La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2024 | FRANCE | N°23/03922

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 20 juin 2024, 23/03922


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 20/06/2024





****





N° de MINUTE : 24/212

N° RG 23/03922 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VCH3

Jugement (N° 21/00525) rendu le 28 Juillet 2023 par le tribunal judiciaire de Dunkerque



APPELANTE



Madame [V] [S] veuve [Z]

née le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 10]
>

Représentée par Me Pierre Cortier, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué



INTIMÉES



Madame [F] [N]

née le [Date naissance 6] 1980 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Local...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 20/06/2024

****

N° de MINUTE : 24/212

N° RG 23/03922 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VCH3

Jugement (N° 21/00525) rendu le 28 Juillet 2023 par le tribunal judiciaire de Dunkerque

APPELANTE

Madame [V] [S] veuve [Z]

née le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représentée par Me Pierre Cortier, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

INTIMÉES

Madame [F] [N]

née le [Date naissance 6] 1980 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 10]

Représentée par Me François Rosseel, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

SA Swisslife Assurances de Biens

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentée par Me René Despieghelaere, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 11 avril 2024 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 18 mars 2024

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Par contrat de travail prenant effet le 1er septembre 2012, Mme [F] [N] a confié l'accueil de son enfant, [K] [R], née le [Date naissance 4] 2012, à Mme [V] [S] veuve [Z].

Dans ce cadre, [K] [R] a passé la nuit du 20 au 21 janvier 2013 chez Mme [S].

Lorsque Mme [N] est venue chercher [K] [R] le matin du 21 janvier 2013, elle a constaté plusieurs ecchymoses sur le visage de l'enfant.

[K] [R] a été examinée le même jour par le docteur [I] [W], médecin légiste, qui a provisoirement retenu une incapacité totale de travail de 4 jours.

Le 21 janvier 2013, Mme [N] a déposé plainte contre X auprès des services de police de [Localité 10] pour des faits de violences aggravées sur [K] [R].

Suivant réquisitoire introductif du 9 juillet 2014, une information judiciaire a été ouverte contre X du chef de violences volontaires aggravées suivies d'incapacité n'excédant pas huit jours sur un mineur de quinze ans par personne ayant autorité.

Le 31 octobre 2017, Mme [S] a été placée sous le statut de témoin assisté.

Son mari, [U] [Z] est décédé le [Date décès 5] 2020.

Par ordonnance du 12 novembre 2020, le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Dunkerque a :

- dit n'y avoir lieu à suivre contre Mme [S], en l'absence de charges suffisantes ;

- relevé des charges suffisantes à l'encontre de [U] [Z], lequel n'a pas pu être mis en examen compte tenu de sa pathologie dont l'expert psychiatre avait estimé qu'elle avait aboli son discernement ;

- constaté l'extinction de l'action publique à l'encontre de [U] [Z] et dit n'y avoir lieu à suivre à son encontre.

Par actes des 12 et 18 février 2021, Mme [N] a fait assigner Mme [S] et la Caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut de Valenciennes devant le tribunal judiciaire de Dunkerque aux fins de réparation de ses préjudices et de ceux de sa fille [K] [R], en sa qualité de représentante légale de cette mineure.

Mme [S] a fait assigner la S.A. Swisslife assurances de biens (société Swisslife assurances de biens) en garantie.

Par ordonnance du 15 novembre 2021, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux instances.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement réputé contradictoire rendu le 28 juillet 2023, le tribunal judiciaire a :

- 1. condamné Mme [S] à payer à Mme [N] en qualité de représentante légale de sa fille [K] [R] les sommes suivantes, en réparation de son manquement à son obligation contractuelle de sécurité :

- 347,52 euros au titre des frais divers ;

- 310,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

- 20 000 euros au titre des souffrances endurées ;

- 1 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

- 2. condamné Mme [S] à payer à Mme [N] en son nom personnel la somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice moral consécutif à ses manquements contractuels ;

- 3. débouté Mme [S] de sa demande en garantie formée à l'encontre de la société Swiss life assurances de biens ;

- 4. dit le présent jugement commun à la Caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut de Valenciennes ;

- 5. condamné Mme [S] aux entiers dépens de l'instance ;

- 6. autorisé Me François Rossel, associé de la S.C.P. Rossel avocats, à recouvrer directement les dépens dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision ;

- 7. condamné Mme [S] à payer à Mme [N] en son nom personnel et ès qualité de représentante légale de sa fille [K] [R] la somme de 4 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;

- 8. dit n'y avoir lieu à autre condamnation au titre des frais irrépétibles ;

- 9. rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 24 août 2023, Mme [S] a formé appel de ce jugement en limitant la critique du jugement en ses chefs numérotés 2, 3 et 8 (débouté de sa demande de condamnation de la société Swiss life assurances de biens à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile).

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1 Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 6 novembre 2023, Mme [S], appelante, demande à la cour d'infirmer le jugement en ses dispositions frappées d'appel et, statuant à nouveau, de :

- débouter Mme [N] de ses demandes en réparation de son préjudice moral ;

- condamner la société Swisslife assurances de biens à la garantir de toutes les condamnations mises à sa charge au titre de l'action initiée par Mme [N] tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de sa fille [K] [R];

- condamner la société Swisslife assurances de biens à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, Mme [S] fait valoir que :

- la présomption d'innocence s'oppose à ce [U] [Z] soit considéré comme l'auteur de violences commises sur [K] [R] pour justifier l'exclusion de garantie et rien ne permet d'affirmer qu'elle aurait confié à son défunt mari la garde de l'enfant ;

- la maladie psychique dont était atteint [U] [Z] exclut toute faute intentionnelle ou dolosive de la part de l'assuré au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances ;

- le préjudice moral invoqué par Mme [N] est indirect, de sorte qu'il n'est pas réparable, alors que le lien de causalité entre le syndrome dépressif qu'elle allègue avec les faits commis sur [K] [R] en 2013 n'est pas établi.

4.2 Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 29 novembre 2023, Mme [N], intimée, demande à la cour, au visa des articles 1231-1 et suivants du code civil, de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- condamner Mme [S] à lui verser en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de [K] [R] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [S] en tous les dépens dont distraction au profit de Me François Rosseel, avocat associé de la S.C.P. Rosseel avocats, avocat aux offres de droit.

A l'appui de ses prétentions, Mme [N] fait valoir que :

- elle a subi des soupçons de maltraitance envers son enfant, ainsi que la vue de son enfant dans un état inquiétant, l'attente des résultats de tests complémentaires portant sur l'état et les éventuelles séquelles de [K] [R], une instance prud'homale et une condamnation qu'elle juge indue, ayant été confrontée aux mensonges de Mme [S] ;

- ce contexte anxiogène l'a contrainte à se mettre en arrêt de travail, son médecin ayant diagnostiqué un syndrome dépressif consécutif ;

- ayant perdu confiance dans la garde de son enfant par tierce personne, elle a dû renoncer à son rythme de travail.

4.3 Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 5 février 2024, la société Swisslife assurances de biens, intimée, demande à la cour, au visa des articles L. 113-1 du code des assurances, L. 421-1 à L. 421-7 du code de l'action sociale et des familles, de :

- confirmer le jugement ;

- débouter Mme [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- dire n'y avoir lieu à garantie ;

- condamner Mme [S] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens, tant de première instance que d'appel.

A l'appui de ses prétentions, la société Swisslife assurances de biens fait valoir que :

- Mme [S] a laissé son mari s'emparer de la garde et des soins qu'elle devait personnellement à [K] [R] et n'a ainsi pas respecté les termes du contrat conclu intuitu personae ;

- Mme [S] n'a pas apporté les soins qu'elle devait à [K] [R] et est responsable des actes malveillants imputables à [U] [Z], ce qui justifie l'exclusion de garantie prévue à l'article 8.2 du contrat d'assurance ;

- l'inertie de Mme [S] a permis l'exercice des violences volontaires sur [K] [R] et constitue un acte de complicité au sens civil du terme, ce qui justifie l'exclusion de garantie prévue à l'article 17 du contrat d'assurance.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 18 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le principe de la responsabilité civile de Mme [S] n'est pas critiqué devant la cour, alors que l'appelante se limite à contester sa condamnation à indemniser Mme [N] et à solliciter la garantie de son assureur de responsabilité civile.

Les moyens soutenus par les parties ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants :

Sur l'indemnisation du préjudice moral de Mme [N] :

Si l'enfant [K] [R] est la victime directe des manquements contractuels de Mme [S] à ses obligations, telles qu'ils ont été analysés avec pertinence par le premier juge, sa mère en est à la fois une victime indirecte, dès lors qu'elle justifie avoir souffert moralement du spectacle de sa fille blessée et une victime directe au titre de la violation par Mme [S] de son obligation de loyauté envers sa cocontractante, ayant notamment maintenu Mme [N] dans l'ignorance de l'origine des blessures infligées à sa fille. Un tel préjudice présente un lien de causalité direct avec les manquements établis à l'encontre de Mme [S] dans la mise en 'uvre de ses obligations contractuelles.

Alors que le montant retenu par le premier juge n'est pas critiqué à titre subsidiaire, la cour estime que l'évaluation de ce préjudice moral à hauteur de 6 000 euros correspond à sa réparation intégrale sans perte ni profit.

Sur la garantie de l'assureur :

La société SwissLife oppose à Mme [S] deux clauses d'exclusion de garantie, pour refuser de prendre en charge le sinistre engageant la responsabilité civile de son assurée.

L'opposabilité des conditions générales du contrat, comportant ces clauses d'exclusion, n'est plus contesté devant la cour.

L'article 8.2 des conditions générales du contrat stipule qu'au titre de sa garde rémunérée d'enfants, la responsabilité civile de Mme [S] du fait des dommages corporels dont ces enfants pourraient être victimes est garantie. Pour autant, il précise que " sont exclus les dommages résultant de la malveillance ou de manque de soins ".

En l'espèce, si l'information judiciaire n'a pas retenu de charges à l'encontre de Mme [S] pour lui imputer directement les blessures subies par [K] [R], ces lésions résultent toutefois d'un défaut de surveillance de l'enfant par Mme [S], qui a ainsi permis que son époux atteint de troubles psychiques ne la frappe au cours de la nuit, y compris en sa présence, en violation de son obligation de sécurité de résultat. Cette situation caractérise un manque de soins, qui conduit par conséquent à exclure la garantie de l'assureur.

Le jugement critiqué est par conséquent confirmé en toutes ses dispositions critiquées.

Sur les dispositions annexes :

L'appel formé par Mme [S] ne porte pas sur les chefs du jugement l'ayant condamnée aux entiers dépens de première instance et à payer à Mme [N] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en première instance. La société SwissLife sollicite également la confirmation du jugement, y compris en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En considération de sa succombance, Mme [S] est condamnée aux dépens d'appel, son avocat étant autorisé à recouvrer directement ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu de provision et à payer à Mme [N] en son nom personnel (aucun chef du jugement critiqué ne concernant le préjudice subi par sa fille) la somme de 1 000 euros et à la société SwissLife celle de 500 euros au titre de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 28 juillet 2023 par le tribunal judiciaire de Dunkerque en toutes ses dispositions critiquées ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [V] [S] veuve [Z] aux entiers dépens d'appel ;

Autorise Me François Rosseel, associé de la Scp Rosseel associés, à recouvrer lesdits dépens dont il a fait l'avance sans recevoir provision ;

Condamne Mme [V] [S] veuve [Z] à payer à Mme [F] [N] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [V] [S] veuve [Z] à payer à la société SwissLife la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le greffier

Harmony POYTEAU

Le président

Guillaume SALOMON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 23/03922
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.03922 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award