COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 24/01580 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VW2F
N° de Minute : 1547
Ordonnance du mardi 06 août 2024
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [T] [C]
né le 07 Octobre 1994 à [Localité 1] (MAROC)
de nationalité Marocaine
Actuellement au centre de retention de [Localité 2]
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me Habib CHEMLALI, avocat au barreau d'ESSONNE,substitué par Maître Juliette DARLOY, avocate au barreau de Douai
INTIMÉ
MME LA PREFETE DE L'OISE
dûment avisée, absenet non représentée
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE (E) : Catherine MENEGAIRE, conseillère à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière
DÉBATS : à l'audience publique du mardi 06 août 2024 à 13 h 00
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le mardi 06 août 2024 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles R 743-18 et R 743-19 ;
Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Lille ;
Vu les appesls interjetés par Maître Maître Marielle NAUDIN et Maître CHEMLALI venant au soutien des intérêts de M. [T] [C] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 05 août 2024 à sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant arrêté du préfet de l'Oise en date du 19 janvier 2023, notifié le 3 février 2023, M. [T] [C], de nationalité marocaine, a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire. Suivant arrêté en date du 1er août 2024, notifié à 17 h 40, il a été placé en rétention administrative.
Par requête reçue au greffe le 2 août 2024, à 12 h 02, le préfet a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille d'une demande de prolongation de la rétention administrative pour une durée de vingt-six jours en application des articles L. 742-1 et R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).
Suivant décision du 3 août 2024, notifié à M. [T] [C] à 15 h 06, le juge des libertés et de la détention a fait droit à cette requête.
Par deux déclaration reçues au greffe de la cour le 5 août 2024 à 2 h 57 et à 15 h 17 M. [T] [C] a relevé appel de cette ordonnance. Aux termes de ses actes d'appel, il demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise et d'ordonner sa remise en liberté.
Au soutien de son premier appel, il expose que la procédure de garde à vue est irrégulière au motif que les procès-verbaux de garde à vue ne sont pas signés par le gendarme qui les a rédigés.
Au soutien de son deuxième appel, il invoque l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle par l'Administration, et la violation des dispositions des articles L. 741-5 du CESEDA et 8 de la CEDH, exposant qu'il est père d'un enfant français, [H], né le 27 septembre 2022, et qu'il contribue à son entretien et son éducation.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'appel
Vu les articles R. 743-10 et R. 743-11, les appels, introduits dans les formes et délais légaux, sont recevables.
Il y a lieu d'ordonner la jonction des procédures.
Sur la prolongation de la rétention
En vertu des articles L. 741-1 et L. 731-1 du CESEDA, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise moins de trois ans auparavant, lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement, apprécié selon les mêmes de l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente, et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir.
En applications des articles L. 742-1 et L. 742-3 du même code le maintien en rétention au-delà de quatre jours à compter de la notification de la décision de placement initial peut être autorisé par le juge des libertés et de la détention et la prolongation court pour une période de vingt-six jours à compter de l'expiration du délai de quatre jours mentionné à l'article L. 741-1.
Selon l'article L. 741-3 du CESEDA, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ ; l'administration exerce toute diligence à cet effet.
Sur l'irrégularité de la garde à vue
Il ressort des dispositions de l'article 74 du code de procédure civile que toute exception nouvelle de nullité, soulevée pour la première fois en cause d'appel et, par voie de conséquence non débattue devant le premier juge, est irrecevable.
Relèvent notamment des exceptions de procédure devant avoir été débattues devant le premier juge pour être recevables en appel les exceptions relatives à l'irrégularité de la garde à vue ainsi que la violation des droits en garde à vue ou au détournement de cette mesure.
En l'espèce, M. [T] [C] invoque pour la première fois en cause d'appel l'irrégularité de sa garde à vue. Cette exception de procédure n'ayant pas été soulevée ni débattue pour la première fois devant le premier juge est irrecevable.
Sur l'erreur d'appréciation et la violation des dispositions du CESEDA et de la CEDH
A titre liminaire, M. [T] [C] invoque la violation de l'article L.741-5 de CESEDA. Toutefois, il sera relevé qu'il vise les dispositions de l'article L.741-5 du CESEDA dans sa rédaction antérieure à la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024, les dispositions applicables à compter du 28 janvier 2024 prévoyant désormais que 'L'étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l'objet d'une décision de placement en rétention.'
Il résulte des pièces produites aux débats que M. [T] [C] s'est marié avec Mme [Y] [W] le 9 mars 2019, et qu'ils ont eu un enfant, [H], né en France le 27 septembre 2022. Il ressort des déclarations de M. [T] [C] faites en garde à vue que les époux sont séparés depuis décembre 2022. En outre, M. [T] [C] a été interpellé et placé en garde à vue pour des faits des violences à l'encontre de Mme [Y] [W].
S'il est produit quelques justificatifs de virements à la mère de l'enfant en 2023 (que celle-ci a refusés), il est relevé que M. [T] [C] ne participe pas de façon régulière à l'éducation et à entretien de son fils depuis sa naissance jusqu'à ce jour, étant observé qu'il ne travaille pas et ne justifie d'aucun revenu. Il a par ailleurs reconnu en garde à vue n'avoir pas de relation avec l'enfant, et ne démontre pas avoir répondu aux demandes de la préfecture concernant le paiement d'une contribution à l'éducation de celui-ci. Dès lors, il ne démontre pas l'erreur manifeste d'appréciation de l'Administration, ni la violation des dispositions de l'article L 741-5 du CESEDA dans sa version issue de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024. En outre, M. [T] [C] produit une attestation d'hébergement, mais celle-ci n'est pas probante, n'étant accompagnée d'aucune justificatif de domiciliation, et lors de sa garde a vue, il a indiqué résider tantôt chez un cousin, tantôt chez un oncle depuis sa séparation d'avec son épouse. Il ressort de ses éléments que M. [T] [C] ne justifie pas de garanties de représentation suffisantes propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement, étant observé qu'il s'est déjà soustrait à la mesure d'éloignement de la Préfecture de l'Oise dont il a fait l'objet le 19 janvier 2023.
La décision de rétention prise n'étant pas disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée, et les conditions de la prolongation de la rétention étant par ailleurs réunies, la décision du premier juge sera confirmée.
PAR CES MOTIFS
Ordonne la jonction des affaires 24/1580 et 24/1590 sous le numéro RG 24/1580 .
Déclare les appels recevables ;
Confirme l'ordonnance entreprise.
Dit que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
Dit que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l'appelant, à son conseil et à l'autorité administrative ;
LAISSE les dépens à la charge de l'Etat.
Véronique THÉRY,
greffière
Catherine MENEGAIRE, conseillère
N° RG 24/01580 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VW2F
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 1547 DU 06 Août 2024 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le mardi 06 août 2024 :
- M. [T] [C]
- l'interprète
- l'avocat de M. [T] [C]
- l'avocat de MME LA PREFETE DE L'OISE
- décision notifiée à M. [T] [C] le mardi 06 août 2024
- décision transmise par courriel pour notification à MME LA PREFETE DE L'OISE et à Maître Habib CHEMLALI le mardi 06 août 2024
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général :
- copie à l'escorte, au Juge des libertés et de la détention de LILLE
Le greffier, le mardi 06 août 2024
N° RG 24/01580 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VW2F