COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 24/01789 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VYCM
N° de Minute : 1757
Ordonnance du mercredi 04 septembre 2024
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [U] [M]
né le 18 Septembre 1994 à [Localité 2] (MAROC) ([Localité 2])
de nationalité Marocaine
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 3]
dûment avisé, comparant en personne par visioconférence
assisté de Me Anne sophie AUDEGOND-PRUD'HOMME, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office et de Mme [O] [P] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour,
INTIMÉ
MME LE PREFET DE L'OISE
dûment avisé, absent non représenté
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE(E) : Danielle THEBAUD, conseillère à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Yannick LANCE, greffier
DÉBATS : à l'audience publique du mercredi 04 septembre 2024 à 13 h 15
Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : rendue à Douai par mise à disposition au greffe le mercredi 04 septembre 2024 à...
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles R 743-18 et R 743-19 ;
Vu l'aricle L 743-8 et L 922-3 al 1 à 4 du CESEDA ;
Vu l'ordonnance du magistrat du siège de BOULOGNE SUR MER en date du 02 septembre 2024 notifiée à 12H00 à M. [U] [M] prolongeant sa rétention administrative ;
Vu l'appel interjeté par M. [U] [M] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 03 septembre 2024 à 16h43 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;
Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
EXPOSE DU LITIGE
M [U] [M], né le 18 septembre 1994 à [Localité 2] (Maroc), ressortissant marocain, a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par Mme la préfète de l'Oise le 30 août 2024 notifié à 10h30 pour l'exécution d'un éloignement vers pays de nationalité au titre d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français délivrée le 14 avril 2023 notifiée la même jour par la même autorité.
Un recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
' Vu l'article 455 du code de procédure civile,
' Vu l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 2 septembre 2024 à 11h51 notifié à 12h00, rejetant le recours en annulation et ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de M [U] [M] pour une durée de 26 jours,
' Vu la déclaration d'appel de M [U] [M] du 2 septembre 2024 à 16h43 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative.
A l'audience devant le premier juge le conseil de M [U] [M] a indiqué soutenir uniquement les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et du caractère déloyale de la convocation en police.
Au titre des moyens soutenus en appel l'étranger soulève :
Défaut de base légale liée à l'expiration de la mesure d'éloignement avant le placement en rétention administrative,
erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il a une adresse stable [Adresse 1] à [Localité 5],
irrégularité de la procédure du fait du caractère déloyal de la convocation en police, en ce qu'il a été convoqué par téléphone pour se rendre au commissariat suite à une agression dont il aurait été victime, et non pour vol, et que l'on ne l'a pas averti de la possibilité d'être placé en rétention administrative,
insuffisance des diligences.
MOTIFS DE LA DÉCISION
De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.
Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.
L'appel de l'étranger ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.
Les articles 933 du code de procédure civile et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne permettent, sauf indivisibilité ou demande d'annulation du jugement, que de discuter en cause d'appel des seuls moyens mentionnés dans l'acte d'appel et soutenus oralement à l'audience.
La décision du premier juge déférée ayant joint la requête en annulation de l'arrêté de placement et la demande du préfet en prolongation de la rétention, l'ensemble des moyens soutenus pourront être appréciés par la cour d'appel.
Sur le moyen tiré du défaut de base légale liée à l'expiration de la mesure d'éloignement avant le placement en rétention administrative,
Ce moyen, soulevés en cause d'appel est irrecevable, au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il a pour objet la critique d'un élément de légalité externe ou de légalité interne de l'arrêté de placement en rétention administrative et que l'étranger appelant l'a expressément abandonné, lors de l'audience du juge des libertés et de la détention.
Sur le caractère déloyale de la convocation de police
Lorsque l'étranger en situation irrégulière a été convoqué pour un motif sans rapport avec sa situation administrative au regard de son titre de séjour, son placement en retenue, puis en rétention dans le cadre de cette convocation doit être considérée comme irrégulier au regard de l'article 5 de la CEDH (Cours de cassation 11 mars 2009).
En l'espèce, il apparaît que la procédure versée par l'administration est incomplète, en ce qu'elle ne contient pas le procès-verbal de saisine et notamment le procès-verbal indiquant le mode de convocation et l'objet de la convocation de l'intéressé au commissariat de police, de sorte qu'il n'est pas possible de vérifier les conditions dans lesquelles M [U] [M] s'est rendu au commissariat pour y être auditionné, et celles de son interpellation précédant son placement en garde à vue, et le caractère régulier du placement en garde à vue pour des faits autres que le vol en réunion, à savoir le non respect d'une obligation de quitter le territoire français le 16 juillet 2024.
En conséquence, le placement en garde à vue de M [U] [M] doit être considéré comme irrégulier et annulé de sorte que l'ensemble des actes subséquents, en ce compris l'arrêté de rétention administratif seront annulés.
L'ordonnance sera donc infirmée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE l'appel recevable ;
INFIRME l'ordonnance entreprise.
Statuant à nouveau,
CONSTATE que les conditions du placement en garde à vue de M [U] [M] sont irrégulières,
ANNULE le placement en garde à vue de M [U] [M] ainsi que les actes subséquents à ce placement en garde à vue et notamment l'arrêté de placement en rétention du 30 août 2024,
ORDONNE la levée de la rétention administrative de M [U] [M].
Yannick LANCE,
greffier
Danielle THEBAUD, conseillère
A l'attention du centre de rétention, le mercredi 04 septembre 2024
Bien vouloir procéder à la notification de l'ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l'interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué : Mme [O] [P]
Le greffier
N° RG 24/01789 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VYCM
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 04 Septembre 2024 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 4]) :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le
- M. [U] [M]
- par truchement téléphonique d'un interprète en tant que de besoin
- nom de l'interprète (à renseigner) :
- décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. [U] [M] le mercredi 04 septembre 2024
- décision transmise par courriel pour notification à MME LE PREFET DE L'OISE et à Maître Anne sophie AUDEGOND-PRUD'HOMME le mercredi 04 septembre 2024
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général
- copie au de BOULOGNE SUR MER
Le greffier, le mercredi 04 septembre 2024
N° RG 24/01789 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VYCM