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27/06/2024 | FRANCE | N°23/05229

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 27 juin 2024, 23/05229


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 27/06/2024



****





N° de MINUTE :

N° RG 23/05229 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VGZT



Jugement (N° 2022002809) rendu le 06 novembre 2023 par le tribunal de commerce de Valenciennes







APPELANT



Monsieur [K] [N]

né le [Date naissance 3] 1993 à [Localité 4]

de nationalité française

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INTIMÉ



Maître [B] [L], mandataire judiciaire agissant en qualité de liquidateur de la SARL MCBI, fonctions auxquelles il a é...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 27/06/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 23/05229 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VGZT

Jugement (N° 2022002809) rendu le 06 novembre 2023 par le tribunal de commerce de Valenciennes

APPELANT

Monsieur [K] [N]

né le [Date naissance 3] 1993 à [Localité 4]

de nationalité française

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Marieke Buvat, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué

INTIMÉ

Maître [B] [L], mandataire judiciaire agissant en qualité de liquidateur de la SARL MCBI, fonctions auxquelles il a été désigné par jugement du tribunal de commerce de Valenciennes en date du 29 avril 2019.

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Vincent Speder, avocat au barreau de Valenciennes

En présence du Ministère public, représenté par Monsieur le procureur général

lui-même représenté par M. Christophe Delattre, substitut général

entendu en ses observations orales, conformes à ses réquisitions écrites

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Stéphanie Barbot, présidente de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Anne Soreau, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

DÉBATS à l'audience publique du 28 mars 2024 après rapport oral de l'affaire par Stéphanie Barbot

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente, et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC : Cf réquisitions du 28 mars 2024

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 28 mars 2024

****

FAITS ET PROCEDURE :

La société MCBI (la société débitrice), immatriculée au RCS depuis le 24 juillet 2015, avait pour gérant M. [N] et pour activité principale la sous-traitance de gros donneurs d'ordres.

Le 17 octobre 2016, sur assignation de l'Urssaf, cette société a été mise en redressement judiciaire.

Le 2 octobre 2017, cette société a bénéficié d'un plan de redressement dont le premier dividende a été payé.

Le 4 février 2019, le ministère public a saisi le tribunal de commerce de Valenciennes afin que soit ouverte une procédure collective à l'égard de la société MCBI et, à défaut, ordonné une mesure d'enquête.

Le 11 mars 2019, ce tribunal a ordonné, sur le fondement de l'article L. 621-1 du code de commerce, une procédure d'enquête, confiée à M. [R], assisté de M. [L], mandataire judiciaire.

Par un jugement du 29 avril 2019, ce tribunal a constaté la « caducité » [comprendre la résolution] du plan de la société débitrice et ouvert une liquidation judiciaire à son égard, M. [L] étant désigné en qualité de liquidateur et la date de cessation des paiements fixée au 15 octobre 2018.

Le 4 avril 2022, le liquidateur a assigné M. [N] en responsabilité pour insuffisance d'actif et en prononcé d'une mesure de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer.

Par un jugement du 6 novembre 2023, le tribunal de commerce de Valenciennes a :

- condamné M. [N] à contribuer à l'insuffisance d'actif de la société débitrice à concurrence de la somme de 500 000 euros ;

- prononcé contre l'intéressé une mesure de faillite personnelle d'une durée de quinze ans ;

- dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de procédure.

Le 24 novembre 2023, M. [N] a relevé appel de ce jugement, en critiquant tous ses chefs de dispositif.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 janvier 2024, M. [N] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

- juger prescrite l'action en faillite personnelle et interdiction de gérer ;

- débouter le liquidateur de l'ensemble de ses demandes ;

- subsidiairement, limiter très strictement le quantum des condamnations qui pourraient être prononcées contre lui ;

- condamner M. [L] aux dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 février 2024 , M. [L], en qualité de liquidateur de la société débitrice, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris, sauf à condamner M. [N] au paiement de la somme de 5 039 775 euros au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif ;

En tout cas :

- dire son action recevable ;

- prononcer à l'égard de M. [N] une mesure de faillite personnelle de 15 ans ou, subsidiairement, une interdiction de gérer de même durée ;

- le condamner à supporter intégralement l'insuffisance d'actif de la société débitrice, soit 5 039 775 euros ou, subsidiairement, une partie de cette insuffisance d'actif ;

- rejeter l'ensemble des demandes de M. [N] ;

- le condamner au paiement d'une indemnité procédurale de 5 000 euros, ainsi qu'aux dépens.

Dans son avis communiqué par la voie électronique le 28 mars 2024, avant l'ouverture des débats, le ministère public demande à la cour de :

- écarter le moyen tiré de la prescription ;

- confirmer la responsabilité pour insuffisance d'actif de M. [N], mais infirmer le jugement entrepris sur le quantum de la condamnation prononcée à ce titre, pour fixer celle-ci à 300 000 euros ;

- confirmer la responsabilité de M. [N] au titre de la sanction personnelle, mais infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu les fautes suivantes :

' la poursuite, dans un intérêt personnel, d'une exploitation déficitaire ;

' le fait d'avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;

' l'absence de coopération ;

- ne retenir que les fautes suivantes :

' la déclaration tardive de la cessation des paiements ;

' l'absence de tenue d'une comptabilité conforme aux dispositions légales,

et prononcer une interdiction de gérer d'une durée de 15 années.

La cour a invité les parties à déposer, le cas échéant, une note en délibéré afin de répondre à l'avis du ministère public.

Le 4 avril 2024, M. [L], ès qualités, a déposé une note en délibéré en ce sens.

MOTIVATION

A titre liminaire, il convient de préciser que, interrogé sur ce point à l'audience, l'avocat de M. [N] a confirmé que la fin de non-recevoir tirée de la prescription, soulevée dans les conclusions de l'appelant, ne concernait que la demande de prononcé d'une faillite personnelle ou d'une interdiction de gérer.

I- Sur l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif

M. [N] demande l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à ce titre, pour les raisons suivantes :

- les pièces produites ne permettent pas d'établir que l'insuffisance d'actif serait imputable à sa gestion ;

- s'il était gérant de droit, M. [G], associé, était le gérant de fait de la société débitrice. Il lui dictait les ordres et consignes, alors que lui, l'appelant, était jeune, inexpérimenté et inconscient des difficultés liées à la gestion de M. [G]. Il n'était que le « pion » de M. [G], gérant de fait, ainsi que cela ressort du jugement correctionnel du 19 août 2021. Le liquidateur en avait conscience. Il n'a produit, en première instance, aucun élément sérieux démontrant que lui, l'appelant, disposait du pouvoir de décision et dirigeait effectivement la société débitrice. En particulier, il n'a pas produit les rapports d'enquête établis lors de la procédure collective ;

- le choix de ne le poursuivre que lui, appelant, est donc des plus étonnants, alors que la charge de la preuve de ce que le passif a été induit par les seuls manquements du dirigeant de droit pèse sur le mandataire judiciaire. Cette preuve n'est pas rapportée en l'espèce, non plus que le lien de causalité entre les fautes invoquées et l'insuffisance d'actif ;

- c'est donc à tort que les premiers juges ont retenu qu'il gérait la société et qu'il était dès lors responsable de l'insuffisance d'actif ;

- en outre, en droit, la condamnation au titre de l'insuffisance d'actif d'un dirigeant, même fautif, n'est qu'une faculté pour le juge. Or, en l'espèce, les circonstances de fait justifient l'exclusion de toute condamnation, dès lors que M. [G] était dirigeant de fait de la société et a joué un rôle notable dans l'évolution du passif, « même si [lui-même, appelant] n'a pas attrait dans la cause M. [G] », qui a fui en Turquie et fait l'objet de recherches par les services de police ;

- enfin, en droit, pour déterminer le montant de la condamnation, le juge doit tenir compte non seulement de la gravité des fautes et du montant de l'insuffisance d'actif, mais également de la situation personnelle du dirigeant ou de ses facultés contributives. En l'occurrence, en fixant la condamnation à 500 000 euros, les premiers juges n'ont pas tenu compte de sa situation personnelle (marié avec deux enfants à charge, au chômage sans percevoir d'allocation, ayant pour seul patrimoine un immeuble grevé d'un emprunt). En conséquence, si l'action était accueillie, il conviendrait de limiter très strictement le quantum « des condamnations » susceptibles d'être prononcées contre lui, sa situation personnelle ne lui permettant pas de payer quelque condamnation que ce soit.

M. [L], liquidateur, demande la condamnation de M. [N] au paiement de la totalité de l'insuffisance d'actif, en faisant valoir ces éléments (pp. 6 à 8) :

- déduction faite du passif contesté, l'insuffisance d'actif s'élève à 6 291 875,47 euros (p. 2 in fine), ou à 5 039 775,76 euros (pp. 3 et 5) ;

- M. [N] était le gérant de droit de la société. Il soutient, en vain, que celle-ci était gérée exclusivement par un gérant de fait, M. [G], et ne démontre pas qu'il était sous l'emprise de ce dernier ;

- sur la faute d'omission de déclaration de la cessation des paiements (p. 6) : le passif a « explosé » pendant l'exécution du plan. Le lien de causalité entre cette faute et l'insuffisance d'actif est donc caractérisé en ce qu'en provoquant la poursuite de l'activité déficitaire, cette faute a abouti à un passif important (p. 3) ;

- sur la faute d'absence de tenue d'une comptabilité sincère : M. [N] a imputé les difficultés de la société aux retards de paiement de débiteurs, sans toutefois remettre au liquidateur de factures à recouvrer. En outre, un contrôle fiscal a révélé l'existence de nombreuses factures fictives entrées en comptabilité afin d'augmenter le volume des charges déductibles, ce qui a abouti à un « rehaussement » du bénéfice au titre des années 2016 et 2017. Les versements opérés sur le fondement de ses fausses factures ne profitaient pas aux entreprises émettrices mais aux salariés de la société débitrice et à M. [N] lui-même, signataire des chèques. L'absence de comptabilité sincère a été constatée par tous les intervenants. Cette faute a contribué à l'insuffisance d'actif en empêchant d'avoir une vision exacte de l'état financier de la société et de prendre les mesures adéquates, ce qui caractérise le lien de causalité entre cette faute et l'insuffisance d'actif ;

- sur la faute de non-respect des législations fiscales et sociales : elle est démontrée par les redressements sociaux et fiscaux intervenus. Le lien de causalité entre cette faute et l'insuffisance d'actif résulte de ce que cela a fait supporter à la société des redressements sociaux et fiscaux qui ont aggravé son passif, contribuant ainsi à l'insuffisance d'actif ;

- la situation personnelle invoquée par M. [N] doit être considérée avec circonspection, celui-ci ayant prélevé des fonds sur la société débitrice en les présentant comme des paiements de fausses factures et ainsi perçu une rémunération occulte s'ajoutant à la rémunération affichée. En outre, M. [N] omet d'indiquer qu'il est associé d'une société Almy qui est propriétaire d'un immeuble.

En réplique à l'avis du ministère public, dans sa note en délibéré du 4 avril 2024, le liquidateur ajoute, concernant sa demande au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif, qu'outre que l'enquête patrimoniale prévue par les articles L. 651-4 et R. 651-5 n'est pas efficace en pratique, il est aisé pour le dirigeant de révéler son patrimoine, ce que M. [N] n'a pas fait en l'espèce. C'est par une recherche internet qu'il a été découvert que l'intéressé est actionnaire d'une SCI propriétaire d'un immeuble.

Le ministère public fait valoir ces éléments :

- chacune des trois fautes invoquées par le liquidateur est caractérisée, de même que son lien avec l'insuffisance d'actif ;

- en revanche, le liquidateur n'ayant pas recouru au dispositif des articles L. 651-4 et R. 651-5 du code de commerce, qui aurait permis de déterminer l'actif de l'ancien dirigeant, la cour est privée des éléments utiles à la fixation du quantum de la condamnation à faire supporter par l'appelant, faute de disposer d'éléments sur la situation patrimoniale du dirigeant poursuivi. Cela justifie de revoir ce quantum à la baisse.

Réponse de la cour :

Il résulte de l'article L. 651-1 du code de commerce que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif prévue à l'article L. 651-2 de ce code peut être dirigée contre les dirigeants de droit comme contre les dirigeants de fait de la personne morale débitrice.

Aux termes de l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 9 décembre 2016 :

Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.

Le succès de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif est subordonné à la réunion de trois conditions : un préjudice consistant en une insuffisance d'actif, une faute de gestion et un lien de causalité qui, en cas de pluralité de fautes de gestion retenues, doit être caractérisé entre chacune de ces fautes et l'insuffisance d'actif.

La charge de la preuve de l'existence de chacune de ces conditions repose sur le demandeur à l'action.

L'insuffisance d'actif, qui doit être distinguée de la cessation des paiements, est égale à la différence entre le montant du passif antérieur et le montant de l'actif de la personne morale débitrice. Elle doit être déterminée à la date à laquelle le juge statue, que ce soit en première instance ou en appel (voir par exemple Com. 23 avril 2013, n° 12-12231).

La faute de gestion susceptible d'engager la responsabilité pour insuffisance d'actif d'un dirigeant, sur le fondement de l'article L. 651-2 précité, qui ne doit pas relever d'une simple négligence, doit avoir été commise antérieurement au jugement d'ouverture (voir en dernier lieu Com. 8 mars 2023, n° 21-24650, publié).

L'exigence de caractérisation d'un lien de causalité signifie que la faute de gestion retenue doit avoir contribué à l'insuffisance d'actif. Selon une jurisprudence constante, le dirigeant peut être déclaré responsable de l'insuffisance d'actif même si la faute de gestion qu'il a commise n'est que l'une des causes de cette insuffisance et sans qu'il y ait lieu de déterminer la part de cette insuffisance imputable à sa faute (voir par exemple : Com. 21 juin 2005, n° 04-12087, publié ; Com. 7 nov. 2015, n° 14-12372, publié ; Com. 20 avril 2017, n° 15-23600).

A- Sur le montant de l'insuffisance d'actif

Bien que M. [N] ne conteste pas le montant du passif allégué par le liquidateur, la cour relève que ce dernier fait état, dans ses conclusions :

- d'un côté, d'un « solde » de passif de 6 291 875,47 euros, correspondant à la différence entre le passif déclaré (8 871 818,94 euros) et le montant total des créances contestées (2 579 943,47 euros) [v. ses conclusions, p. 2 in fine], en produisant une pièce à l'appui (cf. la « situation passive» produite en pièce n° 7) ;

- de l'autre, d'un passif « d'au moins 5 106 590,06 euros, déduction faite du passif contesté » [v. ses conclusions, p. 3, § 3], ce dernier chiffre étant encore repris en p. 5 de ses écritures.

Dans ces conditions, la cour retiendra, au titre du passif non contesté, le chiffre le plus favorable au dirigeant poursuivi, donc le moins élevé allégué par le liquidateur, soit la somme de 5 106 590,06 euros.

Quant à l'actif, il s'élève à la somme, non contestée, de 66 814,30 euros.

L'insuffisance d'actif est donc caractérisée à concurrence de la somme de 5 039 775,76 euros.

B- Sur les fautes de gestion

Au préalable, il convient de rappeler qu'en droit, un dirigeant condamné à supporter l'insuffisance d'actif n'est pas recevable, même à titre de garantie, à agir contre un autre dirigeant poursuivi sur le même fondement ni à critiquer le sort différent qui lui a été réservé par rapport à cet autre dirigeant, qu'il soit de droit ou de fait (v. Com. 12 juin 2016, n° 14-23310).

Légalement investi du pouvoir de la diriger, le dirigeant de droit d'une personne morale n'est pas dispensé d'exercer effectivement ce pouvoir ni, dès lors, exonéré de la responsabilité qu'il encourt pour insuffisance d'actif aux motifs que la personne morale aurait été dirigée par un dirigeant de fait.

Un dirigeant de droit a la faculté de démissionner, étant précisé qu'en matière de responsabilité pour insuffisance d'actif, la jurisprudence tient compte de la date de démission effective du dirigeant, même si celle-ci n'a pas fait l'objet d'une publication au RCS (v. par ex. : Com. 7 oct. 2020, n° 19-14291 ; Com. 16 juin 2021, n° 20-15399).

En l'espèce, M. [N] était, depuis l'origine de sa création, le dirigeant de droit de la société débitrice MCBI, qualité qu'il possédait encore à la date du jugement d'ouverture, ainsi qu'en atteste d'ailleurs l'extrait Kbis versé aux débats par le liquidateur.

Il résulte des principes ci-dessus rappelés, d'abord, que c'est en vain que M. [N] fait grief au liquidateur de n'avoir pas exercé l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif contre le prétendu gérant de fait de la société débitrice.

Ensuite, à supposer même qu'un tiers ait effectivement été le gérant de fait de la société débitrice - ce qui ne résulte ni des affirmations générales de l'appelant sur ce point, ni des pièces versées aux débats -, M. [N] ne peut, en tout état de cause, pas se retrancher derrière cette circonstance pour échapper à la responsabilité qu'il encourt, en tant que gérant de droit, sur le fondement de l'article L. 651-2 précité. Les développements qu'il consacre sur ce point, dans ses conclusions d'appel, sont donc inopérants.

Le liquidateur invoque trois fautes de gestion, qu'il convient à présent d'examiner successivement.

- Sur l'omission de déclaration de la cessation des paiements :

En droit, constitue une faute de gestion le fait de ne pas avoir déclaré la cessation des paiements de la société mise en liquidation judiciaire dans le délai légal de quarante-cinq jours, ou d'y avoir procédé avec retard.

La Cour de cassation a précisé qu'en cas d'omission de déclaration de la cessation des paiements, ou de tardiveté de cette déclaration, cette faute s'apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements telle qu'elle a été fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report (v. l'arrêt de principe Com. 4 nov. 2014, n° 13-23070, publié). Les juges saisis de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif ne peuvent donc remettre en cause cette date.

En l'espèce, la date de cessation des paiements a été fixée au 15 octobre 2018 dans le jugement d'ouverture lui-même et la procédure collective de la société débitrice a été ouverte non sur déclaration de la cessation des paiements par M. [N], mais à la requête du ministère public.

Il résulte des pièces versées aux débats que :

- M. [N] avait déjà représenté la société MCBI lors de la première procédure collective ouverte contre cette société le 17 octobre 2016, à la demande de l'un des créanciers, l'Urssaf, et non sur sa déclaration de l'état de cessation des paiements ;

- selon le rapport d'enquête établi le 19 avril 2019 par M. [L], désigné par le tribunal saisi de la demande d'ouverture d'une procédure collective, le commissaire à l'exécution du plan de la société, alors en cours d'exécution, a déclaré que celle-ci ne s'acquittait pas du versement de la provision mensuelle due au titre du 2e dividende, exigible au 2 octobre 2019, qu'il était, lui, commissaire à l'exécution du plan, régulièrement informé de l'existence de créances impayées « post plan » et que le passif exigible « hors plan » s'élevait à environ 690 000 euros à ce moment-là ;

- lors de l'audience qui s'est tenue devant le tribunal le 29 avril 2019, et à l'issue de laquelle la société MCBI a été mise en liquidation judiciaire, M. [N] a reconnu que la société rencontrait des difficultés pour payer les factures de ses fournisseurs ;

- dans le jugement d'ouverture du 29 avril 2019, le tribunal relève que la société débitrice, représentée par M. [N] et qui employait 122 salariés, a reconnu être débitrice envers la caisse de retraite Pro BTP, cette dernière indiquant que la société n'était pas acquittée des cotisations dues depuis l'année 2017 ;

- un contrôle réalisé par l'Urssaf, au cours duquel M. [N] a été entendu, a révélé que, sur la période comprise entre le 28 juillet 2015 et le 28 avril 2019, dont pour partie entre la date d'ouverture de la première procédure collective (17 octobre 2016) et la date du jugement ouvrant la liquidation judiciaire fondant la présente action en responsabilité pour insuffisance d'actif (29 avril 2019), la société s'est rendue coupable de l'infraction de travail dissimulé par dissimulation de salarié. Cela a conduit l'Urssaf à appliquer des majorations de redressement d'un montant de 453 730 euros, à annuler des réductions ou exonérations fiscales pour 301 040 euros et à appliquer des majorations du montant des cotisations et contributions éludées représentant 59 136 euros, soit un total de 1 1996 620 euros ;

- dans l'insuffisance d'actif ci-dessus calculée, le passif inclut notamment plusieurs créances « hors plan » :

' une créance de l'Urssaf, non contestée, d'un montant de 2 223 277,16 euros  ;

' et des créances de l'organisme de protection social Pro BTP, non contestées, à concurrence des sommes de 6 345, 48 008 et 130 142 euros, étant souligné qu'aucun versement n'a été effectué par la société depuis l'arrêté du plan du 2 octobre 2017.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il est démontré, d'une part, que cette faute de gestion, qui ne relève pas d'une simple négligence, est caractérisée, de l'autre, que le passif social s'est accru après l'expiration du légal de 45 jours pour déclarer la cessation des paiements, soit en l'espèce à compter du mois de décembre 2018, de sorte que cette faute a contribué à l'insuffisance d'actif.

Cette faute de gestion sera donc retenue.

- Sur l'absence de tenue d'une comptabilité sincère :

En vertu de l'article 4 du code de procédure civile, la cour est tenue de se conformer à l'objet du litige tel qu'il résulte des conclusions d'appel des parties.

En l'occurrence, la cour déduit des écritures du liquidateur (pp. 7-8) que ce dernier se prévaut, à l'appui de cette deuxième faute, d'abord, du non-respect de la législation du travail tenant au recours au travail dissimulé (cf. p. 7).

Cependant, dans ses conclusions d'appel, le liquidateur n'explicite pas en quoi ce grief pourrait se rattacher à la faute d' « absence de tenue d'une comptabilité sincère », telle qu'il la qualifie lui-même. En tout état de cause, outre que des faits identiques ne sauraient être utilisés pour caractériser plusieurs fautes de gestion distinctes, sous peine de « gonfler » artificiellement le nombre de ces fautes, ce grief apparaît davantage se rapporter à la troisième faute qui sera ci-après examinée (i.e. le non-respect des législations sociale et fiscale). C'est, dès lors, à ce titre qu'il conviendra de l'examiner.

Ensuite, le liquidateur se prévaut également, à l'appui de cette deuxième faute de gestion, d'un second grief tenant au contrôle fiscal qui a révélé la pratique de fausses facturations et donné lieu à un rehaussement fiscal. Or, là encore, ces faits se rattachent davantage à la troisième faute invoquée par le liquidateur, qui sera examinée ci-dessous.

Enfin, le liquidateur indique (p. 8) que l'absence de toute comptabilité sincère a été constatée par tous les intervenants ayant eu à connaître des écritures comptables de la société débitrice.

Sur ce point, il est indéniable que l'absence de régularité de la comptabilité tenue par la société MCBI résulte des pièces versées aux débats, et en particulier de la proposition de rectification (cf. pièce n° 19 du liquidateur) faisant suite à une vérification portant sur la comptabilité de la société relativement à la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017, ainsi que sur les déclarations de TVA du 1er janvier 2018 au 30 avril 2018 - soit sur un laps de temps recouvrant la période postérieure à l'ouverture de la première procédure collective (17 octobre 2016) et antérieure au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire ici en cause (29 avril 2019). Ce contrôle fiscal a ainsi mis au jour de nombreuses irrégularités comptables, en particulier la comptabilisation de factures fictives provenant de quatre sociétés, l'administration fiscale relevant que :

- « l'enregistrement en comptabilité de factures fictives remet en cause la sincérité de la comptabilité. De facto, le caractère probant et régulier de la comptabilité est remis en cause »

- une facture fictive ne pouvant être considérée comme une justification suffisante en ce qu'elle masque la réalité de la transaction, elle ne peut en aucun cas justifier une charge ou l'amortissement d'une immobilisation. En l'occurrence, la comptabilisation de factures fictives a permis à la société débitrice de minorer le résultat des exercices clos aux 31 décembre 2013 et 31 décembre 2017, à hauteur des sommes respectives de 445 886 et 246 148 euros au titre des charges de sous-traitance.

Ainsi que le soutient le liquidateur, cette faute a empêché le dirigeant d'avoir une vision exacte de l'état financier de la société et de prendre les mesures adéquates, ce qui caractérise le lien de causalité entre cette faute et l'insuffisance d'actif.

Il résulte de ces constatations que cette faute de gestion ne peut s'analyser en une simple négligence et qu'elle a contribué à l'insuffisance d'actif.

Cette faute sera donc retenue contre M. [N].

- Sur le non-respect des législations sociale et fiscale :

M. [N] ne conteste pas l'existence de cette faute, dans ses conclusions d'appel.

De fait, celle-ci est amplement démontrée par les pièces versées aux débats.

En premier lieu, tel qu'indiqué précédemment, la société débitrice a fait l'objet d'un contrôle par l'Urssaf pour la période du 28 juillet 2015 jusqu'au 28 avril 2019, et ce contrôle a mis au jour le recours, par la société, au travail dissimulé, ce qui a entraîné des rappels de cotisations et contributions éludées, l'application de majorations et l'annulation de réductions ou exonérations fiscales d'un montant global de 1 996 620 euros.

M. [N] a d'ailleurs été reconnu pénalement coupable des faits d'exécution de travail dissimulé commis entre le 28 juillet 2015 et le 28 avril 2019, ainsi qu'il résulte du jugement correctionnel du 8 juin 2021 qu'il verse lui-même aux débats.

Et tel qu'indiqué précédemment, l'Urssaf a déclaré au passif de la liquidation judiciaire de la société débitrice une créance non contestée de 2 223 277,16 euros incluant les sommes dues à la suite du contrôle ci-dessus évoqué, ce passif étant inclus dans celui pris en considération pour le calcul de l'insuffisance d'actif.

En second lieu, la société débitrice a fait l'objet d'un contrôle fiscal concernant la comptabilité de la société MCBI et les déclarations de TVA, sur les périodes de temps déjà évoquées ci-dessus (du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 pour la comptabilité, et du 1er janvier 2018 au 30 avril 2018 pour les déclarations de TVA).

Ce contrôle fiscal a révélé une pratique de fausses factures émises par quatre sociétés tierces, que la société débitrice a comptabilisées en charge au titre d'achat de matériels et matériaux. Après examen des paiements réputés correspondre au paiement des factures dues à l'une de ces sociétés prétendument créancières (CTE27), l'administration fiscale a relevé que 99 paiements avaient été opérés par chèques ou virements pour un total de 180 378 euros, mais que seuls 13 paiements avaient réellement été destinés à cette société CTE27. En effet, les 86 autres débits bancaires, correspondant à des paiements par chèques d'un montant total de 128 178 euros, ont été réalisés au profit de tiers, majoritairement des particuliers, pour des montants « ronds. » Parmi ces bénéficiaires, figuraient des salariés de la société débitrice et M. [N], qui a ainsi perçu la somme totale de 15 917 euros sur l'année 2016, dont pour partie après l'ouverture de la précédente procédure collective (le 17 octobre 2016) au vu des tableaux figurant dans la proposition de rectification établie par l'administration fiscale.

En conséquence de cette pratique frauduleuse, l'administration fiscale a procédé aux rehaussements suivants : 445 994 euros sur le résultat de l'exercice 2016 et 246 278 euros sur le résultat de l'exercice 2017.

En outre, ce contrôle fiscal a révélé d'autres manquements aux obligations fiscales incombant à toutes sociétés, et en particulier :

- concernant l'exercice clos le 31 décembre 2017 :

' la déclaration d'impôt sur les sociétés effectuée tardivement, après une mise en demeure. Cela a conduit l'administration fiscale à refuser que les bénéfices déclarés au titre de cet exercice profitent de l'exonération d'impôt sur les sociétés, d'où un rehaussement d'impôt sur les sociétés de 80 808 euros au titre de ce seul exercice ;

' la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) n° 1329-DEF n'a pas été déclarée et le formulaire n° 1330-CVAE non déposé, ce qui a justifié l'application d'une majoration de 10 % sur les rappels d'impôt sur les sociétés ;

- concernant à l'exercice clos au 31 décembre 2018 : la déclaration d'impôt sur les sociétés n'a pas été effectuée, non plus que la déclaration de CVAE n° 1329-DEF et le formulaire n° 13330-CVAE. L'administration a refusé les exonérations dues sur cet exercice, et a appliqué une majoration de 10 % sur les rappels d'impôts dus en conséquence.

Poursuivi pénalement pour ces faits mêmes, du chef de fraude fiscale pour passation d'écritures inexactes ou fictives dans un document comptable, soustraction frauduleuse à l'établissement ou paiement de l'impôt par dissimulation de sommes, commise pendant la période comprise entre le 24 juillet 2015 et le 3 mai 2018, soit antérieurement au jugement d'ouverture (29 avril 2019), M. [N] a été reconnu coupable de ces faits par un jugement correctionnel du 8 juin 2021.

Enfin, tel qu'indiqué précédemment, l'administration fiscale a déclaré au passif de la liquidation judiciaire de la société débitrice des créances non contestées qui incluent en partie les conséquences financières résultant de ce contrôle fiscal, ce passif étant englobé dans celui ayant servi au calcul de l'insuffisance d'actif.

Dès lors, cette troisième faute de gestion, qui ne relève pas de la simple négligence, est caractérisée et, ayant aggravé le passif de la société débitrice, a contribué à l'insuffisance d'actif.

Cette troisième faute sera donc retenue à l'égard de M. [N].

C- Sur le montant de la contribution à l'insuffisance d'actif

En droit, il résulte des termes mêmes de l'article L. 651-2 du code de commerce que, bien que les conditions de fond de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif soient réunies, les juges du fond apprécient souverainement le montant de la condamnation à prononcer, dans la limite du plafond que constitue le montant de l'insuffisance d'actif, et peuvent même décider de ne pas prononcer de condamnation, laquelle n'est que facultative pour eux (v. par exemple : Com. 11 juin 2014, n° 13-16481 ; Com. 8 mars 2023, n° 21-24650).

Le quantum de la condamnation à prononcer étant apprécié souverainement par les juges du fond, la Cour de cassation n'exerce aucun contrôle sur ce point, sous réserve que les juges n'outrepassent pas la limite, infranchissable, de l'insuffisance d'actif.

En l'état de la jurisprudence actuelle, il n'a été consacré, à la charge des juges du fond, aucune obligation de tenir compte de la situation personnelle du dirigeant poursuivi pour fixer le montant de la condamnation à contribuer à l'insuffisance d'actif, contrairement à ce que soutient M. [N]. Cette obligation ne s'impose qu'en matière de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer.

Par ailleurs, la jurisprudence n'impose pas davantage un principe de « proportionnalité » entre la condamnation et les revenus du dirigeant fautif. En effet, la responsabilité pour insuffisance d'actif étant une variété d'action en responsabilité civile délictuelle, elle est gouvernée avant tout par les principes régissant ce type d'action, dont l'objectif est d'indemniser un préjudice, en l'occurrence l'insuffisance d'actif, sans qu'il y ait lieu d'avoir égard aux revenus de l'auteur du dommage. Au demeurant, tenir compte de ces revenus dans l'appréciation de la condamnation risquerait de favoriser les dirigeants ayant organisé volontairement leur insolvabilité à l'approche de l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société qu'ils dirigent, voire d'encourager une telle pratique.

Par conséquent, outre que le recours au dispositif prévu par les articles L. 651-4 et R. 651-5 du code de commerce, qui permet d'ordonner une enquête relative aux revenus et patrimoine d'un dirigant, ne s'impose pas au liquidateur et moins encore au tribunal saisi d'une telle demande par le liquidateur, la circonstance qu'en l'espèce, le liquidateur n'ait pas usé de cette faculté à l'endroit de M. [N] ne saurait, à elle seule, justifier une minoration de la condamnation prononcée par les premiers juges.

En l'espèce, la cour relève que trois fautes graves, ci-dessus explicitées, sont imputables à M. [N] et en lien avec l'insuffisance d'actif. C'est la seconde fois que la gestion de la même société débitrice par M. [N] aboutit à placer celle-ci en état de cessation des paiements, le passif non contesté excédant cette fois-ci la somme considérable de 5 millions d'euros, et ce au préjudice de créanciers institutionnels comme privés.

Au regard de ces éléments, la cour estime qu'il est justifié de condamner M. [N] à contribuer à l'insuffisance d'actif à concurrence de la somme de 500 000 euros, ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

II- Sur l'action en prononcé d'une faillite personnelle

M. [N] s'oppose à toute condamnation à ce titre, pour les raisons suivantes :

- d'abord, l'action est prescrite en application de l'article L. 653-1, II, du code de commerce. En effet , le point de départ du délai triennal édicté par ce texte étant le jugement du 17 octobre 2016, qui a mis la société débitrice en redressement judiciaire, l'action était prescrite lors de la délivrance de l'assignation par le liquidateur le 4 avril 2022 ;

- ensuite, en application du principe « non bis in idem » et du principe de « proportionnalité », une personne ayant déjà été condamnée à une mesure de sanction personnelle dans le cadre de la procédure pénale, ne peut être de nouveau condamnée par le juge civil à une sanction personnelle pour les mêmes faits ;

- enfin, sur le fond, la demande de prononcé d'une faillite n'est pas non fondée, dès lors que :

' les manquements que lui impute le liquidateur ne sont pas démontrés. En particulier ne sont démontrés ni l'encaissement, sur son compte personnel, de chèques, lesquels ne sont pas produits, ni son intérêt personnel à la poursuite d'une activité déficitaire, la perception d'une rémunération modique étant insuffisante à faire cette démonstration ;

' il n'était qu'un « homme de paille sous la coupe de M. [...] [G] », qui a seul géré la société et tiré profit de celle-ci ;

' seules les « fautes de gestion » commises antérieurement à l'ouverture de la procédure collective peuvent fonder le prononcé d'une sanction personnelle (Com. 11 déc. 2012, n° 11-22436). Le liquidateur ne peut donc se borner à indiquer, de surcroût sans preuve, que le passif a « explosé » postérieurement à l'arrêté du plan de redressement.

M. [L], ès qualités, fait valoir que :

- l'action est recevable et n'est pas prescrite. En effet, le point de départ du délai de prescription doit être fixé à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, soit au 29 avril 2019, l'ouverture d'une liquidation judiciaire après résolution d'un plan constituant une nouvelle procédure ;

- c'est à mauvais escient que M. [N] se prévaut de la règle « non bis in idem » (p. 11) ;

- l'action est fondée. Sont, en effet, reprochés à M. [N] les faits suivants :

' avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres, en établissant des chèques prétendument destinés à d'autres sociétés. Il a été condamné pour ces faits par le tribunal correctionnel, le 19 août 2021 ;

' avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale. L'évolution du passif ne laisse aucun doute à ce sujet ;

' la non-déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours ;

' la non-coopération avec les organes de la procédure, puisque M. [N] n'a déclaré aucun créancier à l'ouverture, cependant que le passif déclaré excède les 8 millions d'euros ;

' l'absence de tenue d'une comptabilité sincère et vérifiable.

Tous ces faits sont antérieurs à l'ouverture de la liquidation judiciaire, contrairement à ce que soutient M. [N].

Compte tenu des nombreuses fautes de gestion commises, « le tribunal » pourra, s'il le souhaite, prononcer une mesure d'interdiction de gérer, en application de l'article L. 653-8 du code de commerce.

En réplique à l'avis du ministère public, dans sa note en délibéré du 4 avril 2024, le liquidateur ajoute ces éléments :

- l'intérêt personnel à la poursuite d'une activité déficitaire est évident : dans le cadre de la pratique généralisée de fausses factures, M. [N] a perçu certains chèques, dont un de 15 917 euros ;

- le défaut de collaboration est établi : non seulement aucun texte n'impose au liquidateur de réclamer au dirigeant les éléments qu'il doit remettre, mais en outre, l'article L. 622-6 fait obligation légale au dirigeant de remettre la liste des créanciers. En l'occurrence, M. [N] n'a déclaré aucun créancier, alors que le total des créances déclarées s'est ensuite élevé à plus de 8 800 000 euros. Il ne pouvait donc ignorer l'existence de créanciers et a fait choix de ne pas révéler leur existence au liquidateur.

Le ministère public fait valoir ces éléments :

- l'action n'est pas prescrite. Il convient de tenir compte non de la première procédure collective ouverte le 17 octobre 2016, mais de la seconde, ouverte le 29 avril 2019 ;

- le fait de poursuite d'une activité déficitaire dans un intérêt personnel n'est pas caractérisé, faute de preuve de l'intérêt personnel ;

- le fait d'avoir disposé des biens de la personne morale n'est pas non plus caractérisé, en l'absence de précision quant aux biens concernés ;

- l'absence de déclaration de cessation des paiements est établie. Elle a été commise sciemment, les impayés ayant été connus sur une longue période, sans qu'il y ait été remédié. Ces faits justifient le prononcé d'une interdiction de gérer, conformément à l'article L. 653-8 du code de commerce ;

- le fait d'absence de coopération n'est pas établi, le liquidateur n'ayant pas remis la copie de sa demande de remise de la liste des créanciers adressée au dirigeant, non plus qu'une lettre de relance ;

- l'absence de tenue d'une comptabilité régulière est établie, une pratique de fausses factures et le recours au travail dissimulé ayant été mis au jour lors d'un contrôle fiscal et d'un contrôle opéré par l'Urssaf.

Réponse de la cour :

1°/ Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par M. [N]

En droit, l'article L. 653-1, II, du code de commerce prévoit que les actions en faillite personnelle ou interdiction de gérer se prescrivent par trois ans à compter du jugement qui ouvre la procédure de redressement ou liquidation judiciaire.

Par ailleurs, selon une jurisprudence ancienne, consacrée à l'article L. 626-27 du code de commerce, le jugement prononçant une liquidation judiciaire après la résolution d'un plan ouvre une nouvelle procédure collective, distincte de la procédure initiale (v. par ex. : Com. 28 Juin 2017, n° 16-11171 ; Com. 15 mai 2019, n° 18-12441, publié).

Il s'en déduit que, dans l'hypothèse de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire après la résolution d'un plan de redressement, le délai de prescription de trois ans fixé par l'article L. 653-1, II, commence à courir à compter du jugement ouvrant la liquidation judiciaire après résolution du plan (Com. 23 nov. 2022, n° 21-19431).

En l'espèce, le délai de prescription a donc commencé à courir à compter du 29 avril 2019, date du jugement ayant constaté la « caducité » du plan de redressement de la société MCBI et ouvert sa liquidation judiciaire, et non, comme le soutient à tort l'appelant, à compter du jugement du 17 octobre 2016 qui avait mis la société MCBI en redressement judiciaire.

Par conséquent, le délai de prescription de trois ans n'était pas encore expiré lorsque, le 4 avril 2022, le liquidateur a assigné M. [N] en prononcé d'une mesure de faillite personnelle ou d'une interdiction de gérer.

Cette fin de non-recevoir doit donc être écartée.

Bien que les premiers juges aient rejeté, à bon droit, cette fin de non-recevoir dans les motifs du jugement entrepris, ils ont omis de l'indiquer dans le dispositif de ce jugement. Il conviendra, dès lors, de rectifier l'omission de statuer affectant le jugement entrepris sur ce point.

2°/ Sur le bien-fondé de la demande de faillite personnelle

En l'espèce, pour s'opposer au prononcé de toute sanction personnelle contre lui, M. [N] invoque le principe « non bis in idem » et de « proportionnalité ». Toutefois, selon ses propres déclarations, ces principes n'auraient vocation à s'appliquer qu'en cas d'identité entre les faits ayant donné lieu à condamnation pénale et les faits présentement reprochés. Dès lors, il convient d'examiner, au préalable, les faits invoqués par le liquidateur à l'appui de sa demande tendant au prononcé d'une faillite ou, subsidiairement, d'une interdiction de gérer, avant de les comparer à ceux ayant justifié la condamnation pénale de l'appelant à une peine accessoire d'interdiction de gérer d'une durée de 10 ans.

Par ailleurs, il a déjà été indiqué, ci-dessus, qu'il est inopérant, pour M.  [N], de se prévaloir de ce qu'il n'aurait été qu'un gérant de paille, un tiers étant le véritable gérant, en fait, de la société débitrice. Outre que de telles assertions ne sont nullement étayées par les pièces versées aux débats, sa qualité de gérant de droit l'expose en tout état de cause au prononcé d'une faillite personnelle ou d'une interdiction de gérer.

' Sur les faits reprochés :

Aux termes de l'article L. 653-2 du code de commerce :

Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;

(...)

4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;

Il résulte de la combinaison des articles L. 653-1 et L. 653-5 du code de commerce que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant de fait ou de droit d'une personne morale contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :

5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;

6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;

Enfin, l'article L. 653-8 du code de commerce, alinéa 1 et 3, dispose que :

Dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

[...]

Elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

Selon une jurisprudence constante, à l'exception des faits d'abstention volontaire de collaboration avec les organes de la procédure (visés par l'article L. 653-5, 5°, précité), les faits susceptibles de justifier le prononcé d'une faillite personnelle doivent être antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective (v. pour une réaffirmation récente, v. not. : Com. 17 nov. 2021, n° 20-19060).

* Le fait d'avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres (article L. 653-2, 1°, précité) :

Le liquidateur argue, sur ce point, du fait que M. [N] « s'est fait des chèques prétendument destinés à d'autres sociétés ».

Outre la circonstance que ces affirmations sont trop imprécises pour caractériser le manquement prévu à l'article L. 653-2, 1° et sanctionné par une faillite personnelle, il ressort, en tout état de cause, de ses conclusions d'appel que le liquidateur renvoie lui-même ici au jugement du tribunal correctionnel du 8 juin 2021. Il s'ensuit que le liquidateur incrimine à ce titre des faits identiques à ceux qui ont déjà donné lieu au prononcé d'une sanction de même nature (une interdiction de gérer) par le jugement correctionnel du 8 juin 2021, précédemment évoqué.

La cour estime, dès lors, qu'il n'y a pas lieu de retenir ce fait contre M. [N] à l'appui du prononcé d'une sanction personnelle de faillite ou d'interdiction de gérer.

* La poursuite abusive d'une activité déficitaire dans un intérêt personnel (article L. 653-2, 4°, précité) :

Les conclusions du liquidateur sont encore des plus imprécises (v. p. 12, § 2), dès lors qu'elles affirment, sans aucune démonstration à l'appui, que M. [N] a poursuivi, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, sans arguer d'aucun montant chiffré établissant le caractère déficitaire de l'exploitation de la société.

Dès lors, la condition tenant à la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire n'étant pas même caractérisée, ce fait sera écarté, sans qu'il y ait lieu, dès lors, de statuer sur l'autre condition tenant à l'intérêt personnel du dirigeant.

* Le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai légal (article L. 653-8 du code de commerce)

En droit, il résulte de l'article L. 653-8, alinéa 3, que l'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, qui doit être faite sciemment, ne peut être sanctionnée que par le prononcé d'une interdiction de gérer, à l'exclusion d'une faillite personnelle (v. en dernier lieu : Com. 12 janvier 2022, n° 19-25230).

En outre, il résulte de l'article R. 653-1 du même code, que le prononcé d'une interdiction de gérer fondé sur ces faits s'apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report.

En l'espèce, il a déjà été exposé, ci-dessus, que la date de cessation des paiements a été fixée dans le jugement d'ouverture au 15 octobre 2018 et que M. [N] n'a pas déclaré l'état de cessation des paiements, l'ouverture de la procédure collective étant consécutive à une requête du ministère public.

Les motifs ci-dessus développés, et notamment le fait que la société débitrice recourait à l'emploi de salariés dissimulés, que M. [N] a déjà conduit une première fois la société débitrice à la cessation des paiements sans demander lui-même l'ouverture d'une procédure collective et que, la société ayant été mise en redressement judiciaire puis ayant bénéficié d'un plan, l'intéressé ne pouvait plus méconnaître l'importance de l'obligation de déclarer la cessation des paiements, établissent que c'est sciemment que M. [N] a omis de procéder à cette déclaration.

Ce fait, qui ne peut fonder qu'une interdiction de gérer, est donc établi.

* La non-coopération avec les organes de la procédure collective (article L. 653-5, 5° précité) :

A ce titre, le liquidateur se prévaut de ce que, à l'ouverture de la procédure collective, M. [N] n'a déclaré aucun créancier, alors que le passif déclaré excède 8 millions d'euros (v. ses conclusions, p. 12, § 4). Dans sa note en délibéré du 4 avril 2024, il ajoute que non seulement aucun texte n'impose au liquidateur de réclamer au dirigeant les éléments qu'il doit remettre, mais en outre, l'article L. 622-6 fait obligation légale au dirigeant de remettre la liste des créanciers.

Cependant, l'absence de remise, par le dirigeant, de la liste des créanciers prévue à l'article L. 622-6 du code de commerce, ne relève pas du fait prévu à l'article L. 653-5, 5°, seul invoqué par le liquidateur, et sanctionné par une faillite personnelle, mais il est visé par l'article L. 653-8, alinéa 2, qui le sanctionne par une interdiction de gérer. Or, le liquidateur ne se prévaut nullement de ces dernières dispositions dans ses conclusions d'appel.

Ce fait ne sera donc pas retenu.

* L'absence de tenue d'une comptabilité régulière (article L. 653-5, 6° précité)

Pour les motifs ci-dessus développés au titre de l'une des fautes de gestion fondant la responsabilité pour insuffisance d'actif, les faits d'absence de tenue d'une comptabilité régulière sont établis contre M. [N].

Ce fait sera donc retenu.

' Sur le bien-fondé des moyens tirés du principe non bis in idem et du principe de proportionnalité opposés par l'appelant :

Il résulte de ses propres conclusions d'appel (pp. 7-8) que ces deux moyens, que M. [N] invoque pour s'opposer au prononcé d'une faillite personnelle ou d'une interdiction de gérer, reposent sur la même idée : celle d'une prétendue identité entre les faits ayant justifié sa condamnation, par le tribunal correctionnel, à une interdiction de gérer de 10 ans, et les faits présentement invoqués par le liquidateur à l'appui de sa demande tendant au prononcé d'une faillite personnelle ou d'une interdiction de gérer.

Or, indépendamment même du bien-fondé de ces moyens, force est de constater que le jugement correctionnel du 8 juin 2021 a déclaré M. [N] pénalement coupable des infractions suivantes :

- passation d'écritures inexactes ou fictives dans un document comptable, caractérisé par le recours à de fausses factures au sein de la société débitrice ;

- fraude fiscale ;

- escroquerie à la TVA ;

- abus de biens ou du crédit d'une SARL par un gérant, à des fins personnelles ;

- exécution de travail dissimulé commis à l'égard de plusieurs personnes ;

- l'emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié.

Dès lors, si, outre une peine d'emprisonnement de 24 mois, le tribunal correctionnel a également prononcé contre M. [N], une peine accessoire d'interdiction de gérer d'une durée de 10 ans pour l'ensemble de ces faits, aucun d'entre eux ne coïncident cependant avec les deux seuls manquements retenus en l'espèce, qui sont le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal et l'absence de tenue d'une comptabilité régulière.

Les moyens tenant au principe non bis in idem et au principe de proportionnalité ne peuvent donc qu'être rejetés.

' Sur la sanction à appliquer :

En matière de faillite et d'interdiction de gérer, le prononcé de la sanction n'est qu'une faculté pour les juges du fond, et si ces derniers décident de prononcer cette sanction, ils doivent motiver leur décision, tant sur le principe que sur le quantum de la sanction, au regard de la gravité des fautes et de la situation personnelle du dirigeant (v. l'arrêt de principe Com. 17 avril 2019, n° 18-11743, publié).

En l'espèce, seuls deux faits justifient le prononcé d'une sanction personnelle contre M. [N] : l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, qui ne peut que fonder le prononcé d'une interdiction de gérer, et l'absence de tenue d'une comptabilité régulière.

Quant à sa situation personnelle, M. [N] indique qu'il est marié et a deux enfants à sa charge, qu'il est actuellement au chômage et ne perçoit plus d'allocation de chômage, que les seuls revenus du couple sont ceux de son épouse, une prime d'activité et les allocations familiales, et qu'il ne possède, pour tout patrimoine, qu'un immeuble acquis avec son épouse et grevé d'un emprunt.

Au vu des pièces qu'il verse aux débats, M. [N] vit en concubinage, le couple assume la charge de deux enfants, sa compagne a perçu des revenus de 17 849 euros en 2022 et une moyenne de 1 752 euros par mois jusqu'en octobre 2023.

En revanche, M. [N] ne produit aucune pièce relativement à son patrimoine immobilier. Dès lors, il ne démontre pas que l'immeuble qu'il reconnaît posséder serait en indivision entre lui et sa compagne, ni la valeur de cet immeuble, ni que celui-ci ferait l'objet d'un prêt en cours de remboursement.

Le liquidateur justifie, pour sa part, que M. [N] est associé, avec sa compagne, d'une SCI Almyn qui a son siège social à une adresse autre que celle du domicile de l'appelant, dont le liquidateur précise, sans être contredit, qu'elle est propriétaire d'un immeuble. Eu égard au manque de transparence de M. [N], la cour en déduira que l'immeuble de cette SCI est distinct de celui dont l'appelant admet être propriétaire.

Enfin, l'attention de M. [N] a nécessairement été attirée, lors de la précédente procédure collective ouverte contre la société débitrice en 2016, sur les obligations légales incombant à tout chef d'entreprise, qui lui imposent en particulier de déclarer la cessation des paiements et de tenir une comptabilité sincère et fidèle. Or, l'intéressé s'est sciemment soustrait à ces obligations essentielles.

Au vu de la gravité des fautes commises et de la situation personnelle de M. [N], la cour estime qu'il est justifié de condamner ce dernier à une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de 15 années - étant de nouveau rappelé que l'un des faits présentement retenus contre cet ancien dirigeant ne peut en aucun cas fonder une faillite personnelle. Le jugement entrepris sera, par conséquent, infirmé de ce chef.

III- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant, M. [N] doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a mis les dépens à la charge de la procédure collective de la société débitrice.

M. [N] sera également condamné au paiement d'une indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné M. [N] à une mesure de faillite personnelle d'une durée de 15 ans et dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de procédure ;

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

- REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par M. [N] pour s'opposer au prononcé d'une mesure de faillite personnelle ou d'une interdiction de gérer ;

- REJETTE les moyens tirés des principes « non bis in idem » et de proportionnalité soulevés par M. [N] pour s'opposer au prononcé d'une mesure de faillite personnelle ou d'une interdiction de gérer ;

- CONDAMNE M. [N] à une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de 15 ans ;

- CONDAMNE M. [N] aux dépens de première instance et d'appel ;

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE M. [N] à payer à M. [L], en qualité de liquidateur de la société MCBI, la somme de 3 000 euros ;

Le greffier

Valérie Roelofs

La présidente

Stéphanie Barbot


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 23/05229
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;23.05229 ?
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