COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 24/01307 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VUCR
N° de Minute : 1280
Ordonnance du dimanche 30 juin 2024
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [E] [M]
né le 20 Juin 1996 à [Localité 4] (TUNISIE )
de nationalité Tunisienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]
dûment avisé, comparant en personne par visioconférence
assisté de Me Sarah BENSABER, avocat au barreau de DOUAI, avocat commis d'office
INTIMÉ
PREFET DE L'AISNE
dûment avisé, absent non représenté
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRAT DELEGUE : Sylvain LALLEMENT, Président de chambre à la cour d'appel de Douai désigné par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Christian BERQUET, Greffier
DÉBATS : à l'audience publique du samedi 29juin 2024 à 14 h 30
Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : rendue à Douai par mise à disposition au greffe le dimanche 30 juin 2024 à 13 h 30
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles L 743-21, L 743-23, R 743-10, R 743-11, R 743-18 et R 743-19 ;
Vu l'aricle L 743-8 du CESEDA ;
Vu la demande de l'autorité administrative proposant que l'audience se déroule avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle ;
Vu l'accord du magistrat délégué ;
Vu l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER en date du 28 juin 2024 notifiée à 11 h 12 prolongeant la rétention administrative de M. [E] [M] ;
Vu l'appel interjeté par M. [E] [M] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 28 juin 2024 à 12 h 34 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;
Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [E] [M] , de nationalité tunisienne, a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par M. le préfet de l'Aisne le 25 juin 2024 et notifié le même jour pour l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) délivrée le 06 novembre 2021 par la Mme la préfète de l'Oise et notifiée le même jour .
Le 26 juin 2024, M. [M] a déposé une requête en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative susvisée.
Le 27 juin 2024 , l'autorité administrative a déposé une requête tendant à la prolongation de la mesure de rétention de M. [M] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Par ordonnance dont appel du 28 juin 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Boulogne-Sur-Mer a :
- ordonné la jonction des deux procédures ;
- Rejeté le recours en annulation du placement en rétention ;
- Autorisé la prolongation de la rétention de M. [M] pour une durée de 28 jours.
Aucun moyen n'a été soulevé devant le premier juge :
Au titre des moyens soutenus en appel l'intéressé soulève :
- Sur le placement en rétention administrative :
*l'incompétence du signataire de l'acte de placement en rétention
*le défaut de motivation de la préfecture
* le défaut d'examen de sa situation personnelle au regard de la possibilité d'une assignation à résidence
- Sur la prolongation de la mesure,
* Le défaut de diligences utiles de l'administration
MOTIFS DE LA DÉCISION
De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination. Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien-fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.
Sur la recevabilité de l'appel
L'appel de M. [M] ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.
La décision du premier juge déférée ayant joint la requête en annulation de l'arrêté de placement et la demande du préfet en prolongation de la rétention, l'ensemble des moyens soutenus pourront être appréciés par la cour d'appel.
Sur le placement en rétention
*Sur le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte de placement en rétention :
L'arrêté est signé par Monsieur [P] [K] en qualité de sous-préfet, directeur de cabinet , pour le préfet par délégation. Ces mentions donnent la possibilité à celui qui la conteste de vérifier la qualité et la compétence de l'auteur de l'acte. En l'espèce, l'incompétence alléguée n'est démontrée par aucun élément/
Le moyen sera rejeté.
*Sur le moyen tiré de l'absence de motivation suffisante :
Il est soutenu que la motivation n'est pas complète car elle ne prend pas en compte les dispositions de l'article 3 de la CESDH, la Tunisie étant un pays en guerre et ne respectant pas les droits fondamentaux.
Le moyen se borne à exposer des arguments juridiques généraux sans aucune pièce permettant de considérer qu'un éloignement vers la Tunisie poserait problème au regard des dispositions de l'article 3 de la CESDH alors que ce n'est pas une situation de notoriété publique.
Pour le reste , l'arrêté comporte une motivation suffisante en fait en droit y compris au regard des dispositions de l'article 8 de la CESDH.
Le moyen sera rejeté comme mal fondé.
*S'agissant de la possibilité d'une assignation à résidence.
L'appelant fait valoir qu'il dispose d'une adresse stable au [Adresse 1] chez un cousin , tout en reconnaissant qu'il n'est pas en possession d'un document de voyage en cours de validité.
L'article L.743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que :
' Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.
L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.
Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.'
Ainsi que le mentionne cet article l'assignation à résidence suppose la remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution ; or, ainsi qu'il le reconnaît lui-même il n'est pas en possession d'un document de voyage en cours de validité.
Il ne peut donc être reproché à l'administration de ne pas avoir examiné la possibilité d'une assignation à résidence.
Le moyen sera en conséquence rejeté.
Sur la prolongation du placement en rétention.
L'appelant fait valoir l'absence de diligences suffisantes de l'administration en ce qu'elle n'a fait aucune recherche sur le fait qu'il avait mentionné qu'il était demandeur d'asile en Italie. Cet argument n'a pas même été évoqué devant le premier juge et l'intéressé qui utilise des alias ne justifie pas avoir mentionné cette information à l'administration , alors même qu'il n'a pas collaboré avec les autorités administratives en refusant le 25 juin 2024 de se soumettre à la prise d'empreintes à la borne SBNA ainsi que l'indique la requête préfectorale du 27 juin 2024.
Le moyen sera rejeté.
Pour le surplus, la cour considère que l'ordonnance déférée est bien fondée en ce qu'elle a autorisé la prolongation de la rétention en l'attente de la réponse donnée par les autorités tunisiennes sur la demande de laissez-passer consulaire, demande de routing ayant par ailleurs été effectuée.
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARONS l'appel recevable ;
CONFIRMONS l'ordonnance entreprise ;
DISONS que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DISONS que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [E] [M] par l'intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d'un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l'autorité administrative ;
LAISSONS les dépens à la charge de l'État.
Christian BERQUET, Greffier
Sylvain LALLEMENT, Président de chambre
A l'attention du centre de rétention, le dimanche 30 juin 2024
Bien vouloir procéder à la notification de l'ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l'interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué :
Le greffier
N° RG 24/01307 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VUCR
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 1280 DU 30 Juin 2024 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 3]) :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le
- M. [E] [M]
- par truchement téléphonique d'un interprète en tant que de besoin
- nom de l'interprète (à renseigner) :
- décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. [E] [M] le dimanche 30 juin 2024
- décision transmise par courriel pour notification à PREFET DE L'AISNE et à Maître Sarah BENSABER le dimanche 30 juin 2024
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général
- copie au Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER
Le greffier, le dimanche 30 juin 2024
N° RG 24/01307 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VUCR