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20/06/2024 | FRANCE | N°23/01368

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 20 juin 2024, 23/01368


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 20/06/2024





****





N° de MINUTE : 24/204

N° RG 23/01368 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U2AG



Jugement (N° 22/03567) rendu le 10 Janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer







APPELANTE



SA Enedis prise en la personne de sa direction située [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès

qualité audit siège.

[Adresse 5]

[Localité 7]



Représentée par Me Manuel Buffetaud, avocat au barreau de Lille, avocat constitué





INTIMÉS



Madame [D] [V] épouse [R]

née le [Date naissance...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 20/06/2024

****

N° de MINUTE : 24/204

N° RG 23/01368 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U2AG

Jugement (N° 22/03567) rendu le 10 Janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer

APPELANTE

SA Enedis prise en la personne de sa direction située [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège.

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Manuel Buffetaud, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉS

Madame [D] [V] épouse [R]

née le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Monsieur [X] [R]

né le [Date naissance 3] 1978 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentés par Me Elodie Altazin, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 27 mars 2024 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui,, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 14 mars 2024

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

M. [X] [R] et Mme [D] [V], épouse [R] (les époux [R]) sont propriétaires d'un immeuble. Le 17 décembre 2018, une surtension par rupture de neutre est survenue sur le réseau de distribution d'électricité sous concession de la SA Enedis. Cette surtension a occasionné des dommages sur les équipements électriques des époux [R].

Les époux [R] ont déclaré le sinistre à leur assureur, la société Macsf puis au GIE Civis, leur protection juridique, lequel a mis en demeure la SA Enedis de leur régler la somme de 16 936,09 euros en réparation de leur préjudice matériel.

Une expertise amiable a été organisée, à l'issue de laquelle, le cabinet Elex, mandaté par le GIE Civis et le cabinet Naudet, missionné par la SA Enedis, ont chiffré les dommages matériels à la somme de 11 481,04 euros en valeur à neuf et à la somme de 9 037,81 euros vétusté déduite suivant procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages du 8 juillet 2019. En outre, le cabinet Naudet a précisé dans ce procès-verbal qu'il chiffrait la valeur de remplacement à la somme de 8 895,67 euros.

Par courrier du 19 juillet 2019, le GIE Civis a présenté une réclamation au titre du préjudice matériel à hauteur de 9 037,81 euros ainsi qu'une demande d'indemnisation du trouble de jouissance subi par les époux [R] évaluée sur la base d'un loyer mensuel de 950 euros et à raison d'une durée de cinq mois.

Après avoir dans un premier temps, proposé une indemnisation à hauteur de

8 895,67 euros correspondant à la valeur de remplacement des biens endommagés et refusé d'indemniser le trouble de jouissance allégué, la SA Enedis a maintenu sa proposition au titre du préjudice matériel et a offert une somme de 500 euros indemnisant le trouble de jouissance des époux [R].

Aucun accord n'étant intervenu, par acte du 27 juillet 2022, les époux [R] ont fait assigner la SA Enedis devant le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer afin d'obtenir une somme de 13 502,36 euros au titre de leur préjudice matériel, une somme de 13 000 euros au titre du préjudice de jouissance, outre la somme de

2 500 euros au titre des frais irrépétibles et la condamnation de la SA Enedis aux entiers frais et dépens.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 10 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer a notamment :

condamné la SA Enedis à payer aux époux [R] la somme de 11 481,04 euros en réparation de leur préjudice matériel ;

condamné la SA Enedis à payer aux époux [R] la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance ;

condamné la SA Enedis aux dépens ;

autorisé, si elle en fait l'avance sans en avoir reçu provision, la Selarl Altazin avocat à recouvrer directement les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

condamné la SA Enedis à payer aux époux [R] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 20 mars 2023, la SA Enedis a formé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 13 décembre 2023, la SA Enedis demande à la cour, au visa des articles 902, 122 et suivants, 564 et suivants du code de procédure civil et des articles 1346, 1245-1, 1245-16 et 1303 et suivants du code civil, de :

=$gt; réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en ce qu'il l'a condamnée à payer aux époux [R] :

la somme de 11 481,04 euros au titre de leur préjudice matériel ;

la somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance ;

la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l'instance ;

statuant à nouveau,

fixer le montant des préjudices matériels indemnisables des époux [R] à hauteur de la valeur de remplacement, soit la somme de 8 895,67 euros ;

faire application de la franchise de 500 euros prévue par l'article 1245-1 du code civil et le décret n° 2005-113 du 11 février 2005 et déduire cette somme de toutes condamnations qui seront mises à sa charge ;

déclarer les époux [R] irrecevables , pour défaut de qualité à agir en remboursement de la somme de 4 840 euros préalablement versée par la Macsf le 25 novembre 2019, légalement subrogée en leurs droits ;

les condamner à lui rembourser cette somme, versée dans le cadre de l'exécution provisoire de droit ;

les débouter des demandes indemnitaires présentées au titre de leur appel incident, toutes causes confondues ;

fixer en conséquence la créance indemnitaire des époux [R] détenue à son encontre pour le préjudice matériel à la somme de 8 895,67 euros '

4 840 euros ' 500 euros, soit 3 555,67 euros ;

réduire à de plus justes proportions le préjudice de jouissance arrêté à tort par la cour (sic) à la somme de 5 000 euros ;

dire que toute réduction des créances indemnitaires entraînera condamnation des époux [R] à lui rembourser le trop-perçu sur la somme de 18 631,94 euros versée dans le cadre de l'exécution provisoire de droit du jugement entrepris ;

condamner les époux [R] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

les condamner aux entiers dépens de l'appel, en ce compris les frais de signification de la déclaration d'appel rendue nécessaire en raison de leur absence de constitution dans le mois imposé par l'article 902 du code de procédure civile.

À l'appui de ses prétentions, la SA Enedis fait valoir que :

il appartient aux époux [R] de prouver la réalité des dommages en lien de causalité avec la surtension ainsi que la valeur de remplacement des biens irréparables ;

en effet, le principe de la réparation intégrale est assuré par le remboursement des frais de remise en état ou par l'indemnisation de la valeur de remplacement si le bien n'est pas réparable ou la réparation inopportune ;

la valeur de remplacement est le prix d'acquisition au jour du sinistre d'un bien identique quant à son ancienneté, son état général, ses caractéristiques et ses performances ;

la valeur de remplacement ne se limite pas à la valeur à neuf, l'évaluation doit se faire in concreto, et la valeur vénale de la chose peut être retenue dans l'évaluation du préjudice dès lors qu'une autre évaluation serait de nature à procurer un avantage indu ;

la demande des époux [R] tendant à voir le montant de leur préjudice majoré du taux d'inflation constitue une demande nouvelle proscrite en vertu de l'article 564 du code de procédure civile ;

en outre, les époux [R] ont été indemnisés par leur assurance à hauteur de 4 840 euros et ont ainsi perdu qualité à agir en remboursement d'une telle somme, dès lors que leur assureur est subrogé dans leurs droits à hauteur de ce montant, et sont par conséquent irrecevables en leur demande conformément à l'article 122 du code de procédure civile ;

alors qu'ils ont été indemnisés partiellement par leur assureur et qu'une somme de 11 481,04 euros leur a été versée au titre de l'exécution provisoire du jugement querellé, les époux [R] ont perçu une indemnisation supérieure à celle qu'ils réclamaient, et un enrichissement injustifié est caractérisé, lequel justifie de les condamner in solidum à rembourser la somme de 4 840 euros ;

enfin, le jugement doit être confirmé en sa motivation relative à la demande indemnitaire complémentaire des époux [R] s'agissant de la somme de 2 021,32 euros dès lors que la matérialité de ces désordres complémentaires n'a jamais été constatée contradictoirement ;

concernant le préjudice de jouissance, seule une perte de jouissance partielle a existé et la durée de 14 mois alléguée par les époux [R] n'est pas démontrée, d'autant que :

des réparations avaient été effectuées avant la fin d'un tel délai ;

l'encombrement consistant en la conservation des matériels détériorés a pu cesser en juillet 2019 ;

son offre indemnitaire de novembre 2019 a été refusée ;

elle n'est pas responsable de la durée des opérations d'expertise, et il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir indemnisé les époux [R] avant d'avoir pu constater la matérialité des désordres.

4.2. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 18 janvier 2024, M. et Mme [R], intimés et appelants incidents, demandent à la cour, au visa des articles 1245 et suivants du code civil, de :

=$gt; réformer partiellement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer du 10 janvier 2023 ;

statuant à nouveau,

constater l'accord des parties sur la responsabilité de la SA Enedis ;

déclarer la SA Enedis responsable de la surtension qu'ils ont subie le 16 décembre 2019 ;

dire et juger qu'ils sont recevables et bien fondés en l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

débouter la SA Enedis de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

condamner la SA Enedis au paiement de la somme de 15 057,32 euros au titre de l'indemnisation du matériel, somme tenant compte de la majoration du taux d'inflation ;

condamner la SA Enedis au paiement de la somme de 950 euros par mois à compter du 17 décembre 2018 en réparation du préjudice pour trouble de jouissance ;

condamner la SA Enedis à leur verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la SA Enedis aux entiers frais et dépens.

À l'appui de leurs prétentions, M. et Mme [R] font valoir que :

la SA Enedis ne contestant pas sa responsabilité, elle doit réparer intégralement leurs préjudices sans que cette réparation ne soit minorée par l'application d'un coefficient de vétusté ou d'un référentiel « marché d'occasion » ;

la réparation du préjudice ne dépend pas de la valeur vénale ou du taux d'usure, mais plutôt de la valeur de remplacement correspondant à la somme nécessaire pour l'achat d'un bien équivalent ;

le préjudice matériel doit être évalué en tenant compte du chiffrage du cabinet Elex et du chiffrage complémentaire de 2 021,32 euros correspondant au matériel stocké dans leur famille et omis lors de l'expertise ;

il convient de majorer du taux d'inflation l'indemnisation réparant leur préjudice matériel, dès lors que les devis ont été établis avant l'inflation, et que leur indemnisation a tardé en raison de la lenteur avec laquelle la SA Enedis a traité cet incident ;

il ne s'agit pas d'une demande nouvelle, mais d'une demande accessoire à la demande indemnitaire déjà présentée en première instance ;

le trouble de jouissance doit être indemnisé, étant rappelé que la surtension est intervenue en décembre 2018 et qu'aucun versement provisionnel n'a été effectué par la SA Enedis, alors qu'ils ont été privés de chauffage durant tout l'hiver 2018, et que leur assureur n'a accepté de mettre en 'uvre sa garantie que le 25 novembre 2019 ;

il ne saurait leur être reproché de ne pas s'être rééquipés plus rapidement, et il n'est pas possible de minorer l'indemnisation de leur trouble de jouissance en raison du partage de responsabilité allégué ;

la nécessité de recourir à des chauffages d'appoint durant l'hiver 2019-2020 a entraîné une surconsommation électrique qui doit être indemnisée ;

leur indemnisation ne pourrait être minorée de la somme de 4 840 euros au motif que l'action subrogatoire de leur assureur, qui leur a versé cette somme, serait prescrite à l'égard de la SA Enedis.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité partiel à agir :

Aux termes de l'article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

Cette irrecevabilité constitue une fin de non-recevoir laquelle peut être soulevée en tout état de cause en application des articles 122 et 123 du code de procédure civile, et tend à faire sanctionner le défaut de droit d'agir d'une partie.

Sur ce,

Selon l'article L. 121-12 du code des assurances, dans les assurances de dommages, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

Or, celui qui, après avoir été indemnisé, a subrogé son assureur dans ses droits, n'a plus qualité pour agir contre le responsable à concurrence du montant indemnisé par son assureur.

Il incombe ainsi à la SA Enedis de justifier de l'existence de la subrogation de l'assureur des intimés, étant rappelé que la preuve du paiement effectué par l'assureur subrogé peut être rapportée par tout moyen, conformément aux dispositions de l'article 1342-8 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

La SA Enedis verse aux débats le recours subrogatoire à hauteur de 4 840 euros que lui a présenté la société Macsf. Ce courrier est accompagné du justificatif du règlement de cette somme opéré par la Macsf auprès de ses assurés, M. et Mme [R], en exécution du contrat d'assurance souscrit par ces derniers.

Il est donc démontré que les intimés ont été partiellement indemnisés de leur préjudice matériel par leur assureur, et que ce dernier est légalement subrogé dans leurs droits à hauteur de 4 840 euros.

Si les époux [R] rappellent que leur assureur a opposé dans un premier temps un refus de garantie, ils ne contestent pas qu'une indemnité a finalement été réglée par celui-ci.

Par conséquent, ils n'ont plus qualité à agir pour réclamer au responsable de leur dommage l'entière indemnisation de leur préjudice matériel, l'assureur étant subrogé dans leurs droits à hauteur de l'indemnité déjà versée.

En vertu du principe de réparation intégrale sans perte ni profit, l'action de M. et Mme [R] n'est plus recevable que pour la fraction de leur préjudice matériel non indemnisée par leur assureur.

Ainsi, ils seront déclarés irrecevables uniquement en ce qu'ils sollicitent le remboursement de la somme de 4 840 euros préalablement versée par leur assureur subrogé dans leurs droits.

Sur le caractère nouveau d'une demande en cause d'appel :

Alors que la SA Enedis développe un moyen relatif au caractère nouveau de la demande incidente des intimés, qui sollicitent pour la première fois à hauteur d'appel de majorer du taux d'inflation l'indemnité réparant leur préjudice matériel, aucune demande d'irrecevabilité n'est formée à ce sujet dans le dispositif de ses conclusions. Par conséquent, la cour n'est saisie d'aucune demande tendant à voir déclarer irrecevable la demande incidente de intimés.

Au surplus, en application des dispositions des articles 564 à 566 du code de procédure civile, les demandes ne sont pas nouvelles en cause d'appel, dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, et les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises à ce dernier les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence, ou le complément nécessaire.

Or, la demande incidente tendant à majorer la créance indemnitaire du taux de l'inflation constitue en réalité une demande accessoire aux prétentions déjà présentées en première instance, de sorte qu'elle est parfaitement recevable.

Sur le préjudice matériel :

À titre liminaire, il s'observe que la SA Enedis ne conteste pas que sa responsabilité soit engagée sur le fondement des articles 1245 et suivants du code civil, ni qu'il lui incombe de réparer les préjudices subis par M. et Mme [R].

Néanmoins, il appartient aux intimés de justifier que les biens pour lesquels ils sollicitent une indemnisation ont été endommagés à l'occasion de la surtension.

Or, s'agissant de la somme complémentaire réclamée à hauteur de 2 021,32 euros pour les biens que M. et Mme [R] n'auraient pas présentés à l'occasion de l'expertise, ceux-ci échouent à rapporter la preuve que ces biens ont effectivement été endommagés lors du sinistre.

Ainsi, seuls doivent être indemnisés les biens pour lesquels les experts ont retenu la surtension comme cause de leur endommagement, ce que ne conteste pas la SA Enedis.

Le principe de réparation intégrale sans perte ni profit, en vertu duquel le dédommagement dû par le responsable doit couvrir tout le dommage mais rien que le dommage sans qu'il n'en résulte ni appauvrissement, ni enrichissement pour la victime, implique le droit pour celle-ci de retrouver son bien dans l'état dans lequel il se trouvait avant l'accident. Ainsi, la détérioration ou la destruction d'un bien peut être indemnisée selon la valeur de remplacement ou le coût des réparations. En outre, ce principe conduit à calculer l'indemnité en considération de la valeur du bien au jour du jugement, ce qui permet ainsi de tenir compte de la hausse du coût de la vie ou de la dépréciation de la monnaie survenues depuis le jour du dommage.

Si les experts se sont accordés sur la valeur vétusté déduite, seul le cabinet Naudet a chiffré la valeur de remplacement, son rapport d'expertise présentant une évaluation détaillée de la vétusté de chaque bien et de la valeur de remplacement des biens non économiquement réparables.

Faute pour M. et Mme [R] de justifier de la valeur de remplacement de leurs biens, la cour retient l'évaluation du préjudice matériel telle que fixée par le cabinet Naudet à la somme de 8 895,67 euros, celle-ci prenant en considération la valeur de remplacement des biens endommagés.

Par ailleurs, M. et Mme [R] ne produisent aucune pièce de nature à démontrer la surconsommation électrique qu'ils allèguent en raison de l'utilisation temporaire de chauffages d'appoint ; ils sont déboutés de leur demande sur ce point.

Il convient en revanche de tenir compte de l'inflation depuis 2019, année du chiffrage des dommages matériels par les experts, étant rappelé que la victime n'est pas tenue de minimiser son dommage dans l'intérêt du responsable. A cet égard, il ne peut être reproché à M. et Mme [R] de ne pas avoir procédé au remplacement de leurs biens avant d'être indemnisés par la SA Enedis.

Les intimés justifiant de l'évolution du taux d'inflation depuis de 2019 à 2024 à hauteur de 13,5% (pièce n° 31), le montant de leur préjudice matériel sera fixé à la somme de 10 096,58 euros.

Il conviendra toutefois de déduire de cette somme le montant de l'indemnité versée par leur assureur, de sorte qu'il reste 5 256,58 euros après déduction de la somme de 4 840 euros.

Enfin, en vertu de l'article 1245-1 du code civil, une franchise doit également être déduite du montant réparant le préjudice de M. et Mme [R]. Le décret n° 2005-113 du 11 février 2005 fixe le montant de cette franchise à la somme de 500 euros.

En conséquence, la SA Enedis sera condamnée à payer aux époux [R] la somme de 4 756,58 euros en réparation de leur préjudice matériel.

Le jugement querellé sera ainsi réformé en ce qu'il a condamné la SA Enedis à leur payer la somme de 11 481,04 euros au titre du préjudice matériel.

Sur le préjudice de jouissance :

M. et Mme [R] allèguent un préjudice de jouissance, aux motifs qu'ils se sont retrouvés sans chauffage durant tout l'hiver 2018 et jusqu'à l'achat de radiateurs en fonte en novembre 2019, qu'ils se sont trouvés privés de l'usage de leurs appareils électriques, tels le four, les plaques de cuisson, le lave-linge et le lave-vaisselle pendant plus d'une douzaine de mois faute de pouvoir en racheter, et qu'ils ont dû stocker du matériel endommagé pendant plus de huit mois dans l'attente de l'expertise.

Comme rappelé précédemment, la victime n'est pas tenue de minimiser son préjudice dans l'intérêt du responsable du dommage. Par conséquent, malgré l'indemnisation partielle du préjudice matériel réglée par l'assureur le 25 novembre 2019, il ne peut être reproché à M. et Mme [R] de ne pas avoir racheté les biens endommagés dans l'attente de l'indemnisation de la SA Enedis.

En outre, M. et Mme [R] pouvaient valablement contester les offres proposées par la SA Enedis, dès lors que celles-ci ne réparaient pas intégralement leur préjudice de jouissance.

M. et Mme [R] établissent qu'ils sont restés sans chauffage pendant un hiver, soit de décembre 2018 à novembre 2019, sans four jusqu'en mai 2020, sans lave-vaisselle jusqu'en juillet 2021 et sans plaque de cuisson jusqu'en avril 2022, et démontrent ainsi l'existence d'un préjudice de jouissance.

Il s'observe toutefois qu'ils ont pu occuper leur logement après le sinistre, et que leur trouble de jouissance se réduisait nécessairement à mesure du remplacement des appareils endommagés.

Dans ces conditions, la somme de 1 500 euros répare intégralement leur préjudice de jouissance, et il convient de réformer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la SA Enedis à leur payer la somme de 5 000 euros à ce titre.

Sur la restitution des sommes versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire :

Le présent arrêt, réformatif sur le montant des condamnations prononcées à l'encontre de la SA Enedis en réparation du préjudice matériel et de jouissance, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement au-delà du montant de la condamnation d'appel, étant précisé que les sommes devant être restituées portent intérêts au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.

En conséquence, il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution des sommes ainsi versées dans le dispositif du présent arrêt.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens de l'arrêt et l'équité conduisent à :

confirmer le jugement attaqué en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la SA Enedis aux entiers dépens d'appel, en ce compris les frais de signification de la déclaration d'appel, rejeter la demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et laisser aux parties la charge de leurs frais irrépétibles en considération de la succombance partielle de l'appelante.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 10 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a :

condamné la SA Enedis à payer à M. [X] [R] et à Mme [D] [V], épouse [R], la somme de 11 481,04 euros en réparation de leur préjudice matériel,

- condamné la SA Enedis à payer M. [X] [R] et à Mme [D] [V], épouse [R], la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

Le réforme en ces seules dispositions,

Prononçant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de M. [X] [R] et de Mme [D] [V], épouse [R], tendant au remboursement de la somme de 4 840 euros réglée par leur assureur, la société Macsf, subrogé dans leurs droits,

Condamne la SA Enedis à payer à M. [X] [R] et Mme [D] [V], épouse [R], la somme de 4 756,58 euros en réparation de leur préjudice matériel,

Condamne la SA Enedis à payer à M. [X] [R] et Mme [D] [V], épouse [R], la somme de 1 500 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

Condamne la SA Enedis aux dépens de la procédure d'appel,

Laisse à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le Greffier Le Président

H. Poyteau G. Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 23/01368
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.01368 ?
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