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20/06/2024 | FRANCE | N°23/05086

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 20 juin 2024, 23/05086


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 20/06/2024





****





N° de MINUTE : 24/211

N° RG 23/05086 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VGKS



Ordonnance (N° 22/00626) rendu le 17 Octobre 2023 par le Juge de la mise en état de Saint Omer







APPELANTE



SELARL Veterinaire [K] [Z] en liquidation représentée par la SELARL RM&A prise en la personne de me Marion Ruffin-Michaux, mandat

aire judiciaire, désignée en qualité de mandataire ad hoc par ordonnance du tribunal de commerce de Boulogne sur Mer en date du 31/01/2023

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Catherin...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 20/06/2024

****

N° de MINUTE : 24/211

N° RG 23/05086 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VGKS

Ordonnance (N° 22/00626) rendu le 17 Octobre 2023 par le Juge de la mise en état de Saint Omer

APPELANTE

SELARL Veterinaire [K] [Z] en liquidation représentée par la SELARL RM&A prise en la personne de me Marion Ruffin-Michaux, mandataire judiciaire, désignée en qualité de mandataire ad hoc par ordonnance du tribunal de commerce de Boulogne sur Mer en date du 31/01/2023

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Catherine Trognon-Lernon, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉES

EARL DE L'Yser

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Yann Leupe, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

SAS Zoetis France agissant poursuites et diligences de son représentant légal

domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué , assistée de Me Christian Delevacque, avocat au barreau d'Arras, avocat plaidant

DÉBATS à l'audience publique du 11 avril 2024 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 8 avril 2024

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

L'Earl De l'Yser (société De l'Yser) exploite un élevage de porcs naisseurs-engraisseurs dans la commune de [Localité 6]. Le suivi sanitaire était assuré par le docteur [K] [Z], vétérinaire.

Par acte des 20 et 30 novembre 2018, la société De l'Yser a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Saint-Omer la S.A.S. Zoetis France (société Zoetis France) et la Selarl Vétérinaire [K] [Z] (société Vétérinaire [K] [Z]) pour solliciter l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire avant-dire droit aux fins notamment de voir juger que le vaccin vendu et commercialisé par la société Zoetis et administré à son cheptel porcin est un produit défectueux à l'origine du désordre de morbidité et de mortalité anormale subi par ledit cheptel dans le courant du premier semestre 2017 et de la voir condamnée à lui verser la somme de 63 240,13 euros en réparation du préjudice causé.

Par ordonnance du 21 mai 2019, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Saint-Omer a :

- avant-dire droit, ordonné une mesure d'expertise et commis pour y procéder le docteur [M] [T] ;

- ordonné le sursis à statuer sur l'ensemble des demandes au fond ;

- dit que la présente décision sera déclarée opposable à la société Vétérinaire [K] [Z] ;

- ordonné le retrait du rôle de l'affaire ;

- dit que l'affaire sera réinscrite à l'initiative de la partie la plus diligente après le dépôt du rapport de l'expert judiciaire ;

- laissé provisoirement les dépens de l'incident à la charge de la société De l'Yser.

Par ordonnance de changement d'expert du 17 janvier 2021, M. [T] a été remplacé par Mme [C] [X].

Selon procès-verbal d'assemblée générale en date du 31 mai 2021, la société Vétérinaire [K] [Z] a fait l'objet d'une dissolution amiable.

A la suite de la clôture des opérations de liquidation amiable avec effet à compter du 21 juillet 2021, la société a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 30 juillet 2021.

Le rapport d'expertise a été déposé le 18 janvier 2022.

L'affaire a été réinscrite à l'audience de mise en état du 21 juin 2022.

Par ordonnance du 31 janvier 2023, le président du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer a désigné la Selarl RM&A (société RM&A) prise en la personne de Me [F] [R], en qualité de mandataire ad-hoc de la société Vétérinaire [K] [Z], avec pour mission de la représenter dans le cadre de cette procédure et d'achever les opérations de liquidation de la société dissoute.

Par conclusions d'incident récapitulatives notifiées le 14 juin 2023, la société Vétérinaire [K] [Z], représentée par la société RM&A prise en la personne de Me [R], a demandé au juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Saint-Omer de :

- déclarer irrecevables les demandes présentées par la société De l'Yser à son encontre ;

- condamner la société De l'Yser à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

2. L'ordonnance dont appel :

Par ordonnance contradictoire rendue le 17 octobre 2023, le juge de la mise en état a :

- déclaré recevables les conclusions déposées par la société Vétérinaire [K] [Z], représentée par la société RM&A, prise en la personne de Me Marion Ruffin-Michaux, mandataire judiciaire ;

- déclaré recevables les demandes présentées par les sociétés De l'Yser et Zoetis France à l'encontre de la société Vétérinaire [K] [Z] ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 5 décembre 2023 à 9 heures pour les conclusions de Me [G] ;

- réservé les dépens.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 16 novembre 2023, la société Vétérinaire [K] [Z], représentée par la société RM&A, prise en la personne de Me [R], a formé appel de cette ordonnance en limitant sa critique de l'ordonnance en ce que le juge de la mise en état a rejeté sa fin de non-recevoir visant les demandes présentées par la société De l'Yser à son encontre et l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1 Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 28 février 2024, la société Vétérinaire [K] [Z], appelante, demande à la cour d'infirmer l'ordonnance en ses dispositions frappées d'appel et, statuant à nouveau, au visa des articles 789 du code de procédure civile et L. 237-2 du code de commerce, de :

- déclarer irrecevables les demandes présentées par la société De l'Yser à son encontre ;

- condamner les sociétés De l'Yser et Zoetis France à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

A l'appui de ses prétentions, la société Vétérinaire [K] [Z] fait valoir que :

- les demandes présentées par la société De l'Yser à son encontre sont irrecevables dès lors que sa dissolution est intervenue à compter du 21 mai 2021 et qu'à l'exception de sa mise en cause, justifiée par les besoins des opérations d'expertise, aucune demande n'a été formée à son encontre antérieurement à cette date ;

- dès lors qu'aucune demande de condamnation n'a été formée contre elle avant sa dissolution, et que la société De l'Yser ne disposait d'aucune créance à son encontre, sa personnalité morale n'a pas subsisté postérieurement à sa dissolution, nonobstant la présence de son conseil à la réunion d'expertise du 21 juin 2021.

4.2 Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2024, la société De l'Yser, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'il a déclaré recevables les demandes qu'elle a présentées avec la société Zoetis France à l'encontre de la société Vétérinaire [K] [Z] ;

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de communication par la société Vétérinaire [K] [Z] de son contrat d'assurance la liant avec la compagnie Generali ;

- condamner la société Vétérinaire [K] [Z], représentée par la société RM&A, prise en la personne de Me [F] [R], à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, la société De l'Yser fait valoir que :

- la société Vétérinaire [K] [Z] était en charge du suivi sanitaire de l'exploitation et qu'elle est donc directement en cause, d'autant plus qu'elle était prescriptrice du vaccin litigieux ;

- lorsqu'il a procédé aux opérations de dissolution et de liquidation de la société Vétérinaire [K] [Z], M. [Z] avait connaissance des enjeux et risques liés à l'expertise, ainsi que du passif pesant sur sa société au titre de sa responsabilité civile ;

- la personnalité morale subsistant jusqu'à acquittement complet du passif social, ses demandes formées contre la société Vétérinaire [K] [Z] sont recevables ;

- l'article L. 640-5 du code de commerce invoqué par Me [F] [R] est inapplicable en l'espèce dès lors qu'il concerne les conditions d'ouverture d'une liquidation judiciaire sur l'assignation en liquidation judiciaire d'un créancier.

4.3 Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2024, la société Zoetis France, intimée, demande à la cour, au visa de l'article L. 237-2 du code de commerce, de :

- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'il a déclaré recevable les demandes qu'elle a présentées avec la société De l'Yser à l'encontre de la société Vétérinaire [K] [Z] ;

- débouter purement et simplement la société Vétérinaire [K] [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Vétérinaire [K] [Z] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Vétérinaire [K] [Z] en tous les frais et dépens.

A l'appui de ses prétentions, la société Zoetis France fait valoir que :

- la société De l'Yser a fait assigner la société Vétérinaire [K] [Z] le 20 novembre 2018, soit plusieurs années avant les opérations de dissolution et de liquidation amiable ;

- M. [Z] était parfaitement informé de cette procédure judiciaire, dans la mesure où il a participé activement aux opérations d'expertise ordonnées par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Saint Omer ;

- le rapport d'expertise met directement en cause la société Vétérinaire [K] [Z] ;

- dès lors qu'un liquidateur amiable omet un élément de passif dont il avait connaissance, la personnalité morale de la société dissoute subsiste jusqu'à apurement du passif social ;

- la société ne peut avoir perdu sa personnalité morale à compter de sa dissolution intervenue le 21 mai 2021 et de sa radiation du registre du commerce et des sociétés intervenue le 30 juillet 2021 alors qu'elle a participé à une réunion d'expertise du 21 juin 2021 en étant représentée par un avocat.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 8 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir :

La Selarl vétérinaire a modifié le fondement juridique de sa fin de non-recevoir, substituant devant la cour d'appel l'article L. 237-2 alinéa 2 du code du commerce à l'article L. 640-5 du même code. La fin de non-recevoir n'est en outre présentée en appel qu'à l'encontre de la société De l'Yser.

Pour autant, l'action exercée par la société De l'Yser à l'encontre de la Selarl vétérinaire vise à établir sa responsabilité civile dans le cadre du suivi sanitaire de l'élevage de porcs et à obtenir l'indemnisation des préjudices invoqués au titre des pertes invoquées.

La circonstance qu'aucune demande de condamnation n'a été formée à l'encontre de la Selarl vétérinaire antérieurement à sa dissolution est en réalité indifférente, dès lors que l'assignation signifiée en novembre 2018 aux fins d'expertise judiciaire comporte en germe le principe d'une obligation indemnitaire au profit de la société De l'Yser, qui est ainsi antérieure à la clôture des opérations de liquidation amiable intervenue le 21 juillet 2021.

Le liquidateur amiable de la Selarl n'ignorait pas l'existence d'une telle action diligentée à l'encontre de cette société, laquelle s'est constituée devant le tribunal de grande instance et a participé aux opérations d'expertise ordonnée par le juge de la mise en état.

Il en résulte qu'à la date de la clôture des opérations de liquidation amiable de la Selarl vétérinaire, les droits et obligations nés de ce fait dommageable liés à l'instance en cours devant le tribunal judiciaire de Saint-Omer n'ont pas été intégralement liquidés, ce dont résulte la survie de la personnalité morale de la société pour les besoins de leur liquidation.

L'ordonnance critiquée est confirmée en ce qu'elle a déclaré recevables les demandes présentées par la société De l'Yser.

Sur la demande de communication forcée du contrat d'assurance :

L'examen de l'ordonnance critiquée du juge de la mise en état fait ressortir que la société de l'Yser a formulé exclusivement les demandes suivantes, selon conclusions du 16 juin 2023 : déclarer irrecevables les conclusions déposées par M. [Z] en qualité de liquidateur amiable de la Selarl vétérinaire ; débouter M. [Z], ès qualités de ses demandes incidentes ; renvoyer l'affaire devant le juge de la mise en état ; rejeter toute autre demande plus ample ou contraire ; réserver les dépens.

Il en résulte que le juge de la mise en état n'a été saisi d'aucune demande aux fins de communication par la société Vétérinaire [K] [Z] de son contrat d'assurance la liant avec la compagnie Generali. En conséquence, le dispositif de l'ordonnance critiquée ne comporte d'ailleurs aucun chef relatif à une telle demande.

Dans ces conditions, la demande de réformation de l'ordonnance en ce qu'elle aurait débouté une telle demande de communication de pièce, à laquelle s'associe la société Zoetis France exclusivement dans le corps de ses propres conclusions, est sans objet.

Sur les dispositions annexes :

Le sens du présent arrêt conduit d'une part à confirmer l'ordonnance critiquée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Selarl vétérinaire et d'autre par à condamner cette dernière aux dépens d'appel et à payer à la société De l'Yser la somme de 1 500 euros au titre de ses frais irrépétibles. En revanche, si la société Zoetis France a été intimée par la Selarl vétérinaire, la critique de l'ordonnance ne porte pas sur l'un des chefs du dispositif qui la concerne, de sorte qu'il n'est pas contraire à l'équité et à la situation économique des parties de laisser à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance rendue le 17 octobre 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Saint-Omer en toutes ses dispositions critiquées ;

Y ajoutant,

Dit que la demande de réformation de l'ordonnance critiquée en ce qu'elle aurait débouté une telle demande de communication d'un contrat d'assurance souscrit par la Selarl vétérinaire [K] [Z] est sans objet ;

Condamne la Selarl vétérinaire [K] [Z], représentée par la société RM&A prise en la personne de Me [R], aux dépens d'appel ;

Condamne la Selarl vétérinaire [K] [Z], représentée par la société RM&A prise en la personne de Me [R], à payer à l'Eurl de l'Yser la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés devant la cour d'appel ;

Déboute les autres parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le greffier

Harmony POYTEAU

Le président

Guillaume SALOMON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 23/05086
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.05086 ?
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