République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 04/07/2024
N° de MINUTE : 24/575
N° RG 23/05421 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VHNN
Jugement (N° 23/00158) rendu le 17 Novembre 2023 par le Juge de l'exécution de Lille
APPELANTE
Madame [K] [Z]
née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 10] - de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 11]
Représentée par Me Sixtine Dubus, avocat au barreau de Lille, avocat constitué assisté de Me Nicolas Choley, avocat au barreau d'Aix en Provence
INTIMÉES
Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 10] [Localité 17]
[Adresse 13]
[Localité 10]
Représentée par Me Benoît De Berny, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
SA Banque CIC Nord Ouest
[Adresse 7]
[Localité 12]
Défaillante
DÉBATS à l'audience publique du 13 juin 2024 tenue par Sylvie Collière magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Sylvie Collière, président de chambre
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 juillet 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 21 mai 2024
EXPOSE DU LITIGE
Le 20 décembre 2021, la Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 10]-[Localité 17] ( la CPAM [Localité 10]-[Localité 17]) a déposé plainte contre Mme [K] [Z], infirmière libérale, des chefs d'escroquerie.
Une enquête pénale a été diligentée à compter du 23 février 2022 à l'initiative du procureur de la République de Lille, à l'issue de laquelle ce dernier a fait citer Mme [Z] devant le tribunal correctionnel de Lille à l'audience du 16 décembre 2022, pour avoir, dans le département du Nord et notamment à Hem et Wattrelos, entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2020, en sa qualité d'infirmière libérale, en employant des manoeuvres frauduleuses, en l'espèce notamment :
- par la facturation de soins infirmiers de pansements lourds et complexes en inadéquation avec les consommables (pansements) remboursés aux assurés, du fait, soit de l'inexistence d'un remboursement de consommables (pansements) aux assurés, soit, d'une trop faible quantité de consommables (pansements) remboursés aux assurés ne permettant pas ainsi la réalisation de l'intégralité des soins facturés sur la période visée ;
- par la facturation de soins infirmiers de pansements lourds et complexes à l'égard de patients qui ne présentaient aucune affection de longue durée (ALD), ou ne bénéficiaient d'aucun régime exonérant, ou n'avaient pas été hospitalisés durant cette période ou n'avaient pas consulté de spécialiste ;
trompé la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] pour la déterminer à remettre des fonds, valeurs ou biens quelconques, en l'espère la déterminer frauduleusement à prendre en charge de telles facturations pour un préjudice subi évalué au minimum à 687 093,86 euros, avec cette circonstance que les faits ont été commis au préjudice d'un organisme de protection sociale,
faits prévus et réprimés par les articles 313-2-5°, 313-1 alinéa 1 du code pénal et réprimés par les articles 313-2 alinéa 1, 313-7, 313-8, 131-26-2 du code pénal.
L'affaire a été successivement renvoyée à l'audience pénale du 17 mars 2023, puis à celle du 17 novembre 2023 et enfin à celle du 5 juillet 2024.
Sur requête de la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] du 1er décembre 2022 visant les faits d'escroquerie pour lesquels Mme [Z] a été citée devant le tribunal correctionnel de Lille, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lille a, par ordonnance du 5 décembre 2022 autorisé la caisse à procéder à la saisie conservatoire des comptes de dépôt n° 30027 17117 000411 (28704) (28711) et (28716) de Mme [Z], ouverts dans les livres de la Banque CIC et des contrats d'assurance-vie souscrits auprès de la société Groupama, en garantie du recouvrement d'une créance provisoirement évaluée à 687 000 euros.
Par procès-verbal du 3 janvier 2023, la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] a fait procéder à la saisie conservatoire des comptes de Mme [Z] ouverts dans les livres du CIC Nord Ouest.
Par procès-verbal du 4 janvier 2023, la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] a fait procéder entre les mains de la société Groupama Gan Vie à la saisie conservatoire des valeurs mobilières détenues sur les contrats souscrits par Mme [Z].
Ces procès-verbaux ont été dénoncés à Mme [Z] par actes du 6 janvier 2023.
Sur requête de la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] du 8 décembre 2022 visant les faits d'escroquerie pour lesquels Mme [Z] a été citée devant le tribunal correctionnel de Lille, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lille a, par ordonnance du 15 décembre 2022, autorisé la CPAM [Localité 10]-[Localité 17] à inscrire des hypothèques judiciaires provisoires sur quatre immeubles appartenant à Mme [Z] dont deux situés à Wattrelos (Nord), pour l'un [Adresse 3] cadastré section AH n°[Cadastre 9] et pour l'autre [Adresse 4] cadastré section AX n°[Cadastre 6], en garantie de sa créance provisoirement évaluée à la somme de 687 000 euros.
Des hypothèques judiciaires provisoires ont été inscrites le 10 janvier 2023 au service de la publicité foncière de [Localité 12] 3 sur les immeubles de [Localité 11], sous la référence 2023 V n°337, et ces inscriptions ont été dénoncées à Mme [Z] par acte du 11 janvier 2023.
Entre temps, par acte du 6 janvier 2023, la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] a signifié à Mme [Z] ses conclusions de partie civile devant le tribunal correctionnel de Lille aux termes desquelles elle demande que sa constitution de partie civile soit déclarée recevable et bien fondée, que Mme [Z] soit déclarée coupable des faits reprochés et condamnée à lui régler la somme de 687 093,86 euros en réparation des sommes indûment versées.
Par acte du 16 mars 2023, Mme [Z] a fait assigner la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lille afin de contester les mesures conservatoires.
Par jugement contradictoire du 17 novembre 2023, le juge de l'exécution a :
- ordonné la mainlevée partielle de la saisie conservatoire exécutée à l'encontre de Mme [Z] et entre les mains de la banque CIC Nord Ouest le 3 janvier 2023 en ce qu'elle porte sur les comptes n°[XXXXXXXXXX05] et [XXXXXXXXXX014] ;
- rejeté les autres demandes de Mme [Z] ;
- débouté la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] de sa demande indemnitaire ;
- condamné Mme [Z] à payer à la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [Z] aux dépens ;
- rappelé que le présent jugement est immédiatement exécutoire.
Par déclaration adressée par la voie électronique le 7 décembre 2023, Mme [Z] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté ses autres demandes, l'a condamnée à payer à la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et a débouté la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] de sa demande indemnitaire.
Aux termes de ses dernières conclusions du 17 mai 2024, elle demande à la cour, au visa des articles L. 133-4, L. 323-5, R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale, L. 512-1 et L. 512-2 du code des procédures civiles d'exécution, L. 3252-2, R. 3252-2 du code du travail et 700 du code de procédure civile, de :
- réformer le jugement en ce qu'il :
* a rejeté ses autres demandes ;
* l'a condamnée à payer à la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* l'a condamnée aux dépens ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
* ordonné la mainlevée partielle de la saisie conservatoire exécutée à son encontre et entre les mains de la banque CIC Nord Ouest le 3 janvier 2023 en ce qu'elle porte sur les comptes CIC n°[XXXXXXXXXX05] et [XXXXXXXXXX014] ;
* débouté la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] de sa demande indemnitaire ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- déclarer ses autres demandes recevables et bien fondées ;
A titre principal,
- prononcer la nullité de l'ordonnance du 5 décembre 2022 rendue par le juge de l'exécution du
tribunal judiciaire de Lille ;
- ordonner la mainlevée immédiate de la saisie conservatoire pratiquée à la demande de la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] sur le fondement de l'ordonnance du 5 décembre 2022 irrégulière;
- prononcer la nullité de l'ordonnance du 15 décembre 2022 rendue par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lille ;
- ordonner la mainlevée immédiate du dépôt d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire pratiquée à la demande de la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] sur le fondement de l'ordonnance du 15 décembre 2022 non-annexée et irrégulière ;
A titre subsidiaire,
- ordonner la mainlevée partielle de la saisie conservatoire exécutée à son encontre et entre les mains de la banque CIC Nord Ouest le 3 janvier 2023 en ce qu'elle porte sur les comptes CIC n°[XXXXXXXXXX05] et [XXXXXXXXXX014] ;
A titre plus subsidiaire,
- ordonner la mainlevée immédiate de la saisie conservatoire pratiquée par la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] sur le fondement de l'ordonnance du 5 décembre 2022 en raison de l'absence de réunion des conditions de validité de la saisie ;
En tout état de cause,
- débouter la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;
- condamner la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] au paiement de la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice causé par la saisie conservatoire à son
encontre ;
- condamner la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions du 8 avril 2024, la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de :
- enjoindre à Mme [Z] de communiquer tous les relevés de compte qui ont reçu les trois prix de vente immobilière des 30 mars, 9 mai et 9 juin 2022 depuis la date d'encaissement de chacun des prix jusqu'à ce jour ;
- assortir l'injonction d'une astreinte journalière de 100 euros, huit jours après la signification de l'arrêt jusqu'à la production de la totalité des relevés ;
- condamner Mme [Z] à lui payer les sommes qui suivent :
* 5 000 euros de dommages-intérêts pour procès abusif ;
* 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
* les frais et dépens.
MOTIFS
Sur les demandes de Mme [Z] tendant à voir prononcer la nullité des ordonnances des 5 et 15 décembre 2023 et ordonner la mainlevée des saisies conservatoires et de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire :
Mme [Z] soutient que :
- la CPAM aurait dû mettre en oeuvre pour recouvrer la créance de 687 083,63 euros qu'elle invoque à son égard la procédure prévue aux articles L. 133-4 et R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale laquelle est exclusive du recours à tout autre procédure ou fondement pour assurer le recouvrement des indus, exception en cas de saisies ordonnées par le juge pénal ;
- la procédure initiée par la CPAM devant le juge de l'exécution pour obtenir l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire pour sa créance alléguée correspondant à un indu n'est pas recevable alors que les articles L. 133-4 et R.133-9-1 du code de la sécurité sociale relatifs à la procédure de recouvrement des indus n'ont pas été respectés.
*
***
Selon l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
Selon l'article L. 511-4 du code des procédures civiles d'exécution, à peine de caducité de la mesure conservatoire, le créancier engage ou poursuit, dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat, une procédure permettant d'obtenir un titre exécutoire s'il n'en possède pas.
Selon l'article R. 511-7 alinéa 1er du même code, si ce n'est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire.
Le titre recherché doit concerner directement et précisément la créance dont l'apparence fonde la mesure conservatoire.
Les dispositions de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution n'exigent que la démonstration d'une apparence de créance et de menaces sur le recouvrement de celle-ci et c'est seulement dans un second temps que le créancier doit introduire la procédure adéquate pour obtenir un titre exécutoire.
En l'espèce, c'est donc en vain que Mme [Z] fait reproche à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie d'avoir demandé au juge de l'exécution d'autoriser la mesure conservatoire sans avoir au préalable respecté les dispositions des articles L. 133-4 et R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale.
En outre, les dispositions des articles L. 133-4 et R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale permettant aux caisses de sécurité sociale d'obtenir la répétition des sommes indûment versées aux professionnels de santé en cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation, ou bien en cas de facturation d'actes non effectués ou de prestations et produits non délivrés, ne font pas obstacle à ce que ces organismes exercent, en application de l'article 3 du code de procédure pénale, l'action en réparation du préjudice résultant d'une infraction qu'ils ont subi (Cassation criminelle 16 janvier 2019 - n° pourvoi : 17-86.581).
En l'espèce, en se constituant partie civile devant le tribunal correctionnel de Lille devant lequel Mme [Z] a été citée en qualité de prévenue pour des faits d'escroqueries et en réclamant, par conclusions déposées devant cette juridiction à l'audience du 16 décembre 2022 et signifiées à Mme [Z] par acte du 6 janvier 2023, la condamnation de cette dernière à lui régler la somme de 687 093,86 euros en réparation de son préjudice résultant de ces infractions, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a bien engagé une procédure lui permettant d'obtenir un titre exécutoire à l'encontre de Mme [Z].
Mme [Z] semble également faire valoir, au soutien de sa demande de nullité de l'ordonnance du 15 décembre 2022, l'absence d'annexion de cette ordonnance à la dénonciation de l'inscription des hypothèques judiciaires conservatoires.
Selon l'article R. 532-5 du code des procédures civiles d'exécution, à peine de caducité, huit jours au plus tard après le dépôt des bordereaux d'inscription, le débiteur en est informé par acte de commissaire de justice, contenant à peine de nullité une copie de l'ordonnance du juge ou du titre en vertu duquel la sûreté a été prise.
En l'espèce, l'acte de dénonciation du dépôt d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire du 11 janvier 2023 mentionne que le commissaire de justice agit 'en vertu d'une ordonnance sur requête du juge de l'exécution de Lille en date du 15/12/2002 (greffe 22/466) dont copie est annexée au présent acte (copie de la requête et de l'ordonnance)'.
Cette mention dans l'acte de la diligence accomplie par le commissaire de justice vaut jusqu'à inscription de faux de sorte que Mme [Z] ne peut contester que l'ordonnance du 15 décembre 2022 était jointe à l'acte de dénonciation.
Le jugement déféré qui a rejeté les demandes de Mme [Z] tendant à voir prononcer la nullité des ordonnances des 5 et 15 décembre 2022 et à voir ordonner la mainlevée des mesures conservatoires pratiquées en vertu de ces ordonnances sera donc confirmé.
Le chef du jugement ayant ordonné la mainlevée partielle de la saisie conservatoire exécutée à l'encontre de Mme [Z] et entre les mains de la banque CIC Nord Ouest le 3 janvier 2023 en ce qu'elle porte sur les comptes CIC n°[XXXXXXXXXX05] et [XXXXXXXXXX014] n'a été frappé d'appel ni par Mme [Z], ni par la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17]. Cette disposition est donc irrévocable, sans que la cour ait à la confirmer.
Sur les demandes en mainlevée des mesures conservatoires fondées sur l'absence de réunion des conditions exigées :
Selon l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
Selon l'article L. 512-1 alinéa 1er, même lorsqu'une autorisation préalable n'est pas requise, le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s'il apparaît que les conditions prescrites par l'article L. 511-1 ne sont pas réunies.
C'est au jour où il statue sur la demande de mainlevée que le juge doit apprécier si les conditions de l'article L. 511-1 sont réunies.
La contestation de la mesure conservatoire n'a pas pour effet d'inverser la charge de la preuve de sorte que c'est au créancier de prouver que les conditions pour procéder à la mesure conservatoire demeurent réunies.
Il sera d'emblée précisé que Mme [Z] a produit les relevés du compte qui a reçu les trois prix de vente immobilière des 30 mars, 9 mai et 9 juin 2022 et que, la CPAM [Localité 10]-[Localité 17] étant tenue de démontrer que les conditions pour procéder aux mesures conservatoires demeurent réunies, il ne peut être exigé de Mme [Z] qu'elle produise l'ensemble des relevés du compte jusqu'à ce jour.
La demande tendant à voir enjoindre à Mme [Z] de communiquer tous les relevés de compte qui ont reçu les trois prix de vente immobilière des 30 mars, 9 mai et 9 juin 2022 depuis la date d'encaissement de chacun des prix jusqu'à ce jour est ainsi partiellement sans objet et il y a lieu de la rejeter pour le surplus.
- sur l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe :
En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve a fait une exacte appréciation de la cause et des droits des parties en retenant que la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] justifiait d'une créance paraissant fondée en son principe à hauteur de 687 000 euros.
Il sera ajouté que l'apparence de créance ainsi constatée n'est pas incompatible avec l'existence d'une contestation de sa culpabilité par Mme [Z] dans ses conclusions déposées en vue de l'audience du tribunal correctionnel.
En outre, l'argument de Mme [Z] relatif à l'absence de titre exécutoire détenu par la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] est inopérant, les mesures conservatoires étant précisément mises en oeuvre avant l'obtention d'un titre exécutoire.
Enfin, son argument selon lequel rien ne permet de justifier qu'elle ne serait pas en mesure de payer la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] si cette dernière parvenait à justifier d'une créance à son encontre est sans rapport avec la condition tenant à l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe et concerne la seconde condition relative à l'existence d'une menace sur le recouvrement de la créance.
- sur l'existence d'une menace sur le recouvrement de la créance :
Il résulte des pièces produites par la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] que :
- par acte du 30 mars 2022, Mme [Z] a vendu un appartement situé [Adresse 16] à [Localité 11] moyennant un prix de 80 000 euros ;
- par acte du 9 mai 2022, Mme [Z] a vendu un appartement situé [Adresse 15] à [Localité 10] moyennant un prix de 100 000 euros ;
- par acte du 9 juin 2022, Mme [Z] a vendu une maison d'habitation situé [Adresse 8] à [Localité 10] moyennant un prix de 135 000 euros.
Ainsi, en moins d'un trimestre, des biens immobiliers facilement identifiables sont sortis du patrimoine de Mme [Z] et ont été remplacés par des liquidités ayant un caractère volatile.
Il est également établi que :
- Mme [Z] est débitrice du Trésor public pour un montant de 83 050 euros au titre de l'impôt sur le revenu 2021 ayant justifié l'inscription, le 29 septembre 2022, d'une hypothèque légale sur un appartement dont Mme [Z] est propriétaire, situé [Adresse 2] à [Localité 10] et la mise en place d'une saisie administrative à tiers détenteur en octobre 2023 ;
- Mme [Z] est débitrice de l'URSSAF pour un montant de 10 694 euros au 21 avril 2024.
Si Mme [Z] fait valoir que les sommes issues des trois ventes susvisées ont été pour partie employées pour le financement de travaux dans sa résidence principale ([Adresse 4] à [Localité 11]) et que le reste a été épargné, il sera observé, au vu des relevés de compte produits, que seules les sommes de 9 632,82 euros, 5 170 euros et 4 123,35 euros, soit au total 18 926,17 euros, ont servi en avril et juin 2022 au règlement de travaux et que Mme [Z] n'a, en tous cas, pas utilisé les sommes qu'elle aurait épargnées pour régler ses dettes à l'égard du Trésor public et de l'URSSAF.
Eu égard à l'ensemble de ces éléments, il est manifeste que le recouvrement de la créance importante de la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] est menacé et justifie le maintien des mesures conservatoires prises, étant souligné que l'immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 11] a été vendu le 28 juin 2023 pour un prix de 116 500 euros, ce montant ayant, ainsi qu'il résulte du courriel du notaire instrumentaire en date du 6 juillet 2023, et conformément aux dispositions de l'article R.532-8 du code des procédures civiles d'exécution, été consigné et qu'il est évident que la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire serait de nature à permettre à Mme [Z] de soustraire immédiatement cette somme à son créancier.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de mainlevée de la saisie conservatoire sur les comptes ouverts dans les livres du CIC Nord Ouest, autres que les comptes n°[XXXXXXXXXX05] et [XXXXXXXXXX014] et de l'hypothèque judiciaire provisoire inscrite sur les deux immeubles.
Sur les demandes indemnitaires :
- sur la demande de Mme [Z] :
Selon l'article L. 512-2 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution, lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge de l'exécution, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire.
Le premier juge a ordonné la mainlevée partielle de la saisie conservatoire exécutée à l'encontre de Mme [Z] et entre les mains de la banque CIC Nord Ouest le 3 janvier 2023 en ce qu'elle porte sur les comptes n°[XXXXXXXXXX05] et [XXXXXXXXXX014], ce chef de la décision n'ayant été déféré à la cour par aucune des parties.
Il est établi par un courrier du CIC Nord Ouest en date du 3 janvier 2024 qu'à la suite de la signification du jugement déféré le 12 décembre 2023, Mme [Z] a retrouvé la libre disposition des sommes se trouvant sur ces comptes.
Mme [Z] ne peut sérieusement avancer qu'elle a subi un préjudice en raison du blocage de ces deux comptes consécutif à la saisie conservatoire car elle s'est trouvé sans moyen de subsistance lui permettant de faire face à ses besoins et à ses charges. En effet, si le solde du compte n° [XXXXXXXXXX014] au 3 janvier 2023 a été rendu indisponible du fait de la saisie conservatoire pour un montant de
22 100,75 euros, Mme [Z] a pu à nouveau librement disposer des indemnités journalières versées sur ce compte postérieurement à cette date. En outre, elle justifie pas avoir été dans l'obligation d'amputer l'épargne constituée après la vente de trois de ses immeubles entre mars et juin 2022.
Ainsi à défaut de démontrer les préjudices générés par l'indisponibilité durant l'année 2023 des sommes se trouvant sur les comptes sur lesquels la saisie conservatoire a été mise en oeuvre à tort, Mme [Z] doit être déboutée de sa demande en dommages et intérêts.
Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.
- sur la demande de la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] :
La demande indemnitaire de la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] pour procès abusif ne fait l'objet d'aucune motivation dans les conclusions de l'intimée. Il convient donc de la débouter de cette demande.
Sur les frais du procès :
La solution donnée au litige conduit à confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Partie perdante en appel, Mme [Z] sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à régler à la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer devant la cour.
PAR CES MOTIFS
Déclare sans objet la demande de la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] tendant à voir enjoindre à Mme [K] [Z], sous astreinte, de communiquer les relevés de compte mentionnant l'encaissement des trois prix de vente immobilière des 30 mars, 9 mai et 9 juin 2022 ;
Déboute la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] du surplus de son injonction et de sa demande d'astreinte subséquente ;
Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Déboute la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] de sa demande indemnitaire ;
Condamne Mme [K] [Z] à régler à la CPAM de [Localité 10]-[Localité 17] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure
civile ;
Condamne Mme [K] [Z] aux dépens d'appel.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Sylvie COLLIERE