du calcul de celui-ci des surfaces qui ne sont manifestement pas agricoles et en prenant comme référence une denrée que ces parcelles ne peuvent pas produire ;
l'action en régularisation de fermages illicites est distincte de l'action en révision des fermages anormaux prévue par l'article L. 411-13 du code rural et n'est pas soumise aux délais prévus par ce texte, de telle sorte que la décision des premiers juges sur ce point est également incompréhensible ;
il appartient donc à la cour de fixer le montant du fermage correspondant à 55 ha 64 a 92 ca, soit la superficie pouvant réellement servir à la culture de la banane, sous réserve de la cessation des empiétements divers en cours, et le bailleur doit être condamné à lui rembourser les fermages indûment perçus ;
compte tenu des comptes à faire entre les parties, le bailleur ne peut se prévaloir de défauts de paiement ayant persisté plus de trois mois ;
le paiement des aides compensatoires mises en place pour faire face aux problèmes rencontrés par les producteurs de bananes ultra marins avec un décalage d'une année constitue une " raison sérieuse et légitime " justifiant qu'elle n'ait pu honorer l'intégralité des sommes ayant fait l'objet des commandements de payer,
en ce qui concerne la demande en résiliation du bail pour prétendus " abus de jouissance du preneur ", elle soutient que cette demande ne pourrait prospérer que si le bailleur rapportait la preuve qu'elle a commis des manquements qui ont « compromis la bonne exploitation du fonds », ce qui n'est nullement le cas en l'espèce.
*****
Dans le dernier état de ses « conclusions en défense » déposées le 28 mars 2008, Gaston Z... conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement frappé d'appel et demande à la cour de « dire et juger que le contrat de bail passé le 12 juillet 1999 entre la SARL ... et Gaston Z... est résolu compte tenu du non respect des obligations de la SARL CHOISY et notamment en raison des loyers impayés, avec effet au 27 octobre 2006 ».

Il demande au surplus à la cour de :
ordonner l'expulsion de la SARL CHOISY et de toute personne de son chef avec le concours de la force publique si nécessaire, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
condamner la SARL CHOISY à lui payer 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il fait valoir pour l'essentiel au soutien de ses demandes que :
il n'entend plus contester l'irrecevabilité de la saisine du Tribunal Paritaire ;
le contrat signé entre les parties le 12 juillet 1999 fait expressément référence aux litiges qui avaient opposé les parties sur les empiétements et les limites dans le cadre du précédent bail de 1991 et fixe les obligations du preneur à cet égard, que la SARL CHOISY n'a jamais tenté de discuter ;
la demande du preneur fondé sur les empiétements s'avère en premier lieu tardive, en second lieu insusceptible de représenter une différence d'au moins 1 / 10ème de la valeur locative du bien loué et surtout met en relief les manquements graves de la SARL CHOISY dans le respect de ses propres obligations, d'autant qu'elle ne démontre pas avoir dénoncé quelque empiétement que ce soit dans les délais de l'article L. 411-26 du code rural ;
en ce qui concerne la nature des parcelles, la société preneur avait une parfaite connaissance des lieux, loués pour la plus grande part depuis 1991, et n'a jamais contesté ni la contenance ni la qualité des terrains qu'elle indiquait très bien connaître dans son courrier d'état des lieux du 26 juillet 1999 ;
du reste, les documents versés aux débats ne prouvent pas que les surfaces inexploitables seraient le fait du bailleur et rien ne démontre l'origine des " boisements ou friches ", qui sont en réalité le fait du locataire qui n'exploite pas ;
en tout état de cause, le prix du fermage a été calculé à partir des renseignements et de l'évaluation faite par le directeur du Service de l'Agriculture et des forêts de la Martinique et correspond à ce que la SARL CHOISY avait elle-même proposé de payer pour les nouvelles terres, dont elle avait fait un état des lieux précis ;
l'action en révision du prix du bail est forclose puisqu'elle n'est ouverte qu'au cours de la troisième année de jouissance conformément aux dispositions de l'article L. 411-13 du code rural, la diminution du prix fondée sur une contenance moindre que celle portée au bail devant être intenté dans l'année de la signature du bail en application de l'article L. 411-18 du même code ;
deux mises en demeure portant sur des échéances différentes sont restées infructueuses et il est justifié dans le cadre de la procédure de nombreuses dégradations et manquements de la SARL CHOISY, soit autant de motifs justifiant la résiliation du bail.
*****
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties la cour se réfère expressément au jugement déféré et aux conclusions écrites soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION.

" Les conventions librement formées font la loi des parties ; elles s'exécutent de bonne foi ". (article 1134 du Code civil)
Sur les empiétements.
La SARL ... ayant fait le choix de fonder son action sur la responsabilité qu'encourt le bailleur en ne respectant pas l'article 1719 du Code civil, aux termes duquel le bailleur est tenu de lui garantir la jouissance paisible des lieux loués, il lui appartient de rapporter la preuve de la faute contractuelle de ce dernier et du préjudice qui en découle.
L'examen de l'abondante littérature que constituent les correspondances échangées entre les parties d'une part, les nombreuses attestations et procès-verbaux de constats d'huissier qu'elles versent au débat d'autre part, démontre que " l'état des clôtures " a toujours été un point de litige entre les parties, de même que les " empiétements " de tiers et voisins prétendument liés à l'absence de clôture en bon état ou de haies vives entretenues.
C'est ainsi que, à l'occasion d'une expertise qui avait déjà opposé les parties sur ce point dans le cadre du premier bail, l'expert Jean-Paul Y..., dans un rapport clos le 17 novembre 1993, notait
« l'état des clôtures : elles sont pour ainsi dire inexistantes ; celles qui sont encore visibles sont en très mauvais état. Cela a pour conséquence de nombreux vols de régimes, pénétration d'animaux... ».
Ce constat neutre, intervenant moins de 18 mois après l'entrée en jouissance de la SARL CHOISY, démontre que cette situation était imputable à l'exploitant antérieur et non à cette dernière.
Les correspondances échangées entre les parties les 8 août 1996 et 28 août 1998 confirment que, cinq ans après l'expertise et avant même la signature du nouveau bail, les problèmes d'« entretien des clôtures et des traces » restaient un point de friction entre les parties.

La situation n'a pu que s'aggraver en l'absence d'un " état des lieux " contradictoirement établi par les parties dès le début du nouveau bail, lequel aurait seul permis une comparaison utile entre la situation actuelle, justifiée par les multiples procès-verbaux de constats produits par les parties, et l'état des lieux lors de l'entrée en jouissance de la SARL CHOISY.
Pour autant, il est constant que le bail du 12 juillet 1999 insiste sur les obligations du preneur à cet égard.
D'autre part, les « empiétements » dénoncés par la SARL CHOISY dans l'acte intitulé « signification de déclaration avec offre » signifié au bailleur le 18 août 2006 en réponse à son commandement de payer du 27 juillet 2006, étaient pour la plupart fort anciens et en toute hypothèse antérieurs à son entrée dans les lieux.
Il en va de même des « empiétements » attestés par les nombreux voisins et ex-salariés du bailleur, qui sont tous antérieurs à la signature du nouveau bail, alors même que la SARL déclarait connaître les lieux pour les avoir exploités.
Dès lors la SARL CHOISY ne peut prétendre que ces empiétements, qui diminue d'autant la surface louée, caractérise un manquement du bailleur à ses obligations contractuelles en cours de bail, alors qu'il s'agit d'une question portant sur la " contenance " des biens donnés à bail, pour laquelle elle est forclose à agir.
Au surplus, à supposer établie la faute alléguée, encore faudrait-il que la société locataire démontre la perte de revenus que chacun des « empiétements » litigieux lui occasionne, sans pouvoir arguer d'un préjudice calculé sur une base forfaitaire.
Il y a lieu en conséquence de rejeter la demande en remboursement de fermages prétendument indus du seul fait qu'ils ont été calculés en incluant les " empiétements " des tiers.

Sur les " fermages illicites ".

Il résulte des dispositions particulières de l'article L. 461-4 du code rural que
« Le prix du fermage est évalué en une quantité de denrées. La où les denrées devant servir de base au calcul du prix des baux dans les départements (...) ainsi que les quantités de ces denrées représentant, par nature de culture et par catégorie de terre, la valeur locative normale des biens sont déterminées par décision administrative. Le prix du fermage évalué sur ces bases est payables en nature ou en espèces (...) ».

L'arrêté du 25 juin 1985 précise que la " banane " fait partie des denrées susceptibles de servir de base au calcul du prix des baux à ferme.
Les parcelles données à bail pour une contenance totale de 71 ha 14 a 62 ca sont en tout et pour tout au nombre de 7 et aucune division parcellaire ne permet de dissocier les parties exploitables de celles qui ne le sont pas.
Dès lors que les parties s'accordent sur la contenance et l'identification des parcelles données à bail, le seul fait que certaines de ces parcelles ne puissent, en totalité, faire l'objet d'une exploitation agricole bananière pour être constituées en partie de « bois, ravines ou friches non récupérables » ne confère pas un caractère illicite au fermage calculé par référence à une denrée (la banane) effectivement cultivée sur la partie exploitable de ces parcelles.
L'argument selon lequel le fait d'inclure dans la base de calcul d'un fermage exprimé en " tonnes de bananes " des surface qui ne peuvent pas produire de bananes constituerait une fraude à la réglementation sur le montant du fermage liée au caractère inadéquat de la denrée de référence est en conséquence un sophisme.
D'autant que, par hypothèse, aucune denrée ne serait en mesure de servir de référence au calcul du fermage exigible en contrepartie de la location de parcelles inexploitables.
S'il reste qu'une partie significative des lieux loués est inexploitable, la contestation portant sur le montant du fermage découlant de cette situation ne pourrait avoir comme traduction judiciaire qu'une action en contestation de la contenance des lieux loués ou une action en réduction du prix du fermage.
La SARL CHOISY excluant expressément ces deux fondements à son action, pour lesquels elle serait en toute hypothèse forclose, il y a lieu de rejeter sa demande en remboursement de fermages " illicites " fondée sur une prétendue fraude du bailleur.

Sur la résiliation du bail.

Il résulte des dispositions de l'article L. 461-5 applicable dans les départements d'outre-mer que le bailleur ne peut faire résilier le bail que dans les cas suivants :
" a) S'il apporte la preuve :
1. soit de 2 défauts de paiement ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, faire mention de ces dispositions ;

2. soit d'abus de jouissance du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds (...) ".
Il n'est pas discuté que le preneur peut invoquer en défense " des raisons sérieuses et légitimes " au sens de l'article L. 411-53 du code rural, dont le régime propre à l'outre-mer n'exclut pas l'application.
Il n'est pas sérieusement discuté que les causes du " commandement de payer " du 27 juillet 2006 sont restées, au moins pour partie, plus de trois mois impayées, sans que le locataire ne saisisse le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux d'une demande de délais de paiement.
Pour autant, il est acquis aux débats qu'à la date à laquelle cette affaire a été appelée pour être débattue devant les premiers juges, la SARL CHOISY avait apuré l'arriéré et réglait le loyer courant, de telle sorte qu'elle était à jour de ses obligations en la matière.
Il est constant que, pour répondre aux règles de l'OMC, l'Union Européenne supprimait le 1er janvier 2006 ses quotas d'importation de bananes et que la suppression de ces barrières protectionnistes soumettait la production bananière des Antilles françaises à la concurrence de productions à moindre coût.
Il n'est pas discuté qu'il en est résulté une crise, notamment financière, pour les producteurs de bananes, amenant les pouvoirs publics à mettre en place des système d'aides compensatoires, lesquelles n'ont été réglées qu'avec un décalage de 1 an.
Ces événements constituent autant de " raisons sérieuses et légitimes " justifiant le rejet de la demande de résiliation d'un bail dont le fermage est actuellement payé dans les conditions contractuelles.
En ce qui concerne les manquements du preneur afférents aux « empiétements et défauts d'entretien des clôtures », les développements qui précédent sur ce sujet excluent que ce grief puisse servir de fondement à la résiliation du bail à la demande du bailleur, motif pris d'« une gestion plus que négligente et en tout cas préjudiciable à ses intérêts (nombreux empiétements, arrachages sauvages de clôture, faits commis en période de location et laissés sans suite) ».
D'autant que les constatations du bailleur sur ce point ne tiennent aucun compte du passage de l'ouragan " Dean " sur la Martinique en août 2007, ni des nombreuses améliorations apportées par la société locataire entre avril et juin 2008.
En toute hypothèse, le bailleur ne prouve et n'offre de prouver que ces manquements seraient de nature à « compromettre la bonne exploitation du fonds ».

PAR CES MOTIFS.

LA COUR ;
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 octobre 2007 par le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux du Lamentin ;
Statuant à nouveau sur le tout ;
Rejette les demandes en remboursement de fermages " illicites " ou " indûment payés " ;
Rejette les demandes en résiliation du bail à ferme signé entre les parties le 12 juillet 1999 ;
Rejette les demandes principales et incidentes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Dit que chacune des parties gardera à sa charge ceux des dépens qu'elle a exposés.
Et ont signé le présent arrêt Monsieur Yves ROLLAND, Président, et Monsieur Philippe BLAISE, Greffier

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Fort-de-France
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07/00202
Date de la décision : 25/09/2008
Type d'affaire : Sociale

Analyses

BAIL RURAL - Bail à ferme - Prix - Fixation - Arrêté préfectoral - Denrées de base

Il résulte des dispositions particulières de l'article L. 461-4 du code rural et de l'arrêté du 25 juin 1985 que la banane fait partie des denrées susceptibles de servir de base au calcul du prix des baux à ferme.Dès lors que les parties s'accordent sur la contenance et l'identification des parcelles données à bail, le seul fait que certaines de ces parcelles ne puissent, en totalité, faire l'objet d'une exploitation agricole bananière pour être constituées en partie de « bois, ravines ou friches non récupérables » ne confère pas un caractère illicite au fermage calculé par référence à une denrée effectivement cultivée sur la partie exploitable de ces parcelles. L'argument selon lequel le fait d'inclure dans la base de calcul d'un fermage exprimé en tonnes de bananes des surfaces qui ne peuvent pas produire de bananes constituerait une fraude à la réglementation sur le montant du fermage liée au caractère inadéquat de la denrée de référence est en conséquence un sophisme. D'autant que, par hypothèse, aucune denrée ne serait en mesure de servir de référence au calcul du fermage exigible en contrepartie de la location de parcelles inexploitables


Références :

Article L 461-4 du code rural

Arrêté du 25 juin 1985

Décision attaquée : Tribunal paritaire des baux ruraux du Lamentin, 25 octobre 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.fort-de-france;arret;2008-09-25;07.00202 ?
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