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04/07/2024 | FRANCE | N°24/00354

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 04 juillet 2024, 24/00354


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 04/07/2024





****





N° de MINUTE :

N° RG 24/00354 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VKHG



Jugement n°22/0036 rendu le 14 novembre 2023 par le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe (service des procédures collectives)





- PROCEDURE COLLECTIVE -



APPELANT



Monsieur [T] [J]

né le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 11]

, de nationalité française

demeurant [Adresse 4]

Bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro C-59178/2024/00823 du 01/02/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai

représenté par M...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 04/07/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 24/00354 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VKHG

Jugement n°22/0036 rendu le 14 novembre 2023 par le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe (service des procédures collectives)

- PROCEDURE COLLECTIVE -

APPELANT

Monsieur [T] [J]

né le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 11], de nationalité française

demeurant [Adresse 4]

Bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro C-59178/2024/00823 du 01/02/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai

représenté par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

INTIMÉES

Mutualité Sociale Agricole (MSA) du Département du Nord

ayant son siège social [Adresse 5]

représentée par Me Eric Tiry, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué

SELARL Yvon Périn et [C] [O] prise en la personne de Me [C] [O] en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [T] [J] désigné à cette fonction suivant jugement du tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe en date du 14 novembre 2023

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Me Manuel de Abreu, avocat constitué, substitué à l'audience par Me Geoffrey Bajard, avocats au barreau de Valenciennes

En présence du Ministère Public

représenté par M. le procureur général près la cour d'appel de Douai pris en la personne de M. Christophe Delattre, substitut général

entendu en ses réquisitions orales identiques à ses réquisitions écrites

DÉBATS à l'audience publique du 22 mai 2024 tenue par Pauline Mimiague magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Aude Bubbe, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 juillet 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC :

Cf réquisitions du 6 mai 2024 notifiées le même jour aux parties

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 mai 2024

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant jugement du 9 mai 2023 le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe, saisi par la Mutuelle sociale agricole, a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. [T] [J], agriculteur.

Par requête en date du 5 octobre 2023 le mandataire judiciaire a sollicité la liquidation judiciaire.

Par jugement du 14 novembre 2023, le tribunal, constatant que le redressement judiciaire était impossible compte tenu de la situation financière de M. [J] qui est dépourvu de ressources et de l'absence de collaboration avec le mandataire désigné, a :

- prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire ouverte au bénéfice de M. [J] en liquidation,

- désigné la SELARL Périn [O] prise en la personne de M. [C] [O] en qualité de liquidateur,

- désigné juge-commissaire,

- mis fin à la période d'observation,

- fixé à un an le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée conformément aux dispositions de l'article L. 643-9 du code de commerce,

- renvoyé l'affaire à l'audience du 8 octobre 2024 à 10H00,

- ordonné les mesures de publicité prévue par la loi,

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 24 janvier 2024 M. [J] a relevé appel aux fins d'annulation ou d'infirmation du jugement déférant à la cour l'ensemble de ses chefs.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 mai 2024, M. [J] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau de :

- débouter M. [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions et dire n'y avoir lieu à conversion en liquidation judiciaire,

- renvoyer la présente procédure devant le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe pour établissement d'un plan de continuation par voie d'apurement du passif,

- ordonner que les dépens soient employés en frais privilégiés de procédure collective.

Au soutien de son appel il fait valoir que le jugement de conversion est erroné en droit dans la mesure où la conversion en liquidation judiciaire est subordonnée à la constatation de l'impossibilité manifeste de redresser l'entreprise alors qu'il est en mesure de proposer un plan de continuation, que la créance initialement annoncée par la MSA a été réévaluée au mois d'octobre 2023 pour être ramenée à moins de 23 000 euros, le reste du passif étant relatif à un ou des prêts, qu'il se trouve en capacité de régler le passif au regard des revenus de l'année 2023 et de ses droits aux subventions PAC de l'Union européenne, qu'il dispose de capacités nécessaires pour maintenir et développer l'exploitation, notamment en poursuivant individuellement l'exploitation de terres dont il détient les baux dans le cadre de la reprise de l'exploitation du GAEC qui est en cours de dissolution, et dont il assurait déjà la gestion seul. Il ajoute qu'il ne lui pas été fait de demande explicite concernant la présentation d'un plan de continuation et il conteste le reproche qui lui est fait d'absence de comptabilité expliquant que les difficultés de gestion comptable découlent directement de l'absence de collaboration de la part de l'ancien gérant.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 15 mai 2024 la SELARL Périn [O], ès qualités, demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de statuer ce que de droit quant aux dépens.

Le liquidateur judiciaire rappelle que la liquidation judiciaire peut être ordonnée dès lors que le redressement est manifestement impossible, en application de l'article L. 631-15 du code de commerce, que le débiteur fait état d'une faculté à présenter un plan mais sur la base d'un passif erroné (les documents communiqués concernent le GAEC qui est en cours de dissolution), sans justification de revenus réels, en l'absence de toute comptabilité (la carence évoquée du gérant concerne le GAEC, aucun inventaire n'a pu être établi) et alors que le débiteur n'a pas collaboré utilement pendant la période d'observation et ne communique aucun élément comptable ou chiffré pour justifier de l'état précis de ses actifs afin d'apprécier la viabilité et la rentabilité de son plan et la faisabilité de ses propositions.

Suivant réquisitions écrites en date du 6 mai 2024, transmises par courrier électronique le même jour, le procureur général sollicite à titre principal, si l'appel n'avait pas été régularisé dans les délais légaux, qu'il soit déclaré irrecevable, subsidiairement, que le jugement soit confirmé, relevant que le débiteur n'a remis aucun document comptable et ne collabore pas avec le mandataire judiciaire, ne connaît pas précisément l'état de son passif, ne propose aucun plan sérieux validé par un expert-comptable mettant en évidence sa capacité contributive. Il précise qu'un renvoi devant les premiers juges est en tout état de cause inopérant dès lors que la période d'observation a pris fin le 9 mai 2024 et qu'aucune demande n'a été faite aux fins d'obtenir une poursuite d'activité exceptionnelle, ce qui relève des prérogatives exclusives du ministère public. Tout en soutenant sa position oralement, il relève qu'il a été admis en jurisprudence que le tribunal prolonge d'office la période d'observation sans que cela ne constitue un excès de pouvoir et qu'il y a avait lieu de tenir compte de l'aspect humain de ce dossier dans l'appréciation de la demande du débiteur.

La MSA a constitué avocat le 23 février 2024 mais ne conclut pas.

La clôture de l'instruction est intervenue le 15 mai 2024 et l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoiries du 22 mai suivant.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel

En vertu de l'article R. 661-3 du code de commerce, sauf disposition contraire, le délai d'appel des parties est de dix jours à compter de la notification qui leur est faite des décisions rendues en matière de liquidation judiciaire.

Le dossier du tribunal judiciaire transmis à la cour contient la notification du jugement faite par le greffe par lettre recommandé réceptionnée le 25 janvier 2024. L'appel effectué le même jour est en conséquence recevable.

Sur la conversion en liquidation judiciaire

En application de l'article L. 631-15 II du code de commerce, à tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.

Selon l'état des créances dressé par le mandataire, le passif de M. [J] s'élève à 76 464,26 euros dont 19 381,27 euros à échoir :

- créances de la Caisse fédérale de crédit mutuel pour un montant de 52 430,12 dont 19 381,27 euros à échoir,

- créance de la MSA pour un montant de 24 034,14 euros.

M. [J] verse aux débats un décompte de la MSA faisant état d'une créance arrêtée au 6 février 2024 de 22 661,14 euros (cotisations dues sur la période de 2015 à 2023).

Il ressort de la requête du mandataire qu'aucun salarié n'est employé à ce jour par M. [J] et que son actif n'a pu être inventorié, le commissaire priseur ayant établi un procès-verbal de difficultés, procès-verbal qui n'est toutefois pas versé aux débats.

M. [J] ne communique pas de pièces concernant ses revenus d'activité ou ses actifs. Il communique un document émis par la SODIAAL (coopérative laitière) faisant état d'une valorisation des apports de lait facturés sur l'année 2023 (pour 38 952,36 euros HT) ainsi qu'un le document relatif aux aides directes de la PAC de l'Union européenne (relevé de situation au 26 septembre 2023 mentionnant un montant total des aides pour la campagne 2023 à hauteur de 45 812,19 euros) qui concerne le GAEC de [Localité 10], dont est membre M. [J], le capital étant réparti entre lui et son frère à parts égales, et dont la dissolution judiciaire a été ordonnée par jugement du 2  mai 2023 en raison de la mésentente entre les associés.

La requête en conversion du mandataire judiciaire expose que le GAEC a été constitué en juillet 1979, que le dernier apport effectué en 2009 par M. [J] et son frère est constitué principalement d'un cheptel estimé à 62 950 euros, que l'exploitation est développée sur 107 hectares dont une quarantaine serait en pleine propriété et est orientée vers la polyculture et l'élevage de vaches.

M. [J] verse aux débats un document présentant un 'projet d'exploitation' consistant en la reprise de l'exploitation du GAEC, se basant sur un résultat prévisible oscillant de 20 à 30 000 euros par an et un projet de plan d'apurement de la dette sur douze années.

Il est certain que M. [J] ne justifie d'aucun élément comptable et financier relatif à son activité et à la valorisation de ses actifs et se borne à verser aux débats l'extrait du grand livre du GAEC de [Localité 10] pour la période du 1er août 2012 au 31 juillet 2013 qui n'éclaire pas la cour sur ces questions. Toutefois, d'une part, la liquidation du GAEC est susceptible de lui procurer un actif personnel, notamment pour la poursuite de l'exploitation qu'il exerçait dans le groupement, et, d'autre part, il est aujourd'hui assisté d'un avocat et disposé à collaborer avec les organes de la procédure pour trouver une issue à la procédure collective, étant relevé que l'on ignore les démarches qui ont été effectivement entreprises auprès de lui au cours de la période d'observation, sachant qu'il a été confronté à des difficultés personnelles et une période d'arrêt de travail au moment de la saisine pour ouverture de la procédure collective, comme il en résulte de l'avis d'arrêt de travail figurant au dossier du tribunal.

Dans ces conditions il n'apparaît pas que le redressement serait manifestement impossible et il convient dès lors d'infirmer le jugement déféré et, conformément à l'article L. 661-9 du code de commerce, d'ouvrir une nouvelle période d'observation de trois mois, cette période devant permettre l'élaboration d'un plan de redressement et la consultation des créanciers.

* * * * *

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare l'appel recevable ;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu de convertir le redressement judiciaire de M. [T] [J] en liquidation judiciaire ;

Renvoie les parties devant le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe pour la poursuite des opérations de redressement judiciaire conduite par les organes désignés par jugement du 9 mai 2023 ;

Maintient la désignation des organes de la procédure ;

Fixe une nouvelle période d'observation d'une durée de trois mois à compter du présent arrêt ;

Dit que les formalités de publicité seront accomplies à la diligence du greffe du tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe au vu de l'arrêt qui lui sera transmis par le greffe de la cour d'appel conformément à l'article R. 661-7 du code de commerce ;

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective ;

Dit que le présent arrêt sera transmis par lettre simple à la diligence du greffe à :

L'association ARCADE [Localité 9]

[Adresse 6]

Tél : [XXXXXXXX01] - [Courriel 8]

Le greffier

Valérie Roelofs

Le président

Dominique Gilles


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 24/00354
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;24.00354 ?
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