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19/07/2024 | FRANCE | N°24/01470

France | France, Cour d'appel de Douai, Etrangers, 19 juillet 2024, 24/01470


COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles





N° RG 24/01470 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VVVL

N° de Minute :







Ordonnance du vendredi 19 juillet 2024





République Française

Au nom du Peuple Français





APPELANT



M. [B] [C]

né le 03 Décembre 1996 à [Localité 3] (EGYPTE), de nationalité Egyptienne

Actuellement retneu au centre de rétentin de [Localité 2]

dûment avisé, comparant en personne par visioconférence


>assisté de Me Orlane REGODIAT, avocat au barreau de DOUAI, avocat commis d'office et de Mme [Z] [I] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour,





INTIMÉ



MM...

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles

N° RG 24/01470 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VVVL

N° de Minute :

Ordonnance du vendredi 19 juillet 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

APPELANT

M. [B] [C]

né le 03 Décembre 1996 à [Localité 3] (EGYPTE), de nationalité Egyptienne

Actuellement retneu au centre de rétentin de [Localité 2]

dûment avisé, comparant en personne par visioconférence

assisté de Me Orlane REGODIAT, avocat au barreau de DOUAI, avocat commis d'office et de Mme [Z] [I] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour,

INTIMÉ

MME LA PREFETE DE L'OISE

dûment avisé, absent non représenté

PARTIE JOINTE

M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant

MAGISTRATE DELEGUEE : Céline MILLER, conseillère à la cour d'appel de Douai désignée par ordonnance pour remplacer le premier président empêché

assistée de Karine CAJETAN, Greffière

DÉBATS : à l'audience publique du vendredi 19 juillet 2024 à 13 h 30

Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe

ORDONNANCE : rendue à Douai par mise à disposition au greffe le vendredi 19 juillet 2024 à

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles R 743-18 et R 743-19 ;

Vu l'aricle L 743-8 et L 922-3 al 1 à 4 du CESEDA ;

Vu l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER en date du 18 juillet 2024 à 11h39 et notifiée à 11h50 à M. [B] [C] prolongeant sa rétention administrative ;

Vu l'appel interjeté par M. [B] [C] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 18 juillet 2024 à 17h24 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;

Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;

Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [B] [C], né le 3 décembre 1996 à [Localité 3] (Egypte), de nationalité égyptienne, a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par M. Le Préfet de l'Oise le 15 juillet 2024 notifié le même jour à 15h30 pour l'exécution d'un éloignement vers le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays où il est légalement admissible au titre d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français sans délai assorti d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, délivrée et notifiée le même jour et à la même heure par la même autorité administrative.

Un recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

' Vu l'article 455 du code de procédure civile,

' Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer en date du 18 juillet 2024 notifié à 11h50,ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de M. [B] [C] pour une durée de 26 jours et rejetant la requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative),

' Vu la déclaration d'appel du 18 juillet 2024 à 17h24 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative.

Au titre des moyens soutenus en appel l'étranger soulève :

l'insuffisance de motivation de l'ordonnance contestée,

l'insuffisance de motivation de la décision de placement en rétention

la violation de l'article 8 de la CEDH

l'incompatibilité de son état de santé avec la rétention

l'absence d'examen réel de la possibilitéde l'assigner à résidence

la violation de ses droits fondamentaux tirée de la violation de l'article L141-2 du Ceseda d'une part, et de la notification simultanée de l'OQTF et de l'arrêté de placement en rétention d'autre part.

M. Le représentant de la Préfecture ne s'est pas présenté à l'audience et n'a pas formulé d'observations.

MOTIFS DE LA DÉCISION

De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.

Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.

Sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'ordonnance contestée

Aux termes de l'article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif.

En l'espèce, M. [C], qui soutient qu'il avait introduit un recours en contestation contre l'arrêté de placement et que tous ses moyens n'ont pas été examinés, ne précise pas lesquels de ses moyens n'auraient pas été examinés alors qu'il ressort de l'ordonnance entreprise que le premier juge a statué, d'une part sur le défaut de motivation de l'arrêté de placement en rétention et, d'autre part, sur la compatibilité de son état de santé avec une mesure de rétention administrative, moyens qui avaient été repris oralement à l'audience par son avocat.

A cet égard, il sera rappelé que selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ».

Sont garantis par cette disposition les droits de la défense et le droit à un procès équitable.

Il ressort du principe du droit au procès équitable que tout justiciable doit bénéficier du droit à être entendu en ses explications par un juge impartial, de pouvoir exprimer sa défense en toute liberté avec l'assistance le cas échéant d'un avocat indépendant.

L'avocat, professionnel aguerri du droit, est seul à même d'estimer et de soutenir les moyens qu'il estime les plus efficients à la défense de son client et ce, indépendamment des éléments qui ont pu être exposés par le client lui-même ou un conseil informel, dans la requête ou la déclaration d'appel saisissant le juge.

Il s'en déduit qu'il ne saurait être invoqué une atteinte au procès équitable du seul fait que l'avocat assistant l'étranger en première instance ait décidé d'abandonner un ou plusieurs moyens qu'il a estimé dépourvu de pertinence.

Le moyen sera écarté.

Sur la requête en annulation du placement en rétention

Au titre de son contrôle, le juge judiciaire doit s'assurer que l'arrêté administratif de placement en rétention est adopté par une personne habilitée à cet effet, est fondé sur une base légale (titre d'éloignement valable) et se trouve suffisamment motivé en fait et en droit par rapport aux critères posés par l'article L 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* Sur le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté de placement en rétention

En vertu de l'article L741-6 du Ceseda, la décision de placement en rétention administrative est écrite et motivée.

L'obligation de motivation des actes administratifs, sanctionnée au titre du contrôle de la légalité externe de l'acte, doit être existante, factuelle en rapport avec la situation de l'intéressé et non stéréotypée.

Cependant, cette motivation n'est pas tenue de reprendre l'ensemble des éléments de la personnalité ou de la situation de fait de l'intéressé dès lors qu'elle contient des motifs spécifiques à l'étrangers sur lesquels l'autorité préfectorale a appuyé sa décision.

Ainsi, dès lors que l'arrêté de placement en rétention administrative contient des motivations individualisées justifiant, au regard des articles L 741-1 et L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'option prise par l'autorité préfectorale quant à la rétention et mentionnant l'absence de vulnérabilité au sens de l'article L 741-4 du même code, l'acte administratif doit être reconnu comme comportant une motivation suffisante indépendamment de toute appréciation de fond.

De même, il ne ressort pas de l'article L 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, imposant la prise en compte de l'état de vulnérabilité ou de handicap de l'étranger dans l'appréciation par l'autorité administrative du placement en rétention, que le préfet soit tenu d'une motivation spéciale sur la vulnérabilité de l'étranger, le contrôle de cette obligation relevant de la légalité interne de l'acte de placement.

En l'espèce, l'arrêté de placement en rétention reprend les dispositions de l'article L741-1 du ceseda, aux termes desquels 'l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision. Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.'

Il expose ensuite que l'intéressé ne peut justifié être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il n'est pas demandeur d'asile ; qu'il a été interpellé et placé en garde à vue pour violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire de lié à la victime par un pacte civile de solidarité ; que l'intéressé est défavorablement connu du fichier des antécédents judiciaires pour des faits de vol par ruse, effraction ou escalade ; qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes en ce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, que l'intéressé déclare être domicilié avec sa compagne à [Localité 1] (60), qu'il ne peut toutefois être assigné au domicile de sa compagne, ayant été placé en garde à vue le 14/07/24 pour des faits de violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire de lié à la victime par un pacte civile de solidarité ; que l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exéuction de la décision d'éloignement qui justifieraient qu'il soit assigné à résidence dans l'attente de l'organisation de son départ ; qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Il reprend les problèmes de santé évoqués par l'intéressé pour indiquer ensuite qu'il n'est pas démontré l'incompatibilité de son état de santé avec son placement en rétention, étant précisé qu'il peut demander à consulter un médecin au centre de rétention si cela est nécessaire.

Il rappelle l'obligation de quitter le territoire français de moins de trois ans dont fait l'objet d'lintéressé et conclut que la mesure, eu égard à sa durée et ses effets ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits de l'intéressé au regard de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et qu'elle ne constitue pas un traitement prohibé par les dispositions de l'article 3 de cette convention.

Indépendamment de toute appréciation de fond, cette motivation est suffisante en soi, le préfet n'étant pas tenu de motiver sa décision sur l'ensemble des critères de personnalité de l'étranger dès lors qu'il s'appuie sur des motifs suffisants pour justifier l'inanité du recours à l'assignation à résidence.

Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation sera écarté.

* Sur le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la CEDH

Le contrôle du respect de l'article 8 de la CEDH, accordant à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, par le juge judiciaire ne doit s'entendre qu'au regard de l'arrêté préfectoral de placement en rétention contesté et non au regard du titre d'éloignement ou du choix du pays de retour, critères de la compétence du juge administratif.

Le moyen ne doit pas être apprécié en fonction du titre d'éloignement puisque cette analyse relève exclusivement de la juridiction administrative, mais sur les seules bases du placement en rétention administrative.

Toute privation de liberté est en soi une atteinte à la vie privée et familiale de la personne qui en fait l'objet.

Cependant le seuil d'application de l'article 8 de la CEDH nécessite qu'il soit démontré une atteinte disproportionnée à ce droit, c'est à dire une atteinte trop importante et sans rapport avec l'objectif de la privation de liberté.

Les droits des étrangers en rétention prévus par les articles L 744-4 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, accordent à la personne placée en rétention un large droit de visite et de contact familiaux.

En l'espèce, alors que l'intéressé a été interpellé à son domicile dans le cadre d'un différent familial dont les suites ne sont pas connues, qu'il a déclaré vivre à cette adresse avec sa compagne avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité depuis plus d'un an, et qu'il justifie travailler régulièrement par la production de fiches de paie pour les trois derniers mois, que sa compagne atteste dans la procédure ainsi que l'oncle de celle-ci qui les héberge, témoignant de la réalité de leur relation et du rôle d'aidant de M. [C], le placement en rétention administrative de celui-ci porte une atteinte manifestement disproportionnée à son droit à une vie familiale normale alors qu'il aurait pu être assigné à résidence dans l'attente de son éloignement, une telle mesure devant être privilégiée au placement en rétention.

Dès lors, il convient d'infirmer la décision entreprise, de déclarer irrégulier le placement en rétention de l'intéressé, de dire n'y avoir lieu à son renouvellement, et d'ordonner sa remise en liberté immédiate, sans qu'il soit besoin d'examiner plus avant les autres moyens soulevés.

PAR CES MOTIFS

DÉCLARE l'appel recevable ;

INFIRME l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau,

DECLARE IRREGULIER le placement en rétention de M. [B] [C] ;

DIT N'Y AVOIR LIEU à ordonner son renouvellement ;

ORDONNE la remise en liberté immédiate de M. [B] [C].

DISONS que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;

DISONS que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [B] [C] par l'intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d'un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l'autorité administrative ;

LAISSONS les dépens à la charge de l'État.

Karine CAJETAN, Greffière

Céline MILLER, conseillère

A l'attention du centre de rétention, le vendredi 19 juillet 2024

Bien vouloir procéder à la notification de l'ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l'interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué : Mme [Z] [I]

Le greffier

N° RG 24/01470 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VVVL

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 19 Juillet 2024 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 4]) :

Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Pour information :

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Reçu copie et pris connaissance le

- M. [B] [C]

- par truchement téléphonique d'un interprète en tant que de besoin

- nom de l'interprète (à renseigner) :

- décision transmise par courriel au centre de rétention de [Localité 2] pour notification à M. [B] [C] le vendredi 19 juillet 2024

- décision transmise par courriel pour notification à MME LA PREFETE DE L'OISE et à Maître Orlane REGODIAT le vendredi 19 juillet 2024

- décision communiquée au tribunal administratif de Lille

- décision communiquée à M. le procureur général

- copie au Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER

Le greffier, le vendredi 19 juillet 2024

N° RG 24/01470 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VVVL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Etrangers
Numéro d'arrêt : 24/01470
Date de la décision : 19/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-19;24.01470 ?
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