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05/06/2024 | FRANCE | N°24/01141

France | France, Cour d'appel de Douai, Etrangers, 05 juin 2024, 24/01141


COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles





N° RG 24/01141 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VSWU

N° de Minute : 1122







Ordonnance du mercredi 05 juin 2024





République Française

Au nom du Peuple Français





APPELANT



M. [I] [V]

né le 07 Octobre 1998 à [Localité 4] (SERBIE)

de nationalité Serbe

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]

dûment avisé, comparant en personne par visioconférence


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COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles

N° RG 24/01141 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VSWU

N° de Minute : 1122

Ordonnance du mercredi 05 juin 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

APPELANT

M. [I] [V]

né le 07 Octobre 1998 à [Localité 4] (SERBIE)

de nationalité Serbe

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]

dûment avisé, comparant en personne par visioconférence

assisté de Me Claire PERINAUD, avocat au barreau de LILLE, substitué par Maître Maxence CLIQUENNOIS, avocat au barreau de Lille et de M. [Y] [C] interprète assermenté en langue serbe, tout au long de la procédure devant la cour

INTIMÉ

PREFET DE L'AISNE

dûment avisé, absent non représenté

PARTIE JOINTE

M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant

MAGISTRATE DELEGUEE : Agnès MARQUANT, . présidente de chambre à la cour d'appel de Douai désignéé par ordonnance pour remplacer le premier président empêché

assistée de Véronique THÉRY, greffière

DÉBATS : à l'audience publique du mercredi 05 juin 2024 à 11 h 00

Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe

ORDONNANCE : rendue à Douai par mise à disposition au greffe le mercredi 05 juin 2024 à

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles L 743-21, L 743-23, R 743-10, R 743-11, R 743-18 et R 743-19 ;

Vu l'aricle L 743-8 du CESEDA ;

Vu la demande de l'autorité administrative proposant que l'audience se déroule avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle ;

Vu l'accord du magistrat délégué ;

Vu l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER en date du 03 juin 2024 à 11h45 notifiée à 14h56 prolongeant la rétention administrative de M. [I] [V] ;

Vu l'appel interjeté par Maître [F] [Z] venant au soutien des intérêts de M. [I] [V] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 04 juin 2024 à 20 h 16 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;

Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;

Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [I] [V] a fait l'objet d'une mesure portant placement en rétention administrative dans un local non pénitentiaire ordonnée par M. Le Préfet de l' Oise le 30 mai 2024 et notifié le même jour à 17h15 en exécution d'une obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour prise par la même autorité le même jour, notifiée à 10h30.

Un recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

' Vu l'article 455 du code de procédure civile

' Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 3 juin 2024 à 11h45 notifiée à 14h56 ,ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de M. [I] [V] pour une durée de 28 jours , rejetant la requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative et déboutant M. [I] [V] de sa demande d'article 700 du code de procédure civile ;

' Vu la déclaration d'appel du conseil de M. [I] [V] , en date du 3 juin 2024 à 20h16, sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative.

Au soutien de sa déclaration d'appel, M. [I] [V] soulève les moyens suivants :

- au titre de la contestation de l' arrêté de placement en rétention , l'insuffisance de motivation en droit et en fait portant placement au sein d'un local de rétention administrative, le défaut d'examen sérieux et l'erreur d'appréciation au regard des garanties de représentation , l'absence de comportement comportant une menace à l'ordre public, la violation du principe général du droit à être entendu et des droits de la défense,

- l'irrecevabilité de la requête ,en l'absence d'attestation de conformité de la procédure numérique,

- les exceptions de nullité tirées de l'absence physique de l'interprète lors de la notification des droits en rétention et de la privation de liberté sans cadre légal,

-l 'absence de notification régulière des droits en rétention au sein du centre de rétention de [Localité 1],

-l'exercice des droits entre le local de rétention administrative de [Localité 5] et le centre de rétention administrative de [Localité 1],

Il est demandé à titre subsidiaire une assignation à résidence judiciaire ainsi qu'une indemnité procédurale de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. .

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir de la requête préfectorale.

L'article R 743-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile énonce qu'à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée. Elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles , notamment une copie du registre.

Le code ne détaille pas les pièces justificatives utiles et on doit considérer qu'il s'agit des pièces nécessaires à l'appréciation par le juge des libertés et de la détention des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer pleinement ses pouvoirs.

Le caractère utile des pièces s'apprécie à la lumière des éléments discutés ou discutables et cette appréciation est propre à chaque procédure.

Un arrêté du 06 septembre 2019 a prévu l'application concrète des dispositions de la loi en prévoyant, à l'article A53-8 que « toute pièce de procédure sous format numérique peut, s'il y a lieu, être imprimée par les magistrats et agents de greffe qui les assistent, les services de la police nationale, les unités de la gendarmerie nationale, les fonctionnaires et agents exerçant des pouvoirs de police judiciaire, les services pénitentiaires ou de la protection judiciaire de la jeunesse afin d'être remise ou transmise sous format papier.

Les pièces ayant fait l'objet d'un procédé de signature sous forme numérique au sens de l'article D. 589-2 conservent leur valeur probante, après leur impression, s'il est joint une attestation unique indiquant qu'elles sont fidèles à leur version sous format numérique dont est détenteur le service mentionné au premier alinéa ou si chaque impression fait l'objet d'une mention certifiant sa fidélité par le service précité. »

Il peut encore être précisé qu'aux termes de l'article A 53-2 du même code, « Est une signature électronique avancée reposant sur un certificat qualifié au sens de l'article D. 589-3 une signature électronique avancée, conforme à l'article 26 du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/ CE, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l'article 28 de ce règlement. Le dispositif technique permettant d'apposer cette signature électronique fait l'objet d'une homologation de sécurité conformément à l'article 5 du décret n° 2010-112 du 2 février 2010 pris pour l'application des articles 9,10 et 12 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives. »

L' article A53-4 indique encore que « le dispositif technique mentionné à l'article D. 589-4 permet de recueillir la signature manuscrite de toute personne, y compris de celle concourant à la procédure au sens de l'article 11, afin d'en faire une image numérique intégrée au corps de l'un des actes mentionnés au premier alinéa du I de l'article 801-1.

Le recueil sous forme numérique d'une ou plusieurs signatures manuscrites se fait sous le contrôle de la personne chargée d'apposer sa signature électronique sur l'acte, conformément au deuxième alinéa de l'article D. 589-4.

L'identité de celui qui procède à une signature manuscrite recueillie sous forme numérique est obligatoirement mentionnée dans l'acte. Le cas échéant, il est mentionné si cette identité est présumée ou inconnue.

Après l'apposition de la signature électronique, l'ensemble des éléments que l'acte contient, dont les signatures manuscrites recueillies sous forme numérique, ne peut être altéré.

Lorsque, pour la tenue de l'acte, il est recouru à des moyens de télécommunication audiovisuelle en application de l'article 706-71, le recueil sous forme numérique de la signature manuscrite peut se faire avec l'assistance d'une personne, non partie à la procédure, présente aux côtés du signataire.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux signatures manuscrites recueillies sous forme numérique par l'appareil mentionné à l'article R. 49-1. »

S'il appartient au juge judiciaire, saisi par le représentant de l'État d'une demande tendant à la prolongation d'une mesure de rétention administrative de se prononcer, comme gardien de la liberté individuelle, sur l'irrégularité, invoquée par l'étranger, affectant les procédures préalables à cette rétention, la comparution devant une juridiction de jugement qui exerce un contrôle sur la régularité de la procédure qui lui est soumise est de nature à purger les irrégularités éventuelles.

En l'espèce, le placement en rétention administrative de M. [I] [V] ayant été décidé après sa comparution à l'audience de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), la procédure antérieure qui ne précède pas directement la rétention échappe au contrôle du juge des libertés et de la détention .

L'absence de jonction de l'attestation de conformité de la procédure numérisée de garde à vue ne constitue pas en l'espèce une pièce justificative utile.

Le moyen sera rejeté.

Sur la contestation de l' arrêté de placement en rétention

Au titre de son contrôle, le juge judiciaire doit s'assurer que l'arrêté administratif de placement en rétention est adopté par une personne habilitée à cet effet, est fondé sur une base légale et se trouve suffisamment motivé en fait et en droit par rapport aux critères posés par l'article L 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

L'obligation de motivation des actes administratifs, sanctionnée au titre du contrôle de la légalité externe de l'acte, doit être existante, factuelle en rapport avec la situation de l'intéressé et non stéréotypée.

Cependant, cette motivation n'est pas tenue de reprendre l'ensemble des éléments de la personnalité ou de la situation de fait de l'intéressé dès lors qu'elle contient des motifs spécifiques à l'étrangers sur lesquels l'autorité préfectorale a appuyé sa décision

Ainsi, dés lors que l'arrêté de placement en rétention administrative contient des motivations individualisées justifiant, au regard des articles L 741-1 et L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'option prise par l'autorité préfectorale quant à la rétention et mentionnant l'absence de vulnérabilité au sens de l'article L 741-4 du même code, l'acte administratif doit être reconnu comme comportant une motivation suffisante indépendamment de toute appréciation de fond.

En application de l'article R744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ,' lorsqu'en raison de circonstances particulières, notamment de temps ou de lieu, des étrangers retenus en application du présent titre ne peuvent être placés immédiatement dans un centre de rétention administrative, le préfet peut les placer dans des locaux adaptés à cette fin, dénommés "locaux de rétention administrative" .

En l'espèce, l'arrêté litigieux qui ordonne le placement de M. [I] [V]au sein d'un local non pénitentiaire ne vise pas les dispositions réglementaires précitées et ne mentionne pas la nécessité de cette orientation au sein du local de rétention de [Localité 5]. Il est motivé en relevant que le comportement personnel de M X se disant M [I] [V] constitue une menace du point de vue de l'ordre public et de la sécurité publique, qu'il est célibataire et sans ressource légale, se déclarant ouvrier avec un salaire de 1400 euros par mois alors qu'il se trouve en situation irrégulière sur le territoire et ne justifie pas d'une adresse stable , ne présentant pas de garanties de représentation suffisantes.

La préfecture de l' Oise n'a pas répondu à l'argumentation du conseil de l'appelant quant à une entrée régulière sur le territoire national dès lors qu'il serait dispensé de visa, compte-tenu de sa nationalité serbe.

Si le conseil de M [I] [V] justifie avoir transmis par courriel le 30 mai 2024 à 19h29 la copie de son passeport valide qui a été remis à l' administration le 3 juin 2024 et des justificatifs de domicile , cette transmission est postérieure à la notification de l'arrêté intervenue le même jour à 17h15.

Toutefois, il résulte de la procédure de police que lors de son interpellation , M [I] [V] a pu montrer sur son téléphone un titre de séjour sur lequel figure l'adresse à [Localité 3] corroborant ses déclarations au moment de son audition.

S'agissant de la menace du point de vue de l'ordre public et de la sécurité publique, l'absence de communication de la décision judiciaire rendue sur CRPC ne permet pas d'établir que cette condition se trouve caractérisée.

Ainsi, l'arrêté préfectoral du 30 mai 2024 visant M X se disant M [I] [V] doit être regardé comme dépourvu de motivation personnalisée tenant suffisamment compte de la situation particulière de l'étranger, en l'absence d'examen approfondi de sa situation; une mesure moins coercitive telle qu'une assignation à résidence administrative pouvait être mise en oeuvre, compte-tenu des garanties de représentation dont il pouvait justifier sur demande .

En conséquence et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, il y a lieu de d'infirmer l'ordonnance entreprise, de déclarer la requête de la préfecture recevable, de faire droit au recours de M [I] [V] et de débouter le préfet de sa demande de maintien de la rétention.

L'équité ne commande pas enrevanche de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'appelant.

PAR CES MOTIFS

INFIRMONS l'ordonnance,

STATUANT À NOUVEAU,

DÉCLARONS irrégulier l'arrêté de placement en rétention du 30 mai 2024,

DÉCLARONS recevable la requête du préfet de l'Oise ,

REJETONS la requête du préfet de l'Oise ,

REJETONS la demande d'indemnité procédurale,

DISONS n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de M [I] [V] .

RAPPELONS à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,

DISONS que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;

DISONS que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [I] [V] par l'intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d'un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l'autorité administrative ;

LAISSONS les dépens à la charge de l'État.

Véronique THÉRY, greffière

Agnès MARQUANT, . présidente de chambre

A l'attention du centre de rétention, le mercredi 05 juin 2024

Bien vouloir procéder à la notification de l'ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l'interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué : M. [Y] [C]

Le greffier

N° RG 24/01141 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VSWU

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 1122 DU 05 Juin 2024 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 2]) :

Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Pour information :

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Reçu copie et pris connaissance le

- M. [I] [V]

- par truchement téléphonique d'un interprète en tant que de besoin

- nom de l'interprète (à renseigner) :

- décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. [I] [V] le mercredi 05 juin 2024

- décision transmise par courriel pour notification à PREFET DE L'AISNE et à Maître Claire PERINAUD le mercredi 05 juin 2024

- décision communiquée au tribunal administratif de Lille

- décision communiquée à M. le procureur général

- copie au Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER

Le greffier, le mercredi 05 juin 2024

N° RG 24/01141 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VSWU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Etrangers
Numéro d'arrêt : 24/01141
Date de la décision : 05/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-05;24.01141 ?
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