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18/07/2024 | FRANCE | N°24/01458

France | France, Cour d'appel de Douai, Etrangers, 18 juillet 2024, 24/01458


COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles





N° RG 24/01458 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VVR3

N° de Minute : 24







Ordonnance du jeudi 18 juillet 2024





République Française

Au nom du Peuple Français





APPELANT



M. [N] [D] [Y]

né le 12 Décembre 1994 en [Localité 1] en LIBYE

de nationalité Libyenne

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]

dûment avisé, comparant en personne par visioconférence
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assisté de Me Orlane REGODIAT, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office et de M. [M] [W] interprète assermenté en langue ARABE, tout au long de la procédure devant la cour, serment...

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles

N° RG 24/01458 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VVR3

N° de Minute : 24

Ordonnance du jeudi 18 juillet 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

APPELANT

M. [N] [D] [Y]

né le 12 Décembre 1994 en [Localité 1] en LIBYE

de nationalité Libyenne

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]

dûment avisé, comparant en personne par visioconférence

assisté de Me Orlane REGODIAT, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office et de M. [M] [W] interprète assermenté en langue ARABE, tout au long de la procédure devant la cour, serment préalablement prêté ce jour

INTIMÉ

PREFET DU PAS DE CALAIS

dûment avisé, représenté par le cabinet Centaure Me Elif ISCEN Barreau de Seine-St Denis

PARTIE JOINTE

M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant

MAGISTRAT(E) DELEGUE(E) : Danielle THEBAUD, conseillère à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché

assisté(e) de Ismérie CAPIEZ, Greffière

DÉBATS : à l'audience publique du jeudi 18 juillet 2024 à 13 h 15

Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe

ORDONNANCE : rendue à Douai par mise à disposition au greffe le jeudi 18 juillet 2024 à .........

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles R 743-18 et R 743-19 ;

Vu l'aricle L 743-8 et L 922-3 al 1 à 4 du CESEDA ;

Vu l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER en date du 17 juillet 2024 à 12h02 notifiée à 12h12 à M. [N] [D] [Y] prolongeant sa rétention administrative ;

Vu l'appel interjeté par M. [N] [D] [Y] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 17 juillet 2024 à 16h24 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;

Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;

Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [N] [D] [Y], né le 12 décembre 1994 à [Localité 1] en Libye de nationalité Lybienne, a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par M. le préfet du Pas-de-Calais le 13 juillet 2024 notifié à 17h30 pour l'exécution d'un éloignement au titre d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français délivrée le 23 août 2023 par la même autorité et notifié le 13 août 2023 à 9h20.

Par décision du 15 juillet 2024 la juge des libertés et de la détention de Boulogne-sur-Mer a ordonné la prolongation de la rétention pour une durée de 28 jours, décision confirmée par la cour d'appel de Douai le 16 juillet 2024.

Un recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

' Vu l'article 455 du code de procédure civile,

' Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 17 juillet 2024 rendue à 12h02 et notifié à 12h12, déclarant régulier le placement en rétention administrative de M. [N] [D] [Y],

' Vu la déclaration d'appel de M. [N] [D] [Y] du 17 juillet 2024 à 16h24 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative.

Au titre des moyens soutenus en appel l'étranger soulève :

Le défaut de diligences de l'administration en ce qu'elle n'a pas procédé à la recherche de ses empreintes sur Eurodac, alors qu'il a indiqué lors de son audition qu'il avait déposé ses empreintes en Belgique,

défaut d'examen par la procédure de la possibilité du placement sous un autre régime, dès lors qu'il a indiqué qu'il avait fui la Lybie car il craignait pour sa vie, et aurait du être considéré comme un demandeur d'asile,

incompatibilité de son placement en rétention avec la procédure pénale en cours.

MOTIFS DE LA DÉCISION

De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.

Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.

L'appel de l'étranger ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.

Les articles 933 du code de procédure civile et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne permettent, sauf indivisibilité ou demande d'annulation du jugement, que de discuter en cause d'appel des seuls moyens mentionnés dans l'acte d'appel et soutenus oralement à l'audience.

La décision du premier juge déférée ayant joint la requête en annulation de l'arrêté de placement et la demande du préfet en prolongation de la rétention, l'ensemble des moyens soutenus pourront être appréciés par la cour d'appel.

Sur le moyen tiré de l'insuffisance les diligences aux fins d'éloignement

Selon la directive dite « retour » n° 2008-115/CE du 16 décembre 2008, en son article 15 §1, « toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise ».

Il ressort de l'article L 741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'administration doit justifier avoir effectué toutes les 'diligences utiles' suffisantes pour réduire au maximum la période de rétention de l'étranger.

Sur ce point et en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la juridiction d'appel estime que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qu'il convient d'adopter au visa de l'article 955 du code de procédure civile que le premier juge a répondu à ce moyen et l'a rejeté.

Sur le moyen tiré du défaut d'examen par la préfecture de la possibilité du placement sous un autre régime

L'erreur manifeste d'appréciation doit s'apprécier par rapport aux éléments de fait dont disposait l'autorité préfectorale au moment où l'arrêté de placement en rétention a été adopté et non au regard des éléments ultérieurement porté à la connaissance de la cour.

Il ressort des dispositions des articles L 741-1 renvoyant à l'article L 612-3, L 751-9 et L 753-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative ne peut placer un étranger en situation irrégulière en rétention administrative que dans les cas et conditions des dits articles après prise en compte de son état éventuel de vulnérabilité :

1) Lorsque, de manière générale, l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes pour prévenir le risque de se soustraire à l'application du titre d'éloignement dans les cas prévus par l'article L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.

2) Lorsque, dans le cas spécifique d'un étranger faisant l'objet d'une prise ou d'une reprise en charge par un autre pays de l'Union Européenne selon la procédure dite 'DUBLIN III', il existe 'un risque non négligeable de fuite' tel que défini par l'article L 751-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et lorsque dans cette hypothèse le placement en rétention administrative est proportionné.

3) Lorsque, s'agissant d'un étranger qui a déposé une demande d'asile en France avant toute privation de sa liberté, il existe des raisons impérieuses de protection de l'ordre public ou de la sécurité nationale.

Il apparaît en l'espèce que l'arrêté préfectoral de placement en rétention a considéré, au visa de l'article L741-1 renvoyant aux cas prévus aux articles L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'étranger appelant ne présentait pas suffisamment de garanties de représentation pour attendre l'exécution de son éloignement en étant assigné à résidence,notamment pour :

Avoir refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou ses droits réels au séjour ou avoir menti sur son identité, être dépourvu de document d'identité ou de voyage, ou avoir tenté de se soustraire aux contrôles des autorités de police ou refusé de se soumettre aux relevés d'empreintes digitales ou de photographie, et ne pas disposer 'd'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale' permettant de justifier d'une mesure d'assignation à résidence administrative (paragraphe 8°) ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6  L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1  L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13  L. 743-15 et L. 751-5

L'autorité préfectorale mesure l'ensemble de ces éléments pour apprécier le risque de soustraction à la décision d'éloignement.

A ce titre, il peut être légitimement être considérée par l'autorité préfectorale que l'existence d'une adresse pouvant être qualifiée de 'résidence effective' soit néanmoins insuffisante pour accorder à l'étranger une assignation à résidence, dés lors que d'autres éléments de fait permettent raisonnablement de considérer que l'étranger n'entend pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français.

En l'espèce, l'arrêté de placement en rétention administrative a été pris en considération des déclarations de l'étranger, lors de son audition par les services de police, au cours de laquelle, il a effectivement indiqué qu'on avait tué son oncle et qu'il avait quitté son pays car il était menacé, en indiquant qu'il avait fait une demande d'asile en France en 2021, ainsi qu'en Belgique et en Allemagne postérieurement, ce que l'administration a relevé, dans l'arrêté, ainsi que lors de la prise de son obligation de quitter le territoire français exécutoire, délivrée le 23 août 2023 ; mais il a également indiqué qu'il tentait sa chance de passer l'Angleterre. Étant relevé, qu'il ressort du procès-verbal de saisine que l'intéressé a été interpellé par les forces de police, et placé en garde à vue après avoir tenté de gagner les côtes anglaises par « small boat ». Il ne peut donc raisonnablement être reproché à l'administration de ne pas avoir considéré l'intéressé comme un demandeur d'asile en France, alors même que son objectif est de rejoindre l'Angleterre. Ce d'autant que son rôle sur le « small boat » fait l'objet d'une convocation devant le tribunal correctionnel. L'article L.523-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont fait état l'intéressé, ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce dans la mesure ou il ne s'est pas présenté spontanément devant les forces de police ou l'administration en vue de demander l'asile, mais qu'il a été interpellé alors qu'il tentait de se rendre en Angleterre, et qu'il a exprimé à titre incident lorsque l'administration lui a notifié son intention de le placer en rétention, sa volonté de demander l'asile en France, et de ne pas retourner en Belgique ou en Allemagne.

M. [N] [D] [Y], ne possédant aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité, et ne justifiant pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale, il s'en suit qu'au jour où l'arrêté de placement en rétention administrative a été adopté, aucune erreur d'appréciation quant à la teneur des éléments de domiciliation de l'appelant ne peut être retenue.

En conséquence la décision querellée comporte donc les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et l'appelant a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire, et/ou comme présentant un risque manifeste de fuite.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 6 de la CEDH

Il ressort d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 06 juin 2007 que :

" si l'administration consulaire dispose en principe d'un large pouvoir discrétionnaire pour se prononcer sur les demandes de visa de court séjour dont elle est saisie, elle est toutefois tenue de réserver à ces demandes une suite favorable lorsque l'étranger doit se voir reconnaître le bénéfice des garanties résultant des articles 6 et 13 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, relatives au procès équitable et au recours effectif " et que " tel est le cas, en particulier, lorsque l'étranger doit comparaître personnellement, à la demande de la juridiction, à l'audience au cours de laquelle un Tribunal français doit se prononcer sur le fond d'un litige auquel l'intéressé est partie ".

(CE : 06/06/2007 N° 292076 ; 6ème et 1ère sous-sections réunies)

Il ressort de cet arrêt que l'étranger expulsé et convoqué à une audience pénale ultérieure à laquelle sa présence est obligatoire sans possibilité de représentation, dispose du droit de solliciter et d'obtenir un visa de court séjour à cette fin.

Il s'en suit que l'exécution de l'éloignement, et le placement en rétention administrative qui en est la garantie, ne privent pas pour autant l'étranger du droit de déférer personnellement à une audience devant le tribunal correctionnel en demandant un 'visa court séjour' qui ne pourra lui être refusé.

En conséquence le placement en rétention administrative de l'intéressé ne contrevient pas aux dispositions de l'article 6 de la CEDH.

Le moyen est rejeté.

L'ordonnance dont appel sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

DÉCLARONS l'appel recevable ;

CONFIRMONS l'ordonnance entreprise ;

DISONS que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;

DISONS que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [N] [D] [Y] par l'intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d'un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l'autorité administrative ;

LAISSONS les dépens à la charge de l'État.

Ismérie CAPIEZ, Greffière

Danielle THEBAUD, conseillère

A l'attention du centre de rétention, le jeudi 18 juillet 2024

Bien vouloir procéder à la notification de l'ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l'interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué : M. [M] [W]

Le greffier

N° RG 24/01458 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VVR3

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 24 DU 18 Juillet 2024 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 3]) :

Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Pour information :

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Reçu copie et pris connaissance le

- M. [N] [D] [Y]

- par truchement téléphonique d'un interprète en tant que de besoin

- nom de l'interprète (à renseigner) :

- décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. [N] [D] [Y] le jeudi 18 juillet 2024

- décision transmise par courriel pour notification à PREFET DU PAS DE CALAIS et à Maître Orlane REGODIAT Maître Elif ISCEN le jeudi 18 juillet 2024

- décision communiquée au tribunal administratif de Lille

- décision communiquée à M. le procureur général

- copie au Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER

Le greffier, le jeudi 18 juillet 2024

N° RG 24/01458 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VVR3


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Etrangers
Numéro d'arrêt : 24/01458
Date de la décision : 18/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-18;24.01458 ?
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