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30/06/2024 | FRANCE | N°24/01314

France | France, Cour d'appel de Douai, Etrangers, 30 juin 2024, 24/01314


COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles





N° RG 24/01314 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VUDE

N° de Minute : 1281







Ordonnance du dimanche 30 juin 2024





République Française

Au nom du Peuple Français





APPELANT



M. [V] [N]

né le 25 Avril 1990 à [Localité 2] (ALGÉRIE)

de nationalité Algérienne

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 3]

dûment avisé, comparant en personne par visioconférence



assisté de Me Sarah BENSABER, avocat au barreau de DOUAI, avocat commis d'office





INTIMÉ



M.LE PREFET DU NORD



dûment avisé, absent

représenté par Me Marine PEDRO, avocat au barreau de Douai...

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles

N° RG 24/01314 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VUDE

N° de Minute : 1281

Ordonnance du dimanche 30 juin 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

APPELANT

M. [V] [N]

né le 25 Avril 1990 à [Localité 2] (ALGÉRIE)

de nationalité Algérienne

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 3]

dûment avisé, comparant en personne par visioconférence

assisté de Me Sarah BENSABER, avocat au barreau de DOUAI, avocat commis d'office

INTIMÉ

M.LE PREFET DU NORD

dûment avisé, absent

représenté par Me Marine PEDRO, avocat au barreau de Douai substituant le groupement Mathieu, avocats au barreau de Paris

PARTIE JOINTE

M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant

MAGISTRAT DELEGUE : Sylvain LALLEMENT, Président de chambre à la cour d'appel de Douai désigné par ordonnance pour remplacer le premier président empêché

assisté de Christian BERQUET, Greffier

DÉBATS : à l'audience publique du samedi 29 juin 2024 à 14 h 30

Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe

ORDONNANCE : rendue à Douai par mise à disposition au greffe le dimanche 30 juin 2024 à 13 h 00

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles L 743-21, L 743-23, R 743-10, R 743-11, R 743-18 et R 743-19 ;

Vu l'aricle L 743-8 du CESEDA ;

Vu la demande de l'autorité administrative proposant que l'audience se déroule avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle ;

Vu l'accord du magistrat délégué ;

Vu l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER en date du 28 juin 2024 notifiée à 13 h 40 prolongeant la rétention administrative de M. [V] [N] ;

Vu l'appel interjeté par M. [V] [N] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 28 juin 2024 à 15 h 23 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;

Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;

Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [V] [N] , de nationalité algérienne, a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par M. le préfet du Nord le 26 juin 2024 pour l'exécution d'un arrêté d'expulsion pris le 12 juin 2024 par la même autorité administrative et notifié le même jour.

Le 27 juin 2024, M. [N] a déposé une requête en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative susvisée.

Le même jour, l'autorité administrative a déposé une requête tendant à la prolongation de la mesure de rétention de M. [N] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Par ordonnance dont appel du 28 juin 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Boulogne-Sur-Mer a :

- ordonné la jonction des deux procédures ;

- Rejeté le recours en annulation du placement en rétention ;

- Autorisé la prolongation de la rétention de M. [N] pour une durée de 28 jours.

Au titre des moyens soutenus en appel l'intéressé soulève :

- Sur le placement en rétention administrative : La violation de l'article 8 de la CESDH.

- Sur la prolongation de la mesure,

* L'absence d'autorisation de mon placement en rétention par le juge des libertés et de la détention d'Avesnes sur Helpe.

* La possibilité d'une assignation à résidence.

MOTIFS DE LA DÉCISION

De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination. Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien-fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel de M. [N] ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.

La décision du premier juge déférée ayant joint la requête en annulation de l'arrêté de placement et la demande du préfet en prolongation de la rétention, l'ensemble des moyens soutenus pourront être appréciés par la cour d'appel.

Sur le placement en rétention au regard de l'article 8 de la CESDH :

Il est soutenu que l'arrêté porte une atteinte disproportionnée au droit de M.[N] au respect de sa vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la CESDH dès lors que l'intéressé est père de 2 enfants de nationalité française âgés de 10 et 9 ans qu'il voit régulièrement.

Le contrôle du respect de l'article 8 de la CEDH, accordant à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, par le juge judiciaire ne doit s'entendre qu'au regard de l'arrêté préfectoral de placement en rétention contesté et non au regard du titre d'éloignement ou du choix du pays de retour, critères de la compétence du juge administratif.

Toute privation de liberté est en soi une atteinte à la vie privée et familiale de la personne qui en fait l'objet. Cependant le seuil d'application de l'article 8 de la CEDH nécessite qu'il soit démontré une atteinte disproportionnée à ce droit, c'est à dire une atteinte trop importante et sans rapport avec l'objectif de la privation de liberté.

Les droits des étrangers en rétention prévus par les articles L 744-4 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, accordent à la personne placée en rétention un large droit de visite et de contact familiaux. En l'espèce , il est constant que les enfants mineurs qu'il évoque sont placés et les pièces du dossier ne permettent pas de constater qu'il exerce de manière régulière un droit de visite.

Par ailleurs, l'arrêté d'expulsion du 12 juin 2024 susmentionné qui a été pris à l'encontre de M.[N] est motivé par la menace grave qu'il représente pour l'ordre public. En effet l'intéressé a été condamné à 3 reprises entre 2019 et 2023 pour des faits de violences intra-familiales. L'adresse qu'il mentionne à [Localité 5] est celle d'une des victimes de ces faits.

Le placement en rétention est justifié au cas d'espèce par la nécessité de garantir la représentation de la personne sur qui pèse une obligation de quitter le territoire et qui n'entend pas s'y conformer volontairement, ce qui est le cas de M.[N], lequel présente en outre une menace pour l'ordre public.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, Il ne saurait donc être considéré, au cas d'espèce, que le placement en rétention administrative de l'intéressé soit constitutif d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la CESDH .

Sur la prolongation du placement en rétention.

* S'agissant du moyen tiré de l'absence d'autorisation de mon placement en rétention par le juge des libertés et de la détention d'Avesnes sur Helpe.

L'appelant fait valoir qu'il a fait l'objet d'une visite domiciliaire autorisée par une ordonnance du Juge des libertés et de la détention d'Avesnes sur Helpe mais cette ordonnance n'autorise nullement un placement en rétention qui lui a pourtant été notifié après cette visite domiciliaire.

Il sera rappelé que le placement en rétention ne relève pas de la compétence du Juge des libertés et de la détention mais de celle de l'autorité préfectorale. L'autorité judiciaire n'intervient par le juge des libertés et de la détention, sur requête de l'autorité administrative que pour prolonger ou non le placement en rétention. 

En l'espèce, ainsi que mentionné ci-dessus dans l'exposé du litige, M. [V] [N] a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par M. le préfet du Nord le 26 juin 2024 pour l'exécution d'un arrêté d'expulsion pris le 12 juin 2024 par la même autorité administrative et notifié le même jour. La prolongation de la rétention relevait de la compétence matérielle et territoriale du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Boulogne-Sur-Mer, ce qu'il a fait par l' ordonnance dont appel du 28 juin 2024.

Le juge des libertés et de la détention d'Avesnes sur Helpe est intervenu dans un autre cadre légal à savoir pour autoriser une visite domiciliaire.

Le moyen sera rejeté comme mal fondé.

*S'agissant de la possibilité d'une assignation à résidence.

L'appelant fait valoir qu'il dispose d'une adresse stable au [Adresse 1] à [Localité 5].

L'article L.743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que :

' Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.

L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.

Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.'

Le fait de justifier disposer 'd'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale' conforme à l'article L.612-3,8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

peut néanmoins, au cas d'espèce, légitimement être considéré par l'autorité judiciaire comme insuffisant pour accorder à l'étranger une assignation à résidence sur le fondement de l'article L.743-13 précité, dès lors que d'autres éléments de fait permettent raisonnablement de considérer que l'étranger n'entend pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français et qu'en conséquence la mesure d'assignation à résidence ne serait pas suffisamment coercitive pour assurer la bonne exécution de l'éloignement.

En l'espèce il apparaît que, si M. [N] indique avoir remis son passeport marocain en cours de validité, l'intéressé a été condamné à 3 reprises entre 2019 et 2023 pour des faits de violences intra-familiales et l'adresse qu'il mentionne à [Localité 5] est celle d'une des victimes de ces faits ce qui précarise considérablement le caractère stable du domicile qu'il invoque. Par ailleurs, il ne justifie pas de ressources pour assurer les frais de retour et a clairement mentionné sa volonté de se maintenir en France.

Ces éléments ne permettent pas de considérer que l'intéressé dispose des garanties de représentation effectives suffisantes pour être assigné à résidence à l'adresse ci-dessus mentionnée.

Le moyen sera en conséquence rejeté.

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARONS l'appel recevable ;

CONFIRMONS l'ordonnance entreprise ;

DISONS que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;

DISONS que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [V] [N] par l'intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d'un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l'autorité administrative ;

LAISSONS les dépens à la charge de l'État.

Christian BERQUET, Greffier

Sylvain LALLEMENT, Président de chambre

A l'attention du centre de rétention, le dimanche 30 juin 2024

Bien vouloir procéder à la notification de l'ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l'interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué : M. [V] [N]

Le greffier

N° RG 24/01314 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VUDE

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 1281 DU 30 Juin 2024 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 4]) :

Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Pour information :

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Reçu copie et pris connaissance le

- M. [V] [N]

- par truchement téléphonique d'un interprète en tant que de besoin

- nom de l'interprète (à renseigner) :

- décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. [V] [N] le dimanche 30 juin 2024

- décision transmise par courriel pour notification à M.LE PREFET DU NORD et à Maître Sarah BENSABER Maître Marine PEDRO le dimanche 30 juin 2024

- décision communiquée au tribunal administratif de Lille

- décision communiquée à M. le procureur général

- copie au Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER

Le greffier, le dimanche 30 juin 2024

N° RG 24/01314 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VUDE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Etrangers
Numéro d'arrêt : 24/01314
Date de la décision : 30/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-30;24.01314 ?
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