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04/07/2024 | FRANCE | N°23/00334

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 04 juillet 2024, 23/00334


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 04/07/2024





****





N° de MINUTE :

N° RG 23/00334 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UWN4



Jugement (N° 21/15893) rendu le 07 décembre 2022 par le tribunal de commerce de Lille Métropole









APPELANTE





SAS Ympala Invest, représentée par son président, domicilié en csa qualité audit siège

ayant son siège [A

dresse 1]



représentée par Me Matthieu Delhalle, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Anthony Bem, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant





INTIMÉE



SA CIC Nord Ouest, représentée par ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 04/07/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 23/00334 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UWN4

Jugement (N° 21/15893) rendu le 07 décembre 2022 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

SAS Ympala Invest, représentée par son président, domicilié en csa qualité audit siège

ayant son siège [Adresse 1]

représentée par Me Matthieu Delhalle, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Anthony Bem, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

INTIMÉE

SA CIC Nord Ouest, représentée par son président du conseil d'administration domicilié en cette qualité audit siège.

ayant son siège [Adresse 2]

représentée par Me Martine Vandenbussche, avocat au barreau de Lille avocat constitué,

DÉBATS à l'audience publique du 07 mai 2024 tenue par Stéphanie Barbot magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphanie Barbot, présidente de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Anne Soreau, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 juillet 2024 (initialement prévu le 26 septembre 2024) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 avril 2024

****

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Amarante Holding (la société Amarante) est détenue à 100% par la SAS Ympala Invest (la société Ympala), qui est également sa présidente.

Le 11 juin 2018, la société Amarante a souscrit auprès de la société CIC Nord-Ouest (la banque) un prêt de 425 000 euros d'une durée de 84 mois, au taux d'intérêts de 1,20 %, pour financer l'acquisition de la totalité des titres des sociétés VD Agencements et Découpano.

Le même jour, la société Ympala s'est rendue caution solidaire pour toutes les sommes dues par la société Amarante au titre de ce prêt, en principal, intérêts, frais et pénalités ou intérêts de retard, dans la limite de 212 500 euros.

Le 23 avril 2020, deux avenants au prêt ont prorogé au 10 octobre 2020 :

- l'échéance impayée du 10 avril 2020, d'un montant de 5 391,01 euros

- et les échéances suivantes, du 10 mai au 10 septembre 2020, afin qu'elles soient prélevées le 10 octobre 2020.

Les 16 novembre 2020 et 7 juillet 2021, la société Amarante a été mise en redressement puis liquidation judiciaires.

La banque a déclaré sa créance au titre du prêt du 11 juin 2018, à titre nanti, à concurrence de la somme de 325 766,18 euros, incluant :

- 282 288,65 euros au titre du capital restant dû ;

- 43 477,53 euros au titre des échéances impayées ;

- les intérêts au taux contractuel de 1,20 %.

Le 27 juillet 2021, la banque a mis en demeure la société Ympala d'exécuter son engagement de caution solidaire et de lui payer la somme de 212 500 euros.

Le 26 juillet 2021, le liquidateur a remis à la banque un certificat d'irrécouvrabilité.

La banque a sollicité et obtenu du président du tribunal de commerce de Lille métropole, le 3 août 2021, une ordonnance faisant injonction à la société Ympala de lui payer la somme de 212 500 euros, outre les intérêts et les dépens.

Le 8 septembre 2021, la créance de la banque a été admise au passif de la liquidation judiciaire de la société Amarante, à titre nanti, comme suit :

- 43 477,53 euros à titre échu ;

- 282 288,65 euros à échoir ;

- les intérêts au taux contractuel de 1,20 %.

La société Ympala ayant formé opposition à l'ordonnance d'injonction de payer, le tribunal de commerce de Lille a, par un jugement du 7 décembre 2022 :

- dit que le jugement se substituait à l'ordonnance d'injonction de payer ;

- condamné la société Ympala à payer à la banque la somme de 212 500 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure ;

- ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

- condamné la société Ympala à payer à la banque une indemnité de procédure de 3 000 euros, ainsi qu'aux dépens.

Le 19 janvier 2023, la société Ympala a relevé appel de ce jugement, en critiquant tous ses chefs.

Par un jugement du 26 juin 2023, le tribunal de commerce de Lille métropole a ouvert une procédure de traitement de sortie de crise au bénéfice de la société Ympala.

Le 19 septembre 2023, ce tribunal a arrêté le plan de continuation de la société Ympala, lequel prévoit notamment l'apurement de la dette de la banque sur une durée de 10 ans.

La banque a donné son accord quant aux modalités de remboursement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 4 avril 2024, la société Ympala demande à la cour de :

Vu les articles L. 227-6, L. 626-11 et « 631-19 » (sic) du code de commerce ;

Vu l'article 13 de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;

Vu les articles 562 et 901 du code de procédure civile ;

Vu les articles 1231-1 et 2314 du code civil ;

Vu les articles L. 211-20 et L. 313-22 du code monétaire et financier ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

' a dit qu'il se substituait à l'ordonnance d'injonction de payer ;

' l'a condamnée au paiement de la somme de 212 500 euros outre intérêts ;

' a ordonné la capitalisation des intérêts ;

' l'a condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité de procédure ;

' a rappelé que l'exécution provisoire était de droit ;

' l'a condamnée aux dépens ;

Et statuant à nouveau,

* A titre principal :

- juger la non-conformité du cautionnement du 11 juin 2018 ;

- par conséquent, prononcer la nullité de ce cautionnement ;

* A titre subsidiaire :

- juger le manquement de la banque dans la réalisation des nantissements pris à son profit, la privant des privilèges tirés de sa subrogation ;

- par conséquent, la décharger du cautionnement du 11 juin 2018 souscrit ;

* A titre infiniment subsidiaire :

- juger qu'elle pourra s'acquitter de sa dette en dix annuités, conformément à l'échéancier du plan de traitement de sortie de crise arrêté par le tribunal de commerce de Lille le 19 septembre 2023 ;

- prononcer la déchéance de l'ensemble des intérêts conventionnels et intérêts ou pénalités de retard échus depuis la date de conclusion de l'engagement de caution, en raison du manquement de la banque CIC à son obligation légale d'information ;

- rejeter la demande de la banque tendant au paiement de tous les intérêts échus ;

* A titre reconventionnel :

- juger qu'elle a la qualité de caution profane ;

- juger que la banque a commis une faute en ne respectant pas son devoir de mise en garde ;

- en conséquence, condamner la banque à lui payer la somme de 21 250 euros à titre de dommages et intérêts ;

* En tout état de cause,

- condamner la banque au paiement de la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité de procédure, ainsi qu'aux dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 8 avril 2024, la banque demande à la cour de :

Vu l'article 1134, devenu les articles 1103 et 1104, du code civil,

Vu les articles 1343-2 et 2288 du code civil,

Vu l'article L. 622-25-1 du code de commerce,

Vu les articles 562 et 901 du code de procédure civile,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

- condamner la société Ympala à lui payer la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité de procédure, outre les dépens.

MOTIFS

A titre liminaire, il y a lieu de constater que l'appelant ne développe aucune critique concernant le chef du jugement disant que ce dernier se substitue à l'ordonnance d'injonction de payer.

Ce chef de dispositif sera donc confirmé.

1°/ Sur la demande principale d'annulation du cautionnement

La société Ympala soutient que le cautionnement litigieux est nul, pour n'être pas conforme à son objet social. Après avoir rappelé les termes de l'article L. 227-6 du code de commerce, elle fait valoir qu'en l'espèce :

- au vu de ses statuts, la possibilité de se porter caution n'était pas prévue dans son objet social ;

- la banque ne pouvait l'ignorer puisqu'elle lui a demandé « plusieurs documents » à l'occasion de la souscription du cautionnement en cause ;

- en se contentant de reprendre les statuts et de constater que le cautionnement avait été « pris à l'unanimité », pour en déduire que le cautionnement était conforme à l'objet social, le tribunal n'a pas suffisamment motivé sa décision.

En réponse, la banque fait valoir que :

- la société Ympala ne démontre pas que la possibilité de se porter caution ne relèverait pas de son objet social ;

- au contraire, au vu de ses statuts, un tel acte était conforme à son objet social, l'appelante, exerçant l'activité de conseils dans la gestion d'entreprise, étant la holding de la société cautionnée ;

- par ailleurs, ce cautionnement a été autorisé par les associés de la société Ympala, à l'unanimité, le 1er juin 2018 ;

- subsidiairement, même à supposer qu'il y ait eu un dépassement de l'objet social en l'espèce, il résulte de l'article L. 227-6 que le principe est que la société est engagée par les actes de son président, qu'ils relèvent ou non de son objet social, sauf à démontrer que le tiers (en l'occurrence elle, la banque) savait que l'acte dépassait l'objet social ou qu'il ne pouvait l'ignorer ;

- en l'absence de preuve de la réunion de ces conditions en l'espèce, la société Ympala restait engagée à son égard à elle, banque ;

- le cautionnement donné par l'appelante, société mère, autorisé par un acte unanime des associés, en garantie d'un prêt consenti à sa filiale Amarante, est donc conforme à l'objet social et ne souffre d'aucune nullité ;

- ce cautionnement a été donné dans l'intérêt de la société Ympala, qui venait de garantir un prêt accordé à sa filiale, dont elle détient 100 % des parts.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article L. 227-6, applicable aux sociétés par actions simplifiées (SAS) :

La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social.

Dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du président qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.

Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article.

Les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers.

Par la règle édictée par l'alinéa 2 de l'article L. 227-6, le législateur a entendu écarter, concernant notamment le fonctionnement des SAS, qui sont des sociétés à risques limités, la règle de la spécialité statutaire et faire prévaloir un principe de représentation légale. Il a ainsi été décidé de privilégier l'intérêt des tiers qui contractent avec une société à risques limités et ne peuvent se retourner contre ses associés ; le fait que ces tiers voient leur droit de gage limité au capital social a pour contrepartie leur possibilité de se prévaloir des actes dépassant l'objet social, à moins qu'ils n'en aient eu connaissance.

Sur le fondement de l'article L. 227-6, alinéa 2, la Cour de cassation a jugé que « serait-elle établie, la contrariété à l'intérêt social ne constitue pas, par elle-même, une cause de nullité des engagements souscrits par le président d'une société par actions simplifiée » (Com. 19 sept. 2018, n° 17-17600). Elle a, ce faisant, transposé aux SAS une solution qu'elle avait déjà énoncée à l'égard des SARL qui, en tant que sociétés à risques limités, sont soumises à un texte similaire (Com. 12 mai 2015, n° 13-28.504, publié).

Cette solution jurisprudentielle s'explique parce que, comme tout contractant, la société ne peut se prévaloir que des causes de nullité du droit des contrats et que les atteintes à l'étendue de l'objet social ne figurent pas au nombre des causes susceptibles d'affecter la validité d'un contrat, tel un cautionnement.

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que :

- la société Ympala est une SAS, comme telle soumise aux dispositions de l'article L. 227-6 précité ;

- le cautionnement litigieux a été conclu entre la banque et M. [K], président de la société Ympala, qui avait donc qualité pour représenter légalement celle-ci à l'égard des tiers.

En application de la jurisprudence précitée, et même à supposer que ce cautionnement ait dépassé l'objet social de la société Ympala, cet acte n'encourt pas la nullité, dès lors que le dépassement de l'objet social d'une SAS ne constitue toujours pas, même sous l'empire des textes du code civil issus de l'ordonnance du 10 février 2016, une cause de nullité d'un contrat.

Il s'ensuit que sont inopérants les développements de l'appelante relatifs au dépassement de son objet social que constituerait la conclusion du cautionnement litigieux comme ses affirmations - au demeurant non étayées, au vu des pièces communiquées - selon lesquelles la banque ne pouvait ignorer ce dépassement d'objet social.

La demande principale d'annulation du cautionnement doit, dès lors, être rejetée.

2°/ Sur la demande subsidiaire de décharge de la caution

La société Ympala fonde sa demande susidiaire sur les articles L 211-20 du code de commerce et 2314 du code civil. Elle fait valoir que :

- le prêt garanti par le cautionnement litigieux stipulait expressément qu'il serait également garanti par les nantissements de comptes titres financiers (article 5.3) ;

- le contrat de cautionnement précise également que cette garantie s'ajoute à toutes les autres garanties fournies au profit de la banque (article 8) ;

- la banque aurait donc dû accomplir les diligences « afin de permettre la réalisation du nantissement » des comptes titres constitués par la société Amarante dans les livres des sociétés VD agencements et Découpano ;

- or, la banque n'a accompli aucune diligence et, depuis, les sociétés VD agencements et Découpano ont été mises en redressement puis liquidation judiciaires ;

- si M. [K], son président à elle, société Ympala, avait su que ces nantissements ne se seraient jamais réalisés, il n'aurait jamais consenti le cautionnement en cause, la prise de risque de la société n'étant pas identique dans ce cas ;

- le manque de diligence de la banque a conduit « à la perte des garanties financières des nantissements dont bénéficiaient la société Ympala, qui ne peut être subrogée dans les droits de celle-ci » ;

- c'est au prix d'une erreur de droit que le tribunal a jugé, « de manière parcellaire », que la créance de la banque avait été admise à titre nanti, alors qu'il aurait dû demander à la banque la preuve de l'inscription du nantissement des comptes.

La banque rétorque que les conditions de l'article 2314 du code civil ne sont pas réunies en l'espèce. En effet :

- elle a régulièrement déclaré sa créance de prêt au passif de la société Amarante, en rappelant les nantissements de comptes titres garantissant ce prêt. Elle a donc fait diligence en déclarant sa créance à titre nanti ;

- ces nantissements existent toujours et si la société Ympala la paye, elle sera de plein droit subrogée dans ses droits ;

- la débitrice principale a été mise en liquidation judiciaire concomitamment aux sociétés Découpano et VD Agencements. C'est la mise en liquidation judiciaire de ces dernières qui ont, de fait, conduit à la perte de valeur des garanties, ce qui constitue un élément extérieur et indépendant de sa volonté à elle, banque CIC ;

- enfin, la règle de l'interdiction des poursuites, édictée à l'article « L. 621-40 » du code de commerce, l'empêchait d'exercer des poursuites contre les sociétés Découpano et VD Agencements à compter de leur mise en redressement judiciaire ;

- elle n'a donc commis aucune faute en ne réalisant pas les nantissements de titre litigieux.

Réponse de la cour :

L'article L. 211-20, V, du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 8 décembre 2017 applicable en la cause, dispose que :

Le créancier nanti titulaire d'une créance certaine, liquide et exigible peut, pour les titres financiers, français ou étrangers, négociés sur un marché réglementé, les parts ou actions d'organismes de placement collectif, ainsi que pour les sommes en toute monnaie, réaliser le nantissement, civil ou commercial, huit jours - ou à l'échéance de tout autre délai préalablement convenu avec le titulaire du compte - après mise en demeure du débiteur remise en mains propres ou adressée par courrier recommandé. Cette mise en demeure du débiteur est également notifiée au constituant du nantissement lorsqu'il n'est pas le débiteur ainsi qu'au teneur de compte lorsque ce dernier n'est pas le créancier nanti. La réalisation du nantissement intervient selon des modalités fixées par décret.

Pour les instruments financiers autres que ceux mentionnés à l'alinéa précédent, la réalisation du nantissement intervient conformément aux dispositions de l'article L. 521-3 du code de commerce.

Aux termes de l'article 2314 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 15 septembre 2021 :

La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite.

Ce texte s'applique dans l'hypothèse où le créancier bénéficie, outre du cautionnement, d'autres sûretés, légales ou conventionnelles, réelles ou personnelles, susceptibles d'être transmises par voie de subrogation avec la créance, et donc de profiter à la caution qui, ayant exécuté son engagement, entend exercer ses recours fondés sur la subrogation contre le débiteur principal ou des tiers.

Trois conditions doivent être réunies pour que la caution puisse se prévaloir de la mise en oeuvre de ce texte : il faut que les droits dans lesquels la caution eût pu être subrogée aient été perdus, qu'il l'aient été par la faute du créancier et qu'un préjudice en soit résulté pour la caution.

En l'espèce, le prêt consenti à la société Amarante bénéficie de plusieurs garanties : le cautionnement consenti par la société Ympala et, selon ses articles 5.3 et 5.4, de deux « nantissements de comptes titres financiers chez un tiers », constitués par la société Amarante (débitrice principale) :

- le premier portant sur 100 % des titres de la société Decoupano, à concurrence de la somme de 425 000 euros,

- le second sur 100 % des titres de la société VD Agencements,

ces deux sociétés (Découpano et VD Agencements) étant également présidées par la société Ympala (v. p. 19 de ses conclusions).

La cour interprète les conclusions de l'appelante (not. pp. 9-10) comme signifiant que celle-ci fait uniquement grief à la banque de ne pas avoir réalisé ces deux nantissements, autrement dit de ne pas avoir mis en oeuvre ces garanties sous-entendu dans les conditions prévues à l'article L. 211-20 du code monétaire et financier, invoqué par l'appelante (p. 7 de ses écritures) . Ainsi, en dépit de l'ambiguïté née de la critique faite à la motivation retenue par les premiers juges, l'appelante ne discute pas la réalité de la constitution de ces nantissements. Au demeurant, si cette constitution n'avait pas existé, non seulement la société Ympala eût été en mesure de le démontrer, en sa qualité de dirigeante des sociétés VD Agencements et Découpano, mais en outre, le juge-commissaire n'aurait pas admis la créance de la banque, au titre du prêt litigieux, à titre privilégié, ainsi qu'en atteste la mention « nantissement de titres ».

La cour ne voit pas en quoi le défaut de « réalisation d'un nantissement », selon les modalités précisées à l'article L. 211-20 précité, c'est-à-dire après mise en demeure du débiteur, pourrait, à lui seul, entraîner la perte des nantissements en cause.

En toute hypothèse, ces garanties n'ont manifestement pas été perdues puisque, tel qu'indiqué ci-dessus, la créance bancaire correspondant au prêt garanti par ces nantissements a été admise au passif de la procédure collective de la débitrice principale à titre nanti, le 8 septembre 2021.

Au surplus, ainsi que le fait observer à juste titre la banque, les sociétés dont les titres ont été nantis ont été mises en redressement puis liquidation judiciaires, respectivement, les 18 janvier et 7 juillet 2021 s'agissant de la société VD Agencements et les 28 juin et 28 juillet s'agissant de la société Decoupano, de sorte que le principe d'arrêt des poursuites édicté par l'article L. 622-21(et non « L. 621-40 », comme l'indique la banque, à la suite d'une simple erreur de plume), qui est d'ordre public, interdisait à la banque de réaliser les nantissements de leurs titres à compter de ces jugements d'ouverture.

Et, encore surabondamment, la société Ympala n'établit nullement qu'un préjudice résulterait directement de la prétendue perte de garantie qu'elle allègue. Au contraire, la mise en liquidation judiciaire des sociétés VD Agencements et Découpano, qui présuppose non seulement leur état de cessation des paiements mais aussi leur impossibilité de redressement, démontre que la réalisation des nantissements n'aurait procuré aucune somme d'argent, et ce sans que cela soit imputable à une quelconque faute de la banque.

Les conditions de l'article 2314 n'étant pas réunies, la demande subsidiaire de décharge de la société Ympala sera donc rejetée.

3°/ Sur la demande subsidiaire de déchéance du droit aux intérêts

La société Ympala fonde cette demande sur l'article L. 313-22 du code monétaire et financier. Elle fait notamment valoir que :

- ce texte, applicable au cautionnement souscrit par une personne morale, impose deux obligations aux établissements de crédit : informer la caution, avant le 31 mars, du montant principal et accessoires restant à courir au 31 décembre précédent, et rappeler à la caution le terme de son engagement

- il appartient au créancier de rapporter la preuve de ce qu'il a bien exécuté ces obligations. En particulier, la production de la copie de lettres simples d'information annuel est insuffisante à faire cette démonstration ;

- en l'espèce, la banque, débitrice de cette obligation d'information annuelle, ne démontre pas l'avoir exécutée, produisant deux courriers dont elle ne prouve pas qu'il lui étaient adressés à elle, caution ;

- la déchéance du droit aux intérêts doit donc être prononcée et banque être déboutée de sa demande en paiement des intérêts échus.

La banque fait valoir que :

- la déchéance encourue ne porte que sur les intérêts échus et impayés ;

- même si cette déchéance est prononcée, elle serait sans incidence sur les sommes dues par la société Ympala, le montant des sommes restant dues étant supérieur à celles cautionnées à hauteur de 212 500 euros ;

- elle produit les lettres d'information annuelle adressées à la caution.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article L. 313-22 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 15 septembre 2021 :

Les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

La réalisation de cette obligation légale ne peut en aucun cas être facturée à la personne qui bénéficie de l'information.

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Ce texte ne précisant pas la forme que doit revêtir cette information, celle-ci peut prendre la forme d'une lettre simple (Com. 17 juin 1997, n° 95-14.105, publié).

La banque est seulement tenue de prouver que l'information a été envoyée, non qu'elle a été reçue par la caution (Com. 2 oct. 2002, n° 01-03.921, publié), cette preuve pouvant être faite par tous moyens, s'agissant d'un fait juridique (Com. 17 oct. 2000, n° 97-18746, publié).

Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la seule production de la copie d'une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi (v. not. : Com. 3 oct. 2018, n° 17-19.382 ; Com. 17 avr. 2019, n° 17-31.390).

En l'espèce, la banque se borne à produire deux lettres d'information annuelle des 18 février 2019 et 3 mars 2020, sans néanmoins démontrer qu'elles auraient été effectivement envoyées à la caution.

La déchéance du droit de la banque aux intérêts échus est donc encourue.

Au vu de la déclaration de créance de la banque, la créance s'élève à :

- 282 288,65 euros « à échoir », ce qui correspond au titre du capital dû au 12 décembre 2020 ;

- 43 477,53 euros à titre « échu ».

Si les pièces produites par la banque ne permettent pas de déterminer le montant des intérêts inclus dans la somme échue de 43 477,53 euros, il apparaît, en tout état de cause, que cette absence de justificatif est sans portée puisque, à supposer même que cette somme n'inclue que des intérêts, le solde restant dû au titre du capital à échoir (282 288,65 euros) excède largement le plafond de 212 500 euros pour lequel la société Ympala s'est rendue caution solidaire, toutes sommes incluses (en principal, intérêts, frais et pénalités ou intérêts de retard).

Dès lors, pour fondée que soit la demande de déchéance du droit de la banque aux intérêts, cette demande est sans portée en l'espèce, ce qu'il y a lieu de constater.

Il convient donc également de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Ympala au paiement de la somme de 212 500 euros en exécution de son engagement de caution.

En l'absence de toute critique de ces chefs, le jugement sera également confirmé en ses dispositions relatives aux intérêts au taux légal assortissant cette condamnation à compter de la mise en demeure, et à la capitalisation des intérêts dus pour une année antière.

Le jugement, qui a omis de le préciser, sera seulement complété afin qu'il soit dit que la date de cette mise en demeure est le 13 juillet 2021.

4°/ Sur la demande subsidiaire de délais de paiement formée par l'appelante

La société Ympala fonde cette demande sur l'article 13 de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021, relative à la sortie de crise. A l'appui, elle soutient que :

- la procédure de traitement de sortie de crise est soumise aux règles gouvernant le redressement judiciaire ; est donc notamment applicable l'article L. 626-11, qui prévoit que le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions applicables à tous ;

- en l'espèce, après ouverture d'une procédure de traitement de sortie de crise, un jugement du 19 septembre 2023 a arrêté son plan de continuation, en l'autorisant à apurer « le cautionnement litigieux » en dix annuités ;

- il est donc demandé qu'elle puisse s'acquitter « de son cautionnement » en dix annuités, conformément à l'échéancier prévu dans ce plan de sortie de crise.

La banque ne développe aucune argumentation en réponse sur ce point.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article 13 de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire :

I. - A. - Il est institué une procédure de traitement de sortie de crise ouverte sur demande d'un débiteur mentionné à l'article L. 620-2 du code de commerce qui, étant en cessation des paiements, dispose cependant des fonds disponibles pour payer ses créances salariales et justifie être en mesure, dans les délais prévus au présent article, d'élaborer un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l'entreprise.

[...]

D. - Le jugement ouvre une période d'observation d'une durée de trois mois. Au plus tard au terme d'un délai de deux mois à compter du jugement d'ouverture, le tribunal ordonne la poursuite de la période d'observation s'il lui apparaît que le débiteur dispose à cette fin de capacités de financement suffisantes.

[...]

III. - A. - La procédure de traitement de sortie de crise est soumise aux règles prévues au titre III du livre VI du code de commerce, sous réserve du présent article. Les III et IV de l'article L. 622-13, les sections 1, 3 et 4 du chapitre IV et le chapitre V du titre II du livre VI du même code ne sont pas applicables.

[...]

IV. - A. - Le tribunal arrête le plan dans les conditions prévues au chapitre VI du titre II du livre VI du code de commerce, sous réserve du présent article. Toutefois, le plan ne peut comporter de dispositions relatives à l'emploi que le débiteur ne pourrait financer immédiatement. Le mandataire désigné exerce les fonctions confiées au mandataire judiciaire par le même chapitre VI.

[...]

D. - A défaut de plan arrêté dans le délai de trois mois prévu au D du I, le tribunal, à la demande du débiteur, du mandataire désigné ou du ministère public, ouvre une procédure de redressement judiciaire, si les conditions prévues à l'article L. 631-1 du code de commerce sont réunies, ou prononce la liquidation judiciaire, si les conditions prévues à l'article L. 640-1 du même code sont réunies. Cette décision met fin à la procédure. La durée de la période d'observation de la procédure de traitement de sortie de crise s'ajoute à celle de la période définie à l'article L. 631-8 dudit code.

V. - Les titres VI et VIII du livre VI du code de commerce sont applicables à la procédure de traitement de sortie de crise prévue au présent article.

Le titre III du livre VI étant intitulé « redressement judiciaire », il résulte du III de cet article 13 de la loi précitée qu'il est, sauf exceptions non en cause en l'espèce, renvoyé aux textes applicables en cas de redressement judiciaire.

Parmi les textes réglementant le redressement judiciaire, se trouve l'article L. 631-19, I, du code de commerce, qui dispose que :

Les dispositions du chapitre VI du titre II, à l'exception des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 626-1, sont applicables au plan de redressement, sous réserve des dispositions qui suivent [...].

Le titre II concerne la procédure de sauvegarde et son chapitre VI est relatif au plan de sauvegarde, qui inclut notamment les articles L. 626-1 à L. 626-34 du code de commerce.

Et aux termes de l'article L. 626-11 du code de commerce :

Le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions opposables à tous.

En l'espèce, il est établi, et non contesté par la banque, qu'un jugement du 26 juin 2023 a ouvert une procédure de traitement de sortie de crise au bénéfice de la société Ympala, et qu'un jugement du 19 septembre 2023 a arrêté le plan de continuation de cette société sur une durée de 10 ans, ce plan incluant notamment la dette de la banque, en prévoyant son apurement en dix annuités.

L'opposabilité de ce plan à la banque, en application de l'article L. 626-11 précité, justifie que soit accueillie la demande de la société Ympala tendant à ce que cette dernière puisse s'acquitter de sa dette selon l'échéancier prévu au plan, dont il n'est pas contesté qu'il est toujours en cours d'exécution.

5°/ Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour manquement au devoir de mise en garde

A titre liminaire, la société Ympala indique que, contrairement à ce que lui oppose l'intimée, sa demande est recevable au regard de l'article 901 du code de procédure civile. En effet, dans sa déclaration d'appel, elle a dévolu à la cour l'ensemble des chefs de dispositif du jugement entrepris.

Sur le fond, elle soutient en substance que :

- elle n'a pas la qualité de caution « avertie » ;

- cela imposait donc à la banque, d'une part, de la mettre en garde sur les risques de non-remboursement du prêt par la société débitrice, d'autre part, sur le risque d'une poursuite sur son patrimoine personnel et sur son risque d'endettement personnel.

La banque soulève, à titre liminaire, l'irrecevabilité de cette demande en application des articles 901 et 562 du code de procédure civile, aux motifs que, dans sa déclaration d'appel, l'appelante n'a pas repris sa demande de dommages et intérêts fondée sur un manquement à l'obligation de mise en garde.

Sur le fond, elle s'oppose à la demande en faisant valoir que :

- la société Ympala est une caution avertie, à l'égard de laquelle aucune obligation de mise en garde n'est due ;

- il n'existait aucun risque de non-remboursement du prêt à la date de conclusion de celui-ci ;

- les clauses du cautionnement sont très claires, de sorte que la société Ympala ne peut feindre avoir méconnu la portée de son engagement.

Réponse de la cour :

' Sur la recevabilité de la demande :

L'irrecevabilité soulevée par l'intimée repose uniquement sur les articles 901 et 562 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 901 du code de procédure civile :

La déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :

[...]

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

L'article 562 de ce code précise également que :

L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En l'espèce, le jugement entrepris contient exclusivement les chefs de dispositif suivants :

- dit que le jugement se substitue à l'ordonnance d'injonction de payer ;

- condamne la société Ympala à payer à la banque la somme de 212 500 euros, outre les intérêts ;

- ordonne la capitalisation des intérêts ;

- condamne la société Ympala à payer à la banque une indemnité de procédure de 3 000 euros ;

- rappelle que l'exécution provisoire est de droit ;

- condamne la société Ympala aux dépens.

Ce jugement entrepris ne contient donc, dans son dispositif, aucun chef relatif à la demande indemnitaire formée par la société Ympala sur le fondement d'un manquement à l'obligation de mise en garde - ce qui est logique, dès lors que les premiers juges ont écarté les conclusions et pièces de la société Ympala, faute pour celle-ci d'avoir comparu à l'audience de plaidoiries.

Dans ces conditions, c'est tout aussi logiquement que la déclaration d'appel de la société Ympala ne critique pas ce chef de demande.

La demande indemnitaire formée à titre reconventionnel par la société Ympala doit, dès lors, être déclarée recevable.

' Sur le bien-fondé de la demande :

Selon la jurisprudence applicable en la cause, eu égard à la date du cautionnement litigieux, la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou il existe un risque de l'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur (v. not. Com. 15 nov. 2017, n°16-16790).

Pour démontrer que le banquier dispensateur de crédit est tenu, à son égard, d'un devoir de mise en garde, la caution non avertie doit établir qu'à la date à laquelle son engagement a été souscrit, celui-ci n'est pas adapté à ses capacités financières ou qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur (Com. 15 févr. 2023, n° 21-20512).

Le devoir de mise en garde ainsi consacré ne bénéficie donc qu'aux cautions non averties (v. par ex. Com. 7 oct. 2020, n° 19-15.031).

La caution avertie est celle qui est en mesure de prendre conscience du risque encouru en s'engageant (Com. 29 nov. 2017, n° 16-19.416).

Le caractère averti d'une caution ne peut être déduit de sa seule qualité de dirigeant et associé de la société débitrice principale (Com. 22 mars 2016, n° 14-20.216, publié). En revanche, associée à d'autres éléments, cette qualité peut permettre de retenir le caractère averti de la caution (v. par ex. : Com. 22 janv. 2020, n° 18-10.647 ; Com. 5 mai 2021, n° 19-21.468).

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats les éléments suivants :

- le cautionnement solidaire est de 212 500 euros, donné par la société Ympala pour garantir le prêt de 450 000 euros accordé à sa filiale, la société Amarante, pour acquérir les titres de deux autres sociétés, AD Agencements et Découpano ;

- la société Ympala est la holding et la dirigeante de la société Amarante, emprunteuse principale ;

- la société Ympala est spécialisée dans les conseils en gestion d'entreprise. Son objet social précise notamment :

« - Toutes prestations de conseil et d'assistance opérationnelle apportées à des entreprises et autres organisations sur des questions de gestion telles que la stratégie, la planification, l'organisation, la gestion du changement et autres questions touchant à l'optimisation de la performance globale de l'entreprise ;

- La prise de participation, sous quelque forme que ce soit, dans toutes sociétés commerciales, industrielles ou civiles, et la gestion de ces participations par tous moyens et, en général, directement ou indirectement, toutes opérations financières, industrielles ou commerciales, mobilières ou immobilières, nécessaires ou utilisées à la réalisation ou au développement des affaires de la société ; »

- la société Ympala a été créée en 2016 et, à l'époque contemporaine du cautionnement en cause, soit en juin 2018, elle dirigeait déjà, en dehors de la société Amarante, la société Maintenance des Hauts-de-France depuis le 10 mai 2016, et la société Sotravi Mercier depuis le 3 septembre 2016 ;

- la société Ympala est dirigée par M. [K]. Dans une annonce parue dans une Gazette économique locale, en 2016, il est indiqué que celui-ci, ingénieur de formation, a dirigé pendant 25 ans des PME de toutes tailles, en France et dans la région.

La cour estime qu'il résulte de ces éléments que la société Ympala, impliquée dans la gestion de la société emprunteuse et dirigée par une personne rompue à la gestion des entreprises, avait conscience du risque encouru en s'engageant en qualité de caution solidaire au profit de sa filiale, la société Amarante, et ce d'autant plus que ce cautionnement, classique, constituait une opération financière ne représentant aucune complexité. La société Ympala avait donc la qualité de caution avertie à la date de conclusion du cautionnement litigieux.

La banque n'étant donc tenue d'aucun devoir de mise en garde à l'endroit de cette société, la demande indemnitaire formée par cette dernière au titre d'un prétendu manquement à ce devoir ne peut, dès lors, qu'être rejetée.

6°/ Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant pour l'essentiel, l'appelante sera condamnée aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure.

Les chefs du jugement relatifs aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront donc confirmés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Rejette la demande principale de la société Ympala Invest tendant à l'annulation du cautionnement du 11 juin 2018 ;

- Rejette la demande subsidiaire de la société Ympala Invest tendant à être déchargée du cautionnement du 11 juin 2018 ;

- Prononce la déchéance du droit aux intérêts de la société Banque CIC Nord Ouest, mais constate que cette déchéance est sans portée ;

- En conséquence, confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Complétant le jugement entrepris,

- Dit que les intérêts au taux légal dus sur la somme de 212 500 euros due par la société Ympala Invest courent à compter de la mise en demeure du 13 juillet 2021 ;

Y ajoutant,

- Dit que la société Ympala Invest pourra s'acquitter de sa dette en dix annuités, conformément à l'échéancier prévu dans le plan arrêté par le tribunal de commerce de Lille Métropole le 19 septembre 2023 ;

- Condamne la société Ympala Invest aux dépens d'appel ;

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Ympala Invest et la condamne à payer à la société Banque CIC Nord Ouest la somme de 3 500 euros au titre de la procédure d'appel.

Le greffier

Marlène Tocco

La présidente

Stéphanie Barbot


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 23/00334
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.00334 ?
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