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20/06/2024 | FRANCE | N°23/04071

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 20 juin 2024, 23/04071


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 20 JUIN 2024



****



N° de MINUTE : 24/199

N° RG 23/04071 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VCYM



Jugement (N° 22/03312) rendu le 28 Août 2023 par le tribunal judiciaire de Valenciennes



APPELANT



Monsieur [M] [D]

né le [Date naissance 2] 2003 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représe

nté par Me Léo Olivier, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-59178/23/001798 du 04/10/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 20 JUIN 2024

****

N° de MINUTE : 24/199

N° RG 23/04071 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VCYM

Jugement (N° 22/03312) rendu le 28 Août 2023 par le tribunal judiciaire de Valenciennes

APPELANT

Monsieur [M] [D]

né le [Date naissance 2] 2003 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Léo Olivier, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-59178/23/001798 du 04/10/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

INTIMÉE

SA Avanssur prise en la personne de son représentait légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Pierre Vandenbussche, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 27 mars 2024 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 19 février 2024

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Le 30 décembre 2013, M. [T] [D] a souscrit auprès de la société Avanssur, exerçant sous l'enseigne commerciale Direct assurance, un contrat multirisque habitation destiné à garantir sa responsabilité civile, ainsi que celle des personnes occupant habituellement son domicile. Son fils mineur, M. [M] [D] né le [Date naissance 2] 2003, résidait chez lui, et était donc assuré au titre de cette garantie.

Par jugement du 18 mai 2017, le tribunal pour enfants de Valenciennes a condamné M. [M] [D] pour exhibition sexuelle commise le 22 février 2016 à l'encontre de M. [P] [K].

Par jugement du 18 août 2022 rendu sur intérêts civils, le tribunal judiciaire de Valenciennes a notamment condamné M. [M] [D] à verser à M. [K] les sommes de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral, assortis des intérêts au taux légal à compter du jugement, dont à déduire la provision de 600 euros précédemment accordée, outre 500 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ainsi qu'aux frais de l'expertise judiciaire.

Par acte du 24 novembre 2022, M. [M] [D] a fait assigner la société Avanssur devant le tribunal judiciaire de Valenciennes aux fins de la voir condamnée à le relever et le garantir des condamnations que le tribunal judiciaire de Valenciennes statuant sur intérêts civils avait prononcées contre lui.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu contradictoirement le 28 août 2023, le tribunal judiciaire de Valenciennes a :

- débouté M. [M] [D] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamné M. [M] [D] au paiement de la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [M] [D] aux dépens de l'instance ;

- rappelé que la décision était exécutoirejud par provision.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 6 septembre 2023, M. [M] [D] a formé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1 Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 24 novembre 2023, M. [M] [D], appelant, demande à la cour de dire son appel recevable, d'infirmer le jugement querellé et, statuant à nouveau, au visa des articles 1103, 1191 et 1240 du code civil, L. 211-1 du code de la consommation, 700 et 689 du code de procédure civile, et de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, de :

- condamner la société Avanssur à le relever et le garantir de toutes condamnations civiles (dommages et intérêts, frais et dépens) prononcées à son encontre en raison des faits délictuels commis sur la personne de M. [K] le 22 février 2016 ;

- condamner la société Avanssur à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir ;

- condamner la société Avanssur à verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 3 000 euros au titre de la procédure d'appel sur le fondement des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, M. [M] [D] fait valoir que le dommage corporel inclut les atteintes à l'intégrité physique mais aussi à l'intégrité psychique ou psychologique, de sorte que le préjudice moral infligé à la victime relève bien du champ de la garantie.

4.2 Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 12 décembre 2023, la société Avanssur, intimée, demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- condamner M. [M] [D] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de même que les entiers frais et dépens de l'instance.

A l'appui de ses prétentions, la société Avanssur fait valoir que le dommage causé par M. [M] [D] n'est pas couvert par la garantie dès lors que :

- M. [M] [D] n'a causé ni dommage matériel ni dommage corporel au sens de la police d'assurance souscrite, en raison de l'absence de blessure ou de décès de la victime ;

- seuls sont couverts les dommages immatériels causés accidentellement à autrui, alors qu'en l'espèce, M. [M] [D] a volontairement causé un dommage à la victime.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 19 février 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour observe que l'intimée ne discute pas la recevabilité de l'appel principal.

1. Sur l'obligation de garantie

Si, conformément à l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 alinéa 1 depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il appartient d'abord à l'assuré d'établir l'existence du sinistre, objet du contrat, donc de prouver que les circonstances et les conséquences rentrent dans le champ de la garantie et, le cas échéant, que la ou les conditions de cette garantie sont réunies, c'est à l'assureur, qui entend ensuite s'exonérer de son obligation de garantie, de rapporter la preuve, conformément à l'alinéa 2 du même article, de ce que le sinistre tombe sous le coup d'une clause d'exclusion de risque ou d'une clause de déchéance du droit à indemnisation.

a. Sur les conditions de garantie :

En l'espèce, M. [T] [D] a souscrit le 30 décembre 2013 un contrat d'assurance multirisque habitation auprès de la société Avanssur, aux termes duquel il bénéficie, en page 5 des conditions générales, d'une garantie responsabilité civile complète pour chaque membre de la famille. Ses proches et lui sont " prémunis contre les dommages qu'ils peuvent causer à autrui (dommages corporels, matériels et immatériels) dans le cadre de la vie privée ".

La société Avanssur garantit ainsi, au titre de la responsabilité civile vie privée en page 18 des conditions générales, " les conséquences financières (dans les limites prévues aux conditions spéciales), des dommages : corporels, matériels, immatériels consécutifs à des dommages corporels ou matériels garantis causés accidentellement à autrui ['] " par le souscripteur et les personnes occupant habituellement son foyer, dont son fils, M. [M] [D].

Ce même contrat définit en page 36 le dommage corporel comme " toute atteinte corporelle (blessures, décès) subie par une personne. "

Les blessures morales et psychiques, et non physiologiques, subies par la victime sont bien constitutives d'atteintes corporelles au sens du contrat, qui s'interprète en faveur de l'assuré lorsqu'une clause s'avère insuffisamment claire et précise.

b. Sur l'exclusion de garantie :

La faute intentionnelle se définit, y compris lorsqu'elle constitue une exclusion conventionnelle de garantie, comme la violation délibérée de ses obligations par l'assuré attestant de sa volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu. Elle implique non seulement que l'action ou l'omission à l'origine du dommage soit volontaire, mais également que le dommage lui-même soit intentionnellement provoqué par l'assuré. La faute intentionnelle n'exclut ainsi de la garantie due par l'assureur à l'assuré, condamné pénalement, que le dommage que cet assuré a recherché en commettant l'infraction (Civ. 2e, 16 sept. 2021, n° 19-25.678).

En l'espèce, au paragraphe des exclusions communes à toutes les garanties en page 25 des conditions générales, le contrat stipule que ne sont pas garanties " les conséquences de la faute de l'assuré, si elle est intentionnelle ou frauduleuse, ou avec sa complicité. "

Par jugement du 18 mai 2017, le tribunal pour enfants de Valenciennes a déclaré M. [M] [D] coupable d'exhibition sexuelle commise le 22 février 2016 à l'encontre de M. [K].

Alors qu'il a la qualité d'assuré, les circonstances de commission de cette infraction par M. [M] [D] impliquent qu'il s'est volontairement exhibé sexuellement devant M. [K], mais il appartient également à l'assureur de rapporter la preuve qu'il a cherché à causer un préjudice moral à sa victime.

La lecture du jugement du 18 août 2022 statuant sur intérêts civils enseigne que M. [M] [D], alors âgé de douze et demi pour être né le [Date naissance 2] 2003, a été condamné pour un seul fait d'exhibition sexuelle commis le 22 février 2016, ayant consisté en un acte de masturbation jusqu'à éjaculation devant M. [K], lui-même âgé de treize ans pour être né le [Date naissance 1] 2002.

Alors que les mineurs avaient un âge équivalent et entretenaient des liens amicaux, l'assureur n'offre pas de démontrer que l'assuré a recherché le dommage subi par sa victime tel qu'il s'est réalisé.

En conséquence, la société Avanssur échoue à démontrer que M. [M] [D] a commis une faute intentionnelle ou frauduleuse ayant causé un dommage corporel à M. [K]. La clause d'exclusion de garantie invoquée ne s'applique pas en l'espèce.

Il convient en conséquence de réformer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [M] [D] de l'intégralité de ses demandes.

L'appelant ne réclame toutefois pas à la cour la condamnation de l'assureur à lui payer l'indemnité d'assurance due en exécution du contrat.

Conformément à la demande, la société Avanssur sera condamnée à garantir M. [M] [D], en exécution du contrat d'assurance, des conséquences financières du jugement de condamnation rendu le 18 août 2022 par le tribunal judiciaire de Valenciennes statuant sur intérêts civils.

2. Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

En application de l'article 1240 du code civil, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol, de faute, même non grossière ou dolosive, ou encore de légèreté blâmable, dès lors qu'un préjudice en résulte.

En l'espèce, M. [M] [D] reproche à la société Avanssur une résistance abusive, caractérisée par son refus d'appliquer la garantie souscrite.

La position de l'assureur, intimé en cause d'appel, ne peut être considérée comme résultant d'une attitude fautive, alors même que le premier juge avait, dans un premier temps, fait droit à ses prétentions.

La résistance d'une des parties ne peut dégénérer en abus, susceptible d'engager sa responsabilité, que lorsqu'elle présente un caractère dolosif ou malveillant.

Pour autant, l'assuré pour compte ne rapporte pas la preuve du caractère dolosif ou malveillant de l'absence de présentation par la société Avanssur d'une offre d'indemnisation, ni la preuve que la résistance alléguée de celle-ci lui a causé un préjudice distinct du simple retard de paiement.

Il convient donc de débouter M. [M] [D] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur une résistance abusive de la société Avanssur.

3. Sur les dispositions annexes

Le sens de l'arrêt conduit à réformer le jugement dont appel sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

La société Avanssur qui succombe supportera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.

L'appelant, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, tant en première instance qu'en appel, ne demande pas expressément à la cour de condamner la société Avanssur à payer à son avocat les frais irrépétibles sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du code de procédure civile.

En conséquence, il convient de rejeter purement et simplement la demande d'indemnité de procédure de première instance et d'appel sur le fondement des articles 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, et 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme le jugement rendu le 28 août 2023 par le tribunal judiciaire de Valenciennes en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Prononçant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Avanssur à garantir M. [M] [D], en exécution du contrat d'assurance, des conséquences financières du jugement rendu le 18 août 2022 à son encontre par le tribunal judiciaire de Valenciennes statuant sur intérêts civils ;

Déboute M. [M] [D] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur une résistance abusive de la société Avanssur ;

Condamne la société Avanssur aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Rejette la demande d'indemnité de procédure de première instance et d'appel sur le fondement des articles 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, et 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Harmony POYTEAU

Le président

[E] SALOMON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 23/04071
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.04071 ?
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