La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2024 | FRANCE | N°22/00962

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 04 juillet 2024, 22/00962


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 04/07/2024





****



N° de MINUTE :

N° RG 22/00962 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UECI



Jugement rendu le 18 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer





APPELANT



Monsieur [Y] [E]

né le 25 août 1971 à [Localité 14]

demeurant chez Madame [A] [E]

[Adresse 2]

[Localité 5]



représenté pa

r Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assisté de Me Alexandre Barbelane, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant



INTIMÉS



Monsieur [H] [Z]

né le 12 janvier 1960 à [Localité 13]

[Adresse...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 04/07/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 22/00962 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UECI

Jugement rendu le 18 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer

APPELANT

Monsieur [Y] [E]

né le 25 août 1971 à [Localité 14]

demeurant chez Madame [A] [E]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assisté de Me Alexandre Barbelane, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

INTIMÉS

Monsieur [H] [Z]

né le 12 janvier 1960 à [Localité 13]

[Adresse 1]

[Localité 8]

Madame [I] [Z]

née le 26 décembre 1957 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 8]

Madame [N] [Z]

née le 25 juin 1993 à [Localité 15]

[Adresse 1]

[Localité 8]

représentés par Me Anne-Sophie Cadart, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 04 juin 2024, après réouverture des débats par mention au dossier, tenue par Catherine Courteille magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Courteille, présidente de chambre

Samuel Vitse, président de chambre

Véronique Galliot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 juillet 2024 après prorogation du délibéré en date du 27 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 06 novembre 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

M. [Y] [E] était le propriétaire d'une maison individuelle située [Adresse 3] à [Localité 8].

M. [H] [Z] est propriétaire de la maison située au [Adresse 1] à [Localité 8].

Reprochant à M. [H] [Z] d'avoir dégradé la haie située en limite de leurs propriétés, M. [Y] [E] a, par acte d'huissier du 5 juin 2020, fait assigner M. [H] [Z] devant le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer aux fins de le voir condamner à lui payer la somme de 20 400 euros destinée à financer son remplacement.

Le 17 mars 2021, M. [Y] [E] a vendu sa maison à Mme [S] [R].

Mme [I] [Z], usufruitière, épouse de M. [H] [Z], et leur fille Mme [N] [Z], nu-propriétaire, sont intervenues volontairement à l'instance.

Par jugement du 18 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer a :

- débouté M. [Y] [E] de ses demandes

- condamné M. [Y] [E] à payer à M. [H] [Z] la somme de 500,00 euros à titre de dommages et intérêts

- condamné M. [Y] [E] à payer la somme de 2 000 euros d'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [Y] [E] à payer une amende civile de 500 euros,

- condamné M. [Y] [E] aux dépens.

Par déclaration déposée au greffe de la cour d'appel de Douai le 25 février 2022, M. [Y] [E] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 2 novembre 2023, M. [Y] [E] demande à la cour, au visa de l'article 1240 du code civil, de :

- infirmer la décision du 18 janvier 2022 en ce qu'elle a :

* débouté M. [Y] [E] de ses demandes

* condamné M. [Y] [E] à payer à M. [H] [Z] la somme de 500,00 euros à titre de dommages et intérêts

* condamné M. [Y] [E] à payer la somme de 2 000 euros d'article 700 du code de procédure civile,

* condamné M. [Y] [E] à payer une amende civile de 500 euros,

* condamné M. [Y] [E] aux dépens.

Et statuant à nouveau,

- condamner solidairement les consorts [Z] à payer à M. [Y] [E] la somme de 20 400 euros au titre du préjudice financier ;

- les condamner solidairement au paiement de la somme de 3 000,00 euros ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance.

- débouter les consorts [Z] de leur demande de dommages et intérêts,

- débouter les consorts [Z] de leurs demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile, aux dépens ainsi que de toutes leurs demandes plus amples ou contraires.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 2 novembre 2023, M. [H] [Z], Mme [I] [Z], Mme [N] [Z] demandent à la cour, au visa de l'article 1240 du code civil, de :

- confirmer en l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer le 18 janvier 2022,

- débouter M. [Y] [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [Y] [E] à verser aux consorts [Z] la somme de 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et préjudice moral

- le condamner au paiement de la somme de 5 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées et rappelées ci-dessus.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 novembre 2023.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

1) Sur la demande de dommages et intérêts formulée par M. [Y] [E]

M. [Y] [E] soutient que la dégradation de la haie a engendré une réduction du prix de la vente de la maison de 25 000 euros ce qui est constitutif d'une perte de chance. Il soutient qu'un premier acquéreur s'est désisté en raison du différend opposant le voisin et M. [Y] [E] concernant la haie. Il précise que si Mme [S] [R] a acheté la maison, elle a soutenu que le remplacement de la haie devait nécessairement conduire à revoir le prix à la baisse. Il indique que le courriel de l'agence immobilière du premier éventuel acquéreur n'est pas un faux contrairement aux affirmations des intimés.

Les consorts [Z] contestent l'existence d'une perte de chance invoquée par M. [Y] [E] au motif qu'il n'est pas démontré que le premier éventuel acquéreur s'était désisté en raison du problème relatif à la haie. Ils affirment que M. [Y] [E] a falsifié les mails rédigés par l'agence immobilière ainsi qu'un courrier de Mme [S] [R].

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La perte de chance est définie comme la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, elle ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré la chance, ni aux gains manqués.

Pour démontrer la réalité de la perte de chance, à savoir qu'il a été contraint de diminuer le prix de vente de sa maison en raison des problèmes relatifs à la haie, M. [Y] [E] apporte aux débats :

L'attestation de l'acte notarié du 17 mars 2021 relatif à la vente de la maison à Mme [S] [R] pour un prix de 325 000 euros,

Un courriel du 23 juin 2021 rédigé par M. [Y] [E] adressé à M. [D], de l'agence immobilière de [Localité 12] dans lequel il demande « la copie de résiliation de votre client »,

Un courriel du 11 décembre 2020 rédigé par Mme [V] [W] et adressé à Mme [X], notaire en charge de la vente de la maison de M. [Y] [E] : il y est écrit : « Je fais suite à notre entretien téléphonique de ce jour et vous confirme que mes clients se sont désistés sur leur proposition à cause du différend opposant le voisin et M. [E] concernant la haie »,

Un courrier du 4 décembre 2020 rédigé par Mme [S] [R] adressé à M. [Y] [E] dans lequel il est écrit : « Suite à ma visite de la maison située au [Adresse 3] à [Localité 8], je soussignée [S] [R] née le 17/03/1977, DRH, domiciliée au [Adresse 4] à [Localité 9], fais par la présente une offre d'achat pour le dit bien, pour un montant de 325 000 euros au lieu de 350 000 euros. En effet le remplacement de la haie côté droite et la cuisine m'a obligé à revoir le prix à la baisse »,

Un procès-verbal de constat de commissaire de justice du 30 août 2022 : le commissaire de justice expose : « que dans le cadre d'un conflit de voisinage, le requérant a tout intérêt à me faire constater la réception d'un e-mail envoyé par Mme [W] en décembre 2020 ». Le commissaire de justice fait les constatations suivantes : » dans la boîte de réception, je constate la présence d'un email dont l'objet est « suite proposition d'achat de M. [E] ». Il s'agit un email forwardé à la date du 24 janvier 2021 à 13h48. Il clique dessus et je constate qu'il s'agit d'un email du 11 décembre 2020 à 14h37 en provenance de la boîte [Courriel 7] » envoyé à la boîte « [Courriel 10] » et dont copie a été adressée à la boîte « [Courriel 11] » ».

En réponse, les consorts [Z] apportent aux débats :

Une attestation de Mme [V] [W] dans laquelle elle indique « j'atteste que le mail reçu ce jour par Maître [T] a été falsifié car j'ai bien envoyé un mail à M. [Y] [E] mais précisant uniquement que mes clients se désistaient sans donner d'explications et non pour un litige concernant la haie. Je vous joins pour preuve le mail reçu de mes clients M. et Mme [U] me donnant la raison de leur rétractation ».

Il est joint le courriel de M. et Mme [U] du 10 décembre 2020 dans lequel ils écrivent : « Ils (leur fille et beau-fils) ne veulent plus investir dans la maison. Pour nous, la situation juridique sera trop compliquée »,

Un courriel du 11 juin 2021 de Mme [S] [R] adressé aux consorts [Z] dans lequel elle affirme : « je n'ai jamais prétexté votre litige de haie comme moyen de négociation supplémentaire ni à l'oral ni à l'écrit »,

Un courriel de Mme [S] [R] du 24 janvier 2023 adressé aux consorts [Z] dans lequel elle affirme : « n'avoir jamais écrit cette offre mentionnant ce problème de haie. Maître [X] notaire de M. [E] peut vous le confirmer via le mail de [E] qui nous était adressé le 8/12 à 19:29 où était incluse ma proposition d'achat et sans aucune mention de négociation suite à un remplacement de haie côté droit »,

Un courriel du 4 décembre 2020 de Mme [S] [R] adressé à M. [Y] [E] avec la pièce relative à son offre d'achat qui ne pas fait référence à une baisse du prix compte tenu du remplacement de la haie à effectuer.

Des échanges de SMS entre M. [Y] [E] et Mme [S] [R] durant la période de négociation : il est discuté du prix mais les difficultés relatives à la haie ne sont pas évoquées.

Il ressort de ces éléments qu'il est apporté aux débats des éléments contradictoires quant au motif de la rétractation des premiers éventuels acquéreurs de la maison de M. [Y] [E]. En revanche, s'agissant de la négociation du prix de vente avec Mme [S] [R], cette dernière a déclaré à plusieurs reprises par courriel et par mail n'avoir jamais évoqué le problème de la haie pour baisser le prix.

Ainsi, M. [Y] [E] échoue à démontrer d'avoir perdu de manière certaine l'éventualité de vendre son bien à un prix supérieur car alors même que les premiers acquéreurs se seraient rétractés en raison du litige relatif à la haie, tel n'a pas été le cas avec Mme [S] [R].

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [Y] [E] de sa demande de dommages et intérêts.

2) Sur la demande de dommages et intérêts formulées par les consorts [Z]

Les consorts [Z] soutiennent subir un préjudice moral en raison de la présente procédure qu'ils qualifient d'abusive.

Affirmer subir un préjudice moral ne suffit pas à le démontrer. Or, les consort [Z] n'apportent aux débats aucun élément sur leur préjudice moral.

Cette demande sera rejetée et le jugement sera infirmé de ce chef.

3) Sur l'amende civile

En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'exercice du droit d'agir en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, une malveillance manifeste ou une légèreté blâmable.

En l'espèce, il y a lieu de constater que la pièce qu'il produit relatif à l'offre d'achat de Mme [S] [R] diffère de celle que cette dernière a communiqué aux consorts [Z] et que celle-ci a attesté ne jamais avoir mentionné le problème de la haie pour négocier le prix de la maison, de sorte que ces éléments constituent des actes de mauvaise foi.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné M. [Y] [E] à payer 500 euros à titre d'amende civile.

4) Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé de ce chef.

M. [Y] [E] sera condamné aux dépens et à payer aux consorts [Z] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles, engagés en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné M. [Y] [E] à payer aux consorts [Z] la somme de 500 à titre de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉBOUTE les consorts [Z] de leur demande de dommages et intérêts,

CONDAMNE M. [Y] [E] aux entiers dépens, engagés en appel,

CONDAMNE M. [Y] [E] à payer aux consorts [Z] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, engagés en appel,

DÉBOUTE M. [Y] [E] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Anaïs Millescamps

Le président

Catherine Courteille


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 22/00962
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;22.00962 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award