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06/06/2024 | FRANCE | N°22/03081

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 1, 06 juin 2024, 22/03081


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 06/06/2024





N° de MINUTE : 24/478

N° RG 22/03081 - N° Portalis DBVT-V-B7G-ULNX

Jugement (N° 21/01773) rendu le 16 Juin 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Cambrai





APPELANTS



Monsieur [J] [D]

né le [Date naissance 4] 1982 à [Localité 12] - de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 9]



Madame [W] [X]

née le

[Date naissance 6] 1982 à [Localité 14] - de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 8]



Représentés par Me Marine Craynest, avocat au barreau de Lille, avocat constitué





INTIMÉS
...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 06/06/2024

N° de MINUTE : 24/478

N° RG 22/03081 - N° Portalis DBVT-V-B7G-ULNX

Jugement (N° 21/01773) rendu le 16 Juin 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Cambrai

APPELANTS

Monsieur [J] [D]

né le [Date naissance 4] 1982 à [Localité 12] - de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 9]

Madame [W] [X]

née le [Date naissance 6] 1982 à [Localité 14] - de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 8]

Représentés par Me Marine Craynest, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉS

Monsieur [P] [A]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 13] - de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 11]

Madame [G] [I] épouse [A]

née le [Date naissance 7] 1956 à [Localité 8] - de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 11]

Représentés par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué assisté de Me Sandrine Flatin, avocat au barreau de Thonon les bains

DÉBATS à l'audience publique du 13 mars 2024 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Samuel Vitse, président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 4 mars 2024

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte authentique dressé par Me [C] [N], notaire à [Localité 15], le 25 octobre 2012, M. [P] [A] et Mme [G] [I] épouse [A] ont vendu à M. [J] [D] et Mme [W] [X] leur biens immobiliers sis [Adresse 2], moyennant le prix de 145'000 euros, dont 115'000 euros réglé comptant et 30'000 euros suivant les modalités suivantes : « cent soixante dix neuf mensualités de cent soixante sept euros et une mensualité de cent sept euros à compter du 1er septembre 2013".

Aux termes d'une reconnaissance de dette régularisée sous-seing privée le 23 juin 2013, M. [J] [D] et Mme [W] [X] ont reconnu devoir une somme de 104'256 euros M. [P] [A] et Mme [G] [I].

Jusqu'au 5 janvier 2018, M. [J] [D] et Mme [W] [X] ont réglé au total la somme de 32'136 euros. Après cette date plus aucun règlement n'est intervenu.

Le couple formé par M. [J] [D] et Mme [W] [X] s'est séparé, leur domicile conjugal a été vendu, le solde du prix étant à ce jour détenu en l'étude de Me [K] [E], notaire à [Localité 15].

Par ordonnance d'injonction de payer en date du 17 juin 2021, le président du tribunal judiciaire de Cambrai a enjoint à M. [J] [D] et Mme [W] [X] de payer solidairement à M. [P] [A] et à Mme [G] [I] la somme de 102'120 euros.

Cette ordonnance est devenue exécutoire le 4 octobre 2021, et a été signifiée à M. [J] [D] et Mme [W] [X] par acte d'huissier de justice du 12 octobre 2021, avec commandement de payer la somme de 103'075,65 euros.

Les époux [A] ont fait procéder une saisie attribution entre les mains de Me [K] [E], notaire à [Localité 15], par acte d'huissier de justice en date du 14 octobre 2021, dénoncée à M. [J] [D] et Mme [W] [X] par acte en date du 18 octobre 2021.

M. [J] [D] et Mme [W] [X] ont formé opposition à l'ordonnance du 17 juin 2021par lettre parvenue au greffe du tribunal judiciaire de Cambrai le 4 novembre 2021.

Par jugement contradictoire du 16 juin 2022, ce tribunal a :

- déclaré recevable l'opposition à injonction de payer parvenue au greffe de la juridiction de céans le 4 novembre 2021 et communiquée à M. [P] [A] Mme [G] [I] suivant avis adressé par le greffe le 12 novembre 2021,

- dit que la reconnaissance de dette régularisée sous-seing privée le 23 juin 2013 par M. [J] [D] et Mme [W] [X] est valable,

- confirmé l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le président du tribunal judiciaire de Cambrai le 17 juin 2021 en toutes ses dispositions,

- condamné en conséquence solidairement M. [J] [D] et Mme [W] [X] au paiement à M. [P] [A] et à Mme [G] [I] de la somme de 102'120 euros,

- débouté M. [J] [D] et Mme [W] [X] de toutes leurs demandes,

- condamné M. [J] [D] et Mme [W] [X] au paiement à M. [P] [A] et à Mme [G] [I] de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné solidairement M. [J] [D] et Mme [W] [X] aux dépens,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 28 juin 2022, M. [J] [D] et Mme [W] [X] ont relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'opposition à injonction de payer parvenue au greffe de la juridiction de céans le 4 novembre 2021.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 4 janvier 2023, les appelants demandent à la cour de :

Vu les articles 1128 et suivants du code civil,

vu l'article 2224 du code civil,

- dire M. [J] [D] et Mme [W] [X] bien fondés et recevables en leurs demandes,

- débouter M. [P] [A] et Mme [G] [I] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Cambrai le 16 juin 2022 en ce qu'il a :

- dit que la reconnaissance de dette régularisée sous-seing privée le 23 juin 2013 par M. [J] [D] et Mme [W] [X] est valable,

- confirmé l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le président du tribunal judiciaire de Cambrai le 17 juin 2021 en toutes ses dispositions,

- condamné en conséquence solidairement M. [J] [D] et Mme [W] [X] au paiement à M. [P] [A] et à Mme [G] [I] de la somme de 102'120 euros,

- débouté M. [J] [D] et Mme [W] [X] de toutes leurs demandes,

- condamné M. [J] [D] et Mme [W] [X] au paiement à M. [P] [A] et à Mme [G] [I] de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné solidairement M. [J] [D] et Mme [W] [X] aux dépens,

en conséquence

- in limine litis, constater la nullité de l'acte de signification de l'ordonnance portant injonction de payer du 17 juin 2021 délivré le 12 octobre 2021,

- annuler l'ordonnance portant injonction de payer du 17 juin 2021 et sa signification du 12 octobre 2021, compte tenu de la cause illicite et absence de sommes versées et dues,

- ordonner la nullité de la reconnaissance de dette du 23 juin 2013 du fait de l'absence de consentement et de l'absence de cause du fait de l'illicéité de l'acte et l'absence de sommes versées correspondantes,

- subsidiairement, constater la prescription de la reconnaissance de dette,

- condamner M. [P] [A] et Mme [G] [I] chacun à verser à M. [J] [D] et Mme [W] [X] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, ces derniers subissant un préjudice moral certain,

- condamner solidairement M. [P] [A] et Mme [G] [I] à payer à M. [J] [D] et Mme [W] [X] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance, outre celle de 4 000 euros pour les frais irrépétibles de la procédure d'appel,

- condamner solidairement M. [P] [A] et Mme [G] [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 11 janvier 2023, Mme [G] [I] et M. [P] [A] demandent à la cour de :

Vu les articles 1131, 1132, 1376 du code civil,

vu l'article 2224 du code civil,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Cambrai du 16 juin 2022 en toutes ses dispositions,

en conséquence,

- débouter M. [J] [D] et Mme [W] [X] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

- constater, dire et juger que la reconnaissance de dette régularisée sous-seing privée le 23 juin 2013 par M. [J] [D] et Mme [W] [X] est valable,

- confirmer l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 17 juin 2021 par le président du tribunal judiciaire de Cambrai en ce qu'elle a condamné M. [J] [D] et Mme [W] [X] à régler une somme de 102'120 euros,

- condamner solidairement M. [J] [D] et Mme [W] [X], outre aux entiers dépens, à payer à Mme [G] [I] et M. [P] [A] une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

La clôture de l'affaire a été rendue le 4 mars 2024 et l'affaire plaidée à l'audience de la cour du 13 mars 2024.

MOTIFS

Sur l'exception de nullité de l'acte de signification de l'ordonnance d'injonction de payer du 12 octobre 2021

Les appelants soutiennent que l'acte de signification de l'ordonnance délivré le 12 octobre 2021 est nul au motif qu'il indique à tort que l'ordonnance d'injonction de payer a été rendue le 17 juin 2021 par 'M. Le Président du tribunal d'instance judiciaire de Cambrai', et qu'en conséquence, la mention du tribunal devant lequel l'opposition doit être formée est erronée.

Selon l'article 1413 du code de procédure civile dans sa version antérieure au décret n°2021-1322 du 11 octobre 2021 :

'A peine de nullité, l'acte de signification de l'ordonnance portant injonction de payer contient, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, sommation d'avoir :

- soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par l'ordonnance ainsi que les intérêts et frais de greffe dont le montant est précisé ;

- soit, si le débiteur a à faire valoir des moyens de défense, à former opposition, celle-ci ayant pour effet de saisir le tribunal de la demande initiale du créancier et de l'ensemble du litige.

Sous la même sanction, l'acte de signification :

- indique de manière très apparente le délai dans lequel l'opposition doit être formée, le tribunal devant lequel elle doit être portée ainsi que les modalités selon lesquelles ce recours peut être exercé ;

- avertit le débiteur qu'à défaut d'opposition dans le délai indiqué il ne pourra plus exercer aucun recours et pourra être contraint par toutes voies de droit de payer les sommes réclamées.'

Selon l'article 694 du même code, la nullité des notifications est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.

Enfin, l'article 114 du même code dispose qu'aucun acte ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que :

- l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le président du tribunal judiciaire de Cambrai le 17 juin 2021 a été signifiée à Mme [W] [X] par acte d'huissier de justice délivré le 12 août 2021 par dépôt de l'acte à étude, et à M. [J] [D] par acte d'huissier de justice délivré le 16 août 2021 selon procès-verbal de recherches infructueuses ;

- l'ordonnance d'injonction de payer a été revêtue de la formule exécutoire le 4 octobre 2021 ;

- les époux [A] ont fait signifier l'ordonnance revêtue de la formule exécutoire à M. [J] [D] et Mme [W] [X] par acte d'huissier de justice délivré le 12 octobre 2021, et ont fait procéder à une saisie-attribution entre les mains de Me [K] [E], dénoncée à M. [J] [D] et Mme [W] [X] par acte d'huissier de justice délivré le 18 octobre 2021 ;

- M. [J] [D] et Mme [W] [X] ont formé opposition à l'ordonnance le 4 novembre 2021, dans le mois suivant la première mesure d'exécution ayant eu pour effet de rendre indisponibles tout ou partie de leurs biens, conformément aux dispositions de l'article 1416 du code de procédure civile.

La cour constate que si une erreur matérielle affecte effectivement la seconde signification du 12 octobre 2021 de l'ordonnance revêtue de la formule exécutoire, qui précise que l'ordonnance a été rendue par 'M. Le Président du tribunal d'instance judiciaire de Cambrai' au lieu de 'M. Le président du tribunal judiciaire de Cambrai', les premières significations de ladite ordonnance, antérieures à l'apposition de la formule exécutoire, en date des 12 et 16 août 2021 sont parfaitement valables. Au demeurant, M. [J] [D] et Mme [W] [X], qui ont régulièrement pu faire opposition à l'ordonnance d'injonction de payer ne prouvent aucunement le grief que leur cause l'erreur matérielle affectant l'acte de signification du 12 octobre 2021.

Leur exception de nullité sera par conséquent rejetée.

Sur la demande en paiement des époux [A] sur le fondement de la reconnaissance de dette du 23 juin 2013

La reconnaissance de dette litigieuse étant datée du 23 juin 2013, il sera fait application des dispositions du code civil antérieures à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Selon l'article 1326 du code civil 'L'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite «par lui-même», de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres.'

Les époux [A] versent aux débats l'original d'un acte sous seing-privé intitulé 'reconnaissance de dette ou de prêt entre particuliers' datée du 23 juin 2013, par laquelle M. [J] [D] et Mme [W] [X] reconnaissent devoir à M. [P] [A] et Mme [G] [I] ou leurs héritiers la somme de 104 256 euros, devant être restituée en 179 mensualités de 580 euros et 1 mensualité de 436 euros, le 1er versement étant fixé au 1er septembre 2013, et le dernier versement au 1er août 2028. Il y est également mentionné au titre des 'clauses particulières' qu'il a été contracté une assurance décès invalidité pour M. [J] [D] et pour Mme [W] [X] au bénéfice M. [P] [A] et Mme [G] [I] et que l'attestation de ladite assurance est jointe à ce document.

Au verso de la 3ème page de la reconnaissance de dette, M. [J] [D] et Mme [W] [X] ont écrit chacun la mention suivante: ' je reconnais devoir à M. et Mme [A] (ou leurs héritiers) la somme de 104 256 euros (cent quatre mille deux cent cinquante six euros). J'accepte conjointement avec mon époux de régulariser la situation à raison de 179 mensualités de 580 euros et 1 mensualité de 436 euros. Le 1er versement aura lieu le 1er septembre 2013, et le dernier versement aura lieu 1er août 2028.'Sous cette mention, ils ont indiqué leur nom et prénom et ont chacun apposé leur signature sous la mention manuscrite 'Fait à [Localité 16], le 23/06/2023", et ont paraphé toutes les pages de l'acte litigieux.

En premier lieu, les appelants soutiennent ne pas avoir 'donné leur consentement' à la reconnaissance de dette qui leur a été imposée par leur oncle et tante.

Toutefois, force est de constater d'une part, qu'ils ne dénient nullement leur écriture et signature, de telle sorte qu'ils sont manifestement les auteurs des mentions manuscrites susvisées et des signatures apposées sur l'acte sous leur prénom et nom ; que d'autre part, ils ne démontrent pas qu'ils ont été contraints de signer la reconnaissance de dette, ni que leurs engagements auraient été obtenus par la violence, ou une quelconque contrainte. Ils ne démontrent pas davantage un éventuel vice de leur consentement.

De plus, M. [J] [D] et Mme [W] [X] ont exécuté pendant plusieurs années leurs engagements résultant de la reconnaissance de dette litigieuse, s'ajoutant à ceux résultant de l'acte de prêt de la somme de 30 000 euros du 25 octobre 2012, puisqu'ils est justifié et non contesté par eux qu'ils ont remboursé à M. [P] [A] et Mme [G] [I] une somme mensuelle de 747 euros, soit 580 euros au titre des mensualités convenues au titre de la reconnaissance de dette du 23 juin 2013 et 167 euros au titre des mensualités convenues au titre de la vente du bien immobilier, et ce pendant plusieurs années. En outre, de nombreux échanges de messages ou courriels produits démontrent également la reconnaissance par les appelants de leur dette découlant de l'acte litigieux qu'ils ont exécuté pendant plusieurs années, parfois avec difficultés.

Il est également produit un courriel de M. [J] [D] du 7 juillet 2016, adressé à Me [R], notaire à [Localité 17] chargé de rédigé l'acte authentique de reconnaissance de dette projeté, par lequel il lui demandait de lui adresser la copie de la reconnaissance de dette initialement établie sous seing-privé, reconnaissant nécessairement l'existence de celle-ci.

La réalité et l'authenticité des engagements de M. [J] [D] et Mme [W] [X] de restituer aux époux [A] la somme de 104 256 euros, selon les modalités convenues à l'acte, sont en conséquence parfaitement établies.

En second lieu, M. [J] [D] et Mme [W] [X] font valoir que la reconnaissance de dette est non causée au motif que les fonds ne leur auraient jamais été remis par les époux [A], et qu'elle aurait une cause illicite car elle correspondait à 'un complément du prix de vente' de l'immeuble figurant à l'acte notarié de vente, qui leur aurait été imposé a posteriori par les vendeurs.

Selon l'article 1131 du code civil 'L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet'.

L'article 1132 du même code dispose ''la convention n'est pas moins valable, quoique la cause n'en soit pas exprimée'.

Il est rappelé que l'article 1132 du code, civil, en ce qu'il dispose que la convention est valable quoique la cause n'en soit pas exprimée, met la preuve du défaut ou de l'illicéité de la cause à la charge de celui qui l'invoque ; la cause du contrat de prêt étant constituée par la remise de la chose, laquelle est aussi une condition de formation du prêt demeuré un contrat réel lorsqu'il a été consenti par un particulier, il incombe à celui-ci d'établir que le prêteur ne lui a pas remis les fonds, et non au prêteur de prouver la remise des fonds.

D'une part, la production par les appelants d'un relevé de compte au nom de M. [J] [D] ouvert dans les livres de la Caisse d'épargne des Hauts de France, concernant les opérations du 01 janvier 2012 au 16 juin 2022 ainsi que des relevés de compte au nom de M. [J] [D] et Mme [W] [X] du 31 octobre 2012 au 31 décembre 2013, ouvert dans une banque dont le nom n'est pas indiqué ne sont pas suffisants à établir que des fonds n'auraient pas été versés de quelque façon que ce soit à M. [J] [D] et Mme [W] [X], lesdits fonds prêtés pouvant, par exemple, être encaissés sur d'autres comptes, ou versés à des dates non reprises sur les relevés de compte produits.

D'autre part, la pièce n° 11 produite par M. [J] [D] et Mme [W] [X] (message de Mme [G] [I] à Mme [W] [X]), non daté et particulièrement ambigu, n'indique pas expressément ni ne démontre que le prix de vente réel de l'immeuble ne serait pas celui de 145 000 déclaré lors de la vente du 25 octobre 2012, et que le prix prévu à cet acte aurait fait l'objet d'un complément entre les parties. A ce titre, aucune démonstration n'est faite, ni explication donnée par les appelants sur un prétendu détournement ou fraude fiscale.

Il n'est donc pas démontré que la reconnaissance de dette litigieuse n'est pas causée, ni que sa cause est illicite.

En troisième lieu, M. [J] [D] et Mme [W] [X] soutiennent que la reconnaissance de dette comprend des incohérences en ce qu'en première page de l'acte, il est indiqué la date du 30 avril 2013, alors qu'il a été 'signé et daté' par eux le 23 juin 2013, et que l'acte a été rectifié le 16 juillet 2013 par Mme [G] [I] seule.

Il est certes indiqué en première page de l'acte la date du 30 avril 2013, et sous les mentions manuscrites et les signatures de M. [J] [D] et Mme [W] [X] une date différence, soit le 13 juin 2013. Mais comme l'a relevé à juste titre le premier juge, l'acte, qui est un formulaire alors en ligne sur le site Impôts.gouv.fr, a visiblement été pré-rédigé le 30 avril 2013, avant que M. [J] [D] et Mme [W] [X] ne le paraphent et le signent le 23 juin 2013 sur la 3ème et la 4ème page, sous les mentions manuscrites, l'indication des deux dates ne remettant pas en cause sa validité. Par ailleurs, la rectification du 16 juillet 2013 ne concerne que l'assurance perte d'emploi, qui a été rayée, et n'a aucune incidence sur le montant des engagements des M. [J] [D] et Mme [W] [X] et les modalités de remboursement.

Il conviendra en conséquence, confirmant le jugement déféré, de dire que la reconnaissance de dette du 23 juin 2013 est valable et de débouter M. [J] [D] et Mme [W] [X] de leur demande de nullité.

Les appelants soulèvent enfin une fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en paiement sur le fondement de l'article 2224 du code civil, au motif que huit années se sont écoulées entre la signature de la reconnaissance de dette et l'engagement de la procédure en paiement.

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent pas cinq ans à compter du jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, il résulte des pièces produites ( notamment pièce n° 3 des époux [A]) et de leurs affirmations non contestés que M. [J] [D] et Mme [W] [X] ont remboursé les sommes dues jusqu'au 5 janvier 2018, pour un montant total de 32 136 euros, et que depuis cette date leurs règlements ont cessé. Il y a donc lieu de fixer le point de départ de la prescription quiquennale à la date du 5 janvier 2018, à laquelle les époux [A] ont été en mesure de prendre conscience du non-respect de leur obligation de remboursement par M. [J] [D] et Mme [W] [X]. Dès lors, l'action en paiement n'est pas prescrite.

En conséquence, au regard de ce qui précède et des pièces versées au débats, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [J] [D] et Mme [W] [X] à payer la somme de 102 120 euros à M. [P] [A] et Mme [G] [I].

Ces derniers prospérant en leur action, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] [D] et Mme [W] [X] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les demandes accessoires

Les motifs du premier juge méritant d'être adoptés, le jugement est confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

M. [J] [D] et Mme [W] [X], qui succombent, sont condamnés aux dépens d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de les condamner à payer la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et de les débouter de leur demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

Rejette l'exception de nullité de l'acte de signification du 12 octobre 2021 de l'ordonnance d'injonction de payer du 17 juin 2021 soulevée par M. [J] [D] et Mme [W] [X] ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Déboute M. [J] [D] et Mme [W] [X] de leur demande de nullité de l'acte de reconnaissance de dette du 23 juin 2013 ;

Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par M. [J] [D] et Mme [W] [X] ;

Déboute M. [J] [D] et Mme [W] [X] de leur demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [J] [D] et Mme [W] [X] à payer la somme à M. [P] [A] et Mme [G] [I] de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [J] [D] et Mme [W] [X] aux dépens d'appel.

Le greffier

Gaëlle PRZEDLACKI

Le président

Yves BENHAMOU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 1
Numéro d'arrêt : 22/03081
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;22.03081 ?
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