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20/06/2024 | FRANCE | N°23/02994

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 20 juin 2024, 23/02994


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 20/06/2024





****





N° de MINUTE : 24/207

N° RG 23/02994 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U7ET



Jugement (N° 11-23-0000) rendu le 15 Mai 2023 par le tribunal judiciaire de Dunkerque





APPELANT



Monsieur [E] [C]

né le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 9] (Ile Maurice)

de nationalité Mauricienne

[Adresse 5]

[Loc

alité 6]



Représenté par Me Loreleï Vitse, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/23/005172 du 07/07/2023 accordée par le bureau d'aide juri...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 20/06/2024

****

N° de MINUTE : 24/207

N° RG 23/02994 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U7ET

Jugement (N° 11-23-0000) rendu le 15 Mai 2023 par le tribunal judiciaire de Dunkerque

APPELANT

Monsieur [E] [C]

né le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 9] (Ile Maurice)

de nationalité Mauricienne

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représenté par Me Loreleï Vitse, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/23/005172 du 07/07/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

INTIMÉ

Monsieur [J] [P] représentant légal et civilement responsable de son fils mineur [V] [P] né le [Date naissance 2] 2010 à [Localité 6]

né le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 8] (Algérie)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me David Brouwer, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 28 mars 2024 tenue par Yasmina Belkaid magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 4 mars 2024

****

Le 4 juillet 2022, M. [E] [C] a déposé plainte pour des faits de dégradations de son véhicule automobile commis entre le 2 et le 3 juillet 2022 en désignant [V] [P], mineur, comme étant l'auteur de ces faits.

Cette plainte a été classée sans suite au motif que le mineur, âgé de moins de 13 ans, n'a pas de discernement.

M. [C] a de nouveau déposé plainte pour des faits similaires le 12 juillet 2022.

C'est dans ces conditions que, par acte du 18 janvier 2023, M. [C] a fait assigner M. [J] [P], pris en sa qualité de civilement responsable de son fils mineur [V] [P], devant le tribunal judiciaire de Dunkerque en responsabilité et réparation.

Par jugement du 15 mai 2023, le tribunal judiciaire de Dunkerque a :

débouté M. [E] [C] de ses demandes en réparation à l'encontre de M. [J] [P] en sa qualité de civilement responsable de l'enfant mineur [V] [P] au titre des réparations du véhicule et du préjudice moral subi

laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens et frais irrépétibles de procédure

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 29 juin 2023, M. [E] [C] a formé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Dans ses conclusions notifiées le 15 novembre 2023, M. [E] [C] demande à la cour, au visa de l'article 1242 du code civil, de :

le déclarer recevable et bien fondé en son appel de la décision rendue le 15 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Dunkerque

infirmer ce jugement en toutes ses dispositions

et statuant à nouveau :

condamner M. [J] [P], en sa qualité de représentant légal et civilement responsable de son fils mineur, [V] [P], à lui payer :

6 926,91 euros au titre des réparations du véhicule

3 000 euros au titre du préjudice moral subi

condamner M. [J] [P], es qualité, à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir qu'au regard des pièces communiquées, la preuve de la responsabilité de M. [P] es qualité est suffisamment rapportée dès lors que :

les dégradations de son véhicule ont été constatées le 1er juillet 2022

il a été témoin de la réitération de ces faits le lendemain de même que d'autres personnes

le jeune [V] [P] a signé son forfait de l'initiale de son prénom

si le procureur de la république a classé sa plainte sans suite, il a néanmoins demandé au civilement responsable de transmettre les coordonnées de son assurance pour réparation des dommages causés

d'autres plaintes ont été déposés pour de nouvelles dégradations de son véhicule de sorte que l'officier de police judiciaire a demandé des devis supplémentaires

M. [J] [P] n'a jamais contesté la matérialité des faits commis par son fils sauf dans le cadre de la présente procédure. D'ailleurs, il lui a remis une attestation d'assurance et la copie de sa carte d'identité reconnaissant ainsi sa responsabilité

dès lors, il doit être condamné au paiement des réparations de son véhicule

il subit également un préjudice moral résultant du stress occasionné par ces dégradations répétées alors qu'avec son épouse, il était inscrit sur un parcours de PMA et que leur enfant a du changer d'école à la suite de ces faits

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 30 novembre 2023, M. [J] [P], pris en sa qualité de représentant légal et civilement responsable de son fils mineur [V] [P], demande à la cour de :

confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque le 15 mai 2023 en ce qu'il a débouté M. [E] [C] de ses demandes de réparation à son encontre au titre des réparations du véhicule et du préjudice moral

en conséquence :

débouter M. [C] de ses demandes de condamnation

condamner M. [C] au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive au visa de l'article 32-1 du code de procédure civile

condamner M. [C] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que sa responsabilité, es qualité, ne saurait être engagée alors que :

les déclarations de M. [C] sont mensongères

les faits imputés au jeune [V] ne sont pas établis alors que leur preuve incombe à M. [C] en application de l'article 9 du code de procédure civile

à cet égard, un classement sans suite, qui constitue une décision administrative n'emportant pas déclaration de culpabilité, n'a aucune valeur probatoire

M. [J] [P] n'a pas reconnu sa responsabilité en remettant les coordonnées de sa police d'assurance et la copie du contrat

les attestations de témoins, qui ne sont pas conformes aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile, doivent être écartées des débats et n'ont aucune force probatoire alors qu'elles sont produites pour les besoins de la cause et qu'elles constituent un témoignage indirect et qu'en outre le témoignage de Mme [B] est un faux

la lettre « M » découverte sur le véhicule de M. [C] n'est pas de la main du jeune [V] [P]

enfin, le devis de réparation du véhicule ne correspond pas aux dégradations dénoncées dans la plainte du 4 juillet 2022 qui fait état de simples rayures de sorte que le lien de causalité entre le fait générateur et le dommage n'est pas démontré comme l'a indiqué le premier juge

Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité

Aux termes de l'article 1242 du code civil, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. (...) Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.

Il résulte de ce texte que, pour que soit présumée la responsabilité des père et mère d'un mineur, il suffit que celui-ci ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage invoqué par M. [C].

Il incombe à ce dernier de prouver, conformément à la loi, les faits reprochés à l'enfant [V] et leur lien avec le dommage dont il se prévaut à l'encontre de M. [J] [P], pris en sa qualité de représentant légal de son fils [V], conformément à l'article 9 du code de procédure civile. Cette preuve peut être apportée par tous moyens.

Sur ce,

Il est constant que M. [C] est propriétaire du véhicule Mitsubishi modèle Colt immatriculé [Immatriculation 7].

Il est établi qu'il a déposé plainte pour des faits de dégradations sur son véhicule les 4 juillet et 12 juillet 2022, ces plaintes ayant été enregistrées sous les numéros de procédure 2022/7312 et 2022/7722.

Seul est produit au débat le procès-verbal de dépôt de plainte du 4 juillet 2022 dans lequel il dénonce des faits de dégradations de son véhicule caractérisées par la présence de rayures sur l'ensemble de la carrosserie constatés le 1er juillet 2022 en précisant que le lendemain, il a vu le jeune [V] [P] récupérer des morceaux de bois à terre et dégrader des véhicules dont le sien sur lequel il a inscrit l'initial de son prénom « M ».

Il ressort du procès-verbal de convocation de M. [J] [P] en vue d'une audition libre du 20 juillet 2022 et de l'avis à victime du 26 juillet 2022 que le procureur de la République a classé sans suite les plaintes au regard de l'absence de discernement de l'enfant [V] [P], âgé de moins de 13 ans mais a fait obligation à M. [J] [P], son père civilement responsable, de transmettre ses coordonnées d'assurance pour la réparation des dommages causés.

Si la décision du procureur de la République de classement sans suite ne constitue pas un acte juridictionnel et n'est donc pas revêtu de l'autorité de la chose jugée en l'absence de décision définitive rendue par le juge pénal, il y a lieu de constater, qu'en l'espèce, cette décision n'est pas motivée par l'insuffisance de preuves ou de caractérisation de l'infraction ou encore la méconnaissance de l'auteur des faits mais au regard de l'absence de discernement de l'enfant [V] alors âgé de 12 ans au moment des faits et ainsi pénalement irresponsable.

La circonstance que le procureur de la République a assorti sa décision de l'obligation pour le civilement responsable de réparer le dommage causé à la victime rend vraisemblable les faits imputés à l'enfant [V], quand bien même les parties ne produisent pas la procédure pénale.

Au surplus, M. [C] produit deux attestations de témoins qui relatent des faits de dégradation de son véhicule par [V] [P].

M. [P] ne saurait utilement demander d'écarter des débats ces attestations au motif qu'elles n'observent pas les règles de forme prévues par l'article 202 du code de procédure civile en ce qu'elles ne comportent ni la date et le lieu de naissance ni la profession des témoins, alors qu'il relève du pouvoir souverain du juge d'apprécier la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui sont soumis, étant rappelé, cependant, qu'il est interdit de se constituer une preuve à soi-même.

Si ces attestations renferment des témoignages indirects de la part de Mme [B] et de Mme [K], ces derniers rapportent les faits indiqués par leurs enfants respectifs qui sont dépourvus de la capacité d'attester personnellement et ne pouvaient ainsi eux-mêmes témoigner. Alors que ces attestations font apparaitre une écriture identique, elles comportent néanmoins la signature de chacun de ces témoins et la copie de leur pièce d'identité respective.

Si le témoignage de Mme [B] est sujet à caution compte tenu de ses liens familiaux avec M. [C], en revanche, celui de Mme [K] confirme bien que [V] [P] a dégradé le véhicule de M. [C] à l'aide de morceaux de bois et de cailloux.

D'ailleurs, à la suite de son audition du 20 juillet 2022 au cours de laquelle il a été informé du classement sans suite de la plainte de M. [C] et de l'exigence d'avoir à remettre les coordonnées de son contrat d'assurance de responsabilité civile et de la copie de ce contrat, M. [J] [P] a remis lesdits documents.

L'ensemble de ces éléments constitue un faisceau d'indices rendant vraisemblable l'imputabilité des faits de dégradations du véhicule de M. [C] par l'enfant [V] [P].

M. [J] [P], dont il n'est pas contesté qu'il est civilement responsable de son fils mineur [V], sera donc tenu, à ce titre, d'indemniser le préjudice subi par M. [C].

Sur le préjudice matériel

Il appartient à M. [C] de rapporter la preuve de l'étendue de son préjudice.

Les photographies versées aux débats rendent compte des dégradations occasionnées au véhicule de M. [C] qui présentent de nombreuses rayures comme il l'a indiqué devant les services de police dans le cadre de son dépôt de plainte du 4 juillet 2022.

M. [C] produit un devis de la société General Auto du 28 juillet 2022 d'un montant total de 6 926,80 euros portant sur des travaux de reprise de la peinture du véhicule mais également sur le remplacement de pièces.

Il ne produit pas la plainte du 24 juin 2022 pour laquelle il avait remis un devis de réparations d'un montant de 3 040,25 euros ni celle du 12 juillet 2022 de sorte que la cour n'est pas en mesure de vérifier la concordance du devis avec la nature des dégradations.

Par ailleurs, la déclaration de sinistre qu'il a régularisée le 3 novembre 2021 auprès de son assureur vise un sinistre du 25 octobre 2021, soit une date antérieure au dépôt de plainte du 4 juillet 2022.

Enfin, les attestations de témoins produites ne sont pas davantage de nature à établir la consistance du préjudice matériel subi par M. [C].

En définitive, seules les dégradations consécutives aux rayures du véhicule doivent être prises en charge par M. [P] à hauteur de la somme de 3 032,58 euros TTC telle que prévue au devis précité.

Sur le préjudice moral

Le préjudice moral subi par M. [C] est certain au regard de l'état matériel de son véhicule après les dégradations survenues.

Ce préjudice sera réparé par l'allocation de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts au paiement de laquelle M. [P] sera condamné.

Il résulte des éléments qui précèdent que le jugement critiqué sera réformé en ce qu'il a débouté M. [C] de ses demandes indemnitaires.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

L'exercice d'une action en justice ou l'exercice d'une voie de recours constitue en principe un droit ne dégénérant en abus qu'en cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

En outre une procédure ne peut être abusive au seul motif qu'elle n'est pas bien fondée si l'intention de nuire n'est pas démontrée.

En, l'espèce, eu égard à l'issue du litige et alors au surplus que la preuve de la mauvaise foi ou de l'intention de nuire de M. [C] n'est pas démontrée, M. [P] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit :

- d'une part à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

- et d'autre part, à condamner M. [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel, et à payer à M. [C] la somme totale de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure au titre des procédures de première instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu le 15 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Dunkerque en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Condamne M. [J] [P], pris en sa qualité de représentant légal et civilement responsable de son fils mineur, [V] [P], à payer à M. [E] [C], à titre de dommages et intérêts, les sommes suivantes :

3 032,58 euros au titre du préjudice matériel

1 000 euros au titre du préjudice moral

Déboute M. [J] [P], pris en sa qualité de représentant légal et civilement responsable de son fils mineur, [V] [P], de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne M. [J] [P], pris en sa qualité de représentant légal et civilement responsable de son fils mineur, [V] [P], à payer les dépens de première instance et d'appel ;

Condamne M. [J] [P], pris en sa qualité de représentant légal et civilement responsable de son fils mineur, [V] [P], à payer à M. [E] [C] la somme totale de 2 000 euros au titre des frais exposés en première instance et en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 23/02994
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.02994 ?
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