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12/07/2024 | FRANCE | N°24/00093

France | France, Cour d'appel de Douai, Référés, 12 juillet 2024, 24/00093


République Française

Au nom du Peuple Français







C O U R D ' A P P E L D E D O U A I



RÉFÉRÉ DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 12 JUILLET 2024







N° de Minute : 122/24



N° RG 24/00093 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VTHP





DEMANDERESSE :



S.A.S. SAHIL CAR WASH

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Alicia BONNINGUE, avocat au barreau de Lille







DÉFENDEURS :r>


S.E.L.A.R.L. [X] [Y] [U] prise en la personne de Maître [X] [Y], es-qualités de mandataire liquidateur de la SAS SAHIL CAR WASH

ayant siège social [Adresse 3]

[Localité 4]



représentée par la SELARL DE ABREU, avocat au barre...

République Française

Au nom du Peuple Français

C O U R D ' A P P E L D E D O U A I

RÉFÉRÉ DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 12 JUILLET 2024

N° de Minute : 122/24

N° RG 24/00093 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VTHP

DEMANDERESSE :

S.A.S. SAHIL CAR WASH

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Alicia BONNINGUE, avocat au barreau de Lille

DÉFENDEURS :

S.E.L.A.R.L. [X] [Y] [U] prise en la personne de Maître [X] [Y], es-qualités de mandataire liquidateur de la SAS SAHIL CAR WASH

ayant siège social [Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par la SELARL DE ABREU, avocat au barreau de Valenciennes

M. LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE DOUAI

représenté par M. Christophe DELATTRE, avocat général

PRÉSIDENTE : Sylvie COLLIERE, présidente de Chambre désignée par ordonnance du 26 juin 2024 pour remplacer le Premier Président empêché

GREFFIER : Christian BERQUET

DÉBATS : à l'audience publique du 08 juillet 2024

Les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance serait prononcée par sa mise à disposition au greffe

ORDONNANCE : contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe le douze juillet deux mille vingt quatre, date indiquée à l'issue des débats, par Sylvie COLLIERE, présidente, ayant signé la minute avec Christian BERQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

93/24 - 2ème page

EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement 12 février 2024, le tribunal de commerce de Lille-Métropole a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SAS Sahil car wash, exerçant une activité de lavage auto, et a désigné la SELARL [Y] [U] prise en la personne de Maître [X] [Y] en qualité de mandataire judiciaire. La fin de la période d'observation a été fixée au 12 août 2024.

Par requête du 20 mars 2024, la SELARL [Y] [U] a demandé au tribunal de commerce la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire aux motifs que le dirigeant de la société Sahil car wash ne s'est pas présenté à l'étude, qu'il n'est pas démontré que l'activité est toujours exercée et couverte par une police d'assurance, qu'aucun élément comptable n'a été transmis et qu'en tout état de cause, aucune perspective de redressement n'est démontrée.

Par jugement réputé contradictoire du 9 avril 2024, le tribunal de commerce de Lille-Métropole a :

prononcé la liquidation judiciaire de la SAS Sahil car wash ;

nommé la SELARL [Y] [U] représentée par Maître [X] [Y] mandataire en qualité de liquidateur ;

mis fin à la période d'observation ;

dit qu'en application de l'article L641-9-II du code de commerce : « lorsque le débiteur est une personne morale, les dirigeants sociaux en fonction lors du prononcé du jugement de liquidation judiciaire le demeurent, sauf disposition contraire des statuts ou décision de l'assemblée générale » ;

dit que le liquidateur devra établir la liste des créances déclarées dans le délai de 12 mois à compter de la réalisation des actifs ;

dit que l'affaire sera appelée au rôle dans les 18 mois pour clôture de la procédure ;

ordonné la publicité du présent jugement sans délai nonobstant toute voie de recours ;

ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure.

Cette décision a été signifiée à la société Sahil car wash le 22 avril 2024.

Par acte du 2 mai 2024, la société Sahil car wash a relevé appel de cette décision.

Par actes du 13 juin 2024, elle a fait assigner la SELARL [Y] [U], représentée par Maître [Y] et M. le procureur général près la cour d'appel de Douai devant le premier président de la cour d'appel de Douai afin d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision du tribunal de commerce de Lille-Métropole du 9 avril 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions, la société Sahil car wash demande au premier président, au visa des articles R. 661-1 et L. 640-1 du code de commerce de :

juger que les moyens de l'appel interjeté à l'encontre du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire sont sérieux ;

juger que l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.;

En conséquence,

- prononcer l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille-Métropole le 9 avril 2024 à son encontre ;

ordonner l'exécution de l'ordonnance à intervenir sur minute ;

condamner la SELARL [Y] [U], représentée par Maître [X] [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire au paiement de la somme de 1 500 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- elle exerce depuis le 1er janvier 2023 son activité [Adresse 2] à [Localité 5] mais son siège social initialement fixé à [Localité 5] n'a pas été modifié alors qu'elle n'y exerçait plus d'activité et avait résilié le bail ;

- la requête aux fins de conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire n'est fondée sur aucun article du code de commerce, Maître [Y] ayant uniquement indiqué n'avoir aucune nouvelle du dirigeant de sorte qu'il en a déduit qu'aucune activité n'était plus exercée ;

- il suffit pourtant d'une simple recherche Google pour s'apercevoir que des avis ont été communiqués par sa clientèle, il y a deux semaines à peine ;

- si l'URSSAF a déclaré une créance, elle démontre que cette créance correspondait à une taxation d'office et que la situation a été régularisée, l'URSSAF ayant fourni un décompte à zéro ;

- le tribunal de commerce n'a pas vérifié qu'elle était effectivement en état de cessation des paiements et que son redressement était manifestement impossible ;

93/24 - 3ème page

- la mise à exécution du jugement de liquidation judiciaire l'empêche d'exercer son activité et entraîne donc manifestement des conséquences irréversibles ; s'il n'est pas besoin de caractériser les conséquences manifestement excessives, elles apportent un éclairage sur sa situation.

Aux termes de ses conclusions, la SELARL [Y] [U] demande au premier président de débouter la société Sahil car wash de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement du 9 avril 2024 et de statuer ce que de droit quant aux dépens.

Elle soutient que :

- l'affirmation de l'appelante selon laquelle l'URSSAF aurait été désintéressée se heurte à la réalité des déclarations et au principe de droit selon lequel il est interdit au débiteur de payer, postérieurement à l'ouverture de la procédure, une créance antérieure ;

- l'état de cessation des paiements a été caractérisé dans le cadre du jugement d'ouverture du redressement judiciaire désormais définitif ;

- la société débitrice et son gérant ont été convoqués au siège social pour la première et à son adresse personnelle pour le second et leur carence a été constatée de sorte que c'est à juste titre que le tribunal a été saisi d'une demande de conversion en liquidation judiciaire constatant la carence du dirigeant, l'absence d'activité et l'absence de transmission d'une quelconque comptabilité ;

- en appel, la société Sahil car wash reste taisante sur son activité réelle ou sa comptabilité en ne produisant aucune pièce comptable alors qu'il lui appartient de démontrer l'existence de moyens sérieux de réformation du jugement du 9 avril 2024 ;

- aucune information n'est donnée sur l'état des actifs de l'entreprise ;

- le moyen relatif aux conséquences manifestement excessives est inopérant en matière de sursis à exécution provisoire dans le cadre d'un jugement de liquidation judiciaire qui suit un régime dérogatoire fixé à l'article R. 661-1 du code de commerce.

Le procureur général représenté à l'audience par M. Delattre, substitut général, reprenant les termes de son avis écrit du 17 juin 2024, requiert du premier président qu'il ordonne l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement du 9 avril 2024, compte tenu des moyens sérieux invoqués.

Il fait observer que :

- dans sa requête aux fins de conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire, le mandataire judiciaire indique notamment qu'il n'a pas pu rencontrer le dirigeant et que l'activité ne peut être poursuivie ; or, la société appelante évoque un problème d'adresse et l'extrait KBIS démontre qu'il est bien indiqué l'existence d'un établissement à une adresse différente du siège social de sorte que, si toute signification doit être faite au siège social, l'information relative à une autre adresse avec un établissement autrement localisé justifiait que le mandataire se rende sur place afin de vérifier ce point ; or il n'est pas démontré que des diligences ont été faites sur ce point par le professionnel ;

- au surplus, le tribunal doit lorsqu'il prononce la conversion d'un redressement judiciaire en liquidation judiciaire, démontrer l'existence d'un état de cessation des paiements, ce qu'il ne fait pas, aucun chiffre n'étant repris pour caractériser le passif exigible et l'actif disponible ainsi que l'impossibilité de tout redressement judiciaire, ce qui n'est pas plus démontré, d'autant que l'URSSAF, créancier à l'origine de la procédure de redressement judiciaire n'a aucune créance à faire valoir.

MOTIFS

L'article R. 661-1 du code de commerce dispose que :

Les jugements et ordonnances rendus en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire.

Toutefois, ne sont pas exécutoires de plein droit à titre provisoire les jugements et ordonnances rendus en application des articles L. 622-8, L. 626-22, du premier alinéa de l'article L. 642-20-1, de l'article L. 651-2, des articles L. 663-1 à L. 663-4 ainsi que les décisions prises sur le fondement de l'article L. 663-1-1 et les jugements qui prononcent la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8.

Les dispositions des articles 514-1 et 514-2 du code de procédure civile ne sont pas applicables.

Par dérogation aux dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, ne peut arrêter l'exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article que lorsque les moyens à l'appui de l'appel paraissent sérieux. L'exécution provisoire des décisions prises sur le fondement de l'article L. 663-1-1 peut être arrêtée, en outre, lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Dès le prononcé de la décision du premier président arrêtant l'exécution provisoire, le greffier de la cour d'appel en informe le greffier du tribunal.

93/24 - 4ème page

En cas d'appel du ministère public d'un jugement mentionné aux articles L. 645-11, L. 661-1, à l'exception du jugement statuant sur l'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, L. 661-6 et L. 661-11, l'exécution provisoire est arrêtée de plein droit à compter du jour de cet appel. Le premier président de la cour d'appel peut, sur requête du procureur général, prendre toute mesure conservatoire pour la durée de l'instance d'appel.

L'article L. 631-15 II du code du commerce conditionne la conversion d'une procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire à la démonstration de l'impossibilité manifeste du redressement, l'état de cessation des paiements n'étant plus à prouver à ce stade.

En l'espèce, il résulte de l'extrait Kbis du registre du commerce et des sociétés de la société Sahil car wash que si son siège social est mentionné comme situé [Adresse 1] à [Localité 4], il est également mentionné un autre établissement situé [Adresse 2] à [Localité 5], établissement au sein duquel la société exerce son activité comme le démontre les avis récents de clients laissés sur Google, ce que la SELARL [Y] [U] aurait pu constater si elle avait effectué un minimum de recherches sur cet établissement.

De plus, la société Sahil car wash verse aux débats un relevé de situation comptable qui lui a été adressé par l'URSSAF le 12 juin 2024 et qui ne mentionne aucune créance de cette dernière au titre de l'année 2023 et des trois premiers mois de l'année 2024, ce document étant de nature à contredire la déclaration de créance adressée au mandataire judiciaire auprès duquel aucun autre créancier ne s'est par ailleurs manifesté.

Ces éléments qui démontrent que la société poursuit son activité, a régularisé sa situation à l'égard de l'URSSAF et que son redressement n'est donc pas impossible constituent des moyens sérieux de réformation du jugement du 9 avril 2024.

Ainsi, sans même qu'il soit utile de caractériser les conséquences manifestement excessives qui seraient entraînées par le maintien de l'exécution provisoire, cette condition n'étant pas requise par l'article R. 661-1 du code de commerce, il convient de faire droit à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de cette décision.

Il y a lieu de laisser à la charge de chaque partie les dépens exposés dans le cadre de la présente procédure et de débouter la société Sahil car wash de de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Ordonne l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Lille- Métropole en date du 9 avril 2024 ayant converti le redressement judiciaire de la société Sahil car wash en liquidation judiciaire ;

Déboute la société Sahil car wash de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à la charge de chaque partie les dépens exposés dans le cadre de la présente procédure.

Le greffier La présidente

C. BERQUET S. COLLIERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Référés
Numéro d'arrêt : 24/00093
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-12;24.00093 ?
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