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30/06/2024 | FRANCE | N°24/01319

France | France, Cour d'appel de Douai, Etrangers, 30 juin 2024, 24/01319


COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles





N° RG 24/01319 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VUE2

N° de Minute : 1293







Ordonnance du dimanche 30 juin 2024





République Française

Au nom du Peuple Français















APPELANT



M. [L] [P]

né le 13 Août 1992 à [Localité 5]

de nationalité Marocaine

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]

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assisté de Me Marie JOURDAIN, avocat au barreau de DOUAI, avocat commis d'office et de M. [J] [Y] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour,





INTIMÉ



M. LE PREFET DU NORD



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COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles

N° RG 24/01319 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VUE2

N° de Minute : 1293

Ordonnance du dimanche 30 juin 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

APPELANT

M. [L] [P]

né le 13 Août 1992 à [Localité 5]

de nationalité Marocaine

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]

dûment avisé, comparant en personne

assisté de Me Marie JOURDAIN, avocat au barreau de DOUAI, avocat commis d'office et de M. [J] [Y] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour,

INTIMÉ

M. LE PREFET DU NORD

dûment avisé, absent non représenté

PARTIE JOINTE

M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant

MAGISTRAT DELEGUE : Sylvain LALLEMENT, Président de chambre à la cour d'appel de Douai désigné par ordonnance pour remplacer le premier président empêché, assisté de Christian BERQUET, Greffier

DÉBATS : à l'audience publique du dimanche 30 juin 2024 à 13 h 30

ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai le dimanche 30 juin 2024 à

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles L 743-21, L 743-23, R 743-10, R 743-11, R 743-18 et R 743-19 ;

Vu l'ordonnance rendue le 28 juin 2024 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE prolongeant la rétention administrative de M. [L] [P] ;

Vu l'appel interjeté par M. [L] [P], ou son Conseil, par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 28 juin 2024 ;

Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;

EXPOSE DU LITIGE

M. [L] [P], de nationalité marocaine, a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par M. le préfet du Nord le 26 juin 2024 suite à une obligation de quitter le territoire français (ci-après OQTF) prononcée le même jour.

Le 28 juin 2024, M. [P] a déposé une requête en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative susvisée.

La veille, soit le 27 juin 2024, l'autorité administrative a déposé une requête tendant à la prolongation de la mesure de rétention de M. [P] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Par ordonnance dont appel du 28 juin 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille a :

- ordonné la jonction des deux procédures ;

- déclaré recevable la demande d'annulation du placement en rétention ;

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative ;

- déclaré régulier le placement en rétention administrative ;

- ordonné la prolongation de la rétention de M. [P] pour une durée de 28 jours à compter du 28 juin 2024 à 21h30.

Au titre des moyens soutenus en appel l'intéressé soulève :

Sur le placement en rétention administrative :

- L'erreur manifeste d'appréciation des garanties de représentation en ce que le juge des libertés et de la détention n'a pas pris en compte l'attestation d'hébergement fournie par son frère, les preuves de son mariage et de son divorce en cours en France avec l'adresse de son frère à [Localité 4] et la notification d'une OQTF en 2017 envoyée à la même adresse, de sorte que l'ordonnance est mal motivée.

- Subsidiairement, il sollicite l'assignation à résidence au domicile de son frère au [Adresse 1] à [Localité 4] qui est son adresse stable depuis plusieurs années.

Il ne soulève aucun moyen sur la prolongation de la mesure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination. Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien-fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel de M. [P] ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.

Les articles 933 du code de procédure civile et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne permettent, sauf indivisibilité ou demande d'annulation du jugement, que de discuter en cause d'appel des seuls moyens mentionnés dans l'acte d'appel et soutenus oralement à l'audience. La décision du premier juge déférée ayant joint la requête en annulation de l'arrêté de placement et la demande du préfet en prolongation de la rétention, l'ensemble des moyens soutenus pourront être appréciés par la cour d'appel.

Sur le placement en rétention

*Sur l'erreur manifeste d'appréciation au regard des garanties de représentation

En vertu de l'article L 741-1 du CESEDA, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de 48 heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

L'existence d'un seul des critères posés par l'article L 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, définissant les 'garanties de représentation' de l'étranger en situation irrégulière, ou par l'article L 751-10 du même code, définissant les 'risques de fuite' présentés par l'étranger en situation irrégulière, est nécessaire pour que l'autorité préfectorale puisse motiver le placement en rétention administrative.

Cependant la mesure de privation de liberté que constitue le placement en rétention administrative doit rester proportionnée au regard de l'ensemble des éléments de fait et de personnalité présentés par l'étranger en situation irrégulière avec les impératifs de bonne exécution de la mesure d'éloignement.

L'erreur d'appréciation invoquée à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative quant aux garanties de représentation invoquées par l'étranger doit être jugée en fonction des éléments dont le Préfet disposait au moment où la décision contestée a été arrêtée.

Or, au jour où il a statué, il est acquis que le préfet ne disposait pas de l'attestation d'hébergement de son frère et des documents présentés à l'audience devant la cour d'appel, à savoir un justificatif d'un divorce en cours et d'une précédente OQTF en 2017 sur lesquels figure l'adresse de son frère au [Adresse 1] à [Localité 4].

Les éléments de la procédure établissent que l'autorité administrative ne disposait que du passeport marocain de M. [P].

Le juge des libertés et de la détention a indiqué dans sa décision qu'il était allégué par M. [P] qu'une attestation d'hébergement avait été transmise mais que celle-ci ne figurait pas au dossier. En tout état de cause, les garanties de représentations aux fins d'appréciation de la légalité du placement en rétention devant être appréciées en fonction des éléments en possession du Préfet au jour où il a statué et non au jour où le juge des libertés et de la détention a statué, la question de savoir si l'attestation d'hébergement avait été communiquée au juge des libertés et de la détention par l'appelant est indifférente.

En l'espèce l'arrêté de placement en rétention administrative a été pris en considération des déclarations de l'étranger qui a indiqué lors de son audition vouloir rester sur le territoire français où il réside de manière constante depuis 2017, qu'il n'avait pas de domicile fixe, qu'il était célibataire et sans enfant et vivait « à droite à gauche ». L'arrêté a également été motivé par le fait qu'il a fait l'objet d'un court visa de séjour du 22 juin 2016 au 6 avril 2016, qu'il s'est maintenu sur le territoire français après cette date et qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement.

Dès lors, les pièces produites à l'audience devant la cour par M. [P] relatives à sa domiciliation chez son frère à [Localité 4] ne peuvent être prise en compte dans l'appréciation faite par l'autorité administrative lors du prononcé du placement en rétention administrative.

Il s'ensuit qu'au jour où l'arrêté de placement en rétention administrative a été adopté, aucune erreur d'appréciation quant à la teneur des éléments de domiciliation de l'appelant ne peut être retenue.

En conséquence la décision querellée comporte donc les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et l'appelant a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire.

Il y a lieu de rappeler qu'aucun moyen n'est soulevé en ce qui concerne la prolongation du placement en rétention.

Sur la demande subsidiaire d'assignation à résidence

Il ressort des dispositions de l'article L.743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que :

'Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.

L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.

Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.'

Le fait de justifier disposer 'd'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale' conforme à l'article L.612-3,8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peut néanmoins, au cas d'espèce, légitimement être considéré par l'autorité judiciaire comme insuffisant pour accorder à l'étranger une assignation à résidence sur le fondement de l'article L.743-13 précité, dès lors que d'autres éléments de fait permettent raisonnablement de considérer que l'étranger n'entend pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français et qu'en conséquence la mesure d'assignation à résidence ne serait pas suffisamment coercitive pour assurer la bonne exécution de l'éloignement.

En l'espèce il apparaît que, si M. [P] a bien remis son passeport marocain en cours de validité, il a déclaré devant l'autorité administrative ne pas avoir de domicile fixe et vivre « à droite à gauche », de sorte que l'attestation d'hébergement de son frère doit être prise en compte avec la plus grande prudence et ne peut établir l'existence d'une résidence effective et permanente ; il ne justifie pas de ressources pour assurer les frais de retour et a clairement mentionné sa volonté de se maintenir en France. Par ailleurs, M. [P] s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement suite à l'expiration de son visa d'une durée de 30 jours délivré en 2016.

Ces éléments ne permettent pas de considérer que l'intéressé dispose des garanties de représentation effectives suffisantes pour être assigné à résidence à l'adresse ci-dessus mentionnée.

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE l'appel recevable ;

CONFIRME l'ordonnance entreprise ;

DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;

LAISSE les dépens à la charge de l'État.

Christian BERQUET, Greffier

Sylvain LALLEMENT, Président de chambre

N° RG 24/01319 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VUE2

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 1293 DU 30 Juin 2024 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 3]) :

Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Pour information :

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Reçu copie et pris connaissance le 30 juin 2024

- M. [L] [P]

- interprète :

- décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. [L] [P] le dimanche 30 juin 2024

- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU NORD et à Maître [E] [M] le dimanche 30 juin 2024

- décision communiquée au tribunal administratif de Lille

- décision communiquée à M. le procureur général

- copie au Juge des libertés et de la détention de LILLE

Le greffier, le dimanche 30 juin 2024

N° RG 24/01319 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VUE2


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Etrangers
Numéro d'arrêt : 24/01319
Date de la décision : 30/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-30;24.01319 ?
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