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27/06/2024 | FRANCE | N°23/01575

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 27 juin 2024, 23/01575


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 27/06/2024





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N° de MINUTE :

N° RG 23/01575 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U2UH



Jugement (N° 2022014765) rendu le 05 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Lille Métropole







APPELANTE



SARL Sinalog prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social,

[Adresse 1] [Localité 4]



représentée par Me Laurent Calonne, avocat au barreau de Lille, avocat constitué





INTIMÉE



Société Ricoh France

ayant son siège social, [Adresse 5] [Localité 3]



représ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 27/06/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 23/01575 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U2UH

Jugement (N° 2022014765) rendu le 05 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

SARL Sinalog prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 1] [Localité 4]

représentée par Me Laurent Calonne, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉE

Société Ricoh France

ayant son siège social, [Adresse 5] [Localité 3]

représentée par Me Nathalie Exposta, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Rodolfo Viera Santa Cruz, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

DÉBATS à l'audience publique du 02 avril 2024 tenue par Anne Soreau magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphanie Barbot, présidente de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Anne Soreau, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 19 mars 2023

****

EXPOSE DES FAITS

La société Sinalog est spécialisée dans le secteur d'activité de conseil en systèmes et logiciels informatiques.

Pour les besoins de son activité, elle s'est rapprochée de la société Ricoh France (la société Ricoh) qui a pour objet la production, achat, vente, location, import-export de photocopieurs et tout matériel de reproduction, et a signé avec elle entre 2014 et 2016, 7 contrats de fourniture de matériels et de prestations de services associées.

Après plusieurs relances, en vain, pour le paiement de ses factures, la société Ricoh a, par acte du 11 juillet 2022, assigné la société Sinalog en paiement de la somme principale de 12 634,76 euros.

Le 5 janvier 2023, le tribunal de commerce de Lille Métropole a condamné la société Sinalog à verser à la société Ricoh :

- la somme de 12 634,76 euros en principal,

- les pénalités de retard calculées sur la base d'un taux légal égal à trois fois le taux d'intérêt légal en vigueur à compter de la date d'échéance des factures ;

- la somme de 440 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;

- celle de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par déclaration du 31 mars 2023, la société Sinalog a interjeté appel de l'entière décision.

PRETENTIONS des PARTIES

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 29 juin 2023, la société Sinalog demande à la cour de :

Réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée en paiement ;

Condamner la société Ricoh à restituer l'ensemble des sommes perçues dans le cadre de l'exécution provisoire ;

La condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à assumer les entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle expose que :

Elle a été assignée à [Localité 6], alors que son siège social est à [Localité 4], ce qui explique qu'elle n'ait pas comparu en première instance ;

la société Ricoh a démarché directement les clients, objet des contrats régularisés par elle, tout en continuant à la facturer directement ;

privée de ses clients, elle n'a pu poursuivre les contrats en cours qui ont cependant continué à être facturés forfaitairement par la société Ricoh ;

le 21 novembre 2017, la société Ricoh lui a établi un relevé à hauteur de 2 917,97 euros réglées en deux échéances, par lettres de change à échéance du 30 novembre et 31 décembre 2017 ;

les facturations sont en réalité des facturations effectuées dans le cadre d'estimations simples et ne sauraient prospérer ;

elle « ne pouvait continuer à adresser des relevés compteur des machines car d'autres copieurs avaient été mis en place directement par la société Ricoh qui néanmoins, continuait à adresser des factures forfaitaires ».

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 18 septembre 2023, la société Ricoh demande à la cour de :

Vu les articles 1103, 1104 et 1989 du code civil ;

Vu les articles L. 441-10 et D.441-5 du code de commerce ;

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile ;

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Débouter la société Sinalog de toutes ses demandes ;

La condamner à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à assumer les entiers dépens.

Elle expose qu'elle a conclu avec la société Sinalog sept contrats depuis 2014, qui démontrent l'existence de relations commerciales, et qui prévoyaient pour les impressions noir et blanc et les impressions couleur, un engagement en fonction du volume de pages : jusqu'à un volume minimum prédéfini par le contrat, le forfait devait être intégralement payé ; dans le cas d'un dépassement de ce volume, un facture de régularisation était établie pour chaque page supplémentaire facturée au prix fixé par le contrat.

Elle fait valoir que :

contrairement à ce qui a été prétendu, la société Sinalog était bien domiciliée au [Adresse 2] à [Localité 6] ;

elle a effectué plusieurs relances avant d'agir en justice ;

elle a communiqué l'ensemble de ses pièces par courriel officiel le 16 mars 2023 ;

La société Sinalog ayant rencontré diverses difficultés de paiement en 2017, des accords ont été passés en paiement de la dette (pièce n°3-4, pièce adverse 1) ; ces accords ont été honorés partiellement et font preuve d'une reconnaissance de dettes et tout au moins de l'absence de contestation de la dette de la société Sinalog ;

A la suite de l'absence de paiement, elle a adressé plusieurs factures à la société Sinalog pour un montant de 12 634,76 euros, factures qui n'ont jamais été payées malgré diverses relances ; sa bonne foi est établie et il conviendra de confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille.

MOTIVATION

1 - Sur la demande principale en paiement

L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'article 1104 du même code ajoute que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Cette disposition est d'ordre public.

Par ailleurs, en application de 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

L'article L.110-3 du code de commerce vient enfin préciser qu'à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi.

En l'espèce, la société Ricoh démontre avoir conclu avec la société Sinalog une série de 7 contrats portant sur la fourniture de divers matériels de photocopie, et de prestations associées.

Pour justifier de la somme qu'elle réclame à hauteur de 12 634,76 euros, la société Ricoh produit 12 factures portant chacune le numéro de série du matériel concerné, à savoir :

Facture n°922377867 du 5 décembre 2017 pour la somme de 140,68 euros ;

Facture n°922652671 du 5 mars 2018 pour la somme de 139,19 euros ;

Facture n°922396378 du 16 décembre 2017 pour la somme de 418,55 euros ;

Facture n°922464459 du 6 janvier 2018 pour la somme de 39,91 euros ;

Facture n°922469298 du 6 janvier 2018 pour la somme de 164,52 euros ;

Facture n°922546617 du 28 février 2018 pour la somme de 5 633,26 euros ;

Facture n°922951921 du 28 septembre 2018 pour la somme de 80,62 euros ;

Facture n°922951900 du 28 septembre 2018 pour la somme de 284,80 euros ;

Facture n°922951892 du 28 septembre 2018 pour la somme de 2 307,06 euros ;

Facture n°922951917 du 28 septembre 2018 pour la somme de 3 159,77 euros ;

Facture n°74637162 du 9 janvier 2018 pour la somme de 266,40 euros.

Il conviendra en premier lieu de constater que parmi ces factures, celle du 28 février 2018 d'un montant de 5 633,26 euros (facture n°922546617), fait référence à un matériel S939600666 qui n'apparaît sur aucun des 7 contrats conclus avec la société Sinalog.

La société Ricoh ne démontre donc pas à quel titre elle sollicite le paiement de cette somme.

S'agissant des autres factures, il convient de constater qu'elles correspondent bien à l'utilisation d'un matériel loué par la société Sinalog.

Toutefois, en vertu du principe selon lequel « nul ne peut se constituer une preuve à lui-même », une facture ne peut à elle seule suffire à établir l'existence et le montant d'une créance et les juges du fond ne peuvent se fonder exclusivement sur des pièces établies par celui qui s'en prévaut (com.6 février 2019, n°17-28 092).

Il appartient à celui qui réclame le paiement de sa facture de prouver la réalisation des prestations qui ont donné lieu à cette facturation, la seule édition d'une facture étant impropre à établir que les prestations prévues par le contrat ont bien été fournies (Com. 17 mars 2009, n°08-13.283).

Or, la société Ricoh ne produit aucun élément, relevés de compteur notamment, de nature à établir que les quantités de copies indiquées sur chaque facture correspondent à une consommation réelle.

Certaines factures précisent d'ailleurs que le chiffre retenu est une estimation.

Ainsi, la société Ricoh n'apporte aucun élément objectif de nature à corroborer les factures qu'elle a éditées. Les lettres de relance et mises en demeure, qui émanent également du créancier, ne constituent pas plus une preuve de la bonne exécution de la prestation et le silence du débiteur face à ces relances ne s'apparente pas à une reconnaissance de dette. En effet, en droit, le silence ne vaut pas, à lui seul, acceptation (1re civ., 16 avril 1996, n°94-16.528), ce qui a été repris dans l'article 1120 du code civil issu de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, qui dispose que le silence ne vaut pas acceptation, à moins qu'il n'en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d'affaires ou de circonstances particulières.

Ainsi, le silence de celui qu'on prétend obligé ne peut suffire, en l'absence de toute autre circonstance, pour faire preuve contre lui de l'obligation alléguée.

A l'inverse, le fait que la société Sinalog ait accepté le 27 septembre 2017 un échéancier pour le règlement d'une créance de 3 844,86 euros, qui ne peut correspondre à l'une des factures litigieuses émises postérieurement, n'implique pas acceptation et reconnaissance de dette pour toutes les autres factures.

Faute pour elle de démontrer la réalité des prestations dont elle réclame paiement, la société Ricoh doit donc être déboutée de ses demandes en réglement de la somme de 12 634,76 euros, outre les intérêts et les pénalités de retard.

La décision querellée sera donc infirmée en toutes ses dispositions.

2 - Sur la demande de la société Sinalog en restitution des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire

La société Sinalog ne justifiant pas avoir réglé une quelconque somme en exécution du jugement entrepris, sa demande de restitution sera rejetée.

3 ' Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La société Ricoh, succombant, la décision déférée sera infirmée des chefs relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale.

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société Ricoh. Sa demande d'indemnité procédurale sera rejetée et elle sera condamnée à verser à la société Sinalog une indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions ;

Statuant de nouveau et y ajoutant,

DEBOUTE la société Ricoh de sa demande de paiement de la somme de 12 634,76 euros en principal, des pénalités de retard calculées sur la base d'un taux légal égal à trois fois le taux d'intérêt légal en vigueur à compter de la date d'échéance des factures, et de la somme de 440 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;

DEBOUTE la société Sinalog de sa demande en restitution des sommes réglées au titre de l'exécution provisoire ;

CONDAMNE la société Ricoh aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, REJETTE la demande de la société Ricoh et la CONDAMNE à verser à la société Sinalog la somme de 2 000 euros.

Le greffier

Valérie Roelofs

La présidente

Stéphanie Barbot


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 23/01575
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;23.01575 ?
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