La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2024 | FRANCE | N°22/03019

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 1, 04 juillet 2024, 22/03019


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 04/07/2024







N° de MINUTE : 24/596

N° RG 22/03019 - N° Portalis DBVT-V-B7G-ULGB

Jugement (N° 21-000775) rendu le 15 Novembre 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Lille





APPELANTE



SASU Eos France anciennement dénommée Eos Crédirec et venant aux droits de la société Diac prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualit

é audit siège

[Adresse 4]

[Localité 5]



Représentée par Me Guillaume Ghestem, avocat au barreau de Lille, avocat constitué assisté de Me Cédric Klein, avocat au ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 04/07/2024

N° de MINUTE : 24/596

N° RG 22/03019 - N° Portalis DBVT-V-B7G-ULGB

Jugement (N° 21-000775) rendu le 15 Novembre 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Lille

APPELANTE

SASU Eos France anciennement dénommée Eos Crédirec et venant aux droits de la société Diac prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Guillaume Ghestem, avocat au barreau de Lille, avocat constitué assisté de Me Cédric Klein, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

INTIMÉ

Monsieur [E] [G]

né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 6] - de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Christian Hanus, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/22/006872 du 05/08/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

DÉBATS à l'audience publique du 17 avril 2024 tenue par Samuel Vitse magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Samuel Vitse, président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 juillet 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 3 avril 2024

FAITS ET PROCEDURE

Suivant offre acceptée le 22 décembre 2006, la société Diac a consenti à M. [E] [G] un crédit affecté d'un montant de 19 936,89 euros, au taux de

6,25 % l'an, remboursable en soixante mensualités.

A la suite d'échéances impayées, la société Diac a mis en demeure M. [G] de s'acquitter de l'arriéré par lettre recommandée avec demande d'avis de réception expédiée le 7 mai 2009.

M. [G] n'a pas fait diligence et la déchéance du terme a été prononcée.

Par ordonnance du 7 décembre 2009, le tribunal d'instance de Lille a rendu une ordonnance faisant injonction à M. [G] de payer à la société Diac la somme de 13 593,53 euros en principal, majorée des intérêts au taux de 6,25 % l'an à compter du 7 mai 2009, au titre du crédit précité.

L'ordonnance a été signifiée à domicile le 3 mars 2010, puis revêtue de la formule exécutoire le 4 mai suivant.

Un commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré en vertu de l'ordonnance précitée a été signifiés à domicile le 16 octobre 2010.

Par acte du 16 février 2011 délivré à domicile, la société Eos France a assigné M. [G] devant le tribunal d'instance de Lille statuant en matière de saisie des rémunérations.

A l'audience du 10 mars 2011, M. [G] n'a pas comparu et la saisie des rémunérations a été ordonnée pour un montant total de 15 617,69 euros mais aucune somme n'a été distribuée au créancier.

Le 1er mars 2013, la société Eos Crédirec, désormais dénommée Eos France, est venue aux droits de la société Diac par l'effet d'une cession de créance, dont M. [G] a été informé par lettre du 30 avril 2013.

M. [G] a effectué des paiements partiels de mars 2014 à décembre 2018.

La cession de créance et un nouveau commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré en vertu de l'ordonnance précitée ont été signifié à domicile le 8 avril 2019.

Par requête reçue au greffe le 3 mars 2021, M. [G] a formé opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 7 décembre 2009.

Par jugement du 15 novembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille a reçu l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer, constaté la mise à néant de ladite ordonnance, débouté la société Eos France de sa demande en paiement au titre du crédit affecté et condamné celle-ci au paiement d'une indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens.

La société Eos France a relevé appel du jugement, en critiquant l'ensemble de ses chefs.

Dans ses dernières conclusions remises le 13 janvier 2023, la société Eos France demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, à titre principal, de déclarer l'opposition irrecevable et de dire en conséquence définitive l'ordonnance d'injonction de payer, subsidiairement, de déclarer l'opposition non fondée et de condamner M. [G] à lui payer la somme de 15 484,52 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,09 % sur la somme de 14 532,23 euros et au taux légal sur le surplus à compter du 5 mai 2009, date de la mise en demeure, en tout état de cause, de débouter M. [G] de l'ensemble de ses demandes, de le condamner au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Guillaume Ghestem.

Dans ses conclusions remises le 15 décembre 2022, M. [G] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, subsidiairement, de prononcer la déchéance du droit aux intérêts, d'arrêter la créance de la société Eos France à la somme de 8 324,69 euros, de condamner celle-ci à lui payer des dommages et intérêts d'un montant équivalent et d'ordonner la compensation des sommes dues, de lui accorder des délais de paiement s'il demeurait un reliquat après compensation, en tout état de cause, de condamner la société Eos France aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour le détail de leurs prétentions et moyens.

L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 3 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'opposition

Aux termes de l'article 1416 du code de procédure civile, l'opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance. Toutefois, si la signification n'a pas été faite à personne, l'opposition est recevable jusqu'à l'expiration du délai d'un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur.

En l'espèce, l'ordonnance d'injonction de payer du 7 décembre 2009 a été signifiée à domicile.

Il n'est justifié d'aucun acte ultérieur signifié à personne.

La société Eos France entend se prévaloir de la saisie des rémunérations de M. [G] autorisée le 10 mars 2011 par le tribunal d'instance de Lille à la suite du défaut de comparution de l'intéressé lors de la tentative de conciliation. Elle fait valoir que le délai d'opposition a couru à compter de cette date, peu important qu'aucune somme n'ait finalement été distribuée au créancier, dès lors que la mesure ordonnée avait, par nature, pour effet de rendre indisponibles les biens du débiteur.

S'agissant toutefois d'une mesure d'exécution forcée pratiquée entre les mains d'un tiers et par analogie avec le régime de la saisie-attribution (Cass., avis du 16 septembre 2002, n° 02-00.003, publié), le délai d'opposition du débiteur court uniquement à compter du jour où la saisie des rémunérations a été portée à sa connaissance.

Or, en l'occurrence, aucun élément ne permet de se convaincre que M. [G] aurait été destinataire de la lettre simple prévue à l'article R. 3252-23 du code du travail, destinée à l'informer de l'acte de saisie notifiée à l'employeur, tandis qu'il est acquis aux débats qu'aucune distribution n'a eu lieu au profit du créancier, laquelle aurait signé la connaissance par l'intimé de la saisie ordonnée.

Il s'ensuit que le délai pour former opposition n'a pas commencé à courir et c'est dès lors à bon droit que le premier juge a déclaré recevable l'opposition formée par M. [G].

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Aux termes de l'article L. 311-8 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, les opérations de crédit visées à l'article L. 311-2 sont conclues dans les termes d'une offre préalable, remise en double exemplaire à l'emprunteur et, éventuellement, en un exemplaire aux cautions.

Selon l'article L. 311-13 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, l'offre préalable est établie en application des conditions prévues aux articles précédents selon l'un des modèles types fixés par le comité de réglementation bancaire, après consultation du Conseil national de la consommation.

L'article R. 311-6 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, énonce que l'offre préalable de prêt prévue à l'article L. 311-8 comporte les indications figurant dans celui des modèles types annexés au présent code qui correspond à l'opération de crédit proposée.

L'article R. 311-7 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit pour sa part que le formulaire détachable de rétractation prévu à l'article L. 311-15 est établi conformément au modèle type joint en annexe.

Enfin, l'article L. 311-33 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, précise que le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

Il résulte de la combinaison de ces textes que l'offre préalable de crédit à la consommation doit comporter un bordereau détachable de rétractation, à peine de déchéance du droit aux intérêts.

En l'espèce, l'offre préalable produite par la société Eos France ne comporte aucun bordereau de rétractation.

Si M. [G] a, par sa signature au bas de l'offre préalable, reconnu être resté en possession d'un exemplaire de ladite offre doté d'un formulaire détachable de rétractation, une telle signature constitue seulement un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires (1re Civ., 21 octobre 2020, pourvoi n° 19-18.971, publié). Or la société Eos France ne produit aucun élément propre à étayer la reconnaissance de l'emprunteur, de sorte que la déchéance du terme est encourue.

M. [G] est donc tenu au remboursement du capital (19 936,89 euros), déduction faite des échéances payées (10 262,20 euros) et des versements postérieurs à la déchéance du terme (1 350 euros), soit la somme de 8 324,69 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2010.

Sur le manquement au devoir de conseil

Aux termes de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En l'espèce, M. [G] reproche au prêteur d'avoir manqué à son devoir de conseil sur les conséquences financières du crédit litigieux en cas de perte d'emploi.

Il convient de rappeler qu'un établissement de crédit n'est pas, sauf disposition conventionnelle contraire, tenu d'un devoir de conseil lorsqu'il consent un concours financier. Tout au plus est-il tenu d'un devoir d'information sur les caractéristiques du prêt, lequel peut se muer en devoir de mise en garde lorsque l'octroi du prêt entraîne un risque d'endettement excessif.

En l'occurrence, les parties ne sont pas convenues d'un devoir de conseil à la charge du prêteur, tandis qu'il n'est pas reproché à ce dernier un manquement au devoir d'information sur les caractéristiques du prêt, outre que M. [G] reconnaît lui-même dans ses écritures que la souscription de l'emprunt emportait un taux d'endettement près de la lisière maximum du taux d'endettement pour l'octroi d'un crédit (p. 5), sans toutefois soutenir un endettement excessif, lequel ne s'infère au demeurant pas des pièces produites. La cour relève enfin qu'il n'est pas soutenu un manquement au devoir de conseil du prêteur en ce qu'il a proposé à son client une assurance de groupe, étant observé que l'assurance souscrite comporte une garantie contre la perte d'emploi.

Il y a donc lieu de rejeter la demande de dommages et intérêts pour manquement au devoir de conseil.

Sur les délais de paiement

Aux termes de l'article 1343-5, alinéa 1, du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l'espèce, l'intimé sollicite les plus larges délais de paiement au regard de sa situation financière actuelle, l'appelante s'en remettant à l'appréciation de la cour sur ce point.

M. [G] justifie percevoir l'allocation adulte handicapé. S'il n'invoque aucune charge particulière, sa situation financière ne lui permet manifestement pas de solder immédiatement sa dette et il convient de lui accorder des délais de paiement, la mensualité fixée étant conforme à celle versée amiablement jusqu'en décembre 2018.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'issue du litige justifie d'infirmer la décision entreprise du chef des dépens et frais irrépétibles. Ayant principalement succombé, M. [G] sera tenu aux dépens de première instance et d'appel. L'équité justifie de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'opposition formée par M. [E] [G] et mis à néant l'ordonnance d'injonction de payer du 7 décembre 2009 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la déchéance du droit aux intérêts du prêteur ;

Condamne M. [E] [G] à payer à la société Eos France la somme de 8 324,69 euros au titre du crédit souscrit le 22 décembre 2006, avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2010 ;

Autorise M. [E] [G] à s'acquitter d'une telle somme en vingt-trois mensualités de 50 euros chacune, le solde étant versé lors d'une vingt-quatrième et dernière mensualité ;

Dit que la première mensualité devra être payée le 10 du mois suivant la signification du présent arrêt, et les mensualités suivantes au plus tard le 10 de chaque mois ;

Dit que le défaut de paiement d'une seule échéance à bonne date entraînera l'exigibilité immédiate de la totalité de la somme restant due ;

Rejette la demande de dommages et intérêts pour manquement au devoir de conseil ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles ;

Condamne M. [E] [G] aux dépens de première instance et d'appel, Maître Guillaume Ghestem, avocat, étant autorisé à recouvrer ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le greffier

Ismérie CAPIEZ

Le président

Yves BENHAMOU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 1
Numéro d'arrêt : 22/03019
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;22.03019 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award