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11/07/2024 | FRANCE | N°23/01939

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 11 juillet 2024, 23/01939


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 11/07/2024





****





N° de MINUTE :

N° RG 23/01939 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U3XD



Ordonnance de référé (N° 22/00144)

rendue le 22 Mars 2023 par le tribunal judiciaire de Douai







APPELANT



Monsieur [X] [A]

né le 17 juin 1954 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représenté p

ar Me Camille Desbouis, avocat au barreau de Douai, avocat constitué



INTIMÉ



Monsieur [V] [U]

né le 27 juin 1960 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté par Me Gregory Frere, avocat au barreau de Valenciennes, avocat...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 11/07/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 23/01939 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U3XD

Ordonnance de référé (N° 22/00144)

rendue le 22 Mars 2023 par le tribunal judiciaire de Douai

APPELANT

Monsieur [X] [A]

né le 17 juin 1954 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Camille Desbouis, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

INTIMÉ

Monsieur [V] [U]

né le 27 juin 1960 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Gregory Frere, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 10 juin 2024, après réouverture des débats par mention au dossier, tenue en double rapporteur par Catherine Courteille et Véronique Galliot, après accord des parties.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Courteille, présidente de chambre

Samuel Vitse, président de chambre

Véronique Galliot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 06 novembre 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

M. [V] [U] est propriétaire de l'immeuble à usage d'habitation situé au [Adresse 2] [Localité 3], cadastré AK [Cadastre 4].

M. et Mme [A] sont propriétaires d'un immeuble contigu situé [Adresse 1], cadastré AK [Cadastre 5].

Se plaignant d'un empiétement causé par M. [V] [U], M. et Mme [A] ont mandaté leur assureur de protection juridique aux fins de diligenter une expertise amiable.

L'expert a rendu son rapport le 13 décembre 2019.

Par courrier recommandé du 20 décembre 2019, la protection juridique de M. et Mme [A] a mis en demeure M. [V] [U] d'une part, de missionner un géomètre expert pour le bornage à ses frais et, d'autre part, à procéder à la destruction de la clôture sur la propriété de M. et Mme [A].

Par courrier recommandé du 15 avril 2020 avec accusé de réception signé le 23 avril 2020, le conseil de M. et Mme [A] ont mis en demeure M. [V] [U] de :

Faire cesser l'empiétement de la clôture sur la parcelle de M. et Mme [A],

Faire cesser l'empiétement de son compteur EDF sur la parcelle de M. et Mme [A],

Faire cesser l'empiétement de son portail implanté à l'emplacement de l'ancienne borne,

Réimplanter la borne matérialisant la limite séparative des héritages en façade avant

Les deux déclarations préalables présentées le 7 septembre 2020 par M. [V] [U] s'agissant de la réalisation d'une dalle de béton et l'édification d'une clôture, ont fait l'objet de deux arrêtés de non-opposition à une déclaration préalable au nom de la commune de [Localité 3] du 21 octobre 2020.

Par acte d'huissier du 28 décembre 2020, M. [X] [A] a fait assigner M. [V] [U] devant le tribunal judiciaire de Douai.

Par jugement rendu le 14 juin 2021, le tribunal judiciaire de Douai a :

Condamné M. [V] [U] à procéder ou faire procéder à ses frais à l'enlèvement du coffret électrique Enedis sur la propriété de M. et Mme [A], sous astreinte de 50 euros par jours de retard pendant trois mois à défaut d'enlèvement volontaire passé le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision,

Condamné M. [V] [U] à payer à M. et Mme [A] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par courrier recommandé du 4 août 2021, M. [V] [U] a demandé à M. et Mme [A] de procéder aux travaux utiles en raison du débordement des thuyas sur son terrain, des branches qui dépassent également sur son terrain, de l'empiétement du mur de soutènement implanté sur son terrain ainsi que de l'empiétement causé par les tuiles de rives de la couverture de l'habitation de M. et Mme [A].

Par courrier du 19 octobre 2021, le conseil de M. [X] [A] a contesté les griefs reprochés par M. [V] [U].

Le 29 octobre 2021, M. [V] [U] a fait dresser un procès-verbal de constat d'huissier.

Le 7 février 2022, un bulletin de non conciliation a été émis par le conciliateur de justice du tribunal judiciaire de Douai.

Par acte d'huissier du 17 août 2022, M. [V] [U] a fait assigner M. [X] [A] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Douai aux fins de :

A titre principal,

Déclarer sa demande recevable,

Ordonner à M. [X] [A] de couper l'ensemble des arbres sauvages et thuyas qui empiètent sur son terrain,

Ordonner à M. [X] [A] de couper l'ensemble des arbres sauvages et thuyas qui dépassent la hauteur légale afin de les replanter à distance légale, ou de les tailler à la hauteur légale,

Ordonner que M. [X] [A] fasse cesser l'empiétement, et au besoin, d'ordonner la démolition du muret de soutènement appartenant à M. [X] [A] et empiétant sur la propriété de M. [V] [U],

Ordonner que M. [X] [A] fasse cesser l'empiétement, et au besoin, d'ordonner des travaux de réfection de la toiture appartenant à M. [X] [A] et empiétant sur la propriété de M. [V] [U],

Constater l'existence d'une faute de nature délictuelle de M. [X] [A] sur M. [V] [U],

Condamner M. [X] [A] à verser à M. [V] [U] la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts,

A titre subsidiaire,

Constater l'existence d'un trouble anormal de voisinage,

Condamner M. [X] [A] à verser à M. [V] [U] la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts,

A titre subsidiaire,

Ordonner une mesure d'expertise, avec mission habituelle en la matière,

Dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

Condamner M. [X] [A] au paiement de la somme de 1 750,60 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par ordonnance du 22 mars 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Douai a :

rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [X] [A],

s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes formulées au titre du trouble manifestement illicite,

écarté le moyen fondé sur la prescription acquisitive soutenu par M. [X] [A],

ordonné à M. [X] [A], dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente ordonnance, concernant les haies plantations situées en limite de sa propriété avec la propriété de M. [V] [U], propriétés respectivement situées n° [Adresse 1] et [Adresse 2] à [Localité 3], de la mettre en conformité avec les dispositions de l'article 671 du code civil, par arrachage ou réduction,

ordonné à M. [X] [A], dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente ordonnance, concernant les tuiles de rive et le mur situés en limite de sa propriété avec la propriété de M. [V] [U], propriétés respectivement situées au N° [Adresse 1] et [Adresse 2] à [Localité 3], de mettre fin à l'empiétement concernant les tuiles de rive coiffant ce mur et à l'empiétement à la base de ce mur ;

condamné M. [X] [A] à payer à M. [V] [U] la somme de 1 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [X] [A] aux entiers dépens.

Par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel de Douai le 21 avril 2023, M. [X] [A] a interjeté appel de l'ordonnance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 6 juillet 2023, M. [X] [A] demande à la cour, au visa des articles 750-1, 834 et 835 du code de procédure civile et de l'article R.211-3-8 du code de l'organisation de la justice, de :

Déclarer recevables et bien fondées les demandes, fins et conclusions de M. [X] [A], y faire droit.

Infirmer l'ordonnance rendue le 22 mars 2023 par le juge des référés du tribunal

Et, statuant à nouveau,

Juger irrecevables les demandes de M. [V] [U] relatives aux plantations litigieuses faute de respect du préalable de conciliation,

Juger que M. [V] [U] ne démontre pas la limite séparative des héritages et l'existence d'empiétement,

Juger que M. [V] [U] ne démontre pas que l'empiétement prétendu du mur litigieux revêtirait un caractère d'urgence.

Juger l'absence d'empiétement du fait du bénéfice de la prescription acquisitive trentenaire pour l'emplacement du mur litigieux, de la haie de thuyas et des tuiles de rive.

Juger que M. [V] [U] ne démontre pas l'existence d'un trouble manifestement illicite,

Juger que les conditions de mise en 'uvre des articles 834 et 835 du CPC ne sont pas réunies.

En conséquence, débouter M. [V] [U] de ses demandes.

De chef subsidiaire,

constater que M. [V] [U] ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice ni même son quantum.

Si par impossible le juge des référés faisait droit à la demande de désignation d'un expert judiciaire, il conviendrait de dire que l'expert aura notamment pour mission de :

- déterminer la date à laquelle la haie litigieuse a été plantée,

- déterminer la date à laquelle les tuiles de rive et le mur litigieux ont

été édifiés,

- donner son avis sur la solidité du mur litigieux.

- En tout état de cause,

- Condamner M. [V] [U] à payer à M. [X] [A] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner M. [V] [U] aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 28 juillet 2023, M. [V] [U] demande à la cour, au visa des articles 544, 671 et suivants du code civil, de l'article 1 du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, des articles 143, 834 et 750-1 et suivants du code de procédure civile, de :

à titre principal,

débouter M. [X] [A] de l'ensemble de ses demandes,

confirmer en tout point l'ordonnance du juge des référés du 22 mars 2023,

par voie de conséquence :

déclarer la demande de M. [V] [U] recevable,

rejeter la fin de non-recevoir soulevé par M. [X] [A],

juger la forme des référés manifestement compatible avec le cas de l'espèce, et le juge des référés de Douai compétent pour statuer sur les demandes formulées au titre du trouble manifestement illicite,

écarter le moyen fondé sur la prescription acquisitive soutenu par M. [X] [A],

ordonner à M. [X] [A], dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente ordonnance, concernant les haies et plantations situées en limite de sa propriété avec la propriété de M. [V] [U], propriétés respectivement situées n° [Adresse 1] et [Adresse 2] à [Localité 3], de la mettre en conformité avec les dispositions de l'article 671 du code civil, par arrachage ou réduction,

ordonner à M. [X] [A], dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente ordonnance, concernant les tuiles de rive et le mur situés en limite de sa propriété avec la propriété de M. [V] [U], propriétés respectivement situées au N° [Adresse 1] et [Adresse 2] à [Localité 3], de mettre fin à l'empiétement concernant les tuiles de rive coiffant ce mur et à l'empiétement à la base de ce mur ;

condamner M. [X] [A] à payer à M. [V] [U] la somme de 1 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner M. [X] [A] aux entiers dépens.

A titre subsidiaire,

Ordonner une mesure d'expertise, avec mission habituelle en la matière,

En tout état de cause :

Dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

Condamner M. [X] [A] au paiement de la somme de 1 750,60 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamner M. [X] [A] aux dépens en cause d'appel.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées et rappelées ci-dessus.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 novembre 2023.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir tiré de l'absence de tentative de conciliation

M. [X] [A] soutient que la demande relative à la haie des thuyas est irrecevable au motif que M. [V] [U] n'a pas tenté, préalablement à l'action en justice, une conciliation. Il précise que si le conseil d'Etat a annulé l'article 750-1 du code de procédure civile par décision du 22 septembre 2022, cette annulation ne vaut que pour les instances introduites après et non pas pour celle initiée par M. [V] [U] le 17 août 2022. Il précise qu'il s'était montré favorable à l'organisation d'une conciliation mais que celle-ci n'a pas pu aboutir en raison de l'absence de réponse de M. [V] [U] aux sollicitations du conciliateur.

M. [V] [U] fait valoir qu'une conciliation a été tentée mais aucun accord n'a été constaté par le conciliateur dans son bulletin de non conciliation en date du 7 février 2022, que si M. [X] [A] a essayé de relancer le conciliateur, ces relances sont postérieures au bulletin de non-conciliation. De plus, il indique que la saisine du juge des référés et l'existence de l'urgence à statuer suffisent à établir un motif dérogatoire à la tentative de conciliation.

Aux termes de l'article 750-1 du code de procédure civile, dans sa version applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative, lorsqu'elle tend au paiement d'une somme n'excédant pas 5 000 euros ou lorsqu'elle est relative à l'une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l'organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage.

Les parties sont dispensées de l'obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants:

1° Si l'une des parties au moins sollicite l'homologation d'un accord ;

2° Lorsque l'exercice d'un recours préalable est imposé auprès de l'auteur de la décision ;

3° Si l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l'urgence manifeste soit aux circonstances de l'espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu'une décision soit rendue non contradictoirement soit à l'indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ;

4° Si le juge ou l'autorité administrative doit, en application d'une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ;

5° Si le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l'article L. 125-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Aux termes de l'article R 211-3-8 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal judiciaire connaît notamment des actions relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l'usage des lieux pour les plantations ou l'élagage d'arbres ou de haies.

Par ailleurs, si le Conseil d'Etat a, dans sa décision du 22 septembre 2022, annulé l'article 750-1 précité, il a privé cette annulation d'effet rétroactif, de sorte que cette annulation n'influe pas sur les procédures en cours.

En l'espèce, l'action a été initiée par acte d'huissier du 17 août 2022, soit avant la décision du conseil d'Etat du 22 septembre 2022. L'article 750-1 du code de procédure civile dans sa version applicable avant le 22 septembre 2022 est donc applicable au litige de l'espèce.

Il est apporté au débat un bulletin de non-conciliation en date du 7 février 2022. Le motif évoqué est « aucun accord n'a été constaté ». Il n'est pas mentionné si les parties se sont rencontrées en vue de se concilier alors qu'un encart est prévu sur ce point.

M. [X] [A] apporte au débat :

- un courrier du conciliateur en date du 6 janvier 2022 dans lequel il invite à M. [X] [A] à le contacter par téléphone,

- un courrier en réponse du conseil de M. [X] [A] en date du 7 juin 2022 dans lequel il demande au conciliateur l'objet du contentieux et s'il a été saisi directement par M. [V] [U] ou par un conseil,

- un courrier du conseil de M. [X] [A] en date du 29 mars 2022 adressé au conciliateur dans lequel il affirme que ses clients sont disposés à envisager une conciliation et sollicite que le conciliateur lui propose 3 dates,

- un courrier du conseil de M. [X] [A] en date du 3 mai 2022 dans lequel il indique ne pas avoir eu de réponse à son précédent courrier du 29 mars 2022 et demande, à nouveau, des propositions de date pour la conciliation envisagée,

- un courriel du conciliateur en date du 16 juin 2022 adressé au conseil de M. [X] [A] dans lequel il indique : « Je n'ai pas vu monsieur [U] qui ne m'a pas non plus répondu. En tout état de cause, il n'a jamais donné suite à sa demande. Dès lors si le différent venait à persister il devrait faire l'objet d'une nouvelle saisine de la part de l'une ou l'autre parties. En l'état, ce dossier est considéré comme classé, en outre une solution à peut être été trouvée ce qui expliquerait le fait que Monsieur [U] ne m'a plus sollicité ».

Il est donc justifié que si M. [V] [U] a saisi le conciliateur, aucune tentative de conciliation n'a eu lieu en raison de l'absence de réponse de ce dernier.

Par ailleurs, M. [V] [U] ne démontre pas en quoi le respect des distances légales des plantations de M. [X] [A] sur son terrain constitue une urgence. De plus, le fait qu'un conflit persiste entre les parties ne caractérise pas des circonstances rendant impossible une tentative de conciliation. En effet, celle-ci a pour objectif de tenter que des personnes en conflit s'entendent sur un litige avant de le soumettre devant un juge.

En conséquence, en l'absence de tentative de conciliation, l'action initiée par M. [V] [U] relative aux plantations et haies de M. [X] [A] est irrecevable.

L'ordonnance sera infirmée sur ce chef.

Sur le référé injonction

M. [V] [U] soutient qu'en application de l'article 834 du code de procédure civile, l'urgence est caractérisée au motif que le mur de soutènement litigieux risque de s'écrouler. Il fait valoir également sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile que l'empiétement du muret de M. [X] [A] sur sa parcelle est caractérisé par le procès-verbal de constat d'huissier du 29 octobre 2021 et que ceci constitue une atteinte grave à son droit de propriété et donc un trouble manifeste.

M. [V] [U] conteste la prescription acquisitive dont se prévaut M. [X] [A] en ce que celle-ci n'est pas démontrée.

M. [X] [A] fait valoir que l'urgence invoquée sur la solidité du mur n'est pas justifiée au motif qu'il n'est pas demandé l'exécution de travaux de sécurisation et de remise en état du mur et que l'huissier n'a fait que reprendre les déclarations de M. [V] [U]. Il précise que le mur n'est pas instable mais présente une simple fissuration qui existe depuis des années, ce qui exclut le caractère urgent. Il affirme que le risque d'effondrement n'est pas caractérisé qui exclut également le dommage imminent

.

Sur le fondement de l'article 835 du code procédure civile, M. [X] [A] conteste l'existence d'un trouble manifestement illicite aux motifs que, d'une part, l'empiétement allégué n'est pas démontré et, d'autre part, si l'empiétement est caractérisé, il est couvert par la prescription acquisitive trentenaire. A ce titre, il indique que le muret et les tuiles de rives existent depuis l'édification de la maison en 1980.

**********

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Selon l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Cette notion correspond à la voie de fait.

L'appréciation du caractère illicite du trouble implique de la part du juge des référés « un certain préjugé sur le fond », étant précisé que l'illicéité du fait ou de l'action critiquée peut résulter de la méconnaissance d'une disposition légale ou réglementaire, d'une décision de justice antérieure, d'une convention, du règlement intérieur d'une entreprise, d'une simple règle morale ou même, quel que soit le fond du droit en cause, du procédé auquel une partie a eu recours pour régler le différend et obtenir, par violence ou voie de fait, le bénéfice de ce droit.

Il faut cependant que l'illicéité du trouble soit manifeste, la seule méconnaissance d'une réglementation étant à cet égard insuffisante. Il doit donc « sauter aux yeux » que la règle de droit, au sens large du terme, a été violée dans des conditions justifiant, sans contestation possible, qu'il soit mis fin à l'acte perturbateur.

Si la contestation n'affecte pas l'existence même du trouble et/ou son caractère illicite, le juge peut prendre une mesure de remise en état. En revanche, une contestation réellement sérieuse sur l'existence même du trouble ou sur son caractère manifestement illicite doit empêcher le juge des référés de prononcer la mesure sollicitée. De plus, dès l'instant où il subsiste une difficulté d'appréciation, le juge des référés ne peut trancher. Il ne peut interpréter la volonté des parties, les termes ambigus ou imprécis d'un acte ou d'une convention, le contenu d'un contrat litigieux ou trancher une question dont dépend l'existence de l'obligation invoquée.

Selon l'article 2272 du code civil, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans.

Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans.

Selon l'article 2261 du code civil, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.

***********

En l'espèce, sur le fondement de l'article 834 du code de procédure civile :

Quant au risque d'effondrement du muret de soutènement invoqué par M. [V] [U], il échet de constater que dans son courrier du 4 août 2021 adressé à M. et [A], il ne mentionne pas le risque d'effondrement du muret de soutènement. Il indique « on peut constater une gêne par un muret de soutènement implanté dans mon terrain de 17 cm de large et de 90 cm de long ». Il n'est pas donc pas fait d'une éventuelle instabilité de ce dernier. L'huissier dans son procès-verbal de constat du 29 octobre 2021 précise : « j'ai pu constater un muret de soutènement avec 2 fissurations, une verticale et une horizontale, le mur présente une instabilité. Mon requérant craint qu'en posant sa dalle, ce mur continue de bouger et s'effondre. (') Au niveau du muret de soutènement qui se descelle, j'ai pu constater des traces noires de types coulures d'eau, la toiture du voisin ayant été récemment effectuée, avec tuiles de rive et tasseaux de bois positionnés sur le mur pignon côté de mon requérant ». Il est annexé des photographies au procès-verbal de constat sur lesquelles les deux fissures sur le muret de soutènement sont visibles. Il est également apporté aux débats d'autres photographies en couleur sur lesquelles ces fissures sont également visibles. Néanmoins, il n'est pas justifié d'élément technique permettant d'affirmer le risque d'effondrement du muret et, surtout, M. [V] [U] a évoqué ce risque tardivement, à savoir pour la première fois devant l'huissier alors même qu'il avait adressé un courrier à M. et Mme [A] quelques semaines auparavant. Si l'existence des fissures est avérée, le risque d'effondrement et l'urgence ne sont pas démontrés.

En conséquence, les conditions d'application de l'article 834 ne sont pas réunies.

S'agissant de l'application de l'article 835 du code de procédure civile, il appartient à M. [V] [U] de démontrer l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite.

Pour démontrer l'empiétement invoqué, M. [V] [U] apporte aux débats un procès-verbal de constat d'huissier en date du 29 octobre 2021. Néanmoins, il n'indique aucun élément sur ce point. La seule pièce évoquant la question est le plan de M. [Y] [F], géomètre, dans lequel figure la mention « empiétement du muret de 0,08m sur la parcelle de AK83 ». Il est également précisé que la limite entre les deux parcelles a été « rétablie d'après le plan de lotissement l'Orée du Bois dressé en février 1979 par [T] [F] et [E] [S], géomètres-experts à Douai ». L'empiétement du muret sur la parcelle de M. [V] [U] est donc établi.

M. [X] [A] fait valoir que l'empiétement est couvert par la prescription acquisitive trentenaire.

A ce titre, mise à part les attestations des membres de sa famille, il apporte aux débats :

Le permis de construire du 9 septembre 1980, les factures des 31 octobre 1980 relative à la charpente et à la couverture et celle du 31 décembre 1980 relative aux tuiles « normandes rustiques » : ces pièces démontrent que la maison a été construite en 1980 ;

La facture de la réfection de la toiture du 27 octobre 2017 et l'attestation de l'entrepreneur, M. [D] [C], qui indique « toiture refaite à l'identique, y compris les tuiles de rives à gauche et à droite qui était existante » ;

Des photographies prises en 1998 sur lesquelles on voit le mur litigieux et les tuiles de rives dépassant.

Il en ressort que si le plan produit par M. [V] [U] mentionne un empiétement du muret de soutènement de M. [X] [A] sur la parcelle de M. [V] [U], il est également précisé que ce plan est établi d'après le plan du lotissement de 1979. Il n'y a donc pas eu de changement depuis. De plus, l'attestation de l'entrepreneur M. [D] [C], sa facture de 2017 ainsi que les factures produites aux débats suffisent à caractériser une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque de l'empiétement de 0,08 m du muret de soutènement de M. [X] [A] sur la parcelle de son voisin M. [V] [U]. En outre, il y a lieu de préciser que cet empiétement n'a été évoqué pour la première qu'en 2021 lors de l'établissement du procès-verbal d'huissier alors même qu'il y avait déjà eu lieu une procédure entre les parties relative aux limites séparatives entre les fonds au niveau de la façade avant. La possession était ainsi établie sans équivoque depuis plus de trente ans.

En l'absence de trouble manifestement illicite et de dommage imminent, les conditions d'application de l'article 835 du code de procédure civile ne sont pas réunies. Le juge des référés ne peut donc pas statuer sur les demandes de M. [V] [U].

L'ordonnance sera donc infirmée en ce qu'elle a :

ordonné à M. [X] [A], dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente ordonnance, concernant les tuiles de rive et le mur situés en limite de sa propriété avec la propriété de M. [V] [U], propriétés respectivement situées au N° [Adresse 1] et [Adresse 2] à [Localité 3], de mettre fin à l'empiétement concernant les tuiles de rive coiffant ce mur et à l'empiétement à la base de ce mur.

- Sur la demande d'expertise

M. [V] [U] sollicite, à titre subsidiaire, qu'il soit ordonné une expertise judiciaire afin d'attester les empiétements allégués.

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Le seul empiétement non caractérisé en l'espèce est celui causé par la haie de thuyas. Néanmoins, la présente action sur les plantations et la haie a été déclarée irrecevable en raison de l'absence de tentative de conciliation.

En l'absence de motif légitime, la demande d'expertise judiciaire sera rejetée.

- Sur les demandes accessoires

L'ordonnance sera infirmée de ces chefs.

M. [V] [U] sera condamné aux entiers dépens engagés en première instance et en appel.

M. [V] [U] sera condamné à payer à M. [X] [A] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, engagés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

DÉCLARE irrecevable la demande de M. [V] [U] de : « ordonner à M. [X] [A], dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente ordonnance, concernant les haies et plantations situées en limite de sa propriété avec la propriété de M. [V] [U], propriétés respectivement situées n°[Adresse 1] et [Adresse 2] à [Localité 3], de la mettre en conformité avec les dispositions de l'article 671 du code civil, par arrachage ou réduction »,

INFIRME l'ordonnance en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

DIT n'y avoir lieu à référé en ce qui concerne la demande tendant à voir ordonner à M. [X] [A] de mettre fin à l'empiétement des tuiles de rive et du muret de soutènement situés en limite de sa propriété avec la propriété de M. [V] [U], propriétés respectivement situées au N° [Adresse 1] et [Adresse 2] à [Localité 3],

DÉBOUTE M. [V] [U] de sa demande d'expertise judiciaire,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [V] [U] aux entiers dépens engagés en première instance et en appel,

DÉBOUTE M. [V] [U] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [V] [U] à payer à M. [X] [A] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, engagés en première instance et en appel.

Le greffier

Anaïs Millescamps

La présidente

Catherine Courteille


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 23/01939
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;23.01939 ?
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