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11/07/2024 | FRANCE | N°23/04788

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 11 juillet 2024, 23/04788


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 11/07/2024





****





N° de MINUTE : 24/225

N° RG 23/04788 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VFLC



Jugement (N° 22/01277) rendu le 28 Septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Douai







APPELANTE



Madame [Y] [E]

née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5

]



Représentée par Me Alain Reisenthel, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, substitué par Me Marine Douterlungne, avocat au barreau de Douai



INTIMÉE



Madame [M] [O] représentée par Mme [L], es qualité de c...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 11/07/2024

****

N° de MINUTE : 24/225

N° RG 23/04788 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VFLC

Jugement (N° 22/01277) rendu le 28 Septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Douai

APPELANTE

Madame [Y] [E]

née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Alain Reisenthel, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, substitué par Me Marine Douterlungne, avocat au barreau de Douai

INTIMÉE

Madame [M] [O] représentée par Mme [L], es qualité de curateur en application d'un jugement du tribunal d'instance de Douai du 10 décembre 2020

née le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Bruno Bufquin, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 10 avril 2024 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 18 mars 2024

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Le 10 janvier 2018, M. [W] [O], père et curateur, de Mme [M] [O], a déposé plainte à l'encontre de Mme [Y] [E], pour des faits de violences qui auraient été commis par cette dernière à l'encontre de sa fille courant novembre 2017.

Par acte du 10 juin 2020, Mme [O], représentée par M. [O], ès-qualités, a fait assigner Mme [E] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Douai aux fins de voir ordonner une expertise médicale afin de décrire les séquelles subies à la suite de l'agression qu'elle datait au 13 novembre 2017.

Par ordonnance du 11 septembre 2020, le juge des référés de Douai a ordonné une expertise médicale de Mme [O].

L'expert, le docteur [X], a déposé son rapport le 9 juin 2021.

Par actes du 14 et 19 avril 2022, Mme [O], assistée de Mme [V] [L], en qualité de curatrice, a fait assigner Mme [E], la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8]-[Localité 10] (Cpam) et la mutuelle Apvia groupe Macif (la mutuelle) devant le tribunal judiciaire de Douai afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 28 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Douai a notamment :

jugé que Mme [E] était responsable du préjudice subi par Mme [O] à la suite des faits de violences du 9 novembre 2017 ;

débouté Mme [O] de sa demande d'indemnisation au titre des dépenses de santé actuelles ;

jugé que l'indemnisation des préjudices de Mme [O] s'établissait comme suit :

160,49 euros au titre des frais divers ;

327,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

4 000 euros au titre des souffrances endurées ;

dit que la somme de 200 euros déjà versée devait être déduite de ce montant ;

condamné Mme [E] à payer à Mme [O] la somme de 4 287,99 euros en réparation de son préjudice corporel ;

débouté Mme [E] de sa demande en réparation pour procédure abusive ;

condamné Mme [E] à payer à Mme [O] la somme de 1 525,82 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné Mme [E] aux dépens, incluant les frais de l'instance ordonnée en référé ainsi que ceux de l'expertise médicale judiciaire qui avait été ordonnée.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 25 octobre 2023, Mme [E] a formé appel de ce jugement uniquement en ses dispositions numérotées 1, 3, 5, 6, 7 et 8.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 13 novembre 2023, Mme [E] demande à la cour de :

dire partiellement mal jugé, bien appelé ;

=$gt; confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [O] de ses demandes d'indemnisation au titre des dépenses de santé actuelles ;

=$gt; l'infirmer pour le surplus ;

statuant à nouveau,

débouter Mme [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

juger qu'elle n'est pas responsable des faits de violences commis à l'encontre de Mme [O] faute de démonstration ;

dire que l'indemnisation de 200 euros encaissée par Mme [O] l'a été à titre définitif et dire n'y avoir lieu à statuer une nouvelle fois sur l'attribution d'une réparation civile ;

à titre infiniment subsidiaire,

réduire de manière conséquente le montant des dommages et intérêts attribués en première instance ;

condamner Mme [O] au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

condamner Mme [O] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel en sus de la somme de 3 000 euros en première instance ;

condamner Mme [O] aux entiers dépens.

À l'appui de ses prétentions, Mme [E] fait valoir que :

dans le cadre d'une action en responsabilité quasi-délictuelle, sa responsabilité doit être démontrée par Mme [O] ;

si Mme [O] soutient que les faits ont eu lieu le 13 novembre 2017, le certificat médical a été établi par son père le 10 novembre 2017, ce qui a motivé le tribunal judiciaire à retenir que les faits devaient être datés du 9 novembre 2017 ; or ce faisant, les premiers juges ont statué ultra petita puisque les demandes de Mme [O] étaient relatives à une agression qu'elle aurait subie le 13 novembre 2017 ;

alors qu'elle est en litige avec Mme [T], qui a rédigé une attestation mais qui n'a pas été entendue dans le cadre de l'enquête pénale, et que le certificat médical a été établi par le père de Mme [O], les éléments de preuve produits ne sont pas objectifs ;

le rappel à la loi n'est ni une condamnation pénale ni un élément objectivant sa responsabilité ou sa culpabilité, d'autant qu'à cette occasion, elle contestait les faits qui lui étaient reprochés ;

si le rapport d'expertise n'a pas pour vocation de pallier la carence de l'enquête pénale, l'expert a relevé des incohérences quant à la date des faits et des certificats médicaux, et en a conclu que les douleurs dont se plaignait Mme [O] étaient anciennes et sans lien avec l'agression alléguée ;

enfin, la somme de 200 euros versée à la suite du rappel à la loi doit être considérée comme une indemnisation définitive dès lors que Mme [O] a accepté ce règlement sans indiquer qu'il s'agissait d'une simple provision.

4.2. Aux termes de ses conclusions notifiées le 19 janvier 2024, Mme [O], représentée par Mme [L], ès-qualités, intimée, demande à la cour, au visa des articles 748-6 et suivants du code de procédure civile et de l'article 1240 du code civil, de :

=$gt; confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 28 septembre 2023 ;

constater qu'elle a bien sollicité préalablement le concours d'un conciliateur ;

déclarer recevable et fondée l'instance qu'elle a engagée ;

juger qu'il y a lieu d'homologuer le rapport de M. [X] ;

juger Mme [E] entièrement responsable de son préjudice à la suite de l'altercation du 13 novembre 2017 ;

constater qu'elle a bien appelé en la cause la Cpam de [Localité 8]-[Localité 10] à laquelle elle est affiliée sous le n° [Numéro identifiant 3] ;

en conséquence, dire le jugement commun à ces deux organismes (sic) ;

condamner Mme [E] à lui payer la somme de 160,49 euros au titre du préjudice patrimonial ;

condamner Mme [E] à lui payer la somme de 4 327,50 euros au titre du préjudice extra-patrimonial ;

condamner Mme [E] à lui payer la somme de 2 965,82 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les frais de l'expertise, les dépens de première instance et d'appel.

À l'appui de ses prétentions, Mme [O] fait valoir que :

Mme [E] a commis une faute quasi-délictuelle et doit réparer le préjudice qu'elle-même a subi le 13 novembre 2017 en vertu de l'article 1240 du code civil ;

son préjudice est constitué de frais divers, d'un déficit fonctionnel temporaire évalué à 10% pendant 131 jours et de souffrances endurées évaluées à 2,5 sur une échelle de 7.

4.3 Régulièrement intimées, la Cpam de [Localité 8]-[Localité 10] et la mutuelle Apvia groupe Macif n'ont pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire, la cour constate que Mme [O] justifie avoir sollicité au préalable le concours d'un conciliateur, lequel a dressé un constat d'échec de la tentative de conciliation le 29 mars 2022, et que la recevabilité de son action indemnitaire n'est pas contestée par Mme [E].

Sur l'homologation du rapport d'expertise :

Il n'appartient pas à la juridiction d'homologuer un rapport d'expertise, alors qu'une preuve est souverainement appréciée par le juge auquel elle est soumise, sans qu'elle puisse être validée de façon indivisible en lui accordant une valeur probante générale, dès lors qu'une telle « homologation » ne s'analyse pas comme une demande formulée par les parties, qui entendraient ainsi intégralement lier la juridiction par les constatations et conclusions du rapport d'expertise dans le cadre du principe dispositif.

Par conséquent, Mme [O] sera déboutée de sa demande d'homologation du rapport d'expertise.

Sur l'objet du litige :

L'article 954 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, s'il est allégué par l'appelante que le tribunal judiciaire a statué ultra petita, le dispositif de ses conclusions ne comporte toutefois aucune demande correspondant à un tel moyen dès lors qu'il n'y est pas sollicité le retranchement sur le fondement de l'article 464 du code de procédure civile.

Si Mme [E] invoque que le versement d'une somme de 200 euros à Mme [O] dans le cadre du rappel à la loi s'analyse comme une réparation intégrale et définitive du préjudice corporel invoqué, elle n'en tire aucune conséquence juridique dans le dispositif de ses conclusions, notamment en l'absence de toute invocation d'une fin de non-recevoir tirée d'une transaction. Il en résulte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen.

Sur la responsabilité :

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En vertu de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il appartient ainsi à Mme [O] de démontrer que Mme [E] a commis une faute en lien de causalité avec les préjudices pour lesquels elle sollicite une indemnisation.

Sur ce,

Mme [O] soutient que Mme [E] l'aurait blessée en la saisissant violemment par le bras gauche et en le tirant vers l'arrière pour la faire sortir de l'ascenseur de l'immeuble dans lequel elles résidaient. Elle indique que les faits seraient survenus le 13 novembre 2017 et qu'une autre voisine, Mme [T], a assisté à la scène.

Pour prouver qu'elle a subi un dommage corporel imputable à une faute commise par Mme [E], Mme [O] produit le dépôt de plainte de son père qui était alors son curateur, de nombreuses pièces médicales, l'attestation de Mme [T], et le rapport de l'expert judiciaire.

Lors du dépôt de plainte du 10 janvier 2018, M. [O] a expliqué ne pas avoir été témoin des faits mais que lors de « la première quinzaine du mois de novembre 2017 », Mme [E] s'était jetée sur sa fille « en l'agrippant par le bras pour l'empêcher de monter dans l'ascenseur » en présence de M. et Mme [T], ce que ces derniers lui auraient confirmé. Il précisait avoir constaté « le soir même » que sa fille présentait une « excoriation d'un centimètre de large sur le membre supérieur gauche d'une longueur de trente centimètres environ » et qu'elle n'avait pas consulté d'autre médecin, puisqu'il était son médecin traitant et qu'il avait, à ce titre, rédigé des ordonnances descriptives des blessures que présentait sa fille. Il indiquait encore que sa fille avait été gênée par son bras pendant cinq à six jours.

Le certificat médical de M. [O] établi le 10 novembre 2017 indique effectivement qu'il a constaté « une trace de griffure de 15 centimètres au niveau du bras, une trace de griffures de 20 à 25 centimètres au niveau de l'avant-bras, sans extravasation sanguine avec une impotence fonctionnelle qui devrait durer, sauf complication, 5 à 6 jours ».

Par la suite, M. [O] a prescrit à sa fille une radiographie de l'épaule et du bras gauches ainsi qu'une échographie de l'épaule gauche. Ces examens réalisés le 17 janvier 2018 ont mis en évidence une « discrète tendinose sur problème d'origine post-contusionnelle » et une « probable contusion musculaire du supra-épineux ».

Dans son rapport, l'expert judiciaire retient que Mme [O] a été victime d'une « petite tendinite réactionnelle » dans le cadre d'un traumatisme en traction du membre supérieur, au mois de novembre 2017, ce qui corrobore le certificat médical de M. [O], déjà corroboré par les différents examens réalisés par la victime.

Par ailleurs, si l'expert considère qu'il n'est pas possible d'établir un lien certain, direct et exclusif entre les érosions cutanées et le phénomène de traction décrit par Mme [O] au motif qu'à cette période de l'année, la victime devait « très probablement » être vêtue avec des vêtements à manches longues, il a néanmoins retenu que les érosions cutanées signalées par le père de Mme [O] était compatibles avec ce phénomène de traction, étant observé qu'aucune précision n'est rapportée quant à la tenue portée par Mme [O] au moment des faits discutés.

En conséquence, les faits et les séquelles décrits par Mme [O] et son père sont cohérents avec l'ensemble des constatations médicales.

S'agissant de l'attestation du 21 décembre 2017 de Mme [T], celle-ci indique que Mme [O] voulait prendre l'ascenseur en sa compagnie le 9 novembre 2017 lorsqu'elle « a été agressée par Mme [E] qui l'a blessée au bras gauche ». Cette attestation corrobore les déclarations de Mme [O] et de son père, hormis la date des faits.

Si Mme [E] conteste l'objectivité de Mme [T] et de M. [O], la cour rappelle que la preuve d'un fait juridique est libre.

Quant au prétendu défaut d'objectivité de la part de Mme [T], il s'observe que son attestation est rédigée en termes mesurés, de sorte qu'il s'agit d'un élément de preuve recevable devant la cour.

Quant au défaut d'objectivité allégué du père de l'appelante, les déclarations de celui-ci, tant lors du dépôt de plainte que dans son certificat médical, sont corroborées par les éléments médicaux qui décrivent une blessure au niveau du bras et de l'épaule gauches de sa fille. M. [O] a en outre spontanément admis qu'il n'avait pas assisté à l'agression, et Mme [E] ne fait part d'aucune animosité de sa part envers elle. Ainsi, les preuves produites par Mme [O] émanant de son père ne sauraient être écartés en raison des liens familiaux les unissant.

S'agissant de la date de l'agression, s'il existe des contradictions entre les déclarations des protagonistes, les pièces suffisent à établir qu'elle s'est bien déroulée avant le 13 novembre 2017.

Cette discordance chronologique s'explique aisément par l'ancienneté des faits, le handicap de la victime lié à sa schizophrénie, les délais écoulés entre l'agression, la rédaction de l'attestation de Mme [T] et de le dépôt de plainte, et ne saurait faire obstacle à la démonstration de la faute commise par Mme [E], laquelle est établie suivant l'attestation du témoin direct de la scène.

La victime a déclaré à l'expert qu'elle avait appelé son père le lendemain des faits pour qu'il l'examine, de sorte qu'il convient de retenir la date du fait dommageable au 9 novembre 2017, comme l'a précisé le témoin direct.

Enfin, les procès-verbaux de comparution de Mme [E] devant le délégué du procureur de la République de [Localité 6] le 22 octobre et 13 novembre 2019 enseignent qu'un rappel à la loi lui a été notifié et qu'elle s'est engagée à régler à Mme [O] une « indemnité forfaitaire » de 200 euros. Dans ces procès-verbaux, Mme [E] a déclaré n'avoir « aucun souvenir d'une altercation physique », ne pas comprendre les raisons de cette obligation de paiement, mais accepter de s'y soumettre « pour tourner la page de cette affaire déjà lourde de conséquences sur sa santé et sa tranquillité ».

Bien qu'un rappel à la loi n'ait pas la valeur d'une condamnation pénale définitive, Mme [E] n'a pas explicitement contesté les faits devant le délégué du procureur de la République et s'est engagée à verser une somme de 200 euros à Mme [O] afin de « mettre un terme à cette procédure pénale », ce qui constitue une reconnaissance de responsabilité de sa part.

Ainsi, l'ensemble de ces éléments suffit à démontrer que Mme [E] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

S'agissant de l'imputabilité du dommage corporel allégué à la faute de l'appelante, contrairement à ce que soutient Mme [E], l'expert judiciaire n'a pas écarté le lien de causalité entre le fait dommageable et toutes les douleurs dont se plaignait la victime. En effet, celui-ci, après avoir indiqué que la victime avait subi par le passé sept chutes de cheval avec contusion de l'épaule gauche, retient que la seule séquelle imputable à l'agression de novembre 2017 est la petite tendinite.

Enfin, Mme [E] soutient que la somme de 200 euros qu'elle a versée n'est pas une provision, mais une indemnisation définitive.

Outre qu'aucune demande tendant à voir juger irrecevable la demande indemnitaire de Mme [O] n'a été formée, Mme [E] ne démontre pas l'existence d'une transaction extinctive du droit à indemnisation de Mme [O]. En l'absence d'une telle transaction, Mme [E] demeure soumise à l'obligation de réparer intégralement le préjudice subi par la victime.

Dès lors qu'il est établi que Mme [E] a commis une faute en lien de causalité avec le dommage corporel de Mme [O], sa responsabilité est engagée et elle sera tenue de réparer intégralement le préjudice de cette dernière.

Le jugement querellé sera ainsi confirmé en ce qu'il a jugé que Mme [E] était responsable du préjudice subi par Mme [O].

Sur l'indemnisation :

À titre liminaire, il s'observe que Mme [E] demande de réduire à de plus justes proportions les indemnités réparant le préjudice de la victime sans présenter de moyen au soutien d'une telle prétention.

Sur les dépenses de santé actuelles

Mme [O] ne sollicitant pas la réformation de ce chef, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnisation au titre des dépenses de santé actuelles.

Sur les frais divers

Il s'agit notamment d'indemniser les frais exposés par la victime avant la date de consolidation de ses blessures, tels que les frais liés à l'hospitalisation, les frais de transport survenus durant la maladie traumatique, dont le coût et le surcoût sont imputables à l'accident, ou les frais de copie des dossiers médicaux.

Mme [O] soutient que ce préjudice est constitué par les frais de déplacement afin de se rendre aux opérations d'expertise.

Au soutien de sa demande, elle produit une note d'honoraires de son conseil. Or cette pièce concerne les frais de déplacement de son conseil et non les frais de déplacement supportés par Mme [O] elle-même.

En outre, l'expert n'a retenu aucun frais divers.

Dans ces conditions, elle échoue à démontrer l'existence de frais divers restés à sa charge. Le jugement querellé sera donc réformé de ce chef.

Sur le déficit fonctionnel temporaire

Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la consolidation la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante, en ce compris le préjudice d'agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire ; le déficit fonctionnel temporaire peut être total ou partiel.

L'expertise a conclu à un déficit fonctionnel temporaire fixé à 10% du 13 novembre 2017 au 23 mars 2018, soit durant 131 jours, en raison d'une scapulalgie douloureuse traînante.

Mme [O] sollicite une indemnisation sur la base d'une indemnité journalière de 25 euros.

Comme l'a retenu le premier juge, une indemnité égale de 25 euros par jour est de nature à réparer la gêne dans les actes de la vie courante, lorsque ce déficit fonctionnel temporaire est total. Cette indemnisation est proportionnellement diminuée lorsque le déficit fonctionnel temporaire est partiel.

En conséquence, ce préjudice sera évalué de la manière suivante : 25 euros x 131 jours x 10% = 327,50 euros.

Le jugement sera ainsi confirmé de ce chef.

Sur les souffrances endurées

Il s'agit d'indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la maladie traumatique et jusqu'à la consolidation.

L'expert retient que la victime a enduré des souffrances physique et psychologique évaluées à 2,5 sur 7 jusqu'à la consolidation fixée au 23 mars 2018.

Cependant, il ne précise pas quelles ont été ces souffrances psychologiques.

Compte tenu de l'âge de la victime lors du fait dommageable (46 ans), de l'évaluation retenue par l'expert et en l'absence d'autre élément, la cour considère qu'une indemnisation à hauteur de 3 000 euros indemnise intégralement les souffrances endurées par Mme [O].

Le jugement sera ainsi réformé de ce chef.

Sur la liquidation des préjudices :

Au vu de l'ensemble des éléments énoncés, il revient à Mme [O] les sommes suivantes :

327,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

3 000 euros au titre des souffrances endurées.

Le jugement querellé sera ainsi réformé en ce qu'il a jugé que l'indemnisation de Mme [O] s'établissait comme suit :

160,49 euros au titre des frais divers ;

327,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

4 000 euros au titre des souffrances endurées ;

et condamné Mme [E] à payer à Mme [O] la somme de 4 287,99 euros en réparation de son préjudice corporel.

Sur la procédure abusive :

En application de l'article 1240 du code civil dans sa rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol, de faute, même non grossière ou dolosive, ou encore de légèreté blâmable, dès lors qu'un préjudice en résulte.

Alors que sa responsabilité a été retenue, Mme [E] ne démontre pas que Mme [O] ait agi par malice, mauvaise foi, erreur grossière, ni qu'elle ait commis de faute et ainsi abusé de son droit d'agir en justice.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [E] de sa demande en réparation pour procédure abusive.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens de l'arrêt et l'équité conduisent à :

- confirmer le jugement attaqué en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [O] qui succombe aux entiers dépens d'appel, ne pas de prononcer de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et laisser aux parties la charge de leurs frais irrépétibles d'appel, en considération de la succombance partielle de l'appelante.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 28 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Douai en ce qu'il a :

- jugé que Mme [E] était responsable du préjudice subi par Mme [O] à la suite des faits de violences ;

- débouté Mme [O] de sa demande d'indemnisation au titre des dépenses de santé actuelles ;

- dit que la somme de 200 euros déjà versée devra être déduite de ce montant ;

- débouté Mme [E] de sa demande en réparation pour procédure abusive ;

- condamné Mme [E] à payer à Mme [O] la somme de 1 525,82 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [E] aux dépens, incluant les frais de l'instance ordonnée en référé ainsi que ceux de l'expertise médicale judiciaire qui avait été ordonnée.

Le réforme en ses autres dispositions déférées à la cour :

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à homologation du rapport du docteur [Z] [X],

Condamne Mme [Y] [E] à payer à Mme [M] [O], assistée par Mme [V] [L] en qualité de curatrice, les sommes suivantes :

327,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

3 000 euros au titre des souffrances endurées,

Condamne Mme [M] [O], assistée par Mme [V] [L], en qualité de curatrice, aux dépens d'appel,

Laisse à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles,

Déclare le présent arrêt commun à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8]-[Localité 10] et à la mutuelle Apvia groupe macif,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le greffier

Fabienne DUFOSSÉ

Le président

Guillaume SALOMON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 23/04788
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;23.04788 ?
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