La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2024 | FRANCE | N°23/03056

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 11 juillet 2024, 23/03056


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 11/07/2024





****





N° de MINUTE :

N° RG 23/03056 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U7LJ



Ordonnance de référé (N° 23/00283)

rendue le 13 juin 2023 par le président du tribunal judiciaire de Lille







APPELANTE



Madame [M] [G]

née le 07 mars 1963 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 3]



représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Sébastien Carnel, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant





INTIMÉES



Madame [I] [O]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 11/07/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 23/03056 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U7LJ

Ordonnance de référé (N° 23/00283)

rendue le 13 juin 2023 par le président du tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

Madame [M] [G]

née le 07 mars 1963 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Sébastien Carnel, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

INTIMÉES

Madame [I] [O]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Arnaud Vercaigne, avocat au barreau de Lille, avocat constitué substitué par Me Chloé Schulthess, avocat au barreau de Lille

La SMABTP

prise en sa qualité d'assureur de responsabilité de la Société RT Renov et assureur de responsabilité de la SARL DTE

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Jean-François Pille, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

DÉBATS à l'audience publique du 04 juin 2024, après réouverture des débats par mention au dossier, tenue par Catherine Courteille magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Courteille, présidente de chambre

Samuel Vitse, président de chambre

Véronique Galliot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2024 (délibéré avancé, initialement prévu le 26 septembre 2024) et signé par Catherine Courteille, présidente et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 février 2024

****

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS DES PARTIES

Mme [M] [G], propriétaire d'un immeuble à usage d'habitation sis [Adresse 5] a, par lettre de mission du 7 août 2018, confié à la société Contrastes, une mission de rénovation intérieure.

Sont intervenues dans ce cadre :

la société RT Renov pour le lot maçonnerie, carrelage et plâtrerie suivant devis du 15 novembre 2018 ;

la société [U] menuiseries pour le lot menuiseries extérieures suivant devis du 27 septembre 2018 ;

la société Les 3 Artisans pour le lot couverture et velux de la véranda suivant devis du 19 novembre 2018 ;

la société DTE pour le lot électricité suivant devis du 30 novembre 2018.

Se plaignant d'un défaut d'isolation du plafond de la véranda, Mme [M] [G] a par acte d'huissier du 28 juillet 2021, fait assigner au visa des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, la société RT-Renov et la société Contrastes devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille, évoquant les désordres suivants :

des ponts thermiques situés au niveau de l'entourage des fenêtres de toit ;

des ponts thermiques situés au niveau du plafond de cette extension et à la liaison mur / plafond ;

des infiltrations d'air par les boîtiers de spots.

Par acte d'huissier du 4 novembre 2022, elle a également fait assigner les sociétés [U] menuiseries, les 3 Artisans et DTE.

Par ordonnance du 1er février 2022, le juge des référés a désigné M. [P] en qualité d'expert judiciaire.

Par actes des 7, 8 et 23 février 2023, Mme [M] [G] a fait assigner la SMABTP en qualité d'assureur de la société [U] Menuiserie, la société Groupama Nord-Est en qualité d'assureur de la société Les 3 Artisans et Mme [I] [O] en qualité de gérante de la société Contrastes afin que les opérations d'expertise précédemment ordonnées leur soient rendues communes.

Par ordonnance du 13 juin 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a :

renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige ;

déclaré communes à la SMABTP, assureur de la société [U] menuiserie, et à la société Groupama Nord-Est, assureur de la société Les 3 Artisans, les opérations d'expertise ordonnées par l'ordonnance de référé du 1er février 2022 ayant désigné M. [J] [P] en qualité d'expert ;

rejeté la demande d'extension des opérations d'expertise à Mme [I] [O], gérante de la société Contrastes, à titre personnel ;

laissé les dépens à la charge de la partie demanderesse ;

débouté Mme [I] [O] de sa demande pour frais irrépétibles ;

rappelé que la présente décision est exécutoire par provision.

Par déclaration reçue au greffe de ce siège le 4 juillet 2023, Mme [M] [G] a interjeté appel de la décision.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 2 février 2024, Mme [M] [G] demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a

déclaré communes à la SMABTP, assureur de la société [U] menuiserie, et à la société Groupama Nord-Est, assureur de la société Les 3 Artisans, les opérations d'expertise ordonnées par l'ordonnance de référé du 1er février 2022 ayant désigné M. [J] [P] en qualité d'expert,

rejeté sa demande d'extension des opérations d'expertise Mme [I] [O], gérante de la société Contrastes à titre personnel

Statuant à nouveau, elle demande à la cour de :

déclarer les opérations d'expertise confiées à M. [H] communes et opposables aux sociétés SMABTP assureur de la société [U] Menuiserie, RT Rénov et DTE et Groupama Nord-Est assureur de la société Les 3 Artisans et à Mme [I] [O] ;

condamner solidairement Mme [I] [O] et la SMABTP à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouter Mme [O] et la SMABTP de leurs demandes ;

condamner solidairement Mme [O] et la SMABTP aux dépens d'appel et dire que la SCP Processuel pourra se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 26 janvier 2024, Mme [I] [O] demande à la cour de :

confirmer l'ordonnance de référé du 13 juin 2023 en ce qu'elle a débouté Mme [G] de sa demande d'ordonnance commune à son encontre ;

réformer la décision du 13 juin 2023 en ce qu'elle a rejeté la demande de frais irrépétibles qu'elle a formulée ;

Statuant à nouveau sur ce point :

condamner Mme [G] à lui payer une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés devant le juge des référés et devant la cour ;

condamner Mme [G] aux dépens.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 23 octobre 2023, la SMABTP demande à la cour de :

constater qu'elle formule les protestations et réserves d'usage sur la demande de Mme [M] [G] de lui voir communes les opérations d'expertise précédemment ordonnée ;

débouter Mme [M] [G] de sa demande de la voir condamner à lui payer une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouter Mme [M] [G] de sa demande de voir condamner la SMABTP aux dépens d'appel ;

A titre reconventionnel :

condamner Mme [M] [G] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner Mme [M] [G] aux entiers frais et dépens d'appel.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées et rappelées ci-dessus.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 février 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande tendant à voir rendre communes les opérations d'expertise à Mme [I] [O] 

Mme [M] [G] fait valoir que l'expertise doit être commune à Mme [I] [O] en qualité de gérante de la société Contrastes, laquelle est intervenue en tant qu'architecte est donc constructeur au sens des dispositions de l'article 1792 et 1792-1 du code civil. Elle soutient qu'il ressort de la lettre de mission que la société Contrastes devai fournir des plans d'exécution aux entreprises ainsi que le suivi du chantier pendant les travaux jusqu'à leur réception sans réserve. Il s'agissait d'une mission de maîtrise d''uvre en ce que ce projet prévoyait notamment : la création d'une extension, la réalisation de nouvelles fenêtres de toit et qu'il ne s'agissait pas d'une simple mission de décoration et d'aménagement d'intérieur. Elle ajoute que le juge des référés n'avait pas les pouvoirs d'interpréter la mission confiée à la société Contrastes. Par ailleurs, elle précise que la clause précisant que les entreprises intervenantes réalisent les travaux sous leur seule responsabilité, n'exonère pas la société Contrastes de sa propre responsabilité. Elle justifie son motif légitime en exposant que la société Contrastes est intervenue au titre d'une mission de maîtrise d''uvre, sans pour autant souscrire une police couvrant la responsabilité civile décennale pourtant obligatoire, et ce défaut constituant une infraction pénale. Elle disposera donc de la faculté de rechercher la responsabilité personnelle du gérant, faute pour celle-ci d'avoir souscrit une assurance obligatoire.

Mme [I] [O] conteste cette demande et soutient qu'il ne s'agissait pas d'une mission de maîtrise d''uvre. Elle n'a eu pour mission que la coordination et le suivi de chantier afin de réaménager l'espace intérieur. Les plans fournis n'ont permis qu'à servir de base afin de comprendre l'aménagement des lieux et n'étaient pas assimilables à des plans de maîtrise d''uvre. Elle ajoute que la couverture de la véranda ne relevait pas de la mission qui lui a été confiée. Le motif légitime n'est pas démontré.

L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé.

La mesure d'instruction n'est ordonnée que si se trouve établi le motif légitime tenant à l'utilité de la mesure au regard d'une éventuelle action au fond qui ne serait pas manifestement vouée à l'échec.

L'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Le défaut d'assurance des constructeurs est constitutif d'une faute civile engageant leur responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage. L'absence de souscription d'une assurance obligatoire de responsabilité décennale par les entrepreneurs prive dès l'ouverture du chantier les maîtres d'ouvrage de la sécurité procurée par l'assurance en prévision de sinistres, ce qui constitue un préjudice certain.

Le gérant de la société qui ne souscrit pas d'assurance décennale, commet une faute intentionnelle, constitutive d'une infraction pénale, et constitutive d'une faute séparable de ses fonctions sociales et engage sa responsabilité personnelle (3e Civ., 10 mars 2016, pourvoi n° 14-15.326)

Il n'est pas contesté que Mme [I] [O] est la gérante de la société Contrastes.

Il ressort de la lettre de mission confiée à la société Contrastes qu'elle était en charge notamment de la fourniture des plans d'exécution aux entreprises, de l'établissement du planning des entreprises et du suivi du chantier. Elle devait assurer le lien avec les entreprises jusqu'à la levée des réserves à la réception de l'ouvrage.

Les opérations d'expertise sont d'ores et déjà communes à la société Contrastes, Mme [M] [G] a déjà justifié de son motif légitime.

La responsabilité du gérant pouvant être engagée en l'absence de souscription à une assurance de responsabilité civile décennale, un litige potentiel est donc également établi en lien avec les opérations d'expertise en cours, avec Mme [O].

Mme [M] [G] justifie donc d'un motif légitime à voir rendre commune l'expertise à Mme [I] [O].

L'ordonnance sera infirmée.

Sur la demande tendant à voir rendre communes les opérations d'expertise à la SAMBTP en qualité d'assureur des sociétés RT Renov, DTE et [U] Menuiseries 

Mme [M] [G] soutient que la SMABTP était l'assureur des sociétés RT Renov, DTE et [U] Menuiseries et que les opérations d'expertise doivent être déclarée commune à la SMBATP en sa qualité d'assureur de ses trois sociétés et non pas uniquement de la société [U] Menuiseries.

La SMABTP formule les protestations et réserve d'usage.

Mme [M] [G] produit les attestations d'assurance des sociétés déjà parties à l'expertise. Elle justifie donc d'un motif légitime à sa demande.

En conséquence, l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a déclaré communes à la SMABTP, assureur de la société [U] menuiserie, et à la société Groupama Nord-Est, assureur de la société Les 3 Artisans, les opérations d'expertise ordonnées par l'ordonnance de référé du 1er février 2022 ayant désigné M. [J] [P] en qualité d'expert.

Et, il sera ajouté que les opérations d'expertise ordonnées par l'ordonnance de référé du 1er février 2022 seront également déclarées communes et opposables à la SMABTP en sa qualité d'assureur des sociétés RT Renov et DTE.

Sur les demandes accessoires 

Mme [I] [O] et la SMABTP seront in solidum condamnés aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Mme [I] [O] sera condamnée à payer à Mme [M] [G] la somme de 700 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans cette procédure.

La SMATP sera condamnée à payer à Mme [M] [G] la somme de 700 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans cette procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Lille du 13 juin 2023 en ce qu'elle a :

déclaré communes à la SMABTP, assureur de la société [U] menuiserie, les opérations d'expertise ordonnées par l'ordonnance de référé du 1er février 2022 ayant désigné M. [J] [P] en qualité d'expert ;

Y ajoutant

DECLARE communes et opposables à la SMABTP, assureur des sociétés RT RENOV et DTE, les opérations d'expertise ordonnées par l'ordonnance de référé du 1er février 2022 ayant désigné M. [J] [P] en qualité d'expert ;

INFIRME l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Lille du 13 juin 2023 en ce qu'elle a :

rejeté la demande d'extension des opérations d'expertise à Mme [I] [O], gérante de la société Contrates, à titre personnel ;

Statuant à nouveau :

DECLARE communes et opposables à Mme [I] [O], gérante de la société Contrastes, les opérations d'expertise ordonnées par l'ordonnance de référé du 1er février 2022 ayant désigné M. [J] [P] en qualité d'expert ;

CONDAMNE in solidum Mme [I] [O] et la SMABTP aux entiers dépens de la procédure d'appel,

CONDAMNE Mme [I] [O] à payer à Mme [M] [G] la somme 700 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel,

CONDAMNE la SMBATP à payer à Mme [M] [G] la somme 700 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel.

Le greffier

Anaïs Millescamps

Le président

Catherine Courteille


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 23/03056
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;23.03056 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award