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10/06/2024 | FRANCE | N°24/00045

France | France, Cour d'appel de Douai, Référés, 10 juin 2024, 24/00045


République Française

Au nom du Peuple Français







C O U R D ' A P P E L D E D O U A I



RÉFÉRÉ DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 10 JUIN 2024







N° de Minute : 82/24



N° RG 24/00045 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VOOB





DEMANDERESSE :



S.A.S. AMBULANCES [U]

AYANT SON SI7GE [Adresse 4]

[Localité 1]



représentée par Me Julie VALLEZ, avocate au barreau de Valenciennes









DÉFENDERESSE :<

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Madame [B] [U]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 2]



représentée par Me Olivier CAYET, avocat au barreau de Cambrai















PRÉSIDENTE : Hélène CHÂTEAU, première présidente de chambre désignée par ordonnance du 22 décembre ...

République Française

Au nom du Peuple Français

C O U R D ' A P P E L D E D O U A I

RÉFÉRÉ DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 10 JUIN 2024

N° de Minute : 82/24

N° RG 24/00045 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VOOB

DEMANDERESSE :

S.A.S. AMBULANCES [U]

AYANT SON SI7GE [Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Julie VALLEZ, avocate au barreau de Valenciennes

DÉFENDERESSE :

Madame [B] [U]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Olivier CAYET, avocat au barreau de Cambrai

PRÉSIDENTE : Hélène CHÂTEAU, première présidente de chambre désignée par ordonnance du 22 décembre 2023 du premier président de la cour d'appel de Douai

GREFFIER : Christian BERQUET

DÉBATS : à l'audience publique du 21 mai 2024

Les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance serait prononcée par sa mise à disposition au greffe

ORDONNANCE : contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe le dix juin deux mille vingt-quatre, date indiquée à l'issue des débats, par Hélène CHÂTEAU, Présidente, ayant signé la minute avec Christian BERQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

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EXPOSE DU LITIGE

Suivant protocole de cession de parts sociales signé les 24 février et 1 er mars 2021, la société BDX Invest a acquis l'intégralité des titres de la société Ambulances [U], détenus jusqu'alors par la société SMP Holding. Y était prévu un engagement selon lequel l'acquéreur s'obligeait à conclure un contrat de travail à durée indéterminée avec Mme [B] [U] pour des fonctions d'assistante administrative de site.

Par acte notarié du 8 avril 2021, la cession des titres a eu lieu.

Par courrier recommandé du 3 septembre 2021, M. [F] [X], président de la société BDX

Invest a indiqué à Mme [B] [U] qu'il prenait acte qu'elle refusait définitivement le contrat de

travail proposé le 8 avril 2021.

Par acte du 16 novembre 2021, Mme [B] [U] a fait assigner la SAS Ambulances [U] devant

le conseil de prud'hommes de Cambrai aux fins qu'il soit considéré qu'elle était liée par un contrat

de travail avec ladite société depuis le 8 avril 2021 et qu'elle avait fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 8 janvier 2024, le conseil de prud'hommes de Cambrai :

- s'est déclaré territorialement compétent ;

- a condamné la SAS Ambulances [U] à verser à Mme [B] [U] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, les sommes de :

' 9 818 euros au titre des rappels de salaire outre la somme de 981,80 euros au titre des congés payés ; ' 10 450 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

' 4 000 euros au titre de l'indemnité de préavis ;

' 400 euros au titre des congés payés afférents ;

' 6 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- dit que la SAS Ambulances [U] devra remettre à Mme [B] [U] les fiches de paie des mois d'avril à septembre 2021, le certificat de travail, l'attestation pôle emploi et le solde de tout compte dans un délai de 3 mois à compter de la signification du jugement et ce, sous astreinte provisoire passé ce délai de 30 euros par jour de retard pendant 2 mois ;

- condamné la SAS Ambulances [U] à payer à Mme [B] [U] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS Ambulances [U] aux entiers dépens de l'instance ;

- débouté la SAS Ambulances [U] de ses demandes ;

- débouté Mme [B] [U] du surplus de ses demandes ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration adressée au greffe de la cour d'appel de Douai, le 26 janvier 2024, la SAS

Ambulances [U] a interjeté appel de ce jugement.

Par acte du 22 mars 2024, la SAS Ambulances [U] a fait assigner Mme [B] [U] devant le premier président de la cour d'appel de Douai aux fins de voir ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire des condamnations prononcées à son encontre par le jugement du conseil de prud'hommes de Cambrai en date du 8 janvier 2024.

L'affaire appelée à l'audience du 8 avril 2024 a été renvoyée à la demande des avocats des parties.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES A L'AUDIENCE DU 21 MAI 2024 :

La société Ambulances [U], au visa de l'article 517-1 du code de procédure civile, demande au premier président de :

- ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire des condamnations prononcées à son encontre par

le jugement du conseil de prud'hommes de Cambrai en date du 8 janvier 2024 ;

- débouter Mme [B] [U] de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner Mme [B] [U] au paiement des entiers frais et dépens de l'instance et la condamner à lui payer 2000 euros d'indemnité d'article 700 du code de procédure civile.

Elle avance que :

- il existe des moyens sérieux de réformation du jugement dans la mesure où :

1. le conseil de prud'hommes de Cambrai a considéré qu'il existait un contrat de travail entre les parties se prévalant de l'existence d'une promesse d'embauche valant contrat de travail alors même que cet argument n'avait pas été développé par la salariée ni dans le cadre de ses écritures, ni même débattu à

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l'audience de sorte que les juges se sont fondés sur un moyen de droit qui n'a pas été débattu de façon contradictoire ;

2. Mme [U] n'a jamais été embauchée en son sein. Le contrat de travail versé aux débats par la salariée n'a jamais été régularisé entre les parties et que Mme [U] est incapable de justifier d'une quelconque prestation de travail ou encore de l'existence d'un lien de subordination, ni même de justifier des missions confiées et des fonctions exercées. Lors de la signature de l'acte de cession, le 8 avril 2021, un contrat de travail a été proposé à Mme [B] [U] qui a refusé de le signer et n'est jamais venue travailler en son sein et n'a manifesté aucune velléité en ce sens jusqu'au 16 juin 2021, date à laquelle elle a pris attache avec la concluante au sujet dudit contrat de travail non signé. Par courrier recommandé du 23 juin 2021, elle a demandé à Mme [B] [U] de lui indiquer de manière claire et définitive son intention de rejoindre ou non son personnel et la date à laquelle envisageait de prendre son poste. Aucune réponse ne lui a été apportée de sorte qu'elle a, le 3 septembre 2021, renvoyé un courrier recommandé à Mme [B] [U] indiquant qu'elle prenait acte de son refus définitif de signer le contrat de travail proposé le 8 avril 2021. Du fait du refus réitéré de Mme [B] [U] de régulariser son contrat de travail, l'offre de contrat de travail est devenue caduque ;

- il existe des circonstances manifestement excessives dans la mesure où :

- sur le plan financier, elle doit honorer plusieurs prêts à hauteur de 2 602,70 euros et 671,51 euros par mois. Ses deux comptes bancaires présentaient des soldes créditeurs de 791,89 euros et de 80 175,42 euros ce qui démontre qu'elle possède très peu de liquidités et ce, d'autant qu'elle supporte chaque mois, le paiement des salaires de ses employés pour un montant total de 63 177,42 euros de sorte que sa condamnation à payer la somme de 33 149,80 euros pourrait entraîner des conséquences manifestement excessives et ce, d'autant qu'elle a été également condamné à verser à M. [U] la somme de 63 770 euros. Pour l'année 2023, elle affiche un résultat net comptable de -15 121 euros de sorte que sa trésorerie ne lui permet pas d'assumer le versement des sommes dues au titre de l'exécution provisoire du jugement.

- Mme [B] [U] ne présente aucune garantie justifiant qu'en cas de réformation du jugement, elle sera en mesure de lui restituer les sommes versées.

Mme [B] [U] demande au premier président de :

- débouter la S.A.R.L. Ambulances [U] de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire des condamnations prononcées à son encontre par jugement du conseil des Prud'hommes de Cambrai en date du 8 janvier 2024;

- condamner la société Ambulances [U] au paiement de la somme de 1 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

Elle expose que la société Ambulances [U] n'a fait valoir aucune observation en première instance pour s'opposer à l'exécution provisoire et que contrairement aux prescriptions de l'article 514-3 alinéa 2 du code de procédure civile, elle n'apporte pas la preuve de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation du jugement, ou de conséquences manifestement excessives postérieures au jugement.

- Sur l'absence d'un moyen sérieux de réformation :

Aux termes de l'acte de cession de parts sociales signé entre la société BDX Invest et la société SMP Holding, concernant l'intégralité des titres de la société Ambulances [U], la société BDX Invest s'obligeait à conclure un contrat de travail à durée indéterminée notamment avec Mme [B] [U].

La signature de ce contrat de travail constitue un engagement indivisible sans lequel le vendeur n'aurait pas consenti à la cession.

Or, la société Ambulances [U] a fait preuve de déloyauté, « traînant les pieds » dans la communication de projets de contrats de travail et de fiches de poste qui ne seront finalement adressés qu'après plusieurs relances et qui n'étaient pas conformes aux accords intervenus, tentant de remettre en cause ses fonctions, sa rémunération, ou encore ses horaires de travail.

Le conseil de prud'hommes de Cambrai, dans le cadre du jugement de départage rendu le 8 janvier 2024, a à juste titre confirmé l'existence d'une relation contractuelle entre Mme [U] et la société Ambulances [U].

- Sur l'absence de conséquences manifestement excessives :

Mme [U] indique que le résultat comptable négatif avancé par la société Ambulances [U] pour

solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire s'inscrit dans le cadre d'investissements importants,

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isolés, qui ne correspondent pas aux précédents exercices comptables quant à eux toujours largement positifs.

Au vu des récents investissements de la société, celle-ci ne peut affirmer que le règlement des condamnations mises à sa charge en première instance, représentant alors un peu plus de 30 000 euros, aurait des conséquences excessives et pourrait mettre en péril son activité.

Par ailleurs, cette même société ne peut affirmer que Mme [U] ne présente « aucune garantie justifiant qu'en cas de réformation du jugement de première instance elle sera en mesure de restituer les sommes versées », au vu du patrimoine de celle-ci.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article R1454-28 du code du travail précise que :

A moins que la loi ou le règlement n'en dispose autrement, les décisions du conseil de prud'hommes ne sont pas exécutoires de droit à titre provisoire. Le conseil de prud'hommes peut ordonner l'exécution provisoire de ses décisions.

Sont de droit exécutoires à titre provisoire, notamment :
1° Le jugement qui n'est susceptible d'appel que par suite d'une demande reconventionnelle ;
2° Le jugement qui ordonne la remise d'un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer ;
3° Le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Cette moyenne est mentionnée dans le jugement.

Le conseil de prud'hommes dans les motifs de sa décision a expressément indiqué que la décision sera exécutoire en application de l'article R 1454-28 alinéa 2 du code du travail, de sorte qu'il a ordonné l'exécution provisoire de la décision relativement aux rappels de salaire, indemnité de licenciement, indemnité de préavis, indemnités de congés payés, mentionnés à l'article R 1454-14 du code du travail et n'a pas ordonné l'exécution provisoire qui n'était que facultative de la condamnation au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement n'indique pas la moyenne des trois derniers mois de salaire dans son dispositif, mais fait état dans ses motifs d'une rémunération brute de 2000 euros mensuel, soit 1560 euros net, ce qui donne une exécution provisoire à hauteur de 14 040 euros.

Il ressort des dispositions de l'article 514-3 alinéa 1er du code de procédure civile, applicable aux instances introduites après le 1er janvier 2020, ce qui est le cas en l'espèce, qu'en cas d'appel, le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsque celle ci risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives et lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision de première instance.

L'alinéa 2 du même article dispose que :

'La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.'

En l'espèce, il ressort de la lecture du jugement du conseil de prud'hommes de Cambrai du 8 janvier 2024 que la SAS Ambulances [U] en première instance n'avait formé aucune observation pour que soit écartée l'exécution provisoire de la décision qui devait être rendue, de sorte que seules les circonstances manifestement excessives nées postérieurement au jugement peuvent être retenues.

Or les éléments dont elle fait état relatives à sa situation financière au 30 septembre 2023, ses charges salariales et ses charges d'emprunt étaient déjà connues à la date du jugement, tout comme la situation financière de Mme [B] [U]. Les éléments postérieurs au jugement à savoir sa trésorerie au cours des mois de décembre 2023, janvier et février 2024 qui s'élevait sur le compte Crédit Agricole à 76 236,04 euros au 30 novembre 2023, à 85 035,15 euros au 31 décembre 2023, à 75 058,58 euros au 31 janvier 2024 et à 80 175,42 euros au 29 février 2024 lui permette de faire face à une dette de 14 040 euros, sans que cela entraîne pour elle des conséquences manifestement excessives.

Faute pour la SAS Ambulances [U] de justifier de circonstances manifestement excessives au maintien de l'exécution provisoire critiquée, nées postérieurement au jugement et sans qu'il soit utile d'examiner l'existence de moyens sérieux, les deux conditions étant cumulatives, il sera débouté de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire de la décision du conseil de prud'hommes de Cambrai du 8 janvier 2024.

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Partie perdante, la SAS Ambulances [U] sera condamnée aux entiers dépens et au paiement d'une indemnité de 1000 euros d'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de la demande de condamnation de Mme [U] au paiement d'une indemnité d'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déboute la SAS Ambulances [U] de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du conseil de prud'hommes de Cambrai du 8 janvier 2024 rendu dans le litige l'opposant à Mme [B] [U],

Condamne la SAS Ambulances [U] aux dépens de la présente instance,

Condamne la SAS Ambulances [U] à payer à Mme [B] [U] la somme de 1000 euros d'indemnité d'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente

C. BERQUET H. CHÂTEAU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Référés
Numéro d'arrêt : 24/00045
Date de la décision : 10/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-10;24.00045 ?
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