République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 4
ARRÊT DU 04/07/2024
N° de MINUTE : 24/603
N° RG 22/03371 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UMLN
Jugement (N° 20-4) rendu le 07 Juin 2022 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Cambrai
APPELANT
Monsieur [R] [O]
né le 26 Décembre 1952 à [Localité 6] - de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Amaury Berthelot, avocat au barreau de Saint Quentin
INTIMÉ
Monsieur [S], [U], [F] [D]
né le 14 Février 1966 à [Localité 9] - de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représenté par Me Jean-Philippe Vérague, avocat au barreau d'Arras
DÉBATS à l'audience publique du 21 Mars 2024, tenue par Véronique Dellelis et Emmanuelle Boutié magistrates chargées d'instruire le dossier qui ont entendu les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Véronique Dellelis, président de chambre
Emmanuelle Boutié, conseiller
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024 après prorogation du délibéré du 06 juin 2024 après prorogation du délibéré du 30 mai 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
M. [R] [O] est titulaire d'un bail à ferme verbal portant sur des parcelles appartenant à M. [S] [D], situées sur la commune de [Localité 6] et cadastrées :
- ZK [Cadastre 2] pour 1ha 03a 92ca,
- ZK [Cadastre 1] pour 1ha 51a 92ca.
Par acte d'huissier en date du 21 novembre 2019, M. [S] [D] a fait signifier à M. [O] un congé pour motif d'atteinte de l'âge légal de la retraite.
Par requête en date du 18 décembre 2019, M. [O] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Cambrai aux fins d'être autorisé à céder le bail à sa fille adoptive, Mme [T] [W] née [B], au motif qu'il a atteint l'âge légal de la retraite.
Il a été procédé à la tentative de conciliation lors de l'audience non publique du 4 février 2020 et aucun accord n'a pu être trouvé. L'affaire a été renvoyée en audience de jugement.
Par requête reçue au greffe le 29 janvier 2020, M. [O] a sollicité la convocation de M. [D] devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Cambrai aux fins de contester le congé pour raison d'âge signifié par acte d'huissier en date du 21 novembre 2019, en solliciter l'annulation et a réitéré sa demande de céder le bail à sa fille adoptive.
Il a été procédé à la tentative de conciliation lors de l'audience non publique du 2 juin 2020 et aucun accord n'a pu être trouvé. L'affaire a été renvoyée en audience de jugement.
Par acte d'huissier en date du 26 mars 2020, M. [D] a fait signifier à M. [O] un congé pour le 30 septembre 2021 à minuit, délivré à titre principal sur le fondement des dispositions des articles L.411-58 et L.411-59 du code rural et de la pêche maritime, aux fins de reprise au profit de son fils, M. [H] [D], et à titre subsidiaire sur le fondement des dispositions de l'article L.411-4 du code rural et de la pêche maritime.
Par requête en date du 16 juillet 2020, M. [O] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Cambrai d'une contestation du congé aux fins de reprise délivré par acte d'huissier en date du 26 mars 2020 et réitéré sa demande d'autorisation de cession au profit de sa fille.
Il a été procédé à la tentative de conciliation lors de l'audience non publique du 3 novembre 2020 et aucun accord n'a pu être trouvé. L'affaire a été renvoyée en audience de jugement.
Par jugement en date du 7 juin 2022, auquel il est expressément renvoyé pour un exposé complet de la procédure antérieure au jugement et des demandes et moyens des parties, le tribunal paritaire des baux ruraux de Cambrai a :
- ordonné la jonction des trois dossiers sous la référence RG 51-20-4,
- débouté M. [R] [O] de sa demande de cession au profit de Mme [T] [B],
- validé le congé de non renouvellement du bail en raison de l'âge du preneur, en date du 21 novembre 2019,
- ordonné l'expulsion de M. [O] des terres objets du bail et sises sur la commune de [Localité 6], cadastrées ZK079 pour 1ha 03a 92ca et ZM039 pour 1ha 51a 92ca sous astreinte de 100 euros par jour de retard qui commencera à courir un mois après la notification de la présente décision, et jusqu'à libération des lieux,
- ordonné le sursis à statuer sur le congé aux fins de reprise du 26 mars 2020 dans l'atteinte d'une décision administrative sur le recours engagé par l'Earl de la Corderie à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 21 octobre 2020,
- dit que l'affaire sera rappelée le mardi 6 septembre à 14h30 pour faire le point sur la procédure administrative,
- condamné M. [O] à payer à M. [D] la somme de 1300 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [O] aux dépens de la présente instance jusqu'à la présente décision.
M. [R] [O] a interjeté appel de cette décision, la déclaration d'appel visant l'ensemble des dispositions du jugement entrepris.
Lors de l'audience devant cette cour, M. [R] [O] soutient ses conclusions déposées lors de l'audience et dûment visées par le greffe par lesquelles il demande à cette cour de :
-infirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Cambrai du 7 juin 2022 (RG51-20-4) litigieux,
Et statuant à nouveau,
- annuler purement et simplement le congé rural délivré selon exploit de Maître [K] [C], notaire à [Localité 8] en date du 26 mars 2020,
- autoriser M. [O] à céder le bail verbal dont il est titulaire portant sur les parcelles sises à [Localité 6] au profit de sa fille Mme [T] [W]-[B],
- annuler purement et simplement le congé pour non renouvellement de bail rural en raison de l'âge du preneur délivré à la requête de M. [D] selon exploit de la SCP Plichon en date du 21 novembre 2019,
- débouter M. [D] de toutes ses demandes plus amples ou contraires,
- condamner M. [D] à verser à M. [O] la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [D] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de ses prétentions, M. [O] fait essentiellement valoir qu'alors que le congé mentionne que les parcelles reprises seront mises à disposition de l'Earl de Fama, dont M. [H] [D] est associé exploitant, il a découvert que M. [H] [D] entendait exploiter les terres objets de la reprise dans le cadre d'une mise à disposition au profit de l'Earl de la Corderie qui a fait l'objet d'un arrêté préfectoral portant refus d'exploiter les parcelles objets du congé-reprise. Il avance que cette inexactitude a été de nature à induire le preneur en erreur dans la mesure où il n'a pas été informé loyalement du mode d'exploitation des terres et qu'il n'a pas pu apprécier le caractère réaliste du projet de reprise, ne connaissant pas précisément les conditions d'exploitation futures du bénéficiaire de la reprise.
En outre, il précise que l'Earl de Fama n'est pas devenue l'Earl de la Corderie, ayant été radiée du RCS le 16 décembre 2020.
Par ailleurs, s'agissant de la demande de cession de bail, M. [O] expose qu'il n'a jamais eu d'enfant de sorte qu'il a adopté sa nièce avec laquelle il a toujours entretenu des liens affectifs et qu'il n'y a pas de fraude dans cette démarche.
Concernant la question de la notification au bailleur de la mise à disposition des parcelles louées à l'Earl [O], il soutient que ce moyen est prescrit en application de l'article 2224 du code civil, les fermages ayant toujours été payés par l'Earl [O] et que conformément aux dispositions de l'article L.411-50 du code rural et de la pêche maritime, le bail a été renouvelé depuis la mise à disposition des parcelles au profit de l'Earl [O] en 2005 alors qu'il exploite toujours personnellement les parcelles louées et dispose du matériel nécessaire.
Enfin, il avance que Mme [T] [W]-[B] remplit l'ensemble des conditions légales requises pour autoriser la cession de bail.
M. [S] [D] soutient ses conclusions déposées lors de l'audience et dûment visées par le greffe par lesquelles il demande à cette cour de :
Vu les dispositions de l'article 380 du code de procédure civile,
- dire et juger irrecevable l'appel en ce qu'il porte sur les dispositions suivantes:
'Ordonne le sursis à statuer sur le congé aux fins de reprise du 26 mars 2020 dans l'attente d'une décision administrative sur le recours engagé par l'Earl de la Corderie à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 21 octobre 2020",
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement de première instance,
- condamner M. [O] au paiement de la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers frais et dépens.
A titre infiniment subsidiaire,
Dans l'hypothèse où la cour venait à autoriser la cession de bail,
- dire et juger que la cession de bail n'est autorisée que sous réserve de l'absence de validation du congé aux fins de reprise,
- condamner M. [O] au paiement de la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens.
M. [D] fait essentiellement valoir que M. [H] [D] est exploitant agricole et initialement associé exploitant au sein de l'Earl de Fama, l'Earl de la Corderie étant également associée non exploitant de l'Earl de Fama. Il expose que les deux sociétés ont été fusionnées en cours de procédure de sorte qu'aujourd'hui, l'Earl de la Corderie vient au droit de l'Earl de Fama sans création d'une nouvelle personne morale. Il argue de l'absence d'omission formelle dans le congé de nature à induire le preneur en erreur puisqu'il est fait mention de la mise à disposition des terres après la reprise au profit de l'Earl dont M. [H] [D] est associé.
En outre, il précise que le bénéficiaire du congé pour reprise remplit l'ensemble des conditions fixées par la loi à l'exception pour l'instant du contrôle des structures, une procédure étant actuellement en cours devant la cour administrative d'appel de Douai.
Concernant la demande de cession de bail formulée par M. [O], il soutient que Mme [B] s'est installée le 1er juillet 2019 en reprenant l'ensemble de l'exploitation de M. [O] alors que l'exploitation des terres par le preneur est une obligation strictement personnelle qu'il ne peut déléguer.
Il avance de plus que M. [O] n'a jamais notifié la mise à disposition des terres au profit de l'Earl [O] dans les conditions de forme et de délai prévues par l'article L.411-37 du code rural et de la pêche maritime, le paiement des fermages par la société ne permettant pas de régulariser cette faute.
Enfin, il fait valoir que Mme [B] est la nièce de M. [O] et que cette adoption frauduleuse constitue un détournement de droit dans le seul but d'assurer une transmission de l'exploitation indirectement au profit de M. [S] [B], agriculteur à [Localité 6].
Il est pour le surplus renvoyé aux écritures des parties pour un exposé complet de leurs moyens et arguments.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'appel sur les dispositions ordonnant le sursis à statuer
Aux termes des dispositions de l'article 380 du code de procédure civile, la décision de sursis peut être frappée d'appel sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la cour administrative d'appel de Douai est saisi du recours de l'Earl de la Corderie, venant aux droits de l'Earl de la Fama, à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 21 octobre 2020 qui a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter.
Alors que le jugement entrepris constitue un jugement mixte en ce qu'il tranche une partie du principal dans son dispositif, l'appel de M. [O] portant sur l'ensemble des dispositions de la décision déférée doit être déclaré recevable .
Sur le congé
Aux termes des dispositions de l'article L.411-47 du code rural et de la pêche maritime, le propriétaire qui entend s'opposer au renouvellement doit notifier congé au preneur, dix-huit mois au moins avant l'expiration du bail, par acte extrajudiciaire.
A peine de nullité, le congé doit:
- mentionner expressément les motifs allégués par le bailleur;
- indiquer, en cas de congé pour reprise, les nom, prénom, âge, domicile et profession du bénéficiaire ou des bénéficiaires devant exploiter conjointement le bien loué et, éventuellement, pour le cas d'empêchement, d'un bénéficiaire subsidiaire, ainsi que l'habitation ou éventuellement les habitations que devront occuper après la reprise le ou les bénéficiaires du bien repris;
- reproduire les termes de l'alinéa premier de l'article L.411-54.
La nullité ne sera toutefois pas prononcée si l'omission ou l'inexactitude constatée ne sont pas de nature à induire le preneur en erreur.
Par acte d'huissier en date du 30 mars 2020, M. [D] a fait délivrer congé à M. [O] pour le 30 septembre 2021 à minuit aux fins de reprise au bénéfice de son fils, M. [H] [D], cet acte étant délivré à titre principal sur le fondement des dispositions des articles L.411-57 et L.411-59 du code rural et de la pêche maritime, le bailleur entendant refuser le renouvellement du bail aux fins de faire exploiter les terres par son fils et, à titre subsidiaire, sur le fondement des dispositions de l'article L.411-64 du code rural et de la pêche maritime, le preneur ayant atteint l'âge légal de la retraite tel que retenu en matière d'assurance vieillesse agricole à la date des effets du congé.
En cause d'appel, M. [O] invoque la nullité de ce congé en faisant valoir qu'il a découvert au cours de la procédure que M. [H] [D], bénéficiaire de la reprise, entendait exploiter les terres objets du congé dans le cadre d'une mise à disposition au profit de l'Earl de la Corderie alors que le congé litigieux mentionnait quant à lui que les parcelles seraient mises à disposition de l'Earl de la Fama dont M. [H] [D] serait associé exploitant.
En l'espèce, le congé litigieux précise que le bénéficiaire de la reprise s'engage 'à mettre en exploitation directe les parcelles, objets du congé, pour une durée de 9 ans au moins conformément aux usages de la région, par le biais d'une mise à disposition au profit de l'Earl de Fama, dont il est associé exploitant, et dont le siège est sis [Adresse 4].'
Si le congé litigieux fait expressément mention de la mise à disposition des parcelles louées au profit de l'Earl de la Fama, il n'est pas contesté que M. [H] [D] a déposé une demande d'autorisation d'exploiter le 17 juin 2020 au nom et pour le compte de l'Earl de la Corderie.
Alors que l'information sur le mode d'exploitation des terres reprises doit être communiquée loyalement au preneur le jour de la délivrance du congé, il résulte des pièces communiquées que M. [H] [D] était associé exploitant de l'Earl du Fama au 30 mars 2020, date de la délivrance du congé, et ce depuis le 1er février 2019 et que l'Earl de la Corderie vient aux droits de l'Earl de Fama à la suite d'une fusion-absorption.
En outre, s'il résulte des éléments du dossier que M. [H] [D] est devenu associé exploitant de l'Earl de la Corderie le 8 février 2020, force est de constater qu'il n'est pas contesté qu'il avait la qualité d'associé exploitant de l'Earl de Fama à la date du 30 mars 2020, celle-ci n'ayant été radiée du RCS que le 7 juin 2020.
Ainsi, alors qu'il n'incombe au bailleur, lors de la délivrance du congé dont il est l'auteur , que de prévoir le mode d'exploitation des terres reprises et d'en informer loyalement le preneur évincé, il n'est pas contesté que l'information concernant la mise à disposition des terres au profit d'une Earl dont M. [H] [D] est associé exploitant a été valablement communiquée au preneur, le changement de société n'étant pas de nature à induire le preneur en erreur dans la mesure où ce dernier a eu la possibilité d'apprécier le caractère réaliste du projet d'exploitation personnelle des terres invoqué par le bailleur.
En conséquence, le motif du congé doit être déclaré régulier et valable de sorte qu' il y a lieu de débouter M. [O] de sa demande en nullité du congé de ce chef.
L'article L. 411-59 du code rural dispose que :
Le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l'exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans soit à titre individuel, soit au sein d'une société dotée de la personnalité morale, soit au sein d'une société en participation dont les statuts sont établis par un écrit ayant acquis date certaine. Il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l'exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation. Il doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir.
Le bénéficiaire de la reprise doit occuper lui-même les bâtiments d'habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l'exploitation directe.
Le bénéficiaire de la reprise doit justifier par tous moyens qu'il satisfait aux obligations qui lui incombent en application des deux alinéas précédents et qu'il répond aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées aux articles L. 331-2 à L. 331-5 ou qu'il a bénéficié d'une autorisation d'exploiter en application de ces dispositions.
En l'espèce, le congé litigieux a été délivré au preneur au titre de la reprise des terres louées par M. [H] [D], fils du bailleur.
Il n'est pas contesté que M. [H] [D] dispose de la compétence agricole et est d'ores et déjà installé en qualité d'agriculteur exploitant par le biais d'une mise à disposition au profit de l'Earl de la Corderie.
En outre, il ressort des éléments du dossier que son domicile situé [Adresse 4] à [Localité 10] se trouve à proximité des parcelles litigieuses et dispose du matériel agricole nécessaire pour permettre l'exploitation de ces dernières.
Toutefois, s'agissant de la conformité au contrôle des structures, la demande aux fins d'autorisation d'exploiter déposée par M. [H] [D] en sa qualité d'associé exploitant de l'Earl de la Corderie a été rejetée par arrêtée préfectoral en date du 21 octobre 2020.
En outre, il n'est pas contesté qu'un appel est actuellement pendant devant la cour administrative de Douai après un jugement rejetant la demande d'annulation de l'arrêté susvisé présentée par M. [D].
C'est à bon droit que le jugement entrepris a conclu de ces éléments qu'il convenait de surseoir à statuer.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur le congé en date du 21 novembre 2019
Aux termes des dispositions de l'article L.411-64 du code rural et de la pêche maritime, le droit de reprise tel qu'il est prévu aux articles L.411-58 à L.411-63, L.411-66 et L.411-67 ne peut être exercé au profit d'une personne ayant atteint, à la date prévue pour la reprise, l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles, sauf s'il s'agit, pour le bénéficiaire du droit de reprise, de constituer une exploitation ayant une superficie au plus égale à la surface fixée en application du V de l'article L.739-39.
Si la superficie de l'exploitation ou des exploitations mises en valeur par le preneur est supérieure à cette limite, le bailleur peut, par dérogation aux articles L.411-5 et L.411-46 :
- soit refuser le renouvellement du bail au preneur ayant atteint l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles,
- soit limiter le renouvellement à l'expiration de la période triennale au cours de laquelle le preneur atteindra cet âge.
Le preneur peut demander au bailleur le report de plein droit de la date d'effet du congé à la fin de l'année culturale où il aura atteint l'âge lui permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein.
(...)
Par acte d'huissier en date du 21 novembre 2019 visant les dispositions de l'article L.411-64 du code rural et de la pêche maritime, M. [D] a donné congé à M. [O] en raison de l'âge de le retraite pour le 30 novembre 2021.
En l'espèce le congé en ce qu'il a été délivré en raison de l'âge du preneur ne fait l'objet d'aucune critique ni sur le fond ni sur la forme, sauf pour M. [O] à s'opposer à ce qu'il puisse prendre effet en demandant à être autorisé à céder son droit au bail à sa fille Mme [T] [B] [W], pour laquelle il fait valoir qu'elle remplit les conditions légales pour bénéficier de la cession du bail rural à son profit.
Sur la demande de cession :
Pour se prononcer sur la cession, le juge doit rechercher si la cession projetée ne risque pas de nuire aux intérêts légitimes du bailleur. Ces intérêts sont appréciés au regard, d'une part, du comportement du preneur cédant au cours de son bail, et d'autre part, au regard des conditions de mise en valeur de l'exploitation par le cessionnaire candidat.
S'agissant du preneur cédant, le tribunal paritaire apprécie sa bonne foi en vérifiant qu'il n'a pas commis de manquements graves à ses obligations en cours de bail. La cession est une faveur accordée au preneur qui s'est acquitté de ses obligations et la bonne exécution du bail s'apprécie sur toute la durée des relations contractuelles.
S'agissant du cessionnaire, il doit pouvoir offrir des garanties pour assurer une bonne exploitation du fonds: être titulaire d'une autorisation d'exploiter, avoir des aptitudes professionnelles suffisantes, disposer des moyens matériels et financiers nécessaires à l'exploitation du fonds loué
C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu que si M. [S] [D] n'a pas engagé de procédure en tierce opposition à l'encontre du jugement en date du 4 juillet 2019 prononçant l'adoption simple de Mme [T] [B] [W] par M. [O], qui est son oncle, cette procédure a abouti cinq mois avant que M. [O] présente une demande d'autorisation de cession à son profit, cette chronologie et la quasi-concommittance des événements constituant une manoeuvre permettant à M. [O] de créer artificiellement une situation lui permettant de se prévaloir des dispositions de l'article L.411-64 du code rural et de la pêche maritime.
Par ailleurs, la cour relève qu'il résulte des pièces produites aux débats que Mme [B] s'est installée en qualité d'agricultrice le 1er juillet 2019 en reprenant l'ensemble de l'exploitation de M. [O] en procédant au rachat de l'ensemble du matériel agricole de sorte que M. [O] ne justifie plus disposer des moyens matériels lui permettant d'exploiter personnellement les parcelles litigieuses.
Enfin, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que M. [O] ne justifie pas avoir notifié au bailleur la mise à disposition des parcelles objets du bail au profit de l'Earl [O] et ce en contravention des dispositions de l'article L.411-37 du code rural et de la pêche maritime sans pourvoir se prévaloir d'une prescription sur le fondement des dispositions de l'article 2224 du code civil.
En conséquence, la preuve de la mauvaise foi de M. [O] est caractérisée en l'espèce et il y a lieu de le débouter de sa demande de cession du bail.
La décision entreprise sera donc confirmée de ce chef.
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné l'expulsion de M. [O] des parcelles louées.
Sur les autres demandes
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [O], partie perdante, sera condamné à supporter les dépens d'appel.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. M. [O] sera condamné à payer à M. [S] [D] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Déclare recevable l'appel formé par M. [R] [O] recevable ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. [R] [O] à payer à M. [S] [D] la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;
Condamne M. [R] [O] aux entiers dépens.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Véronique DELLELIS