République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 04/07/2024
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N° de MINUTE :
N° RG 22/05878 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UU2G
Jugement (N°2021/1064) rendu le 07 décembre 2022 par le tribunal de commerce d'Arras
APPELANTE
SCP Alpha Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Maître [U] [G] en qualité de liquidateur judiciaire de la société ARB - Automatisme Robotique du Beauvaisis
ayant son siège social, [Adresse 1].
représentée par Me Coline Hubert, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Frédéric Garnier, avocat au barreau de Senlis, avocat plaidant
INTIMÉE
SAS Rotovia Annezin anciennement dénommée « Promens Annezin », prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social, [Adresse 2]
représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Stéphane Clergeau, avocat au barreau de Nantes, avocat plaidant
DÉBATS à l'audience publique du 02 avril 2024 tenue par Anne Soreau magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Stéphanie Barbot, présidente de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Anne Soreau, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024 (après prorogation du délibéré initialement prévu le 27 juin 2024 date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 mars 2024
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EXPOSE DES FAITS
La société Rotovia Annezin (la société Rotovia), anciennement nommée Promens Annezin, a pour objet la fabrication et la vente de pièces dans le secteur de la plasturgie.
Le 5 mars 2018, elle a passé commande à la société Automatisme Robotique du Beauvaisis (la société ARB) pour l'installation d'un îlot robot moyennant la somme de 112 480 euros HT, soit 134 976 euros TTC.
Le règlement était prévu en 5 acomptes successifs et un solde, de la manière suivante :
Acompte 1 : 30% à la commande, soit 33 744 HT ;
Acompte 2 : 15% à la validation des études, soit 16 872 euros HT ;
Acompte 3 : 20% à la réception chez la société ARB, soit 22 496 euros HT ;
Acompte 4 : 15% à la réception chez la société Promens, soit 16 872 euros HT ;
Acompte 5 : 10% à la mise en service, soit 11 248 euros HT ;
Acompte 6 : 10% après deux mois de fonctionnement, soit 11 248 euros HT.
La société Rotovia a réglé à ce titre la somme totale de 50 616 euros HT correspondant à un premier acompte de 30% à la commande, soit 33 744 euros HT, et un deuxième acompte de 15%, soit 16 872 euros HT après validation des études.
Le 3 mai 2018, elle a commandé auprès de cette même société ARB deux outillages pour 14 000 euros HT, soit 16 800 euros TTC, et a réglé à ce titre la somme de 5 600 euros HT, correspondant à 40% de la commande.
Le 15 mai 2019, le tribunal de commerce de Compiègne a prononcé la liquidation judiciaire de la société ARB et désigné la société Lehericy-[G], devenue la SCP Alpha Mandataires Judiciaires, en la personne de Maître [U] [G], en qualité de liquidateur.
Par courrier recommandé du 17 juin 2019, Maître [G], ès qualités, a demandé à la société Rotovia la somme totale de 68 504 euros se décomposant ainsi :
deux factures de 22 496 euros HT et 16 872 euros HT, correspondant aux acomptes 3 et 4 prévus à la commande du robot ;
une facture de 17 996 euros correspondant aux frais de TVA dus sur les 4 acomptes ;
une facture de 11 200 euros TTC en règlement du petit outillage.
Le 30 juin 2021, faute d'avoir été réglé, le liquidateur a assigné la société Rotovia devant le tribunal de commerce d'Arras, en paiement desdites sommes.
Par jugement du 7 décembre 2022, ce tribunal :
a débouté la SCP Alpha mandataires judiciaires, ès qualités, de l'ensemble de ses demandes ;
l'a condamnée à verser à la société Rotovia la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à assumer les entiers dépens.
Par déclaration du 21 décembre 2022, le liquidateur, ès qualités, a interjeté appel de l'entière décision.
Par conclusions notifiées le 24 février 2023, la société Alpha Mandataires Judiciaires, ès qualités, demande à la cour de :
Infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions ;
Condamner la société Rotovia à lui payer la somme de 68 564 euros majorée des intérêts de droit à compter du 9 octobre 2019, date de la réception de sa mise en demeure, et subsidiairement de l'assignation, se décomposant comme suit :
*57 364 euros au titre de l'îlot robotique ;
* 11 200 euros au titre des outillages ;
la condamner aux entiers dépens et à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que :
Pour les deux outillages, seul l'acompte de 40% a été versé, alors que les 60% restant devaient être réglés à la livraison qui n'est pas contestée ; elle demande donc paiement de la somme de 11 200 euros TTC à ce titre ;
Pour le robot, à la date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, la machine avait été reçue par la société Rotovia, le Bureau Véritas, agréé pour la réception et la validation de l'installation, avait délivré une attestation autorisant l'utilisation de l'îlot et celui-ci est exploité par la société Rotovia, ce qui n'est pas contesté ; restait exclusivement à livrer du matériel acquis auprès des sociétés Hepco et Sofraper pour 5 482,03 euros HT et 3 506,04 euros HT ;
Elle a donc facturé l'acompte de réception de la machine chez la société ARB (16 872 euros), la TVA correspondant aux quatre premiers acomptes (17 996 euros) et l'acompte de réception chez la société Rotovia (22 496 euros), soit 57 364 euros ;
Elle n'a en revanche pas facturé les deux derniers acomptes de 10% exigibles par l'effet de la mise en service, pour un montant global de 22 496 euros, cette mise en service ne pouvant intervenir compte tenu de la liquidation judiciaire ;
Au prononcé de la liquidation judiciaire, la société Rotovia lui a demandé de finir le chantier, ce qui est une demande inconnue du livre VI du code de commerce. Cette société aurait pu le mettre en demeure d'opter pour ou contre la poursuite du contrat, ce qui lui aurait permis de notifier la résiliation du contrat ou de se taire ;
Le taux d'achèvement qu'elle a facturé n'a jamais été contesté par la société Rotovia ; le premier juge n'était pas saisi d'un moyen reprochant au liquidateur sa carence probatoire dans le taux d'achèvement du chantier et il s'est fondé sur un moyen de défense dont il n'était pas saisi et qui n'était pas l'objet du litige ;
Sans contester disposer de l'îlot, et donc la réception par ses soins conditionnant l'exigibilité du 4ème acompte, la société Rotovia soutient avoir rencontré des non-conformités ou encore qu'il n'a pas été signé de procès-verbal de réception en raison de l'exécution partielle de la société ARB ; cependant, la réception de l'îlot visée au contrat ne fait pas référence à un procès-verbal de réception prévu au régime général du contrat d'entreprise par lequel un maître de l'ouvrage reçoit les travaux qu'il juge en état d'être reçus, et qui conditionne l'exigibilité de la totalité du prix ; cette réception est seulement le fait que la société ARB, puis la société Rotovia aient matériellement reçu la machine chez elles ;
La société Rotovia n'a pas déclaré de créance au passif de la procédure collective, ni au titre des non-conformités, ni au titre des frais qu'elle a dû exposer pour pallier l'absence d'exécution intégrale du chantier par la société ARB ; par conséquent, tous les manquements qui auraient été ceux de la société ARB dans l'exécution de sa prestation ne peuvent être opposés au liquidateur judiciaire ; or, la compensation suppose à titre préalable la déclaration au passif au sens de l'article L.622-7 du code de commerce ;
La qualification de contrat en cours est inopérante sur l'obligation qui est celle d'un créancier de produire au passif comme prévu à l'article L.622-24 du code de commerce ; il appartient au maître de l'ouvrage d'un chantier en cours de déclarer sa créance au passif pour l'intégralité du chantier dès le jugement déclaratif ; la circonstance que l'obligation souscrite par le débiteur soit une obligation de faire est inopérante, puisque son fait générateur est antérieur au jugement d'ouverture et que toute obligation de faire se résout en dommages et intérêts ;
Un créancier n'est dispensé de déclarer sa créance au passif que si les conditions posées par l'article L.641-13 du code de commerce sont réunies, ce qui n'est pas même allégué, puisqu'il ne s'agit pas de créances exposées pour les besoins de la procédure collective et le tribunal n'a pas autorisé une poursuite exceptionnelle d'activité au sens de ce texte ;
Si elle souhaitait que le contrat en cours soit résilié, il appartenait à la société Rotovia de solliciter cette résiliation dans les formes prescrites par le texte et de déclarer sa créance résultant de la résiliation déclarer sa résiliation (n'est-ce pas plutôt « déclarer sa créance résultant de la résiliation » ) au passif, conformément aux dispositions de l'article L.622-24 du code de commerce ;
Selon l'article L.641-11-1 du code de commerce, le liquidateur peut solliciter l'exécution du contrat, s'il le souhaite, mais le créancier ne peut pas l'exiger ; le liquidateur peut être mis en demeure d'opter pour la poursuite ou non d'un contrat et il peut ne pas répondre à cette mise en demeure, ce qui sont des attitudes juridiquement protégées ;
Tant que l'option n'est pas exercée, le contrat est considéré comme n'ayant pas été résilié ; si la société Rotovia souhaitait que le contrat en cours soit résilié, il lui appartenait de solliciter cette résiliation dans les formes prescrites par le texte et de déclarer sa créance d'indemnité de résiliation au passif conformément aux dispositions de l'article L.622-24 du code de commerce ;
Le fait que le contrat n'ait pas été résilié ne libère pas le cocontractant de l'observation des dispositions d'ordre public du livre VI ; le premier juge ne pouvait se fonder sur l'absence de résiliation du contrat pour autoriser la compensation avec les créances de la société Rotovia qui étaient inopposables au liquidateur ;
Si un délai nouveau est ouvert au créancier pour déclarer les indemnités de résiliation une fois la résiliation acquise, comme prévu par l'article R.622-21 alinéa 2, rendu applicable par l'article R.641-25 à la liquidation judiciaire, ceci ne peut s'appliquer en l'absence de résiliation comme en l'espèce ;
Les créances alléguées par la société Rotavia pour opposer la compensation concernent, non pas une inexécution du contrat, mais une mauvaise exécution, des désordres survenus après exécution ou des désordres nés de l'inachèvement du contrat ; or, la mauvaise exécution d'un chantier en cours à la date du jugement d'ouverture est nécessairement un fait générateur de responsabilité du débiteur antérieur à ce jugement ;
Puisqu'il est établi que la réception de l'îlot a été réalisée par la société Rotovia, et faute pour cette dernière d'opposer des chefs de créance contre la société ARB, elle est bien fondée à obtenir la condamnation à la somme de 57 364 euros, créance exigible correspondant à 80% de la commande.
Concernant les outillages, aucun manquement contractuel n'a été reproché à la société ARB ; la société Rotovia n'a pas déclaré de créance au passif de la procédure et serait forclose à le faire ; elle ne peut donc s'opposer au règlement de la facture litigieuse d'un montant de 11 200 euros.
Par conclusions notifiées par la voie électronique le 15 mai 2023, la société Rotovia demande à la cour de :
Vu les articles L 641-11-1 et suivants du code de commerce
Vu l'article R 621-21 du code de commerce, applicable aux procédures de liquidation judiciaire via l'article R 641-11 du code de commerce,
DEBOUTER la société A.R.B, prise en la personne de la SCP Alpha Mandataires Judiciaires, de son appel et de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;
CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce d'ARRAS le 7 décembre 2022, notamment en ce qu'il a :
Jugé l'existence d'un contrat toujours en cours entre elle et la société A.R.B, prise en la personne de son liquidateur ;
Jugé que faute de résiliation de ce contrat, le délai imparti pour qu'elle déclare sa créance, n'a pas démarré,
Jugé l'existence d'une exception de compensation pouvant être opposée par la société Rotovia ;
Infirmant pour le surplus et faisant droit à sa demande reconventionnelle,
ARBITRER le montant de la créance invoquée par le liquidateur de la société ARB à la somme de 65 764,00 euros HT ;
ARBITRER Le montant de la créance détenue par la société Rotovia à l'encontre du liquidateur de la société ARB, à la somme de 82 646,40 euros HT ;
ORDONNER la compensation entre les créances réciproques des parties,
Condamner la société Alpha Mandataires judiciaires, liquidateur de la société ARB, à lui payer la somme de 16 882,40 euros ;
CONDAMNER la société ARB, prise en la personne de son liquidateur, au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens.
Elle fait valoir que :
Le contrat conclu est un contrat d'entreprise comprenant, de façon mixte, à la fois une vente par transfert de propriété d'une installation robotisée, et plusieurs prestations de service associées au matériel cédé ; il s'agit également d'un contrat à exécution successive, les prestations dues par la société ARB et le paiement du prix étant échelonnés dans le temps
L'exécution de cette commande a été caractérisée par plusieurs difficultés, la société ARB s'étant montrée défaillante dans l'exécution de ses prestations ; aucune des prestations consécutives à la réception de l'installation, non effectuée, n'a été réalisée ;
en application des articles L.641-11-1 et R.641-11 du code de commerce, l'absence de résiliation du contrat proroge le délai dont elle dispose pour déclarer sa créance. Ce délai, fixé à un mois ne courra qu'à compter de la résiliation du contrat ;
Par lettre du 25 juin 2019, elle a indiqué au liquidateur que le contrat était toujours en cours et que la société ARB restait redevable de plusieurs prestations ; elle a mis en demeure cette dernière de tout mettre en 'uvre, dans les plus brefs délais, pour la finalisation des travaux ;
Le 7 octobre 2019, le liquidateur a confirmé l'existence du contrat en cours, restant à devoir plusieurs matériels pour finir le chantier, mais a fait état de son désaccord sur l'étendue des prestations restantes, chiffrées selon elle à seulement 8 988,07 euros HT ;
A aucun moment le liquidateur ne s'est positionné sur une éventuelle résiliation du contrat et/ou sur la saisine du juge-commissaire susceptible de statuer sur une telle résiliation ;
En l'absence de résiliation, la société ARB reste donc tenue d'exécuter l'ensemble des prestations « de faire » dont elle reste redevable et elle, société Rotovia, bénéficie de l'exception de compensation et aucune forclusion ne peut lui être opposée, le délai imparti pour déclarer sa créance n'ayant pas commencé ;
Pour remédier à l'absence de remise clé en main de l'installation, elle a mandaté la société TDR qui réclame aujourd'hui le paiement de la somme de 19 740 euros HT, créance dont elle bénéficie à l'encontre de la société ARB et son liquidateur ;
S'ajoutent le coût de la formation et documentation chiffré à 11 248 euros HT dans le devis initial, outre un devis Hepcomotion pour 6 000 euros HT, un devis Sofraper pour 3 900 euros HT et 3 506 euros HT, hors pose de 1 000 euros HT, une garantie « 2 mois pièces et main d''uvre » pour 3 000 euros, un contrôle par organisme agréé pour 3 700 euros HT et les coûts de mise en conformité de l'installation évalués selon devis GTI du 24 mars 2023 à 27 552,40 euros HT ;
Il y a donc lieu d'opérer une compensation entre la créance détenue par le liquidateur, soit 68 564 euros HT, revue à la somme de 65 764 euros HT, et le montant de la créance qu'elle détient sur la société ARB, soit 82 646,40 euros.
MOTIVATION
Sur la demande de paiement du liquidateur judiciaire ès qualités
Sur le caractère « en cours » du contrat liant la société ARB et la société Rotovia
Le I de l'article L. 641-11-1 du code de commerce dispose que nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture ou du prononcé d'une liquidation judiciaire.
Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif.
Il résulte du III de cet article que :
Le contrat en cours est résilié de plein droit :
1° Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant au liquidateur et restée plus d'un mois sans réponse.
3°Lorsque la prestation du débiteur porte sur le paiement d'une somme d'argent, au jour où le cocontractant est informé de la décision du liquidateur de ne pas poursuivre le contrat.
Le IV du même article prévoit par ailleurs que à la demande du liquidateur, lorsque la prestation du débiteur ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire aux opérations de liquidation et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.
Il sera observé à titre liminaire que les parties coïncident sur le fait que le contrat qui liait les sociétés ARB et Rotovia, était à exécution successive et encore en cours le jour de l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société ARB le 15 mai 2019.
Elles s'accordent également pour dire que ce contrat n'a pas été résilié pendant les opérations de liquidation judiciaire et se trouve toujours en cours.
En effet, le liquidateur de la société ARB n'a pas pris l'initiative de demander cette résiliation,d'une part, la société Rotovia n'a pas mis en demeure le liquidateur de prendre parti sur la poursuite du contrat, d'autre part.
- Sur le paiement de la créance de la société ARB
La société Alpha Mandataires judiciaires, ès qualités, estime le montant de cette créance à :
Pour l'îlot, la somme des acomptes 3 et 4, non réglés, (22 496 + 16 872 = 39 368 euros HT), ainsi que le montant de la TVA sur les quatre acomptes dus (17 996 euros), soit une somme totale de 57 364 euros ;
Pour l'outillage la somme restant due de 11 200 euros ;
Et réclame en conséquence la condamnation de la société Rotovia à lui verser la somme totale de 68 564 euros avec intérêts de droit à compter de la réception, le 9 octobre 2019, de la mise en demeure, subsidiairement à compter de l'assignation.
La société Rotovia ne conteste pas le principe de cette dette. Elle estime cependant dans ses écritures qu'il y aurait une erreur de calcul et que la somme devrait être ramenée à 65 764 euros hors taxes. Elle n'explique cependant pas selon quel calcul elle obtiendrait cette nouvelle somme.
Le calcul du liquidateur étant conforme aux factures émises, la somme retenue sera en conséquence celle de 68 564 euros.
La société Rotovia sera donc condamnée à verser à la société Alpha Mandataires Judiciaires, ès qualités, la somme de 68 564 euros.
En application des dispositions de l'article 1231-6 du code civil, cette somme portera intérêts, comme sollicité à compter du 9 octobre 2019, date de la réception de la mise en demeure adressée à la société Rotovia.
Sur la créance de la société Rotovia, la compensation et la condamnation sollicitées
En vertu de l'article L.622-24 du code de commerce, applicable à la procédure de liquidation judiciaire comme rappelé dans l'article L. 641-3 du même code, à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans le délai fixé à deux mois (article R.622-24)
Selon ce même article, la déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre et celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation.
Le sixième alinéa du même article précise que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture, autres que celles mentionnées au I de l'article L.622-17 sont soumises aux dispositions du présent article. Les délais courent à compter de la date d'exigibilité de la créance. Toutefois, les créanciers dont les créances résultent d'un contrat à exécution successive déclarent l'intégralité des sommes qui leur sont dues dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.
L'article R.622-21 du code de commerce, rendu applicable aux opérations de liquidation judiciaire par l'article R.641-25 du même code, indique que le mandataire judiciaire, dans le délai de quinze jours à compter du jugement d'ouverture, avertit les créanciers d'avoir à lui déclarer leurs créances dans le délai mentionné à l'article R.622-24.
Les cocontractants mentionnés aux articles L.622-13 et L.622-14 bénéficient d'un délai d'un mois à compter de la date de résiliation de plein droit ou de la notification de la décision prononçant la résiliation pour déclarer au passif la créance résultant de cette résiliation. Il en est de même des créanciers d'indemnités et pénalités mentionnées au 2° du III de l'article L.622-17 en cas de résiliation d'un contrat régulièrement poursuivi.
L'article R.622-23 du code de commerce précise les éléments à joindre à la déclaration de créances.
Les créances ainsi déclarées seront, en vertu des articles L.624-1 et suivants et L. 641-14 du code de commerce, vérifiées par le mandataire judiciaire et soumises au juge-commissaire.
Le juge doit appliquer d'office ces dispositions d'ordre public qui obligent le créancier d'un débiteur faisant l'objet d'une procédure collective à se soumettre à la procédure de vérification des créances (Com. 6 décembre 1994, n°90-105.109)
En application de l'article L.622-7 I du même code, le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17, qui précise pour sa part que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur, pendant cette période, sont payées à leur échéance.
Toutefois, la compensation pour dettes connexes ne peut être prononcée dès lors que le créancier n'a pas déclaré sa créance (Com. 3 mai 2011, n°10-16.758 ; Com., 19 juin 2012, pourvoi n° 10-21.641).
En l'espèce, la créance réclamée par la société Rotovia concerne le paiement de frais engagés pour la mise en service de l'îlot robot, non exécutée par la société ARB du fait de sa mise en liquidation judiciaire, ou encore des prestations qui, selon la société Rotovia, auraient été rendues nécessaires pour mettre l'installation en conformité.
De deux choses l'une :
Soit ces créances ont une origine antérieure au jugement ouvrant la liquidation judiciaire de la société ARB comme se rapportant à la mauvaise exécution d'un contrat conclu avant jugement ;
Soit ces créances sont nées postérieurement à ce jugement, sans que la société Rotovia soutienne qu'il s'agirait de créances « utiles » au sens de l'article L.641-13, I, du code de commerce.
Dans les deux cas, ces créances devaient être déclarées au passif de la liquidation judiciaire de la société ARB.
Or la société Rotovia ne justifie d'aucune déclaration de créances.
Si l'article R.622-21 alinéa 2 du code de commerce prévoit que les cocontractants mentionnés aux articles L.622-13, un délai d'un mois à compter de la résiliation du contrat poursuivi pour déclarer leur créance, il n'en demeure pas moins que la résiliation du contrat litigieux n'a, à ce jour, été provoquée, ni par le liquidateur de la société ARB, ni par la société Rotovia, et qu'aucune déclaration de créance n'a donc été faite. Aucune compensation ne peut donc être prononcée.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
En l'absence de déclaration de créance, la demande de la société Rotovia visant à voir « arbitrer » sa créance à la somme de 82 646,40 euros HT doit être rejetée, faute d'avoir été soumise à la procédure de vérification de créances prévue par le livre IV du code de commerce.
Sera également rejetée la demande de compensation formée, ainsi que la demande de condamnation à la somme de 16 882,40 euros.
Sur les demandes accessoires
La société Rotovia, qui succombe, assumera les entiers dépens de première instance et d'appel.
Les chefs de la décision entreprise relatifs aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront infirmés.
La demande d'indemnité procédurale de la société Rotovia sera rejetée et celle-ci sera condamnée à verser à la société Alpha Mandataires Judiciaires, ès qualités, une indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant de nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la société Rotovia Annezin à payer à la société Alpha Mandataires Judiciaires, en qualité de liquidateur de la société Automatisme Robotique du Beauvaisis, la somme de 68 564 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2019 ;
REJETTE les demandes de la société Rotovia Annezin tendant à :
Faire « arbitrer » sa créance à la somme de 82 646,40 euros HT ;
Obtenir la compensation de sa créance avec celle de la société Automatisme Robotique de Beauvaisis ;
Obtenir la condamnation de la société Alpha Mandataires Judiciaires, en sa qualité de liquidateur de la société Automatisme Robotique du Beauvaisis, à lui verser la somme de 16 882,40 euros ;
CONDAMNE la société Rotovia Annezin aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, REJETTE la demande de la société Rotovia Annezin et la CONDAMNE à verser à la société Alpha Mandataires Judiciaires, en sa qualité de liquidateur de la société Automatisme Robotique du Beauvaisis, la somme de 3 000 euros.
Le greffier
Marlène Tocco
La présidente
Stéphanie Barbot