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13/06/2024 | FRANCE | N°22/03794

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 4, 13 juin 2024, 22/03794


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 4

ARRÊT DU 13/06/2024





N° de MINUTE : 24/517

N° RG 22/03794 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UNYM

Jugement (N° 22/00001) rendu le 04 Juillet 2022 par le Tribunal paritaire des baux ruraux d'Avesnes sur Helpe





APPELANT



Monsieur [G] [A]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Emmanuel Riglaire, avocat au barreau de Lille substitué par

Me Sullyman Bouderba, avocat au barreau de Lille



INTIMÉS



Monsieur [F] [L]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Madame [B] [T] épouse [L]

de nationalité Fra...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 4

ARRÊT DU 13/06/2024

N° de MINUTE : 24/517

N° RG 22/03794 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UNYM

Jugement (N° 22/00001) rendu le 04 Juillet 2022 par le Tribunal paritaire des baux ruraux d'Avesnes sur Helpe

APPELANT

Monsieur [G] [A]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Emmanuel Riglaire, avocat au barreau de Lille substitué par Me Sullyman Bouderba, avocat au barreau de Lille

INTIMÉS

Monsieur [F] [L]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Madame [B] [T] épouse [L]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentés par Me Patrick Houssière, avocat au barreau d'Avesnes sur Helpe

DÉBATS à l'audience publique du 21 Mars 2024, tenue par Véronique Dellelis et Emmanuelle Boutié magistrates chargées d'instruire le dossier qui ont entendu les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Ismérie Capiez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Dellelis, président de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 juin 2024 après prorogation du délibéré du 30 mai 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

M. [G] [A] est propriétaire de trois parcelles à nature de prairie sises commune de [Localité 10], cadastrées section [Cadastre 13], lieudit [Localité 7] pour une surface de 2ha, [Cadastre 15], lieudit [Localité 12] pour une surface de 71a 28ca, A n°55, lieudit [Localité 8] pour une surface de 59a 05ca.

Le 21 mars 2011, Mme [B] [L] a pris à bail ces trois parcelles.

Par requête en date du 7 janvier 2022, M. [G] [A] a sollicité la convocation de M. [F] [L] et de Mme [B] [T] épouse [L] devant le tribunal paritaire des baux ruraux d'Avesnes sur Helpe aux fins de résiliation du bail portant sur les trois parcelles.

A l'audience du 7 février 2022, un procès-verbal de non conciliation a été établi et l'affaire a été renvoyé en audience du jugement où elle a été retenue à l'audience du 2 mai 2022.

Par jugement en date du 4 juillet 2022, auquel il est expressément renvoyé pour un exposé complet de la procédure antérieure au jugement et des demandes et moyens des parties, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Avesnes-sur-Helpe a :

- déclaré irrecevable la demande présentée par M. [G] [A] aux fins de résiliation de bail pour parcelle de subsistance,

- débouté M. [A] de sa demande aux fins de résiliation du bail à l'égard de M. [F] [L] sur les terres sises (prairies) à:

*[Localité 9] Lieudit [Localité 7], section [Cadastre 13], pour une surface de 2ha;

* [Adresse 11], section [Cadastre 15], pour une surface de 71a 28ca,

* [Localité 9], Lieudit [Localité 8], section [Cadastre 3] pour une surface de 59a 05ca,

- débouté M. [G] [A] de sa demande aux fins de résiliation du bail à l'égard de Mme [B] [T] épouse [L] sur les terres sises (prairies) à :

*[Localité 9] Lieudit [Localité 7], section [Cadastre 13], pour une surface de 2ha;

* [Adresse 11], section [Cadastre 15], pour une surface de 71a 28ca,

* [Localité 9], Lieudit [Localité 8], section [Cadastre 3] pour une surface de 59a 05ca,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

M. [G] [A] a interjeté appel de cette décision, la déclaration d'appel visant l'ensemble des dispositions du jugement entrepris.

Lors de l'audience devant cette cour, M. [G] [A] soutient ses conclusions déposées lors de l'audience et dûment visées par le greffe par lesquelles il demande à cette cour de :

- recevoir M. [G] [A] dans ses écritures et l'en dire bien fondé,

- déclarer irrecevable la demande qui tend à condamner M. [A] à payer à Mme [L] une somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice d'exploitation et de jouissance,

A titre principal,

- infirmer le jugement paritaire du 4 juillet 2022;

En conséquence,

- résilier le bail à ferme du 21 mars 2011 entre M. [G] [A] et Mme [B] [L],

- dire que M. [G] [A] pourra reprendre l'usage de ses parcelles à compter de la décision à intervenir,

- condamner M. et Mme [L] à verser à M. [A] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. et Mme [L] aux entiers frais et dépens,

A titre subsidiaire,

- débouter M. et Mme [L] de sa demande au titre du préjudice de jouissance et d'exploitation.

Au soutien de ses prétentions, M. [A] fait essentiellement valoir que la demande formée par M. et Mme [L] devant la cour tendant à l'indemnisation de leur préjudice de jouissance doit être déclarée irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.

En outre, il avance qu'il résulte des constatations du procès-verbal établi le 24 août 2023 que les parcelles louées ne sont pas entretenues, cet absence d'entretien compromettant l'usage à venir des terres et la bonne exploitation du fonds de sorte que la résiliation du bail doit être prononcée.

Il précise avoir été contraint d'intervenir en 2022 pour l'abattage des arbres qui menaçaient la parcelle voisine.

De plus, il argue qu'alors que Mme [L] bénéficie des aides de la politique agricole commune nécessitant d'être agriculteur au sens du règlement européen et d'avoir un niveau minimal d'activité agricole alors qu'elle est gérante de la SARL Au panier vert qui a notamment une activité de négoce de fruits et légumes ce qui caractérise l'existence d'un détournement de l'usage des terres de M. [A] sans son accord.

Enfin, M. [A] ajoute que le préjudice allégué par Mme [L] n'est pas établi.

M. et Mme [L] soutiennent leurs conclusions déposées lors de l'audience et dûment visées par le greffe par lesquelles ils demandent à cette cour de:

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Avesnes sur Helpe le 4 juillet 2022,

- débouter M. [A] de toutes ses demandes, fins et conclusions et notamment de sa demande en résiliation de bail, aucun manquement ne pouvant sérieusement être reproché au preneur,

- condamner M. [A] à payer à Mme [B] [L] la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice d'exploitation et de jouissance,

- condamner M. [A] à payer à M et Mme [L] la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui comprendront le coût du procès-verbal de constat de Maître [O] établi le 7 novembre 2023 avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP HOUSSIERE MAISON LAUNAY avocats aux offres de droit.

En premier lieu, M. et Mme [L] soutiennent que les constations de Maître [D], commissaire de justice, ont été réalisées depuis la voie publique et que les constats visuels à distance ne sont guère probants. Ils précisent avoir fait réaliser un procès-verbal de constat par Maître [O] le 7 novembre 2023 dont il résulte que les parcelles sont bien entretenues par le preneur et qu'il existe un amoncellement de branchages en état de décomposition recouverts d'orties le long de la rivière la Thure sur la parcelle [Cadastre 4]. Ils précisent qu'alors qu'ils ont demandé à M. [A] de prendre des mesures pour que Mme [L] puisse jouir paisiblement et complètement des parcelles, ce dernier n'a fait aucune diligence, seul le bois de chauffage ayant été évacué par le bailleur de sorte qu'il est impossible d'exploiter correctement la parcelle, occasionnant une perte financière pour Mme [L].

En outre, ils ajoutent que la parcelle [Cadastre 3] est contigue à la parcelle [Cadastre 5] en nature de landes qui appartient à un groupement forestier et que, s'agissant des parcelles [Cadastre 6] et [Cadastre 13], le constat montre une haie avec des repousses de l'année qui ne peut établir une carence du preneur alors que les directives européennes du 15 mars 2023 ne permettent pas la taille des haies entre le 15 août et le 15 mars pour ne pas nuire à la biodiversité.

Ils indiquent que le procès-verbal de constat a été établi en pleine période de pousse d'herbe et que le preneur a fauché le 29 août 2023 de sorte qu'il est normal que les herbes soient hautes.

Ils avancent aussi que le preneur exploite ces terrains en prairies de fauche et qu'il n'a pas l'obligation de faire paître du bétail.

Ils précisent aussi que Mme [L] a pris des engagements surfaciques pour 2022 et qu'elle justifie de sa légitimité à percevoir des aides dans la mesure où elle pratique le retard de fauche bénéfique à la biodiversité et l'absence de fertilisation qui préserve l'équilibre écologique des milieux remarquables, le mail de Natura 2000 en date du 6 décembre 2023 indiquant que ces pratiques culturales sont conformes aux objectifs de préservation du site Natura 2000.

Par ailleurs, Mme [L] précise qu'elle rapporte la preuve d'une double activité agricole et commerciale avec deux comptabilités distinctes et deux affiliations à la MSA.

Enfin, concernant la demande d'indemnisation du préjudice de jouissance de Mme [L], ils soutiennent qu'elle constitue une demande reconventionnelle recevable en cause d'appel et que depuis octobre 2022, la parcelle est encombrée de grands arbres coupés jonchant la prairie rendant impossible le travail de fauche de sorte que Mme [L] justifie avoir subi un préjudice de jouissance et d'exploitation.

Il est pour le surplus renvoyé aux écritures des parties pour un exposé complet de leurs moyens et arguments.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour relève que les dispositions du jugement entrepris qui ont débouté M. [A] de sa demande au titre de la reprise de parcelle de subsistance ne font l'objet d'aucune contestation à l'instar de celle l'ayant débouté de sa demande en résiliation du bail formulée à l'encontre de M. [F] [L].

Il y a donc lieu de confirmer la décision entreprise de ces chefs.

Sur la demande au titre de la résiliation du bail

Aux termes des dispositions de l'article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime, sauf les dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L.411-32 et L.411-34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie de l'un des motifs suivants:

1° Deux défauts de paiement des fermages ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition;

2° Des agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu'il ne dispose pas de la main-d'oeuvre nécessaire aux besoins de l'exploitation;

3° Le non-respect par le preneur des clauses mentionnées au troisième alinéa de l'article L.411-27.

Les motifs mentionnés ci-dessus ne peuvent être invoqués en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes.

(...)

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article L.411-46 du même code que le preneur a droit au renouvellement du bail, nonobstant toute clauses, stipulations ou arrangements contraires, à moins que le bailleur ne justifie de l'un des motifs graves et légitimes mentionnés à l'article L.411-31.

En application des dispositions de l'article L.411-31 susvisé, le prononcé de la résiliation du bail suppose que le preneur ait commis des actes fautifs et que ces derniers aient pour conséquence de préjudicier gravement à l'exploitation du fond.

En cause d'appel, M. [A] invoque en premier lieu le défaut d'entretien des parcelles louées par le preneur et produit aux débats un procès-verbal de constat établi le 24 août 2023 faisant état des éléments suivants :

- s'agissant de la parcelle cadastrée [Cadastre 3], il est relevé que 'la prairie est mi-haute, la bande périphérique n'est pas fauchée et sa hauteur est d'environ 1m', 'il n'existe aucune barrière fermant cette parcelle', 'l'entrée est étroite et envahie de végétation sauvage',

- s'agissant de la parcelle [Cadastre 15], il est fait mention d'une 'parcelle à l'état de prairie, herbes hautes, les haies séparatives ne sont pas entretenues. La barrière d'entrée est composée de piquets et de fils barbelés. Les rives du rieux séparant la présente parcelle de celle de Mme [C] cadastrée [Cadastre 16] ne sont pas entretenues';

- concernant enfin la parcelle [Cadastre 13], il est décrit une 'parcelle à l'état de regain, il n'existe pas de barrière fermant l'accès. Il existe sur cette parcelle une réserve du propriétaire sur le bois coupe des arbres et haies'.

Enfin, il est aussi précisé que 'toutes les parcelles visitées étaient vides, je n'ai constaté aucune présence d'animaux d'élevage ni aucune trace de ceux-ci'.

En outre, il n'est pas contesté que le bail à ferme régularisé par les parties le 21mars 2011 portent sur les parcelles [Cadastre 13], [Cadastre 15] et [Cadastre 3] sises à [Localité 9] pour une surface totale de 3ha 30a 33 ca, le propriétaire se réservant le droit d'exploitation des arbres existant sur les parcelles [Cadastre 13] et [Cadastre 3].

Alors qu'il n'est pas contesté que M. [A] n'a jamais émis de critiques concernant l'entretien par le preneur des parcelles louées, ce moyen n'ayant pas été soulevé devant le tribunal, la cour relève, à l'instar de M. et Mme [L] que les constatations du commissaire de justice ont été réalisées sur la voie publique ou à l'entrée des parcelles et que le procès-verbal de constat n'a pas été communiqué en original, les photographies annexées produites par l'appelante, en noir et blanc et dont les photocopies sont de piètre qualité, ne permettent pas de conforter les constatations écrites.

En outre, Mme [L] conteste l'existence d'un défaut d'entretien invoqué par le bailleur et produit un procès-verbal de constat établi par Maître [O] le 7 novembre 2023 indiquant que les parcelles louées sont 'entretenues conformément aux obligations du bocage compte tenu de la pousse de l'herbe et de la descente de la sève. Les seules pousses apparentes au niveau des haies du bocage sont récentes. Lors de mes constatations sur la parcelle [Cadastre 13], je rencontre le voisin exploitant la parcelle située à droite lorsqu'on se place sur la départementale face aux parcelles, ce dernier déclare que la requérante entretient parfaitement sa parcelle. Il déclare vouloir lui faire une attestation témoin sur formulaire CERFA si besoin'.

Alors qu'il ressort des constatations réalisées dans ce dernier procès-verbal de constat que les parcelles louées sont en parfait état d'entretien, l'attestation établie par M. [W] [H], voisin des pâtures exploitées par le preneur, confirme le bon entretien de ces dernières par Mme [L], depuis de nombreuses années: 'Je les vois faucher et récolter l'herbe plusieurs fois par an; les haies sont taillées (...)' et le rendement obtenu par Mme [L] en foin pour l'année 2023 conforte la réalité de l'entretien effectif des parcelles louées.

Par ailleurs, alors que les dispositions du dernier alinéa de l'article D.614-52 du code rural et de la pêche maritime prévoient qu'il est interdit de tailler les haies et les arbres entre le 16 mars et le 15 août, Mme [L] justifie avoir souscrit des engagements en MAEC surfaciques qui prévoient un retard de fauche sur prairies et habitats remarquables ainsi qu'une absence totale de fertilisation minérale et organique azotée (hors apport éventuel par pâturage) sur prairies.

En outre, alors que M. [A] affirme être particulièrement attaché à une culture respectueuse de l'environnement, il résulte du courriel du chargé d'études du projet 'Natura 2000" daté du 6 décembre 2023 que les pratiques culturales de Mme [L] sont conformes aux objectifs de préservation des enjeux du site Natura 2000 concerné et que l'engagement des parcelles en MAEC ne nécessite pas d'accord du propriétaire des parcelles en l'absence de mention figurant au contrat de bail.

De plus, alors que la nature de prairies de fauche des parcelles louées n'est pas contestée en l'espèce, le bailleur ne justifie pas de l'existence de manquements du preneur résultant de l'absence de barrière délimitant les parcelles et de l'absence de bétail, s'agissant de prairies de fauche et non destinées à accueillir du bétail.

Ainsi, les seules constatations réalisées dans le cadre du procès-verbal de constat établi le 24 août 2023 qui ne sont confortées par aucun autre élément du dossier ne sauraient suffire à démontrer l'existence d'une compromission de la parcelle ni une atteinte caractérisée à la bonne exploitation du seul fond loué, seule de nature à justifier le prononcé de la résiliation du bail consenti au profit de Mme [L].

Aux termes des dispositions de l'article L.411-27 du code rural et de la pêche maritime, les obligations du preneur relatives à l'utilisation du fonds pris à bail sont régies par les dispositions des articles 1766 et 1767 du code civil.

Le fait que le preneur applique sur les terres prises à bail des pratiques ayant pour objet la préservation de la ressource en eau, de la biodiversité, des paysages, de la qualité des produits, des sols et de l'air, la prévention des risques naturels et la lutte contre l'érosion ne peut être invoqué à l'appui d'une demande de résiliation formée par le bailleur en application du présent article. (...)

Ainsi, l'utilisation par le preneur du bien loué pour un usage autre que celui prévu par le bail est une cause de résiliation telle que prévue par l'article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime.

En second lieu, M. [A] invoque en cause d'appel l'existence d'un changement de destination du fonds par Mme [L], en faisant valoir qu'elle utilise les terres à des fins commerciales sans l'accord préalable du bailleur.

L'article L.311-1 du code rural et de la pêche maritime dispose que sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise du cycle biologique de caractère végétal ou animal.

Si M. [A] conteste la qualité d'agricultrice de Mme [L], les pièces produites aux débats démontrent qu'elle a réalisé une déclaration à la PAC et est affiliée à la MSA depuis le 1er janvier 2011 avec deux numéros de siret distincts.

En outre, il résulte de l'attestation de M. [S], comptable conseil, établie le 16 octobre 2023, que Mme [L] exerce une activité de production agricole et une activité commerciale indépendante l'une de l'autre donnant lieu à deux comptabilités distinctes.

Ainsi, alors que Mme [L] justifie de l'exercice d'une double activité agricole et commerciale avec deux affiliations à la MSA et deux comptabilités distinctes, M. [A] ne démontre pas l'existence d'un détournement de fonds justifiant de prononcer la résiliation du bail litigieux.

Ainsi, alors que la charge de la preuve incombe à M. [A] qui sollicite le prononcé de la résiliation du bail, force est de constater que les éléments produits aux débats sont insuffisants à caractériser l'existence d'agissements fautifs du preneur constituant une atteinte caractérisée à l'exploitation du seul fond loué.

En conséquence, il y a lieu de débouter M. [A] de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de Mme [L], le jugement entrepris étant confirmé en toutes ses dispositions.

Sur la demande d'indemnisation formulée par Mme [L]

Aux termes des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Alors que l'article 567 du même code dispose que les demandes reconventionnelles sont recevables en appel, la demande formulée par Mme [L] en cause d'appel tendant à l'indemnisation de son préjudice d'exploitation et de jouissance se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant, s'agissant d'un manquement à l'exécution du contrat de bail litigieux.

Ainsi, la demande d'indemnisation formulée par Mme [L] en cause d'appel sera déclarée recevable.

Au soutien de sa demande, Mme [L] produit aux débats un courrier recommandé en date du 21 octobre 2022 faisant état de l'encombrement de la parcelle [Cadastre 3] par de grands arbres coupés et jonchant la prairie, rendant impossible le travail de fauche et émettant des réserves concernant la repousse d'herbe de printemps 2023 ainsi qu'un courrier établi par M. [V] [P], expert judiciaire, en date du 19 octobre 2022, estimant la perte financière liée à la présence d'arbres abattus et couchés sur la parcelle [Cadastre 14] à la somme de 200 euros pour l'année 2022 et précisant qu'il existera un préjudice supplémentaire restant à évaluer pour l'année 2023 résultant de l'impact du sol par le passage des véhicules pour l'évacuation des arbres.

Si le contrat de bail régularisé par les parties prévoit expressément que le bailleur se réserve le droit d'exploitation des arbres existant sur les parcelles [Cadastre 13] et [Cadastre 3], il résulte des constatations réalisées par M. [P], confortées par les photographies annexées à son courrier, que des arbres abattus jonchaient la prairie louée par Mme [L] rendant partiellement impossible le travail de fauche de l'herbe dans les zones concernées.

Ainsi, l'existence d'un préjudice de jouissance et d'exploitation de la parcelle ZA55 subi par le preneur pour les années 2022 et 2023 est caractérisée en l'espèce et sera justement indemnisé par l'allocation de la somme de 400 euros que M. [A] sera condamné à payer à Mme [L].

Le jugement entrepris sera donc complété de ce chef.

Sur les autres demandes

La décision entreprise sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [A], partie perdante, sera condamné à supporter les dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP HOUSSIERE MAISON LAUNAY en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable de le condamner à payer à M. et Mme [L] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déclare recevable la demande d'indemnisation formulée par Mme [B] [L],

Condamne M. [G] [A] à verser à Mme [B] [L] la somme de 400 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'exploitation et de jouissance pour les années 2022 et 2023 ,

Condamne M. [G] [A] à verser à M. [F] [L] et Mme [B] [L] la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [G] [A] aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Houssiere Maison Launay.

Le greffier

Ismérie CAPIEZ

Le président

Véronique DELLELIS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 4
Numéro d'arrêt : 22/03794
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;22.03794 ?
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