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19/07/2024 | FRANCE | N°24/01460

France | France, Cour d'appel de Douai, Etrangers, 19 juillet 2024, 24/01460


COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles





N° RG 24/01460 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VVTP

N° de Minute : 1429







Ordonnance du vendredi 19 juillet 2024





République Française

Au nom du Peuple Français





APPELANT



M. [P] [U]

né le 11 Août 1995 à [Localité 1], de nationalité Algérienne

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]

dûment avisé, comparant en personne par visioconférence



assist

é de Me Orlane REGODIAT, avocat au barreau de DOUAI, avocat commis d'office et de Mme [M] [H] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour,





INTIMÉ



MME LE PRE...

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles

N° RG 24/01460 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VVTP

N° de Minute : 1429

Ordonnance du vendredi 19 juillet 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

APPELANT

M. [P] [U]

né le 11 Août 1995 à [Localité 1], de nationalité Algérienne

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]

dûment avisé, comparant en personne par visioconférence

assisté de Me Orlane REGODIAT, avocat au barreau de DOUAI, avocat commis d'office et de Mme [M] [H] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour,

INTIMÉ

MME LE PREFET DE L'OISE

dûment avisé, absent non représenté

PARTIE JOINTE

M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant

MAGISTRATE DELEGUEE : Céline MILLER, conseillère à la cour d'appel de Douai désignée par ordonnance pour remplacer le premier président empêché

assistée de Karine CAJETAN, Greffière

DÉBATS : à l'audience publique du vendredi 19 juillet 2024 à 13 h 30

Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe

ORDONNANCE : rendue à Douai par mise à disposition au greffe le vendredi 19 juillet 2024 à

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles R 743-18 et R 743-19 ;

Vu l'aricle L 743-8 et L 922-3 al 1 à 4 du CESEDA ;

Vu l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER en date du 17 juillet 2024 à 14h47 et notifiée à 14h55 à M. [P] [U] prolongeant sa rétention administrative ;

Vu l'appel interjeté par M. [P] [U] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 18 juillet 2024 à 11h42 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;

Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;

Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [P] [U], né le 11 août 1995 à [Localité 1], de nationalité algérienne, a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par M. Le Préfet de l'Oise le 14 juillet 2024 notifié le 15 juillet 2024 à 9h30 pour l'exécution d'un éloignement vers le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays où il est légalement admissible, au titre d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans délivrée le 10 juillet 2024 par la même autorité administrative, qui lui a été notifiée le 12 juillet 2024.

M. le Préfet de l'Oise a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer d'une requête aux fins de prolongation de la rétention de l'intéressé reçue au greffe le 16 juillet 2024 à 16h16.

Un recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

' Vu l'article 455 du code de procédure civile,

' Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer en date du 17 juillet 2024 notifiée à14h55,ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de M. [P] [U], pour une durée de 28 jours et rejetant la requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative,

' Vu la déclaration d'appel du 18 juillet 2024 à 11h41 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative.

Au titre des moyens soutenus en appel, M. [P] [U] soulève :

le défaut d'examen par l'administration de sa situation personnelle lié à la possibilité de l'assigner à résidence

le défaut d'information du procureur de la République de son lieu de placement en rétention

le défaut de diligences de l'administration en vue d'assurer son éloignement dans les meilleurs délais

M. Le représentant de la préfecture de l'Oise ne s'est pas présenté à l'audience et n'a pas formulé d'observations.

MOTIFS DE LA DÉCISION

De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.

Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.

Sur le moyen tiré du défaut d'information du procureur de la République

L'article L741-6 du CESEDA dispose que la décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention ; qu'elle est écrite et motivée ; qu'elle prend effet à compter de sa notification.

L'article L741-8 du même code prévoit que le procureur de la République est informé immédiatement de tout placement en rétention.

En l'espèce, il résulte de la procédure administrative que le procureur de la République de Beauvais a bien été informé du placement en rétention administrative de l'intéressé à la suite de sa sortie de détention du centre pénitentiaire de [Localité 3], situé dans le ressort de sa juridiction, et de ce que cette mesure serait effectuée au centre de rétention administrative de [Localité 2].

Aucun texte n'exigeant que cette information soit délivrée en outre au procureur de la République dans le ressort duquel se situe le centre de rétention de destination, et M. [U] ne démontrant pas, en tout état de cause, qu'une atteinte substantielle aurait été portée à ses droits, le moyen sera écarté.

Sur le moyen tiré du contrôle de la légalité interne de l'arrêté initial de placement en rétention

Au titre de son contrôle, le juge judiciaire doit s'assurer que l'arrêté administratif de placement en rétention est adopté par une personne habilitée à cet effet, est fondé sur une base légale (titre d'éloignement valable) et se trouve suffisamment motivé en fait et en droit par rapport aux critères posés par l'article L 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* Sur l'erreur d'appréciation de l'arrêté de placement en rétention quand à la possibilité d'une assignation à résidence

L'erreur manifeste d'appréciation doit s'apprécier par rapport aux éléments de fait dont disposait l'autorité préfectorale au moment où l'arrêté de placement en rétention a été adopté et non au regard des éléments ultérieurement porté à la connaissance de la cour.

Aux termes des articles L 731-1 et L 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné à l'article L 612-2,3°, qu'il se soustraie à cette obligation.

Il ressort des dispositions des articles L 741-1 renvoyant à l'article L 612-3, L 751-9 et L 753-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative ne peut placer un étranger en situation irrégulière en rétention administrative que dans les cas et conditions des dits articles après prise en compte de son état éventuel de vulnérabilité :

1) Lorsque, de manière générale, l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes pour prévenir le risque de se soustraire à l'application du titre d'éloignement dans les cas prévus par l'article L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.

2) Lorsque, dans le cas spécifique d'un étranger faisant l'objet d'une prise ou d'une reprise en charge par un autre pays de l'Union Européenne selon la procédure dite 'DUBLIN III', il existe 'un risque non négligeable de fuite' tel que défini par l'article L 751-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et lorsque dans cette hypothèse le placement en rétention administrative est proportionné.

3) Lorsque, s'agissant d'un étranger qui a déposé une demande d'asile en France avant toute privation de sa liberté, il existe des raisons impérieuses de protection de l'ordre public ou de la sécurité nationale.

Il apparaît en l'espèce que l'arrêté préfectoral de placement en rétention a considéré, au visa de l'article L741-1 renvoyant aux cas prévus aux articles L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'étranger appelant ne présentait pas suffisamment de garanties de représentation pour attendre l'exécution de son éloignement en étant assigné à résidence, notamment pour :

- Avoir connaissance de se trouver en situation irrégulière sur le territoire français tout en ayant la volonté de ne pas régulariser sa situation (paragraphes 1°,2°,3°)

- S'être soustrait à l'exécution de précédentes mesures d'éloignement (paragraphe 5°)

- Avoir présenté des documents d'identité ou de voyage falsifiés (paragraphe 7°),

- Avoir refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou ses droits réels au séjour ou avoir menti sur son identité, être dépourvu de document d'identité ou de voyage, ou avoir tenté de se soustraire aux contrôles des autorités de police ou refusé de se soumettre aux relevés d'empreintes digitales ou de photographie, et ne pas disposer 'd'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale' permettant de justifier d'une mesure d'assignation à résidence administrative (paragraphe 8°) ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5

L'autorité préfectorale mesure l'ensemble de ces éléments pour apprécier le risque de soustraction à la décision d'éloignement.

L'existence d'un seul des critères posés par l'article L 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, définissant les 'garanties de représentation' de l'étranger en situation irrégulière, ou par l'article L 751-10 du même code, définissant les 'risques de fuite' présentés par l'étranger en situation irrégulière, est nécessaire pour que l'autorité préfectorale puisse motiver le placement en rétention administrative.

Cependant la mesure de privation de liberté que constitue le placement en rétention administrative doit rester proportionnée au regard de l'ensemble des éléments de fait et de personnalité présentés par l'étranger en situation irrégulière avec les impératifs de bonne exécution de la mesure d'éloignement.

L'erreur d'appréciation invoquée à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative quant aux garanties de représentation invoquées par l'étranger doit être jugée en fonction des éléments dont le préfet disposait au moment où la décision contestée a été arrêtée, étant précisé qu'il appartient à l'étranger, soumis aux règles de procédure civile, de démontrer l'existence d'une adresse stable et personnelle à laquelle il pourrait le cas échéant être assigné à résidence plutôt que de faire l'objet d'un placement en rétention administrative.

En l'espèce, au jour où il a statué, le préfet ne disposait pas de justificatifs d'hébergement pour l'intéressé, celui-ci ayant déclaré lors de son audition administrative, réalisée alors qu'il se trouvait encore en détention, être célibataire et sans enfant, avec un frère ([X]) en France dont il n'a pas communiqué l'adresse.

Il s'en suit qu'au jour où l'arrêté de placement en rétention administrative a été adopté, aucune erreur d'appréciation quant à la teneur des éléments de domiciliation de l'appelant ne peut être retenue.

En conséquence la décision querellée comporte donc les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et l'appelant a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire, et/ou comme présentant un risque manifeste de fuite.

Il convient en conséquence de rejeter la demande d'annulation du placement en rétention de l'intéressé.

Sur la prolongation du placement en rétention

Selon la directive dite « retour » n° 2008-115/CE du 16 décembre 2008, en son article 15 §1, 'toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise'.

Il ressort de l'article L 741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'administration doit justifier avoir effectué toutes les 'diligences utiles' suffisantes pour réduire au maximum la période de rétention de l'étranger.

Il ressort de l'article R 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'étranger qui se contente d'affirmer dans sa requête que les diligences 'ne semblent pas suffisantes dans le cas d'espèce' ne formule pas un moyen motivé en fait répondant aux critères de l'article 71 du code de procédure civile, mais avance un simple argument hypothétique auquel le juge n'a pas à répondre.

En l'espèce les services de la préfecture ont effectué une demande de routage et pris attache avec les autorités consulaires de l'Etat dont l'étranger revendique la nationalité pendant la période de rétention.

Les diligences ont été entreprises par les autorités françaises dès le 15 juillet 2024 (lendemain du placement en rétention) ce qui constitue un délai raisonnable.

Conformément au droit communautaire, aucun moyen soulevé par les parties ou susceptible d'être relevé d'office ne paraît contraire à la prolongation de la rétention administrative.

PAR CES MOTIFS

DÉCLARONS l'appel recevable ;

CONFIRME l'ordonnance entreprise ;

DISONS que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;

DISONS que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [P] [U] par l'intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d'un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l'autorité administrative ;

LAISSONS les dépens à la charge de l'État.

Karine CAJETAN, Greffière

Céline MILLER, conseillère

A l'attention du centre de rétention, le vendredi 19 juillet 2024

Bien vouloir procéder à la notification de l'ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l'interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué : Mme [M] [H]

Le greffier

N° RG 24/01460 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VVTP

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 19 Juillet 2024 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 4]) :

Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Pour information :

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Reçu copie et pris connaissance le

- M. [P] [U]

- par truchement téléphonique d'un interprète en tant que de besoin

- nom de l'interprète (à renseigner) :

- décision transmise par courriel au centre de rétention de [Localité 2] pour notification à M. [P] [U] le vendredi 19 juillet 2024

- décision transmise par courriel pour notification à MME LE PREFET DE L'OISE et à Maître Orlane REGODIAT le vendredi 19 juillet 2024

- décision communiquée au tribunal administratif de Lille

- décision communiquée à M. le procureur général

- copie au Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER

Le greffier, le vendredi 19 juillet 2024

N° RG 24/01460 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VVTP


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Etrangers
Numéro d'arrêt : 24/01460
Date de la décision : 19/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-19;24.01460 ?
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