COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 24/01242 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VTSN
N° de Minute :
Ordonnance du mercredi 19 juin 2024
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [G] [L]
né le 03 Janvier 1959 à [Localité 2] COLOMBIE
de nationalité Colombienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 3]
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me Marie JOURDAIN, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office et de Mme [J] [D] interprète assermenté en langue espagnole, tout au long de la procédure devant la cour
INTIMÉ
M. LE PREFET DU [Localité 4]
dûment avisé, absent représenté, représenté par Maître Romain DUSSAULT, Centaure Avocats, barreau de Paris, substitué par Maître Marine PEDRO, avocat au barreau de Douai
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE (E) : Danielle THEBAUD, conseillère à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière
DÉBATS : à l'audience publique du mercredi 19 juin 2024 à 13 h 15
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le mercredi 19 juin 2024 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de LILLE en date du 18 juin 2024notifiée à 11 h 23 prolongeant la rétention administrative de M. [G] [L] ;
Vu les interjetés par M. [G] [L] et son conseil par déclarations reçues au greffe de la cour d'appel de ce siège respectivement le 18 juin 2024 à 16 h 23 et 19 juin 2024 à 11 h 03 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [G] [L], né le 3 janvier 1959 à [Localité 2] (Colombie), de nationalité Colombienne, a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par M. le préfet du [Localité 4] le 14 juin 2024 à 13h40 pour l'exécution d'un éloignement, sur la base d'une décision de transfert du 15 juin 2024, dans le cadre d'un accord de réadmission de l'intéressé sur le territoire national espagnol, sollicitée dans le cadre du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013, en date du 12 avril 2023, autorisant de fait la réadmission de l'intéressé sur le territoire national espagnol, la validité de l'accord ayant été prolongée pour une durée de 18 mois par déclaration de fuite du 3 juillet 2023.
Un recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille en date du 18 juin 2024 notifiée à 11h25, déclarant régulier le placement en rétention administrative et ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l'intéressé pour une durée de 28 jours,
Vu la déclaration d'appel de M. [G] [L] du 18 juin 2024 à 16h23, et la déclaration d'appel du 19 juin 2024 à 11h03, sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative.
Au soutien de sa première déclaration d'appel l'appelant soutient les moyens suivants :
- erreur d'appréciation de l'arrêté de placement en rétention administrative au regard du risque de fuite,
- incompétence de l'auteur de la saisine du juge des libertés et de la détention pour défaut de
Au soutien de sa seconde déclaration d'appel l'appelant soutient les moyens suivants :
- insuffisance de motivation du risque non négligeable de fuite,
- l'erreur d'appréciation quant au risque de fuite.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Déclare les appels enregistrés sous les numéros RG 24/1242 et RG 24/124 recevables, et ordonne leur jonction sous le numéro de RG 24/1242
Sur le moyen tiré de la délégation de compétence du signataire de la requête saisissant le juge des libertés et de la détention
Il ressort des pièces du dossier que le signataire de la requête saisissant le juge des libertés et de la détention Elodie Queva disposait de la signature préfectorale pour la période concernée.
Il est en outre constant que, face à une délégation de compétence accordée en cas d'empêchement, la seule signature du délégataire suffit pour établir que l'autorité délégante ne pouvait pas signer.
(Cass 2ème Civ 7 octobre 2004 n°03-50.042).
Le moyen est inopérant.
Sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du risque non négligeable de fuite et l'erreur d'appréciation de l'arrêté de placement en rétention administrative quant au rique de fuite
Il ressort des dispositions de l'article L.572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que : " Sous réserve du troisième alinéa de l'article L. 571-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. "
Ce qui est en l'espèce le cas de M. [G] [L].
Il ressort des dispositions des articles L 741-1 renvoyant à l'article L 612-3, L 751-9 et L 753-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative ne peut placer un étranger en situation irrégulière en rétention administrative que dans les cas et conditions des dits articles après prise en compte de son état éventuel de vulnérabilité :
1) Lorsque, de manière générale, l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes pour prévenir le risque de se soustraire à l'application du titre d'éloignement dans les cas prévus par l'article L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.
2) Lorsque, dans le cas spécifique d'un étranger faisant l'objet d'une prise ou d'une reprise en charge par un autre pays de l'Union Européenne selon la procédure dite "DUBLIN III", il existe "un risque non négligeable de fuite" tel que défini par l'article L 751-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et lorsque dans cette hypothèse le placement en rétention administrative est proportionné.
3) Lorsque, s'agissant d'un étranger qui a déposé une demande d'asile en France avant toute privation de sa liberté, il existe des raisons impérieuses de protection de l'ordre public ou de la sécurité nationale.
Il apparaît en l'espèce que l'arrêté préfectoral de placement en rétention a considéré, au visa des articles L 751-9 et L 751-10, que l'étranger appelant, relevant d'une procédure dite "Dublin III", présentait un "risque non négligeable de fuite" rendant la restriction de liberté proportionnée audit risque, notamment pour :
- Ne pas bénéficier des conditions matérielles d'accueil prévues au titre V du livre V et ne pouvoir justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente (7°) ;
Il appert que l'administration a motivé son arrêté en visant le critère ci-dessus mentionné, il n'appartient pas au juge judiciaire de statuer sur la pertinence de la motivation qui relève du juge administratif.
S'agissant de l'erreur d'appréciation du risque non négligeable de fuite, il y a lieu de constater que le fait que l'intéressé se trouve présent sur le territoire français sans justifier l'avoir quitté, n'est effectivement pas un critère définissant le risque non négligeable de fuite prévue par l'article L.751-9 de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ressort de l'arrêté de placement en rétention administrative, que l'administration a considéré que M. [G] [L] ne pouvait justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente, en ce qu'il est mentionné de manière lacunaire dans l'arrêté, qu'il " déclare résider au [Adresse 1] ", or dans son audition devant les services de police le 17 juin 2024, à la question lui demandant s'il détient un document attestant qu'il réside chez quelqu'un en France, l'intéressé a indiqué " dans ma fouille j'ai un papier qui doit le mentionner, je pense que c'est une quittance de loyer par le propriétaire qui me loue la chambre ". Lors de l'audience devant la cour d'appel, M. [G] [L] a remis une attestation d'hébergement de M. [R] [F] [T] en date du 6 novembre 2023, conjoint de Mme [Z], en expliquant qu'il l'avait dans sa fouille et que les policiers ne lui ont pas laissé la montrer, et que tous les mois les consorts [F]-[Z], qui lui loue la chambre pour 430 euros, lui délivrent une telle attestation, qui lui sert pour trouver un travail. Il figure d'ailleurs à la procédure une attestation de Mme [Z], qui indique qu'elle l'héberge à l'adresse mentionnée avec son mari, et qui est datée du 5 december 2023, puis une récente de de Mme [Z] présentée en cause d'appel datée du 17 juin 2024. Il appert que l'administration n'a pas procédé à ces vérifications qui lui aurait permis de vérifier l'existence d'un logement. En cause d'appel, il a versé l'attestation qu'il détenait dans sa fouille, et qui aurait permis à l'administration de se rendre compte qu'il justifiait d'une résidence effective. Il échet donc de constater qu'il dispose d'une résidence personnelle, et que l'administration a commis une erreur d'appréciation. En outre, il ne s'est pas opposé à son transfert vers l'Espagne.
Il convient de déclarer le placement en rétention administrative de M. [G] [L] irrégulier, d'infirmer l'ordonnance dont appel, et de lever la rétention de l'intéressé.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE les appels enregistrés sous les numéros RG 24/1242 et RG 24/1243 recevables, et ORDONNE leur jonction sous le numéro de RG 24/1242
DÉCLARE la requête de M. le préfet du [Localité 4] recevable ;
INFIRME l'ordonnance entreprise,
Statuant à nouveau,
DECLARE le placement en rétention administrative de M. [G] [L] irrégulier,
LEVE le placement en rétention administrative de M. [G] [S]
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l'appelant, à son conseil et à l'autorité administrative ;
LAISSE les dépens à la charge de l'Etat.
Véronique THÉRY,
greffière
Danielle THEBAUD, conseillère
N° RG 24/01242 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VTSN
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 19 Juin 2024 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le mercredi 19 juin 2024 :
- M. [G] [L]
- l'interprète
- l'avocat de M. [G] [L]
- l'avocat de M. LE PREFET DU [Localité 4]
- décision notifiée à M. [G] [L] le mercredi 19 juin 2024
- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU [Localité 4] et à Maître Marie JOURDAIN le mercredi 19 juin 2024
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général :
- copie à l'escorte, au Juge des libertés et de la détention de LILLE
Le greffier, le mercredi 19 juin 2024
N° RG 24/01242 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VTSN