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04/07/2024 | FRANCE | N°23/05268

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 04 juillet 2024, 23/05268


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ORDONNANCE DU 04/07/2024



*

* *



N° de MINUTE :

N° RG 23/05268 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VG5N



Jugement n° 2022022954 rendu le 25 octobre 2023 par le tribunal de commerce de Lille Métropole







DEMANDERESSE à l'incident



Société AB INBEV France, prise en la personne de ses représentants légaux domicliés audit siège

ayant son siège

social [Adresse 2] - [Localité 4]

représentée par Me Juliette Duquenne, avocat constitué, substituée à l'audience par Me Albane Bernet, avocat au barreau de Lille





DÉFENDERESSE à l'incident



Ma...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ORDONNANCE DU 04/07/2024

*

* *

N° de MINUTE :

N° RG 23/05268 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VG5N

Jugement n° 2022022954 rendu le 25 octobre 2023 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

DEMANDERESSE à l'incident

Société AB INBEV France, prise en la personne de ses représentants légaux domicliés audit siège

ayant son siège social [Adresse 2] - [Localité 4]

représentée par Me Juliette Duquenne, avocat constitué, substituée à l'audience par Me Albane Bernet, avocat au barreau de Lille

DÉFENDERESSE à l'incident

Madame [U] [R] née [C]

née le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 6], de nationalité française

demeurant [Adresse 3] - [Localité 5]

Bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 59178/2023/004595 du 21/12/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai

représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT : Aude Bubbe

GREFFIER : Valérie Roelofs

DÉBATS : à l'audience du 15 mai 2024

ORDONNANCE prononcée par mise à disposition au greffe le 04 juillet 2024

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 31 juillet 2015, Mme [U] [C] et son époux, [X] [R], ont souscrit un crédit auprès de la Société Générale, d'un montant de 28 560 euros, afin de financer des travaux dans le restaurant exploité par M. [R], en son nom propre.

La société AB INBEV France, spécialisée dans le commerce de boissons en gros, s'est portée caution de ce prêt, dans la limite de 28 560 euros en principal outre les intérêts.

Mme [C] est devenue salariée de cet établissement en mars 2016.

Le 27 mars 2017, le tribunal de commerce de Valenciennes a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de M. [R].

Le 25 avril 2017, actionnée par la Société Générale, la société AB Inbev France versait à cette dernière la somme de 20 245,10 euros, en qualité de caution.

La société AB Inbev France a déclaré sa créance le 23 mai 2017.

Un plan de redressement a été arrêté le 17 septembre 2018.

Par jugement du 17 juillet 2023, le tribunal de commerce de Valenciennes a prononcé la résolution du plan et ouvert une procédure de liquidation judiciaire au bénéfice de M. [R].

Par jugement contradictoire du 25 octobre 2023, sur assignation de la société AB Inbev France, délivrée le 21 novembre 2022, le tribunal de commerce de Lille Métropole s'est déclaré compétent pour connaître du litige opposant la société AB Inbev France à Mme [C] et a:

- débouté Mme [C] de tous ses moyens, fins et conclusions,

- condamné Mme [C] à payer à la société AB Inbev France les sommes de :

- 19'091,21 euros en principal,

- 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- rejeté la demande d'échelonnement des paiements présentée par Mme [C],

- condamné Mme [C] à payer à la société AB Inbev France la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire était de droit,

- débouté la société AB Inbev France du surplus de ses demandes.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 27 novembre 2023, Mme [C] a relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement aux fins d'infirmation ou d'annulation.

Aux termes de ses dernières conclusions d'incident remises au greffe et notifiées par voie électronique le 13 mai 2024, la société AB Inbev France demande à la cour de :

- ordonner la radiation du rôle de l'affaire portant le numéro RG 23/05268,

- débouter Mme [C] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Mme [C] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Au visa de l'article 524 du code de procédure civile, elle expose que Mme [C] n'a pas exécuté le jugement du 25 octobre 2023. Elle rappelle que seule la situation concrète et actuelle du débiteur doit être appréciée pour justifier le caractère manifestement excessif des conséquences susceptibles d'être entraînées par la mise en 'uvre de la mesure. Elle souligne que Mme [C] exploitait le fonds de commerce avec son époux. Elle fait valoir que l'appelante ne justifie pas de manière complète de sa situation financière et patrimoniale. Elle expose qu'elle a perçu la moitié de la vente de l'immeuble de la SCI Chaclo et qu'elle ne justifie pas que la facture de travaux produite ait été réglée par M. [C], alors qu'elle lui versait 32'000 euros par virement des 21 et 23 novembre 2023. Elle indique que l'attestation de M. [C] ne fait pas état d'un prêt. Elle conteste l'absence de participation financière de M. [R] à l'entretien des enfants au regard des SMS produits et conclut que l'objet du prêt demandé et les raisons du refus par la banque sont pas précisés.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 mai 2024, Mme [C] demande à la cour de :

- rejeter la demande de radiation soulevée par la société AB Inbev France,

- débouter la société AB Inbev France de ses moyens et prétentions contraires,

- condamner la société AB Inbev France à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les frais et dépens de l'incident suivront le sort des frais et dépens de la procédure d'appel.

Au visa de l'article 524 du code de procédure civile, Mme [C] rappelle que la capacité à exécuter le jugement et les conséquences manifestement excessives s'apprécient in concreto et que l'appelant doit justifier de sa situation patrimoniale. Elle souligne se trouver au chômage depuis juin 2023, sans soutien financier de son époux, alors qu'elle a la charge de leurs deux enfants. Elle fait état de charges d'un montant total de 2 137,97 euros pour des revenus mensuels de 1 358 euros, avec l'APL. Elle fait valoir que son père lui apporte un soutien financier, que les comptes de la SCI Chaclo sont très peu approvisionnés et qu'elle n'a reçu que 26 822,45 euros à la vente de l'immeuble. Elle affirme avoir remboursé une dette auprès de son père pour un montant total de 34 000 euros, dont une partie était versée à cette fin par M. [R]. Elle expose avoir dû racheter des meubles et une voiture après la séparation et la liquidation judiciaire. Elle conteste avoir organisé son insolvabilité. Elle indique avoir tenté de souscrire un crédit pour régler les causes du jugement, en vain. Elle conclut en indiquant que la radiation constituerait une atteinte disproportionnée à son droit d'appel.

L'affaire a été appelée à l'audience incident du 15 mai 2024 et mise en délibérés au 4 juillet 2024.

MOTIFS

En vertu de l'article 524 du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.

La demande initiale, présentée avant l'expiration du délai prescrit à l'article 909 du code de procédure civile, le 19 décembre 2023, est recevable.

Le jugement dont il a été fait appel est de droit exécutoire à titre provisoire en application de l'article 514 du code de procédure civile.

En l'espèce, il convient de relever que l'exécution provisoire étant de droit, il appartient à Mme [C] qui invoque la possibilité d'y déroger de justifier qu'elle se trouve dans l'impossibilité d'exécuter la décision ou que l'exécution de cette dernière entraînerait des conséquences manifestement excessives.

Pour justifier de sa situation financière, Mme [C] produit, notamment, une page d'un relevé de compte du Crédit Agricole Brie Picardie, présentant les opérations courues entre le 17 et le 23 novembre 2023, soit un mois après le jugement rendu le 25 octobre 2023 et quelques jours avant l'appel interjeté le 27 novembre 2023.

Or, à défaut de produire la première page de ce relevé, il apparaît que Mme [C] ne justifie pas de sa situation financière complète, notamment quant aux soldes des éventuels autres comptes ou produits d'épargne qu'elle peut détenir dans cet établissement bancaire, alors que les totaux des mouvements pour le mois dépassent 40 000 euros en débit et en crédit.

Au surplus, la production partielle de ce relevé de compte n'apporte aucun élément quant au montant des charges que Mme [C] invoque au titre de l'entretien de ses enfants, des frais de téléphonie, d'électricité et d'eau, ni quant au montant du véhicule Audi A4 qu'elle déclare avoir acquis, aucune autre pièce n'étant produite par ailleurs sur ces points.

Par ailleurs, il ressort de cette page de relevé de compte que M. [R] lui a versé 12 700 euros et qu'elle a réalisé, entre le 19 et le 23 novembre 2023, trois virements pour un montant total de 34 000 euros à destination de 'papounet', 'papa' ou '[C] [E]' (pièce 26), sans que Mme [C] n'explique la multiplicité de ces virements, ni ne produise d'éléments quant aux comptes entre les époux en instance de divorce ou encore quant aux causes du versement de la somme de 12 700 euros, qui ne correspond pas à la moitié de la facture produite, même hors TVA.

En outre, si elle présente une facture d'un montant TTC de 43 200 euros du 30 mars 2020, au nom de l'établissement '[7]' et dont il n'est pas établi qu'elle ait été réglée alors que le plan de redressement était en cours (pièce 21), il convient de relever que Mme [C] n'apporte aucun élément permettant de retenir que les fonds, d'une part, ont été effectivement versés en novembre 2023 à son père, le libellé des trois virements réalisés par elle-même étant insusceptible de justifier de l'identité du destinataire des virements, et, d'autre part, qu'ils étaient destinés à rembourser une dette du couple qui correspondrait au montant des travaux que M. [C] aurait financés au bénéfice de l'établissement [7], alors même qu'elle produit une attestation de ce dernier, entièrement dactylographiée et sans copie d'une pièce d'identité, qui n'évoque aucun de ces éléments (Pièce 9).

Dès lors, il apparaît que les seuls fonds issus de la vente, intervenue le 30 octobre 2020, de l'immeuble de la SCI qu'elle détenait en commun avec son époux, soit plus de 26 800 euros, lui permettaient de régler la créance de la société AB Inbev France d'un montant de 22 091,21 euros selon le jugement dont elle a interjeté appel et alors qu'elle proposait le règlement échelonné de cette créance à l'audience du 6 septembre 2023 devant le tribunal de commerce.

Enfin, si elle produit une capture d'écran de refus de prêt par le Crédit Agricole, il convient de relever d'une part que les conditions du crédit demandé (montant et durée) ne sont pas déterminées, et d'autre part, Mme [C] ne justifie pas avoir sollicité d'autres établissements de crédit.

Ainsi, sans minimiser l'impact de la vente de l'immeuble commun, d'un déménagement et d'un divorce, il convient de retenir que Mme [C] a eu les moyens d'exécuter entièrement le jugement au moment où il était rendu et où elle en interjetait appel mais qu'elle a disposé des fonds à d'autres fins, sans justifier de la nécessité de la dépense d'un montant total de 34 000 euros, et dès lors, l'affaire sera radiée, sans que cette sanction ne puisse constituer une atteinte disproportionnée à son droit d'appel, alors qu'elle a choisi de préférer un tiers, sans titre exécutoire ni privilège légal, dont elle ne justifie même pas de la qualité de créancier.

Sur les demandes accessoires

L'équité ne commande pas d'accorder une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, Mme [C] sera condamnée aux dépens de l'incident.

PAR CES MOTIFS

Ordonnons la radiation de l'affaire enregistrée sous le numéro RG 23/5268,

Disons que l'affaire ne sera rétablie que sur justification de l'accomplissement des diligences dont le défaut a entraîné la radiation ;

Condamnons Mme [C] aux dépens de l'incident.

Le greffier Le magistrat

chargé de la mise en état

Valérie Roelofs Aude Bubbe


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 23/05268
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.05268 ?
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