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13/06/2024 | FRANCE | N°23/01963

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 13 juin 2024, 23/01963


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 13/06/2024





****





N° de MINUTE :

N° RG 23/01963 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U323



Jugement (N° 2022002999) rendu le 07 mars 2023 par le tribunal de commerce de Lille Métrople







APPELANTE



SELAS MJS Partners en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Flasche, désigné à cette fonction par jugement du tribunal de commerc

e de Lille Métropole en date du 22 décembre 2020

ayant son siège social, [Adresse 2]



représentée par Me Thomas Deschryver, avocat constitué, substitué par Me Stéphanie Forest, avocats au barreau...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 13/06/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 23/01963 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U323

Jugement (N° 2022002999) rendu le 07 mars 2023 par le tribunal de commerce de Lille Métrople

APPELANTE

SELAS MJS Partners en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Flasche, désigné à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 22 décembre 2020

ayant son siège social, [Adresse 2]

représentée par Me Thomas Deschryver, avocat constitué, substitué par Me Stéphanie Forest, avocats au barreau de Lille

INTIMÉE

SAS Chauffamat, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 1]

représentée par Me Aurélie Jeanson, avocat au barreau de Lille, avocat constitué,

assistée de Me Christian Lequint, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

DÉBATS à l'audience publique du 19 mars 2024 tenue par Nadia Cordier, magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphanie Barbot, présidente de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Anne Soreau, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 février 2024

****

FAITS ET PROCEDURE

 

Le 21 septembre 2020, la société Flasche a été placée en redressement judiciaire, la SELAS BMA ayant été désignée en qualité d'administrateur judiciaire et la SELAS MJS Partners, en qualité de mandataire judiciaire.

Le 30 septembre 2020, le commissaire-priseur a établi l'inventaire des biens de la société.

Le 9 octobre 2020, un détail du stock impayé détenu a été dressé par la société Flasche pour être annexé à l'inventaire.

Par jugement du 22 décembre 2020, le tribunal de commerce de Lille Métropole a arrêté le plan de cession des actifs et activité de la société précitée au profit de la société Avica.

Par jugement du 22 décembre 2020, ce même tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société Flasche, mettant fin à la mission de SELAS BMA, ès qualités, sauf en ce qui concerne les actes de cession, et nommant la SELAS MJS Partners, en qualité de liquidateur judiciaire.

Par lettre recommandée du 7 décembre 2020, la société Chauffamat a revendiqué entre les mains de l'administrateur judiciaire :

- «  la restitution et/ou le règlement des marchandises en stock au jour du jugement, en vertu des dispositions des articles L.624-16 et suivants du code de commerce,

- le prix de revente des marchandises qui n'a pas été payé par les clients finaux à la société débitrice à la date du jugement d'ouverture ouvrant la procédure collective, en application des dispositions des articles L.624-18 du code de commerce ».

Par courrier du 15 décembre 2020, l'administrateur judiciaire a refusé de faire droit à la demande de revendication en indiquant que le matériel revendiqué n'était plus présent en stock lors de l'inventaire établi par le commissaire-priseur.

Le 28 décembre 2020, la SAS Chauffamat a saisi le juge-commissaire.

Par ordonnance du 21 janvier 2022, le juge-commissaire a rejeté les demandes de la société Chauffamat en revendication des stocks et en restitution de prix.

Le 4 février 2022, la société Chauffamat a formé opposition à cette ordonnance.

Le 7 mars 2023, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- infirmé l'ordonnance du juge-commissaire ;

- débouté la SELAS MJS Partners, ès qualités, et la société Flasche, en liquidation judiciaire, de l'ensemble de leurs demandes ;

- fait droit à la revendication de la société Chauffamat ;

- autorisé la restitution des marchandises objets des bons de livraison et factures visés ci-dessus ou leur règlement en contre-valeur par la SELAS MJS Partners, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Flasche, soit la somme de 26 657,35 euros ;

- condamné la SELAS MJS Partners, ès qualités, à payer à la société Chauffamat la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la même, ès qualités, aux entiers dépens.

Par déclaration du 24 avril 2023, le liquidateur judiciaire de la société Flasche a interjeté appel de ce jugement.

PRETENTIONS

Par conclusions signifiées le 20 février 2024, la société MJS Partners, ès qualités, demande à la cour, au visa des articles et suivants L. 624.16 du code de commerce et suivants du code de commerce applicables à la liquidation judiciaire, des articles R624-13 et suivants du code de commerce applicables à la liquidation judiciaire, de :

- débouter la société Chauffamat de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- annuler ou réformer ou infirmer le jugement ;

Statuant à nouveau :

A titre principal :

- dire et juger que la clause de réserve de propriété n'est opposable au liquidateur judiciaire de la société Flasche que pour la facture n°338320/16406 et les bons de livraison n°303366/16406, 302840/16406, 303452/16406 et 304106/16406 d'un montant total de 10.808,83 euros TTC ;

- En conséquence : dire et juger que l'examen de la demande de la société ne peut porter que sur la somme de 10.808,83 euros TTC ;

En tout état de cause :

- dire et juger que la société Chauffamat n'identifie pas précisément les marchandises revendiquées ;

- dire et juger que l'inventaire des biens de la société Flasche établi par le commissaire-priseur en date du 30 septembre 2020 est complet ;

- dire et juger que la société Chauffamat ne prouve pas (dans la limite de 10.808,83 euros TTC) que les biens revendiqués étaient présents en nature dans le patrimoine de la société Flasche au jour de l'ouverture de la procédure collective ;

- dire et juger que la société Chauffamat n'est pas fondée en sa demande de revendication

- dire et juger que la société Chauffamat n'est pas fondée à demander la revendication du prix de sa marchandise qui n'aurait pas encore été payé au sous-acquéreur et débouter en conséquence la société Chauffamat de cette demande ;

En conséquence :

- débouter la société Chauffamat de se demande en revendication ;

- rejeter l'ensemble des demandes formulées par la société Chauffamat ;

- condamner la société Chauffamat à payer à SELAS MJS Partners, ès qualités, la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens.

Le liquidateur fait grief au tribunal d'avoir jugé que :

- la clause de réserve de propriété mentionnée sur une partie des factures et bons de livraison était opposable à tout le périmètre de la revendication de la société Chauffamat ;

- l'inventaire établi par le commissaire-priseur était incomplet de sorte que la charge de la preuve était inversée ;

Il revient sur la présence ou pas de la clause de réserve de propriété sur chacune des factures en litige.

Il soutient, en tout état de cause, que les dispositions de l'article L.624-16 du code de commerce ne sont pas respectées puisque :

- la société Chauffamat n'a pas identifié précisément les marchandises objet de la revendication ;

- l'inventaire dressé par le commissaire-priseur n'était pas incomplet, lequel comporte à la fois le stock « atelier » et le stock des « marchandises non assemblées livrées sur chantiers par les fournisseurs », ce qui avait justifié d'ailleurs l'adjonction d'un listing de stock du 9 octobre 2020 comportant les principaux fournisseurs de la société Flasche, étant noté que la société Chauffamat n'y figure pas ;

- il est établi que les marchandises revendiquées par la société Chauffamat n'existaient plus en nature dans le patrimoine de la société Flasche au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la société Chauffamat n'étant pas dans la liste des fournisseurs impayés, et les marchandises ne figurant pas dans la liste détaillée du stock ;

- la société Chauffamat n'a pas prouvé que le prix ou une partie du prix a été payé par les sous-acquéreurs après l'ouverture de la procédure collective.

Il souligne qu'avant l'ouverture de la procédure collective, les marchandises avaient été livrées et incorporées à des ouvrages (installation générale de chauffage, climatisation d'immeuble') sur de nombreux chantiers, marchandises qui au demeurant ne peuvent être démontées sans dommage. Elles ne se trouvaient plus dans leur état initial.

Par conclusions signifiées le 2 octobre 2023, la société Chauffamat demande à la cour, de :

- débouter la SELAS MJS Partners, ès qualités, et la société Flasche, en liquidation judiciaire, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

Vu les articles L.624-16 et suivants du code de commerce, confirmant le jugement entrepris, faire droit à sa demande de revendication ;

- autoriser et condamner la SELAS MJS Partners, ès qualités, à restituer les marchandises objets des bons de livraisons et factures visés ou la condamner à leur règlement en contrevaleur, soit la somme de 26 657,35 euros ou, subsidiairement, la somme non contestée de 10 808,83 euros ;

- condamner la SELAS MJS Partners, ès qualités, au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La société Chauffamat expose être en relations d'affaires habituelles avec la société Flasche avoir déclaré une créance au passif de cette dernière société.

Elle précise que les marchandises revendiquées correspondent à divers matériels de chauffage, ventilation et de climatisation. Ces marchandises étaient destinées à des chantiers dont les références sont mentionnées sur les bons de livraison et les factures. Elle estime la contestation de l'opposabilité de la clause de réserve de propriété inopportune et de mauvaise foi, eu égard au courant d'affaires habituel existant entre les parties.

Elle conteste ne pas avoir respecté les dispositions de l'article L 624-16 du code de commerce, la privant de l'effectivité de sa revendication. Elle souligne le caractère incomplet de l'inventaire et pointe que la livraison des matériels litigieux sur les chantiers a été opérée les 9 juillet, 17 août, 27 août et 4 septembre 2020, soit quelques jours avant le jugement d'ouverture du 21 septembre 2020.

Elle précise abandonner devant la cour sa demande de revendication du prix de revente des marchandises qui auraient été payées par les sous-acquéreurs

MOTIVATION

I- Sur l'existence de la clause de réserve de propriété

En vertu des dispositions de l'article 2367 du code civil, la propriété d'un bien peut être retenue en garantie par l'effet d'une clause de réserve de propriété qui suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement de l'obligation qui en constitue la contrepartie.

La propriété réservée est ainsi l'accessoire de la créance dont elle garantit le paiement.

Aux termes des dispositions de l'article L.624-16 du code de commerce, rendues applicables à la liquidation judiciaire par l'article L 641-14 alinéa 1er du même code, peuvent être également revendiqués, s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété. Cette clause doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison. Elle peut l'être dans un écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties.

Le vendeur doit donc établir :

- l'existence d'un écrit contenant la clause,

- le fait que cet écrit était antérieur ou concomitant à la livraison,

- le fait que cet écrit était bien relatif aux marchandises vendues et revendiquées.

Il doit en outre démontrer que l'adhésion de l'acheteur à cette clause était certaine et non équivoque.

À défaut d'écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties, l'acceptation par le débiteur de la clause de réserve de propriété s'apprécie pour chaque vente, objet de celle-ci, au plus tard à la date de livraison.

Il n'est pas exigé que l'acceptation de celle-ci soit également donnée par écrit, cette acceptation, pouvant selon les circonstances, être déduite de l'existence de relations d'affaires et de la réception par le débiteur, dans le courant de ces relations, de factures antérieures comportant la clause litigieuse, sans protestation de sa part.

La revendication fondée sur une clause de réserve de propriété n'est valable que si les conditions d'efficacité légale de cette clause sont remplies au jour de l'ouverture de la procédure collective.

En l'espèce, il doit être observé, d'une part, qu'il n'est aucunement fait état d'un contrat-cadre, prévoyant une telle clause entre les parties, d'autre part qu'il n'est pas contesté l'existence d'un courant d'affaires régulier entre les deux sociétés, ce dont attestent d'ailleurs les nombreux bons de livraison et factures produits aux débats.

Premièrement, les bons de livraison produits en original, à savoir les bons 302840/16406, 303366/16406, 303452/16406, 304106/16406, permettent de constater la présence de la mention suivante : « le transfert de propriété s'effectuera lors du paiement intégral (article 1 loi 80.355 du 12 mai 1980). Néanmoins, la garde du matériel incombe au client dès la remise du matériel ». Cette mention est apposée en bas à gauche du document, en rouge.

Ainsi, pour les biens, objet de ces livraisons, et les factures s'y référant, l'existence d'une clause de réserve de propriété établie sur un écrit, concomitant à la livraison, et antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, est justifiée.

De l'acceptation des marchandises et du courant d'affaires existant entre les parties, il se déduit l'acceptation par la société Flashes de cette clause, ce dont ne disconvient pas le liquidateur, qui admet l'opposabilité de cette clause relative aux biens concernés par lesdites bons, entendant limiter les effets de la requête en revendication à ces biens représentant une valeur de 10 808,83 euros, sous réserve des conditions d'efficacité d'une telle requête examinées au paragraphe suivant.

Deuxièmement, en ce qui concerne les autres bons de livraison, il ne peut qu'être déploré la piètre qualité des photocopies produites. Néanmoins, un examen attentif de ces documents permet de constater que lesdits bons sont en tous points similaires à ceux produits en original dans leur présentation, et que figure en bas à gauche une mention, certes difficilement lisible, mais qui correspond à celle en rouge, présente sur les bons de livraison en original.

Il s'ensuit que l'existence même de ladite clause de réserve de propriété est, par ses constatations, établie pour chacun des bons de livraison produits. Cette clause figure bien dans un écrit antérieur à la procédure collective et concomitant à la livraison des biens, l'adhésion du débiteur étant certaine et non équivoque, compte tenu du courant d'affaires régulier et de l'acceptation de la marchandise sans réclamation.

En conséquence, il est bien justifié pour l'ensemble des biens, objet des bons de livraison joints à la requête en revendication, de l'existence d'une clause de réserve de propriété au profit de la société Chauffamat, acceptée de manière non équivoque par la société Flashes.

II- Sur l'action en revendication

Aux termes de l'article L 624-16 du code de commerce, peuvent être revendiqués, à condition qu'ils se retrouvent en nature, les biens meubles remis à titre précaire au débiteur ou ceux transférés dans un patrimoine fiduciaire dont le débiteur conserve l'usage ou la jouissance en qualité de constituant.

Peuvent également être revendiqués, s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété. Cette clause doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison. Elle peut l'être dans un écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties.

La revendication en nature peut s'exercer dans les mêmes conditions sur les biens mobiliers incorporés dans un autre bien lorsque la séparation de ces biens peut être effectuée sans qu'ils en subissent un dommage. La revendication en nature peut également s'exercer sur des biens fongibles lorsque des biens de même nature et de même qualité se trouvent entre les mains du débiteur ou de toute personne les détenant pour son compte.

Dans tous les cas, il n'y a pas lieu à revendication si, sur décision du juge-commissaire, le prix est payé immédiatement. Le juge-commissaire peut également, avec le consentement du créancier requérant, accorder un délai de règlement. Le paiement du prix est alors assimilé à celui des créances mentionnées au I de l'article L. 622-17.

L'article L 622-6 alinéa 1 du code de commerce, dans sa version modifiée par l'ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013, dès l'ouverture de la procédure, il est dressé un inventaire du patrimoine du débiteur ainsi que des garanties qui le grèvent. Cet inventaire, remis à l'administrateur et au mandataire judiciaire, est complété par le débiteur par la mention des biens qu'il détient susceptibles d'être revendiqués par un tiers. Le débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée y fait en outre figurer les biens détenus dans le cadre de l'activité à raison de laquelle la procédure a été ouverte qui sont compris dans un autre de ses patrimoines et dont il est susceptible de demander la reprise dans les conditions prévues par l'article L 624-19.

Le revendiquant doit démontrer, d'une part, son droit de propriété, en prouvant qu'il est propriétaire du bien revendiqué et, à cette fin, fournir des éléments permettant son identification, d'autre part, le fait que ce bien revendiqué se trouve en nature, au jour du jugement d'ouverture, entre les mains du débiteur.

Concernant l'existence du bien en nature à la date du jugement d'ouverture, cette exigence recouvre, en réalité, une double condition, à savoir que le bien doit toujours être en la possession du débiteur et qu'il doit s'agir du bien même qui a été remis au débiteur, ce qui suppose que le bien n'ait pas été incorporé à un autre, ni transformé à la date du jugement d'ouverture.

En principe, la preuve de l'existence du bien en nature incombe au revendiquant, cette preuve étant appréciée souverainement par les juges du fond s'agissant d'une question de fait et d'un fait juridique dont la preuve, en matière commerciale, est libre.

L'obligation d'établir un inventaire a pour effet de rendre plus aisée cette preuve, l'inventaire faisant présumer ou non la présence des biens.

Il s'en déduit que si l'inventaire ne mentionne pas la présence du bien revendiqué, il appartient au revendiquant d'apporter la preuve contraire et ce n'est qu'en présence d'un inventaire ne pouvant jouer son rôle probatoire à raison de son caractère incomplet, sommaire, ou inexploitable qu'il appartient alors à l'organe de la procédure collective compétent d'apporter la preuve que le bien revendiqué n'existait plus en nature au jour du jugement d'ouverture.

En l'espèce, le liquidateur oppose essentiellement deux motifs pour fonder son refus de donner suite à la requête en revendication, à savoir l'absence d'identification précise des marchandises objet de la demande en revendication et l'absence de présence en nature et dans le patrimoine de la société Flasche des biens au jour de l'inventaire.

- sur l'absence d'identification précise des marchandises objets de la demande en revendication

Ni l'article L. 624-9, ni l'article R. 624-13 du code de commerce ne précisent le contenu de la demande. Néanmoins, selon la jurisprudence, la requête doit contenir une demande explicite de revendication.

Ainsi, il a été jugé que la requête doit permettre l'identification des biens revendiqués, à peine d'irrecevabilité (Com. 25 juin 2002, n° 99-17203 ; Com. 13 nov. 2012, n° 11-25718).

En l'espèce, la requête en revendication ne comporte aucune identification précise et explicite des biens que la société Chauffamat entend revendiquer.

Le seul visa en exergue de sa demande des « pièces y annexées » n'est pas suffisante pour se faire, la société Chauffamat se contentant dans sa requête à solliciter la restitution des marchandises » et le « reversement du prix des marchandises qui n'a pas été payé par les clients finaux à la date du jugement d'ouverture », sans prendre le soin, dans le corps de sa requête, de préciser les biens concernés ou encore la contre-valeur envisagée.

Dans le corps de sa requête, elle fait référence à une annexe 2, qui n'est néanmoins pas plus explicite, se bornant à utiliser de termes et catégories génériques pour désigner les biens qu'elle souhaiterait se voir remettre, sans précision du nombre de biens revendiqués ni de leurs caractéristiques essentielles

Elle tente tardivement de corriger cette imprécision dans ses écritures d'appel, en se référant expressément aux bons de livraison et à une contre-valeur de 26 26 657.35 euros, ce qui démontre de plus fort l'imprécision de sa requête initiale puisqu'il apparaît, au vu des différentes factures versées et du montant sollicité, que seuls certains biens sont revendiqués, sans qu'ils aient fait l'objet d'une identification précise.

Au surplus, l'exigence de précision dès la requête s'impose au créancier, compte tenu des délais et du formalisme rigoureux édictés par les textes précités, afin de permettre à l'organe compétent de pouvoir accueillir la requête et d'éviter de fragiliser les ventes qui pourraient intervenir ultérieurement.

En conséquence, faute de précision par la société Chauffamat des biens revendiqués dans sa requête, c'est de manière justifiée que le liquidateur a refusé de faire droit à cette dernière.

C'est par une simple impropriété de langage qu'il sollicite, compte tenu de l'infirmation du jugement entrepris, le rejet de la demande, l'absence l'identification des biens revendiqués étant sanctionnée par une irrecevabilité de la demande en revendication et non un rejet.

Sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur l'existence des biens en nature dans le patrimoine au jour de l'ouverture et sur le caractère complet ou incomplet de l'inventaire effectué, il convient donc d'infirmer le jugement entrepris et de déclarer la demande en revendication irrecevable.

III- Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Chauffamat succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Chauffamat, tenue aux dépens d'appel, sera condamnée au titre des frais irrépétibles à hauteur de la somme fixée au dispositif du présent arrêt, et déboutée de sa propre demande de ce chef.

Les chefs de la décision entreprises relatifs aux dépens sont infirmés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

DECLARE irrecevable la demande en revendication présentée par la société Chauffamat ;

CONDAMNE la société Chauffamat aux dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE la société Chauffamat à payer à la société MJS PArtners, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Flasche, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la société Chauffamat de sa demande d'indemnité procédurale.

Le greffier

Marlène Tocco

La présidente

Stéphanie Barbot


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 23/01963
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;23.01963 ?
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