COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 24/01174 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VTAC
N° de Minute :
Ordonnance du lundi 10 juin 2024
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [Z] [V]
né le 20 Décembre 2004 à [Localité 3]
de nationalité Marocaine
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]
dûment avisé, comparant en personne par visioconférence
assisté de Me Anne CHAMPAGNE, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office et de Mme [T] [C] interprèteen langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour
INTIMÉ
M. LE PREFET DU NORD
dûment avisé, absent non représenté
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRATE DELEGUEE : Danielle THEBAUD, conseillère à la cour d'appel de Douai désignéé par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assistée de Fadila HARIOUAT, Greffier
DÉBATS : à l'audience publique du lundi 10 juin 2024 à 13 h 30
Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : rendue à Douai par mise à disposition au greffe le lundi 10 juin 2024 à 15h30
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles L 743-21, L 743-23, R 743-10, R 743-11, R 743-18 et R 743-19 ;
Vu l'aricle L 743-8 du CESEDA ;
Vu la demande de l'autorité administrative proposant que l'audience se déroule avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle ;
Vu l'accord du magistrat délégué ;
Vu l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER en date du 08 juin 2024 à 11 H 17 notifiée à 11 H 51 prolongeant la rétention administrative de M. [Z] [V] ;
Vu l'appel interjeté par M. [Z] [V] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 10 juin 2024 à 9 H 55 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;
Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [Z] [V], né le 20 décembre 2004 à [Localité 3] (Maroc) ressortissant marocain a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par M. le préfet du Nord le 6 juin 2024 notifié à 10h50 au titre d'une réadmission sollicitée dans le cadre du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013, décision de transfert Dublin à destination des Pays-Bas prononcée le 19 mars 2024 par le M. le préfet du Nord notifiée le 19 mars 2024 à 16h20.
Un recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu l'article 455 du code de procédure civile
Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 8 juin 2024 notifié à 11h51, rejetant la requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative et ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l'appelant pour une durée de 28 jours,
Vu la déclaration d'appel de M. [Z] [V] du 10 juin 2024 à 9h55 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative
Au titre des moyens soutenus en appel l'étranger soulève :
insuffisance de motivation de l'ordonnance dont appel,
défaut de base légale, l'administration ne précisant pas sur lequel des alinéas de l'article L.751-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile elle se fonde,
erreur d'appréciation des garanties de représentation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.
Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.
L'appel de l'étranger ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.
Sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'ordonnance dont appel
La procédure devant le juge des libertés et de la détention étant orale, l'abandon express à l'audience, par le requérant ou son conseil, de la requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative déposée par l'étranger, dispense le juge des libertés et de la détention de répondre aux moyens contenus dans cette requête.
En l'espèce, il ressort de la note d'audience et de la décision dont appel, que seul le moyen tiré de l'erreur d'appréciation des garanties de représentation a été soulevé devant le premier juge, moyen auquel le premier juge a parfaitement répondu.
Aucun défaut de motivation ne peut donc être soutenu à l'encontre de la décision déférée.
Le moyen est rejeté.
Sur le moyen tiré du défaut de base légale, l'administration ne précisant pas sur lequel des alinéas de l'article L.751-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Il est mentionné sur l'arrêté de placement en rétention « arrêté de placement en rétention pour exécuter un arrêté de transfert Dublin'», ainsi que les textes et règlement européens y afférents, il est mentionné l'arrêté de transfert aux Pays-Bas du 19 mars 2024, que la présence de l'intéressé est constitutif d'un trouble à l'ordre public, qu'il présente un risque non négligeable de fuite au sens des articles L.751-9 et L.751-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et il est mentionné qu'il ressort du dossier de l'intéressé qu'il se trouve de nouveau présent sur le territoire français après l'exécution effective d'une mesure de transfert ; a dissimulé des éléments de son identité la circonstance tirée de ce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ne pouvant toutefois suffire, à elle seule, à établir une telle dissimulation ; a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile ou la procédure de transfert.
Aucun défaut de «'base légale'» ne peut être reproché à l'administration.
Le moyen est rejeté.
Sur le moyen tiré de l'erreur d'appréciation de l'arrêté de placement en rétention
L'erreur manifeste d'appréciation doit s'apprécier par rapport aux éléments de fait dont disposait l'autorité préfectorale au moment où l'arrêté de placement en rétention a été adopté et non au regard des éléments ultérieurement porté à la connaissance de la cour.
Il ressort des dispositions des articles L 741-1 renvoyant à l'article L 612-3, L 751-9 et L 753-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative ne peut placer un étranger en situation irrégulière en rétention administrative que dans les cas et conditions des dits articles après prise en compte de son état éventuel de vulnérabilité :
1) Lorsque, de manière générale, l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes pour prévenir le risque de se soustraire à l'application du titre d'éloignement dans les cas prévus par l'article L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.
2) Lorsque, dans le cas spécifique d'un étranger faisant l'objet d'une prise ou d'une reprise en charge par un autre pays de l'Union Européenne selon la procédure dite 'DUBLIN III', il existe 'un risque non négligeable de fuite' tel que défini par l'article L 751-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et lorsque dans cette hypothèse le placement en rétention administrative est proportionné.
3) Lorsque, s'agissant d'un étranger qui a déposé une demande d'asile en France avant toute privation de sa liberté, il existe des raisons impérieuses de protection de l'ordre public ou de la sécurité nationale.
Il apparaît en l'espèce que l'arrêté préfectoral de placement en rétention a considéré, au visa des articles L 751-9 et L 751-10, que l'étranger appelant, relevant d'une procédure dite 'Dublin III', présentait un 'risque non négligeable de fuite' rendant la restriction de liberté proportionnée audit risque, notamment pour :
Se trouver de nouveau présent sur le territoire français après l'exécution effective d'une mesure de transfert ;
Avoir dissimulé des éléments de son identité la circonstance tirée de ce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ne pouvant toutefois suffire, à elle seule, à établir une telle dissimulation ; l'intéresse est connu au FAED sous plusieurs alias et est connu au Pays-bas comme étant [W] [K] né le 20 avril 1996,
Avoir explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile ou la procédure de transfert.
L'existence d'un seul des critères posés par l'article L 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, définissant les 'garanties de représentation' de l'étranger en situation irrégulière, ou par l'article L 751-10 du même code, définissant les 'risques de fuite' présentés par l'étranger en situation irrégulière, est nécessaire pour que l'autorité préfectorale puisse motiver le placement en rétention administrative.
Sur ce point et en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la juridiction d'appel estime que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qu'il convient d'adopter au visa de l'article 955 du code de procédure civile que le premier juge a répondu à ce moyen et l'a rejeté. Y ajoutant l'arrêté de placement en rétention administrative a également été pris en considération du fait qu'il a précisé lors de son audition qu'il voulait s'installer en France et ne pas vouloir retourner aux Pays-Bas, dont la demande d'asile résulterait d'une soirée alcoolisée, et qu'il se trouve de nouveau présent sur le territoire français après l'exécution effective d'une mesure de transfert, et qu'il a dissimulé des éléments de son identité.
Il s'en suit qu'au jour où l'arrêté de placement en rétention administrative a été adopté, aucune erreur d'appréciation quant à la teneur des éléments de domiciliation de l'appelant ne peut être retenue.
En conséquence la décision querellée comporte donc les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et l'appelant a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire, et/ou comme présentant un risque manifeste de fuite.
Le moyen est rejeté.
Conformément au droit communautaire, aucun moyen soulevé par les parties ou susceptible d'être relevé d'office ne paraît contraire à la prolongation de la rétention administrative.
Pour le surplus, la cour considère que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qui seront intégralement adoptés au visa de l'article 955 du code de procédure civile, que le premier juge et a statué sur le fond en ordonnant la prolongation de la rétention en l'attente du vol sollicité le 7 juin 2024 à 8h35 pour Amsterdam.
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARONS l'appel recevable ;
CONFIRMONS l'ordonnance entreprise ;
DISONS que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DISONS que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [Z] [V] par l'intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d'un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l'autorité administrative ;
LAISSONS les dépens à la charge de l'État.
Fadila HARIOUAT, Greffier
Danielle THEBAUD, Conseillère
A l'attention du centre de rétention, le lundi 10 juin 2024
Bien vouloir procéder à la notification de l'ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l'interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué : Mme [T] [C]
Le greffier
N° RG 24/01174 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VTAC
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 10 Juin 2024 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 2]) :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le
- M. [Z] [V]
- par truchement téléphonique d'un interprète en tant que de besoin
- nom de l'interprète (à renseigner) :
- décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. [Z] [V] le lundi 10 juin 2024
- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU NORD et à Maître Anne CHAMPAGNE le lundi 10 juin 2024
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général
- copie au Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER
Le greffier, le lundi 10 juin 2024
N° RG 24/01174 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VTAC