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27/06/2024 | FRANCE | N°21/05371

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 27 juin 2024, 21/05371


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 27/06/2024





****





N° de MINUTE :

N° RG 21/05371 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T5CI



Jugement (N° 20-000020)

rendu le 18 mars 2021 par le tribunal de proximité de Montreuil-sur-Mer







APPELANTS



Monsieur [N] [G]

né le 15 mai 1967 à [Localité 10]

[Adresse 2]

[Adresse 6] (Belgique)



Mada

me [X] [G]

née le 11 novembre 1996 à [Localité 9] (Belgique)

[Adresse 2]

[Localité 7] (Belgique)



Madame [A] [G]

née le 17 septembre 1998 à [Localité 9] (Belgique)

[Adresse 1]

[Adresse 6] (Belgique)



Madame [S] [G]

née le ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 27/06/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/05371 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T5CI

Jugement (N° 20-000020)

rendu le 18 mars 2021 par le tribunal de proximité de Montreuil-sur-Mer

APPELANTS

Monsieur [N] [G]

né le 15 mai 1967 à [Localité 10]

[Adresse 2]

[Adresse 6] (Belgique)

Madame [X] [G]

née le 11 novembre 1996 à [Localité 9] (Belgique)

[Adresse 2]

[Localité 7] (Belgique)

Madame [A] [G]

née le 17 septembre 1998 à [Localité 9] (Belgique)

[Adresse 1]

[Adresse 6] (Belgique)

Madame [S] [G]

née le 11 janvier 2002 à [Localité 12]

[Adresse 1]

[Adresse 6] (Belgique)

représentés par Me Florence Mas, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉ

Monsieur [E] [Z]

né le 22 mai 1948 à [Localité 8]

[Adresse 11]

[Localité 4]

représenté par Me Anne-Sophie Cadart, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 14 mai 2024, après réouverture des débats sur mention au dossier, tenue par Catherine Courteille magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Courteille, présidente de chambre

Véronique Galliot, conseiller

Carole Van Goetsenhoven, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 juin 2024 après prorogation du délibéré en date du 13 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 16 mai 2023

****

FAITS ET PROCÉDURE

M. [E] [Z] est propriétaire d'un immeuble situé [Adresse 3].

L'immeuble voisin, situé [Adresse 5], est la propriété des consorts [G], dont M. [N] [G] est usufruitier, et Mmes [X], [A] et [S] [G] nues-propriétaires.

Les deux immeubles sont contigus.

Se plaignant de la présence d'arbres mesurant plus de deux mètres implantés à moins de deux mètres de la limite séparative des propriétés et de branches d'un pin surplombant sa parcelle, M. [Z], après être intervenu auprès de ses voisins, a saisi le conciliateur de justice.

En l'absence de conciliation, M. [Z] s'est adressé à son assureur qui a fait procéder à une expertise, à laquelle les consorts [G] n'ont pas participé.

M. [Z] a également fait procéder à un constat par Me [R], huissier de justice.

Aucun rapprochement ou accord n'intervenant, M. [Z], par acte d'huissier du 23 décembre 2019, a fait assigner les consorts [G], sur le foncement des articles 671 et suivants du code civil, devant le tribunal de proximité de Montreuil-sur-Mer aux fins de les voir condamner à faire procéder à l'arrachage et l'élagage des arbres présents sur leur terrain, sollicitant en outre leur condamnation à lui payer les sommes de 1 026,24 euros à titre de dommages et intérêts, 500 euros au titre de la résistance abusive et 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 18 mars 2021, le tribunal de proximité de Montreuil-sur-Mer a :

- ordonné aux consorts [G] de procéder ou faire procéder à l'arrachage des deux chênes verts, du laurier sauce et des arbustes se trouvant sur leur propriété et ce, dans un délai de 60 jour à compter de la date où la décision sera devenue définitive, sous peine d'astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard pendant 60 jours,

- ordonné aux consorts [G] de procéder ou faire procéder à l'élagage du pin maritime se trouvant sur leur propriété dans un délai de 60 jours à compter de la date où la décision sera devenue définitive, sous peine d'astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard pendant une durée de 60 jours,

- condamné solidairement les consorts [G] à payer à M. [Z] la somme de 200 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance,

- débouté M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- débouté les consorts [G] de leur demande reconventionnelle pour préjudice moral,

- écarté l'exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes d'indemnité de procédure, condamné les consorts [G] aux dépens.

Par déclaration déposée le 19 octobre 2021, les consorts [G] ont relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions récapitulatives d'appelant n° 2, signifiées par voie électronique le 15 mai 2023, les consorts [G] demandent à la cour, au visa des articles 671 et suivants du code civil, des articles 9 et 54 du code de procédure civile, de :

- réformer le jugement du 18 mars 2021 en ce qu'il a :

- ordonné aux consorts [G] de procéder ou faire procéder à l'arrachage des deux chênes verts, du laurier sauce et des arbustes se trouvant sur leur propriété et ce, dans un délai de 60 jours à compter de la date où la décision sera devenue définitive, sous peine d'astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard pendant 60 jours,

- ordonné aux consorts [G] de procéder ou faire procéder à l'élagage du pin maritime se trouvant sur leur propriété dans un délai de 60 jours à compter de la date où la décision sera devenue définitive, sous peine d'astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard pendant une durée de 60 jours,

- condamné solidairement les consorts [G] à payer à M. [Z] la somme de 200 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance,

- débouté M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- débouté les consorts [G] de leur demande reconventionnelle pour préjudice moral,

- écarté l'exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes d'indemnité de procédure, condamné les consorts [G] aux dépens.

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau,

-débouter M. [Z] de toutes ses demandes,

- subsidiairement en vertu du droit d'option des consorts [G], résultant de l'article 672 du code civil, ordonner la réduction à la hauteur prévue à l'article 671 du code civil, des chênes verts, du laurier sauce et des arbustes se trouvant sur leur propriété,

- condamner M. [E] [Z] à payer à M. [N] [G], Mme [X] [G], Mme [A] [G] et Mme [S] [G], la somme de 8 500 euros chacun en réparation du trouble de voisinage et de leur préjudice moral,

- condamner M. [E] [Z] à payer à M. [N] [G], Mme [X] [G], Mme [A] [G] et Mme [S] [G], la somme de 6 500 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [E] [Z] aux dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions d'intimé n° 2 signifiées par voie électronique le 31 mars 2023, M. [Z] demande à la cour, au visa des articles 606, 671 et suivants du code civil, de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de proximité de Montreuil-sur-Mer le 18 mars 2021 en ce qu'il a :

*ordonné aux consorts [G] de procéder ou faire procéder à l'arrachage des deux chênes verts, du laurier sauce et des arbustes se trouvant sur leur propriété et ce, dans un délai de 60 jours à compter de la date où la décision sera devenue définitive, sous peine d'astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard pendant 60 jours,

*débouté M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts,

*débouté les consorts [G] de leur demande reconventionnelle de dommages et inétrêts pour préjudice moral,

*écarté l'exécution provisoire,

*condamné les consorts [G] aux dépens.

- réformer le jugement rendu par le tribunal de proximité de Montreuil-sur-Mer le 18 mars 2021 en ce qu'il a :

*ordonné aux consorts [G] de procéder ou faire procéder à l'élagage du pin maritime se trouvant sur leur propriété dans un délai de 60 jours à compter de la date où la décision sera devenue définitive, sous peine d'astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard pendant une durée de 60 jours,

*condamné les consorts [G] à payer à M. [Z] la somme de 200 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance,

*débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant sur ces seules dispositions :

- ordonner aux consorts [G] de procéder ou faire procéder à l'élagage du pin maritime se trouvant sur leur propriété dans un délai de 15 jours à compter de la date où la décision sera devenue définitive, sous peine d'astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard jusqu'à complet élagage,

- condamner solidairement les consorts [G] à payer à M. [Z] la somme de 2 526,24 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance,

- condamner in solidum les consorts [G] à payer à M.[Z] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux dépens de première instance et d'appel, y compris le coût des procès-verbaux dressés par huissier de justice,

- débouter les consorts [G] de leurs demandes au titre des troubles de voisinage.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2023.

MOTIVATION

Sur les distances de plantation

Les consorts [G] soutiennent que M. [Z] n'a pas rapporté la preuve que les arbres de leur terrain sont implantés à moins de 2 mètres de la limite séparative, pas plus que n'est rapportée la preuve de la hauteur de ces arbres. Ils contestent le rapport de l'expert de la compagnie d'assurance dès lors qu'ils n'ont pas participé à l'expertise, ils soulignent que ce rapport ne précise pas dans quelles conditions ont été relevées les distances par rapport à la clôture. Les mesures ayant été faites depuis la propriété voisine, il n'est pas certain que la distance a été calculée à partir du point médian des troncs des arbres litigieux. Ils soutiennent que la limite séparative entre les deux propriétés n'est pas clairement définie et qu'il n'est donc pas possible de vérifier les distances. S'agissant de la hauteur des plantations, ils font valoir qu'il y a une déclivité des terrains de sorte que la hauteur des plantations visibles de puis le terrain de M. [Z] n'est pas nécessairement la hauteur réelle des arbres qui doit être mesurée au niveau du sol. A titre subsidiaire, ils affirment que les textes laissent une option au propriétaire entre arrachage et élagage, qu'il n'est en effet pas établi que les racines de leurs arbres seraient la cause des soulèvements de carrelage.

M. [Z], expose que tant l'expert de la société d'assurance que les huissiers ont constaté les distances d'implantations et la hauteur des plantations, il ajoute qu'il produit en outre des photographies montrant clairement les arbres et les soulèvements des dallages de sa terrasse ce qui justifie la demande d'arrachage. S'agissant de la limite séparative entre les deux propriétés, il affirme qu'elle n'a jamais été contestée et est marquée par le mur édifié sur sa parcelle. Il rappelle qu'il a tenté à plusieurs reprises de parvenir à un accord amiable mais que les propriétaires voisins se sont toujours dérobés.

***

L'article 671 du code civil, définit les distances et hauteur de plantations entre propriétés voisines en ces termes, il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations.

Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l'on soit tenu d'observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur.

Si le mur n'est pas mitoyen, le propriétaire seul a le droit d'y appuyer les espaliers.

L'article 672 du même code permet au voisin d'exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire.

Si les arbres meurent ou s'ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu'en observant les distances légales.

Il résulte de ces textes que si l'arbre est planté dans la zone de 50 centimètres à 2 mètres à compter de la ligne séparative, le propriétaire de l'arbre dispose d'une option entre l'arrachage et la réduction de celui-ci, en revanche, si l'arbre ou l'arbuste est implanté à moins de 50 cm, le propriétaire ne dispose plus d'une option et doit arracher la végétation.

*

En l'espèce, M. [Z] limite ses demandes à l'arrachage des arbres et arbustes implantés sur la parcelle voisine.

Il produit à l'appui, un rapport d'expertise établi à la demande de son assureur par M. [H], comportant une seule page, indiquant :

' désordre 1: il s'agit de 2 chênes verts de 7 et 8 m de haut implantés respectivement à 1 m et 1m50 de la limite séparative,

désordre 2 : un laurier sauce de 4 m de haut est implanté entre 30 et 50 cm de la limite séparative,

désordre 3 : une série d'arbustes divers de 4 m de haut, est implantée sur environ 4 m de long à moins de 50 cm de la limite séparative

désordre 4 : environ 8 branches secondaires d'un pin maritime de plus de 30 ans implanté à plus de 2m de la limite séparative surplombent la propriété [Z] jusqu'à 2 m en profondeur.'

Sont jointes au rapport des photographies montrant les mesures faites à partir du mur de M [Z], il est visible que l'un au moins des chênes verts se trouve à moins de 1m 50 du mur séparatif, puisque le mètre dépasse le tronc de l'arbre à son extrémité, ce qui conduit à considérer que si la mesure était prise au niveau de l'axe médian du tronc ainsi que le suggère M. [G], l'arbre serait à moins de 1m50.

En toute hypothèse quand bien même l'expert ne s'est pas rendu dans la propriété des intimés, ces photographies justifient du sérieux de sa démarche.

Si le constat n'a pas été opéré contradictoirement, il n'en reste pas moins que le document est versé aux débats soumis à la critique des défendeurs.

Les constatations faites par l'expert sont corroborées par les photographies produites, montrant les arbres et arbustes dépassant du mur séparant les deux propriétés :

- le procès-verbal du 29 avril 2019, dressé par Me [R], huissier de justice, montre clairement que la végétation implantée sur la parcelle des consorts [G] dépasse le mur séparatif venant même surplomber les toitures et le mur de la propriété de M. [Z],

- le procès-verbal de constat du 09 octobre 2020 établi par la SCP Fontaine, montre une évolution en ce que seules les branches du pin qui se trouve à plus de 2 m de la limite de propriété, surplombent la propriété voisine. La végétation présente sur le fonds des consorts [G] dépasse le mur séparatif lui-même haut de 2,21 m. L'huissier relève que le tronc des chênes verts sont à 0,97 m et 1,50 m de la limite séparative, l'huissier s'étant muni d'un appareil de mesurage laser.

S'agissant des arbustes, le procès-verbal dressé par Me Fontaine, indique en page 1, que ceux-ci sont implantés à un peu plus de 1 m du mur séparatif, montrant là également que la végétation décrite par l'expert comme étant à moins de 50 cm a disparu.

Il ressort de l'examen de ces pièces que le rapport de l'expert de la société d'assurance, est corroboré par les procès-verbaux de constat réalisés en 2019 et 2020 seulement en ce qui concerne des arbres et arbustes, implantés à des distances comprises entre 1 m et 1, 50 m du mur séparatif qui dépassent en hauteur ledit mur lui-même d'une hauteur de 2,21 m.

Ces observations conduisent à écarter l'argument tiré du peu de fiabilité de l'appareil utilisé par l'huissier pour mesurer la distance d'implantation des arbres et arbustes.

M. [G] qui conteste la localisation de la limite séparative procède par simple affirmation sans fournir aucun élément de nature à étayer ses affirmations.

Quant à la différence de niveau entre les deux parcelles, les photographies produites, qui montrent les immeubles du quartier, ne mettent pas en évidence une différence d'altimétrie entre les deux parcelles, ni même avec d'autres propriétés du quartier.

Il est établi qu'entre 2019 et 2020, les arbres et arbustes poussant sur la propriété des consorts [G] à moins de 2 m du mur séparatif excédaient les hauteurs réglementaires, toutefois il ressort du procès-verbal de constat établi par Me Fontaine le 09 octobre 2020 et produit devant le premier juge, qu'au jour où celui-ci a statué, il n'était plus constaté la présence de végétation implantée à moins de 50 cm de la limite séparative de propriété.

Il ressort par ailleurs des factures du 25 mai 2020 de la société Minéral Vert et du 31 mars 2023 de M. [I], que les consorts [G] ont fait élaguer la végétation sur leur parcelle, il ressort du procès-verbal de Me [V] du 31 mars 2023, produit par les consorts [G], que les arbres et arbustes situés à proximité du mur séparatif sont taillés et entretenus tandis que M. [Z] ne présente aucun constat postérieur à 2020 faisant susceptible de justifier de ses prétentions quant à la hauteur de la végétation, le constat du 04 janvier 2022 de Me Fontaine ne porte que sur les dallages de la cour.

Le procès-verbal dressé par un policier municipal, qui n'a procédé à aucune mesure, ne saurait avoir valeur probante, aucune précision n'étant donnée sur les conditions de son constat.

M. [Z], pour justifier devant la cour sa demande d'arrachage des plantations voisines invoque des dégradations de son dallage par les racines des arbres.

À l'appui de cette affirmation, il invoque le procès-verbal de constat établi le 04 janvier 2022 par Me Fontaine, lequel montre des dallages avec de très légers soulèvements. Aucune photographie d'ensemble n'est produite permettant de mettre en évidence le phénomène, alors que les dalles ne sont pas scellées entre elles ou sur un support, de sorte qu'il n'est pas démontré que les légers défauts de planéité soient dus aux racines de la végétation voisine.

Dès lors que seule la question de la hauteur des arbres et arbustes implantés à moins de 2 m de la limite séparative était en question et que les dispositions des articles 671 et 672 du code civil laissent au propriétaire l'option de réduire ou arracher ses plantations, et dès lors qu'il n'est démontré aucun envahissement de la parcelle de M. [Z] par les racines d'arbres voisins, il y a lieu d'infirmer le jugement du tribunal de proximité de Montreuil sur mer en ce qu'il a ordonné aux consorts [G] de procéder à l'arrachage de tous leurs arbres et débouter M. [Z] de ses demandes d'arrachage.

Sur l'élagage du pin

M. [Z] sollicite l'élagage d'un pin implanté sur la parcelle des consorts [G] dont certaines branches qui surplombent sa propriété. Il conteste que des travaux d'élagage aient pu être réalisés. Il ajoute que l'arbre, dont les aiguilles tombent sur ses toitures, lui cause un important préjudice.

Les consorts [G], font valoir que l'arbre est implanté à distance de la propriété voisine, qu'il est âgé de plus de trente ans et que l'essence de cet arbre ne peut être élaguée, ils ajoutent qu'ils ont malgré tout fait intervenir un élagueur qui a éliminé les branches surplombant la propriété voisine.

***

Selon l'article 673 du code civil celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent.

Si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative.

Le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible.

Il est suffisamment établi par les photographies jointes au rapport de l'expert d'assurance et les procès-verbaux communiqués par M. [Z] que les branches du pin ont surplombé sa propriété.

Les intimés justifient par la production de deux factures du 25 mai 2020 de la société Minéral vert et surtout du 23 janvier 2021 de M. [I] et par des photographies produites, que des travaux d'entretien et d'élagage ont bien été réalisés sur le pin dont d'importantes branches ont été coupées.

En revanche, M. [Z] ne produit aucune pièce postérieure à janvier 2021 établissant que les branches du pin surplomberaient toujours sa parcelle, le constat établi le 04 janvier 2022 porte sur les dallages et aucune vue sur le pin n'a été faite, les photographies datées de juillet 2021 ne mettent pas plus en évidence la présence de branches du pin au-dessus de la parcelle de M.[Z], alors que ces branches étaient visibles sur le procès-verbal de constat du 09 octobre 2020.

En conséquence, si le premier juge a à juste titre ordonné l'élagage de cet arbre, sa décision étant confirmée sur ce point, force est de constater que les travaux ont été réalisés et que la demande est devenue sans objet à hauteur d'appel.

Sur le préjudice de jouissance

M. [Z] fait valoir que les arbres implantés chez ses voisins lui causent un préjudice, lié notamment à l'obligation qu'il a de procéder au nettoyage des feuilles et aiguilles de pin venant sur sa propriété, il sollicite l'infirmation du jugement et la condamnation des consorts [G] à lui payer 2000 euros.

Les consorts [G] soutiennent que leur responsabilité ne peut être recherchée que sur le fondement d'un trouble de voisinage, mais qu'à ce titre, doit être démontré un trouble excédent les inconvénients normaux de voisinage, ce que ne peut faire M. [Z]. À titre reconventionnel ils sollicitent la condamnation de M. [Z] à leur verser la somme de 8500 euros chacun au titre du trouble de voisinage subi du fait des agissements de leur voisin, venu déposer des aiguilles de pins sur leur propriété et l'accusant d'un bris de vitre.

****

La responsabilité délictuelle énoncée à l'article 1240 du code civil suppose la démonstration d'une faute en lien avec un dommage.

Les troubles causés par la végétation implantée à des distances inférieures aux distances légales relèvent de la responsabilité objective pour troubles de voisinage.

Le seul fait que des arbres et végétaux aient avancé sur le fonds voisin, qu'ils respectent ou non les distances légales de plantation, ne peut pas suffire à caractériser un trouble de voisinage et ouvrir droit à dommages et intérêts, s'il n'en résulte pas des inconvénients spécifiques.

C'est à juste titre que le premier juge a retenu que la chute importante d'aiguilles de pins, obstruant les gouttières et imposant un nettoyage régulier de celles-ci était constitutive d'un trouble mais que le préjudice de M. [Z] était seulement constitué par les travaux qu'il avait à engager pour nettoyer son bien.

Aucune privation d'ensoleillement n'est démontrée, les photographies des constats faisant apparaître qu'en raison de l'orientation des immeubles, les arbres ne privaient pas l'immeuble de M. [Z] de soleil ou de lumière.

Il convient de tenir compte également du fait que les immeubles se trouvent dans une zone résidentielle et que la plupart des propriétés possèdent des jardins arborés, de sorte que la présence de feuilles à certaines période de l'année ne peut être évitée.

À l'appui de ses prétentions, M. [Z] produit le devis de la société Caloin chiffrant à 526,24 euros le coût du nettoyage de sa toiture.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué la somme de 200 euros à M. [Z] de ce chef, l'entretien de sa toiture devant être effectué régulièrement même en l'absence de végétaux dans le voisinage.

Les consorts [G] ne prouvent pas que M. [Z] serait à l'origine du bris de vitre qu'ils allèguent et seront déboutés de leur demande à ce titre.

En revanche M. [Z] a effectivement reconnu avoir déversé sur leur propriété des déchets végétaux, cet agissement est constitutif d'une faute cause d'un préjudice moral qui sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 200 euros aux consorts [G].

Il sera observé qu'aux termes du dispositif de ses dernières écritures M. [Z] ne sollicite aucune condamnation pour résistance abusive, le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les frais du procès

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens de première instance, les parties seront condamnées à supporter par moitié les dépens d'appel.

Les parties seront déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en ce qu'il a ordonné aux consorts [G] de procéder ou faire procéder à l'élagage du pin maritime se trouvant sur leur propriété dans un délai de 60 jours à compter de la date où la décision sera devenue définitive, sous peine d'astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard pendant une durée de 60 jours,

Constate que les consorts [G] ont procédé à l'élagage du pin,

Dit que cette demande est devenue sans objet en cause d'appel,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné M. [N] [G], Mmes [X], [A] et [S] [G] payer une somme de 200 euros à M. [E] [Z] à titre de dommages et intérêts,

Confirme le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles,

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau

Déboute M. [E] [Z] de sa demande d'arrachage des arbres et arbustes implantés sur la propriété voisine à moins de deux mètres de sa propriété,

Condamne M. [E] [Z] à payer à M. [N] [G], Mmes [X], [A] et [S] [G] une somme de 200 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamne M. [E] [Z] d'une part et M. [N] [G], Mmes [X], [A] et [S] [G] d'autre part à supporter par moitié les dépens d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes d'indemnité de procédure.

Le greffier

[T] [K]

Le président

Catherine Courteille


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 21/05371
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;21.05371 ?
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