République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 27/06/2024
N° de MINUTE : 24/581
N° RG 21/04293 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TY3X
Jugement (N° 20/03772) rendu le 15 Juin 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Lille
APPELANT
Monsieur [M] [P]
né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 6] - de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué aux lieu et place de Me Marie-Hélène Laurent, avocat
INTIMÉE
SAS Karl Sbrau CHR prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué assisté de Me Thomas-Denis Bonzy, avocat au barreau de Grenoble, avocat plaidant
DÉBATS à l'audience publique du 03 avril 2024 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 juin 2024 après prorogation du délibéré du 13 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 3 avril 2024
****
EXPOSE DU LITIGE
Vu l'arrêt rendu par la 8ème chambre section 1 le 14 décembre 2023, qui a :
- rejeté la demande de nullité de l'assignation du 24 juin 2020 ainsi que la demande subséquente d'annulation du jugement dont appel ;
Sur le fond :
- Ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture ;
- Ordonné la réouverture des débats à l'audience de la 8ème chambre section 1 de la cour du 20 mars 2024 à 9 h 15 afin que :
- la société Karlsbrau CHR produise toutes pièces justificatives et toutes explications utiles par voie de conclusions sur l'issue des procédures en paiement et des procédures d'exécution engagées à l'encontre des autres sous-cautions, ainsi qu'un décompte actualisé à ce jour de l'huissier instrumentaire justifiant des sommes recouvrées définitivement, étant précisé que cette production des pièces et la notification des écritures devra intervenir dans le délai de D'UN MOIS à compter de la date de notifcation du présent arrêt;
- puisse faire des observations par voie de conclusions suites aux communications et explications de la société Karlsbrau CHR dans le délai d'un MOIS à compter de la date de production des pièces et de la notification de conclusions par la société Karlsbrau CHR ;
- Dit que la clôture de la présente procédure d'appel sera fixée à la date du 7 mars 2024;
- Réservé les demandes et les dépens.
Vu les dernières conclusions notifiées par M. [M] [P] le 15 février 2024, aux termes desquelles il demande à la cour de :
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
- condamné M. [M] [P] à payer à la société Karlsbrau CHR la somme de 38 435,61 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 février 2020,
- dit que les intérêts échus au moins pour une année entière produiront eux-même intérêts,
- condamné M. [M] [P] à payer une somme de 1 200 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
vu la décision définitive à l'égard de M. [V] et sa totale exécution,
- Dire éteinte la créance de la société Karlsbrau CHR à l'égard de M. [M] [P],
vu la disproportion de l'engagement de caution de M. [M] [P] ,
- débouter la société Karlsbrau CHR de ses demandes ne pouvant pas se prévaloir du cautionnement signé le 22 avril 2015,
vu l'absence de déclaration de créance,
- débouter la société Karlsbrau CHR de toutes ses demandes fins et conclusions,
vu l'absence de production des lettres d'information de la caution,
- débouter la société Karlsbrau CHR de toutes ses demandes,
à défaut,
- déchoir la société Karlsbrau CHR des intérêts,
- vu la faute de la société Karlsbrau CHR qui s'abstient de communiquer sur les actions et les exécutions menées à l'égard de toutes sous-cautions, empêchant ainsi à la sous- caution d'exercer son recours contre les autres cautions,
- condamner la société Karlsbrau CHR à payer à la somme de 38'435,61 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 février 2020,
- dire que les intérêts échus dus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts,
- débouter la société Karlsbrau CHR de toutes ses demandes fins et conclusions,
- condamner la société Karlsbrau CHR aux entiers dépens.
Vu les conclusions notifiées par la société Karlsbrau CHR le 6 mars 2024, aux termes desquelles elle demande à la cour de :
Vu les articles 1236 et suivants du code civil,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 15 juin 2021 en toutes ses dispositions,
- en conséquence, débouter M. [M] [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétention,
à titre subsidiaire,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 15 juin 2021 en toutes ses dispositions, en spécifiant que la condamnation est prononcée en quittances et deniers,
à titre encore plus subsidiaire,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 15 juin 2021 en toutes ses dispositions, et y ajoutant, constater l'extinction de l'action en paiement du faits des règlements survenus en cours de procédure,
- condamner M. [M] [P] au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La clôture de l'affaire a été rendue le 3 avril 2024.
MOTIFS
Sur le défaut de déclaration de créance
M. [M] [P] fait valoir que la créance de la société Karlsbrau CHR est éteinte au motif qu'elle n'a pas déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Footsalle Côte d'Opale, débiteur principal.
Toutefois, la société Karlsbrau CHR justifie qu'elle a déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Footsalle Côte d'Opale par courrier du 7 avril 2017, pour un montant sauf mémoire de 35 317,35 euros, la banque ayant elle aussi déclaré sa créance par courrier du 10 avril 2017.
Dès lors, ce moyen sera rejeté.
Sur la cautionnement manifestement disproportionné
Au visa des dispositions de l'article L.332-1 du code de la consommation, M. [M] [P] invoque le caractère disproportionné de son engagement de sous-caution.
En application de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il appartient à la caution de démontrer la disproportion alléguée au jour de la conclusion de son engagement mais, en revanche, c'est au créancier qui se prévaudrait de la disparition de la disproportion au moment où la caution est appelée d'en rapporter la preuve.
M. [M] [P] ne produit strictement aucune pièce justicative de ses revenus et charges susceptible de démontrer le caractère manifestement excessif de son engagement de caution lors de sa souscription.
Dès lors, il n'y a pas lieu de décharger l'appelant de son engagement et ce moyen sera rejeté.
Sur la faute de la caution
M. [M] [P] invoque la faute de la caution, en ce qu'elle ne justifie pas avoir reçu les lettres d'information annuelle prévues par l'article L.313-22 du code monétaire et financier, de la part du créancier principal.
Toutefois, la sous-caution n'entretient aucun lien de droit avec le créancier et ne peut donc opposer à la caution des exceptions tirées d'un rapport d'obligations auquel elle n'est pas partie.
En outre, la caution n'a nullement l'obligation d'invoquer à l'encontre du créancier le défaut d'information annuelle, et le fait que la société Karlsbrau CHR ne justifie pas avoir reçu les lettres d'information prévues par les dispositions du code monétaire et financier précitées ne constitue donc pas une faute susceptible d'engager sa responsabilité.
M. [M] [P] ne tire pas, en tout état de cause, les conséquences juridiques de ses allégations, puisqu'il ne conclut qu'au rejet des demandes en paiement de la caution, subsidiairement à la déchéance du droit aux intérêts, alors que la faute de la caution ne pourrait se résoudre qu'en dommages et intérêts, non demandés en l'espèce.
Il sera en conséquence débouté de ses demandes fondées sur le défaut d'information annuelle de la caution.
M. [M] [P] soutient par ailleurs que la société Karlsbrau CHR a commis une faute en ce qu'elle s'est abstenue de verser aux débats l'état de ses diligences à l'encontre des autres sous-cautions, les empêchant d'exercer entre elles les recours leur permettant de ne payer que leur part et portion. Cependant, outre que rien n'interdit à M. [M] [P] de prendre attache avec ses cofidéjusseurs, l'appelante verse au débats les procédures dirigées contre les autres sous-cautions, qui de surcroît, pour certaines d'entre elles, ont le même conseil que M. [M] [P]. Faute de démonstration d'un quelconque manquement, M. [M] [P] sera débouté de sa demande tendant à voir condamner la société Karlsbrau CHR à lui payer la somme de 38 435,61 euros.
Sur l'extinction de la créance de la caution à l'encontre de M. [M] [P]
M. [M] [P] fait valoir que la créance de la société Karlsbrau CHR à son égard serait éteinte au motif qu'elle dispose contre une autre sous-caution, M. [R] [V], d'un titre définitif qui a été exécuté.
Il résulte des pièces produites aux débats que par jugement définitif du tribunal judiciaire de Lille du 15 juin 2021, M. [R] [V], autre sous-caution, a été condamné à payer à la société Karlsbrau CHR à payer la somme de 38 435,51 euros, et que cette dernière, en exécution de ce jugement, a fait pratiquer une saisie- attribution sur son compte bancaire selon procès-verbal du 9 février 2022, dénoncé le 15 février 2022, et a saisi une somme de 35 382,24 euros (la saisie ayant été opérée pour 41 684,81 euros, mais M. [V] ayant versé un acompte de 6 302,57 euros).
M. [R] [V] a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de lille d'une demande de mainlevée de la saisie pratiquée.
Il s'est désisté de cette demande, ce désistement ayant été constaté par jugement en date du 5 septembre 2022.
La société Karlsbrau CHR justifie désormais, ce qu'elle n'avait pas fait dans le cadre de la procédure l'opposant à une autre sous-caution, M. [S], que M. [R] [V] a saisi le tribunal judiciaire de Saverne aux fins d'obtenir, sur le fondement de l'article L.211-4 alinéa 3 du code des procédures civiles d'exécution, la restitution du l'indû de 35 382,24 euros obtenu par la société Karlsbrau CHR par voie de saisie attribution du 9 février 2022, le débiteur estimant que qu'au moment où la saisie a été pratiquée sur son compte bancaire, la créance de la société Karlsbrau CHR était d'ores et déjà éteinte.
Il est également justifié dans le cadre de la présente procédure de ce que le juge chargé de la mise en état du tribunal judiciaire de Saverne a, par ordonnance du 26 janvier 2024, déclaré les demandes de M. [R] [V] recevables, et renvoyé l'affaire à l'audience du fond du 22 mars 2024. Les parties ne précisent pas qu'une décision sur le fond a été rendue par le tribunal judiciaire de Saverne.
Il sera observé que cet élément nouveau que constitue la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Saverne, n'avait nullement été justifié dans le cadre de la procédure à l'encontre de M. [S], et que l'arrêt du 29 juin 2023, rendu entre des parties différentes, n'a pas autorité de la chose jugée.
La cour constate en conséquence qu'il existe une possibilité pour que le tribunal judiciaire de Saverne fasse droit aux demandes de M. [R] [V] et que la société Karlsbrau CHR soit condamnée à lui restituer la somme saisie de 35 382,24 euros, de telle manière qu'il ne peut être considéré en l'état des procédures actuelles que la société Karlsbrau CHR a définitivement recouvré sa créance à l'encontre de M. [V], ni que ladite créance est éteinte.
Par ailleurs, la société Karlsbrau CHR verse aux débats :
- le contrat du 16 avril 2015 par lequel la banque CIC Est consent un prêt à la société Footsalle Côte d'Opale d'un montant de 50'465 euros et la société Karlsbrau CHR se porte caution solidaire de l'emprunteur,
- la convention signée le même jour entre la société Footsalle Côte d'Opale et la société Karlsbrau rappelant l'engagement de caution,
- le contrat du 22 avril 2015, aux termes duquel M. [M] [P] se porte caution solidaire à l'égard de la société Karlsbrau pour les sommes que celle-ci sera amenée à verser à la banque en exécution son engagement de caution solidaire de l'emprunteur, au titre du prêt susvisé, en principal, majoré des intérêts au taux conventionnels, frais, commissions et accessoires, au cas où l'emprunteur de pourrait pas faire face pour une raison quelconque à ses obligations.
La société Karlsbrau produit également la quittance subrogative du 12 mai 2020, aux termes de laquelle la banque CIC Est atteste avoir reçu de la société Karlsbrau 38 versement de la somme de 986,10 euros et un versement de la somme de 963,80 euros au titre du capital restant dû à la date du 20 avril 2020, soit un total de 38'435,61 euros.
Dès lors, la société Karlsbrau CHR justifie à l'égard de M. [M] [P] de son droit aux remboursement des sommes qu'elle a payées à la banque.
Au regard de ces éléments, et confirmant le jugement déféré, il y a lieu de condamner M. [M] [P] au titre de son engagement de caution à payer à la société Karlsbrau CHR la somme de 38 435,61 euros augmentée des intérêts au taux taux légal à compter du 18 février 2020, avec capitalisation des intérêts au moins dus pour une année entière.
Afin de tenir compte des éventuels règlements de la part de M. [M] [P] et des autres sous-cautions, cette condamnation est prononcée en deniers ou quittances.
Il est également rappellé que lorsque plusieurs personnes ont cautionné un même débiteur pour une dette, la caution qui a acquitté la dette a recours contre les autres cautions chacune pour sa part et portion.
Sur les demandes accessoires
Les motifs du premier juge méritant d'être adoptés, le jugement est confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
M. [M] [P], qui succombe, est condamné aux dépens d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
En équité, chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire ;
Vu l'arrêt rendu par la 8ème chambre section 1 de la cour en date du 14 décembre 2023 ;
Confirme le jugement entrepris en toute ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Dit que la condamnation de M. [M] [P] à payer à la société Karlsbrau CHR la somme de 38 435,61 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 18 février 2020, est prononcée en deniers ou quittances ;
Déboute M. [M] [P] de l'ensemble de ses demandes ;
Dit que chaque parties conservera la charge de ses frais irrépétibles d'appel ;
Condamne M. [M] [P] aux dépens de l'instance d'appel.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Yves BENHAMOU