République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIEME CHAMBRE
ARRÊT DU 30/05/2024
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N° de MINUTE : 24/180
N° RG 23/03994 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VCQ2
Ordonnance (N° 23/00151) rendue le 16 Août 2023 par le Président du tribunal judiciaire de Béthune
APPELANT
Monsieur [I] [Y]
né le 04 Mars 1976 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assisté de Me Lucas Dermenghem, avocat au barreau de Lille
INTIMÉE
Société Enedis
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Défaillante à qui déclaration d'appel a été signifiée le 9 octobre 2023 à personne habilitée
DÉBATS à l'audience publique du 06 mars 2024 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Guillaume Salomon, président de chambre
Claire Bertin, conseiller
Yasmina Belkaid, conseiller
ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 19 février 2024
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EXPOSE DU LITIGE
1. Les faits et la procédure antérieure :
Depuis le 25 février 2021, M. [I] [Y] (M. [Y]) est domicilié chez son oncle, M. [Z] [Y] au [Adresse 1], à qui il porte assistance pour les gestes et tâches de la vie quotidienne.
M. [Y] allègue souffrir de troubles symptomatiques liés à un état d'électro-hypersensibilité, notamment de douleurs abdominales et thoraciques, pyrosis, nausées, palpitations, céphalées, baisses de la concentration et troubles mécaniques, et considère que ses troubles sont directement liés au fonctionnement du compteur communicant de type « Linky », installé au domicile de M. [Z] [Y].
Par courrier du 18 janvier 2023 reçu le 23 janvier suivant, M. [Y] a mis en demeure la société Enedis aux fins de retrait du compteur Linky installé au [Adresse 1], et de remplacement par un compteur électrique classique non communicant, et ce dans le délai d'un mois à compter de la réception de ladite mise en demeure.
Par courrier du 6 février 2023, la société Enedis lui a répondu que le déploiement des compteurs Linky constituait une obligation légale et réglementaire qui s'imposait à elle, et que cette obligation de déploiement avait été transposée dans notre droit aux articles L. 341-4 et R. 341-4 et suivants du code de l'énergie ; la société Enedis a précisé que le compteur Linky était conforme aux règles spéciales relatives à la santé des personnes, et l'a invité à demander à l'Agence nationale des fréquences radioélectriques (ANFR) d'effectuer des mesures de champs magnétiques dans le logement de son oncle, titulaire du contrat d'énergie.
Suivant acte du 25 mai 2023, M. [Y] a fait assigner la société Enedis devant le juge des référés de du tribunal judiciaire de Béthune notamment aux fins de voir constater que la présence du compteur électrique communicant constituait un trouble manifestement illicite susceptible de lui causer un dommage imminent, d'obtenir sous astreinte le retrait du compteur litigieux et son remplacement par un compteur non communicant.
2. L'ordonnance dont appel :
Par ordonnance rendue le 16 août 2023, le président du tribunal judiciaire de Béthune statuant en référé a :
au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront ;
à titre provisoire, débouté M. [Y] de l'ensemble de ses demandes ;
débouté M. [Y] de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné M. [Y] aux dépens de l'instance ;
rappelé que la présente ordonnance bénéficiait de l'exécution provisoire de droit en application de l'article 514 du code de procédure civile.
3. La déclaration d'appel :
Par déclaration du 31 août 2023, M. [Y] a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de cette ordonnance en limitant sa contestation aux seuls chefs du dispositif numérotés 2, 3, 4 ci-dessus.
4. Les prétentions et moyens des parties :
4.1 Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 7 février 2024, M. [Y] demande à la cour, au visa des articles 835 du code de procédure civile, 223-1 du code pénal, des dispositions de la Charte de l'environnement, de :
- juger son appel recevable ;
- infirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a énoncé :
le débouter de l'ensemble de ses demandes ;
le débouter de sa demande formulée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
le condamner aux dépens de l'instance ;
statuant à nouveau,
- déclarer recevable et bien fondée son action introduite à l'encontre de la société Enedis ;
- juger que le refus délibéré de la société Enedis de procéder au retrait du compteur électrique communicant de type Linky du logement situé [Adresse 1] constitue un trouble manifestement illicite et est susceptible de lui causer un dommage imminent ;
- ordonner à la société Enedis de procéder au retrait du compteur électrique communicant de type Linky dudit logement, et de le remplacer par un compteur électrique non-communicant, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai ;
- ordonner à la société Enedis de ne pas réclamer, faire réclamer, recouvrer, faire recouvrer, ou encore bénéficier, y compris par l'intermédiaire d'un tiers, d'aucune somme, autre que les sommes déjà dues au titre du tarif d'utilisation du réseau public d'électricité (TURPE), consécutivement à la dépose du compteur communicant Linky et à la réalisation de la relève habituelle, nonobstant tout acte contraire dans l'attente d'un règlement du litige au fond ;
- condamner la société Enedis à lui payer la somme globale de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
A l'appui de ses prétentions, M. [I] [Y] fait valoir que :
- il a constaté son intolérance aux champs électromagnétiques émis par le compteur Linky dans son ancien domicile sis à [Localité 4], où il n'avait auparavant jamais rencontré de difficultés avant l'installation d'un tel compteur ;
- différents médecins attestent de son état d'électro-hypersensibilité et de l'impact néfaste du compteur communicant sur son état de santé ;
- il a essayé d'installer un « filtre » de la marque Absomagnet pour réduire l'émission d'ondes électromagnétiques, mais cette solution s'est avérée inefficace ;
- dans un courrier du 6 février 2023, la société Enedis a indiqué que l'installation du compteur Linky résultait d'une obligation légale et réglementaire, et que l'équipement respectait les seuils d'émission réglementaire d'ondes électromagnétiques ;
- or le déploiement du compteur Linky ne résulte d'aucune obligation légale ni réglementaire ;
- en retenant l'existence de cette prétendue obligation légale et réglementaire tirée de la directive européenne n°2009/72 du 13 juillet 2009, et des articles L. 341-4 et R.341-4 du code de l'environnement, le juge des référés a surinterprété lesdits textes, et commis une erreur de droit ;
- le maintien du compteur Linky à son domicile génère chez lui un état d'électro-hypersensibilité (EHS) constaté médicalement, ce qui l'a conduit à plusieurs reprises à réclamer amiablement le démantèlement du compteur ;
- suivant rapport de mars 2018, l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a constaté l'absence de consensus scientifique pour admettre l'EHS comme maladie reconnue, recommandé l'intensification des recherches sur le sujet pour pallier l'insuffisance de connaissances scientifiques, et constaté la réalité des symptômes et souffrances subies par les personnes diagnostiquées, qui ont besoin d'adapter leur quotidien pour faire face à leurs troubles ;
- dès 2005, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu l'existence d'un état d'hypersensibilité électromagnétique possiblement en lien avec l'exposition des individus aux champs électro-magnétiques ;
- certaines juridictions ont admis que l'état d'électro-hypersensibilité constituait un handicap, ou ouvrait droit à la reconnaissance du statut de travailleur handicapé, et d'autres se sont prononcées en faveur des personnes diagnostiquées EHS en raison de l'implantation d'un compteur Linky à leur domicile ;
- le courrier stéréotypé adressé par la société Enedis traduit l'indifférence de celle-ci face à son état de santé et le refus d'accéder à sa demande d'enlèvement du compteur communicant constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser ;
- deux médecins attestent de ce qu'il présente un syndrome d'intolérance environnementale attribuée aux champs électromagnétiques, et préconisent en urgence la dépose du compteur Linky pour le protéger d'un maximum de sources électromagnétiques ;
- le refus de retirer le compteur litigieux est constitutif d'une mise en danger de la vie d'autrui au sens de l'article 223-1 du code pénal, et s'avère contraire au droit de vivre dans un environnement sain protégé par l'article 1 de la charte de l'environnement, ainsi qu'au principe de précaution prévu à l'article 5 ;
- sur la violation du droit au respect de la vie privée prévu par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme et de sauvegarde des libertés fondamentales, elle est caractérisée par les atteintes graves à l'environnement qui affectent le bien-être d'une personne et la prive de la jouissance de son domicile ;
- sur l'existence d'un dommage imminent, il ne peut quitter le domicile de son oncle à qui il apporte assistance au quotidien, mais met ainsi en danger son propre état de santé ; s'ils essaient de limiter drastiquement leur consommation électrique, ces habitudes de vie ne sont pas suffisantes pour préserver son état de santé.
4.2 Régulièrement intimée, la société Enedis n'a pas constitué avocat en cause d'appel.
Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Aux termes de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Si la partie qui invoque un trouble manifestement illicite ou un dommage imminent, n'a pas à justifier de l'urgence, il reste qu'il lui appartient de rapporter la preuve du trouble manifestement illicite ou du dommage imminent qu'elle allègue pour fonder ses prétentions.
I - Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite
Le trouble manifestement illicite peut être défini comme toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit ; il procède de la méconnaissance d'un droit, d'un titre ou corrélativement d'une interdiction les protégeant, et consiste donc dans un acte ou une abstention s'inscrivant en méconnaissance de l'ordre juridique établi, qu'il faut faire cesser sans délai puisqu'il est inadmissible pour constituer une illicéité manifeste.
=$gt; L'illicéité du trouble s'entend de la méconnaissance d'une norme juridique obligatoire, que son origine soit délictuelle ou contractuelle, de nature civile ou pénale, mais pas de la méconnaissance d'une règle simplement morale.
Afin de transposer, comme elle en avait l'obligation, la directive n°2009/72 du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE, la France a adopté l'ordonnance n°2011-504 du 9 mai 2011, laquelle a notamment créé l'article L. 341-4 du code de l'énergie.
Aux termes dudit article, les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité mettent en 'uvre des dispositifs permettant aux fournisseurs de proposer à leurs clients des prix différents suivant les périodes de l'année ou de la journée et incitant les utilisateurs des réseaux à limiter leur consommation pendant les périodes où la consommation de l'ensemble des consommateurs est la plus élevée.
Dans le cadre du déploiement des dispositifs prévus au premier alinéa du présent article et en application de la mission fixée au 7° de l'article L. 322-8, les gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité mettent à la disposition des consommateurs leurs données de comptage, des systèmes d'alerte liés au niveau de leur consommation, ainsi que des éléments de comparaison issus de moyennes statistiques basées sur les données de consommation locales et nationales. Un décret précise le contenu des données concernées ainsi que les modalités de leur mise à disposition.
Dans le cadre de l'article L. 124-5, ils garantissent aux fournisseurs la possibilité d'accéder aux données de comptage de consommation, en aval du compteur et en temps réel, sous réserve de l'accord du consommateur. [']
Aux termes de l'article R.341-4 du code de l'énergie, pour l'application des dispositions de l'article L. 341-4 et en vue d'une meilleure utilisation des réseaux publics d'électricité, les gestionnaires de réseaux publics de transport et de distribution d'électricité mettent en 'uvre des dispositifs de comptage permettant aux utilisateurs d'accéder aux données relatives à leur production ou leur consommation et aux tiers autorisés par les utilisateurs à celles concernant leurs clients.
Les dispositifs de comptage doivent comporter un traitement des données enregistrées permettant leur mise à disposition au moins quotidienne.
Les utilisateurs des réseaux et les tiers autorisés par les utilisateurs y ont accès dans des conditions transparentes, non discriminatoires, adaptées à leurs besoins respectifs et sous réserve des règles de confidentialité définies par les articles R. 111-26 à R. 111-30.
L'article L. 341-4-1 du même code prévoit également que l'autorité administrative peut prononcer des sanctions pécuniaires à l'égard des gestionnaires défaillants, qui ne respectent pas l'obligation de déploiement de ces compteurs communicants.
Ainsi, le droit positif européen et national contraint-il bien les distributeurs d'électricité, exerçant une mission de service public, à déployer un système de compteur communicant « intelligent » dans un but d'information, de régulation de la consommation, d'économie de coûts et d'énergie, et ce afin de faciliter les mesurages et de favoriser la participation des consommateurs au marché de la fourniture d'électricité.
En conséquence, après une phase d'expérimentation validée par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), le choix de la société Enedis d'installer au domicile des consommateurs d'énergie le compteur communicant de type Linky, équipement électrique de basse puissance qui consiste à mesurer la consommation électrique, et respecte les normes sanitaires et européennes concernant l'exposition du public aux champs électromagnétiques, ne saurait constituer une voie de fait ou une violation délibérée de la règle de droit au sens de l'article 835 précité.
=$gt; Le caractère manifeste du trouble implique l'intervention du juge dans un litige exempt de doute ; une mesure d'anticipation ne pouvant être ordonnée que si le trouble et son illicéité apparaissent avec l'évidence requise en référé.
En l'espèce, bien que M. [Y] produise trois certificats médicaux concluant à la réalité de son état d'électrohypersensibilité, il ne démontre pas que la présence d'un compteur électrique à domicile, soit-il communicant, constitue une mise en danger délibérée de sa vie au sens de l'article 223-1 du code pénal, ni une violation délibérée du droit au respect de sa vie privée au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme et de sauvegarde des libertés fondamentales, ni une violation du principe de précaution défini à l'article 5 de la Charte de l'environnement.
Comme l'a retenu le premier juge, il s'ensuit que le trouble allégué par M. [Y] ne saurait être qualifié ni d'illicite ni de manifeste.
II - Sur l'existence d'un dommage imminent
Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit perdurer. Dès lors, pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, l'imminence d'un dommage, d'un préjudice ou la méconnaissance d'un droit, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines. Un dommage purement éventuel ne saurait être retenu pour fonder l'intervention du juge des référés.
Suivant certificat médical du 7 février 2022 établi par M. [B] [K], médecin de prévention, qui déclare suivre M. [Y] depuis le 13 septembre 2021, ce dernier « présente des manifestations cliniques compatibles avec l'existence d'un syndrome d'intolérance environnementale attribuée aux champs électromagnétiques tel que défini par l'OMS. L'existence de ce syndrome a été confirmée par la mise en évidence d'anomalies biologiques. ['] Cette intolérance nécessite en vertu du principe de précaution, une mise à l'abri d'un maximum de sources électromagnétiques ».
Dans un certificat du 17 février 2022, Mme [G] [N], médecin, certifie que l'état de santé de M. [Y] « nécessite d'urgence la dépose du compteur Linky dans son lieu d'habitation en raison d'une symptomatologie d'intolérance aux champs électromagnétiques antérieure qui a récidivé dans ce logement ». Il présente des symptômes tels « douleurs abdominales et thoraciques, pyrosis et nausées palpitations, céphalées, baisses de la concentration et troubles mnésiques. Les examens biologiques confirment l'impression clinique de l'intolérance aux champs électromagnétiques. L'examen des neurotransmetteurs retrouvent des anomalies biologiques ». Mme [N] ajoute que si les anomalies biologiques rencontrées chez M. [Y] ne sont pas majeures dès lors qu'il se protège en coupant l'alimentation électrique dans son logement, en l'absence de dépose du compteur Linky son état de santé présente « un haut de risque de dégradation [...] ».
Suivant certificat médical du 8 décembre 2023, M. [E] [M], praticien attaché en pathologie professionnelle et environnementale, indique que M. [Y] « présente un syndrome d'hypersensibilité aux champs électromagnétiques », qu'il l'a « déclaré ce jour dans le cadre du réseau national des vigilances et de prévention des pathologies professionnelles coordonné par l'ANSES », et il conseille des mesures d'éviction et d'éloignement qui peuvent diminuer la symptomatologie.
L'aide-mémoire n°296 publié en décembre 2005 par l'OMS expose que l'hypersensibilité électromagnétique (HSEM) se caractérise par divers symptômes non spécifiques qui diffèrent d'un individu à l'autre. Ces symptômes ont une réalité certaine et peuvent être de gravité très variable. Quelle qu'en soit la cause, la HSEM peut être un problème handicapant pour l'individu touché. Cependant, il n'existe ni critères diagnostiques clairs pour ce problème sanitaire, ni base scientifique permettant de relier les symptômes de la HSEM à une exposition aux champs électromagnétiques (CEM). En outre, la HSEM ne constitue pas un diagnostic médical. Il n'est pas non plus évident qu'elle corresponde à un problème médical unique.
A l'intention des médecins, le traitement des individus touchés doit se concentrer sur les symptômes sanitaires et sur le tableau clinique et non sur le ressenti de la personne quant à la nécessité de réduire ou d'éliminer les CEM à son poste de travail ou à son domicile.
Il n'existe actuellement aucune base scientifique permettant d'établir une relation entre HSEM et exposition aux CEM.
Dans son avis plus récent du 13 mars 2018, après un travail complet d'expertise collective s'appuyant sur l'ensemble de la littérature scientifique disponible, et sur une cohorte de médecins hospitaliers, généralistes, chercheurs et associations en lien avec les personnes se déclarant électrohypersensibles, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) met en évidence la grande complexité de la question de l'électrohypersensibilité (EHS). Elle considère qu'il n'existe pas, à ce jour, de critères de diagnostic de l'EHS validés, et que la seule possibilité pour définir l'EHS repose sur l'auto-déclaration des personnes.
« Au final, en l'état actuel des connaissances, il n'existe pas de preuve expérimentale solide permettant d'établir un lien de causalité entre l'exposition aux champs électromagnétiques et les symptômes décrits par les personnes se déclarant EHS. Cependant, l'Agence souligne que les plaintes (douleurs, souffrance) exprimées par les personnes se déclarant EHS correspondent à une réalité vécue et que ces personnes ont besoin d'adapter leur quotidien pour y faire face.
Les symptômes ressentis par les personnes se déclarant EHS, ainsi que l'isolement psycho-social subi par certaines d'entre elles, nécessitent et justifient une prise en charge adaptée par les acteurs des domaines sanitaire et social. »
Il ne résulte pas de l'examen des pièces et données scientifiques produites devant la cour que l'exploitation des compteurs Linky présente un risque de dommages graves et irréversibles pour la santé humaine, même pour les personnes souffrant d'électrohypersensibilité.
Si M. [Y] présente un syndrome d'électrohypersensibilité médicalement constaté, qui a d'ailleurs conduit son employeur, par suite de l'intervention du médecin du travail, à aménager ses conditions et poste de travail, la seule question dont la cour est saisie, sous le prisme du dommage imminent visé à l'article 835 du code de procédure civile, est celle de savoir si la présence d'un compteur communicant au domicile du tiers chez qui il réside, a une probabilité élevée de générer des troubles voire d'aggraver son état de santé.
M. [Y] produit une seule facture d'électricité du 27 avril 2013 laquelle, outre qu'elle est peu lisible, est insuffisante à démontrer la réduction drastique de sa consommation électrique telle qu'il l'allègue.
En considération de l'ensemble des données médicales, rapprochées des avis de l'ANSES et de l'OMS, faute de démonstration scientifique faisant consensus, aucun lien de causalité direct et certain n'est sérieusement établi entre l'exposition aux champs électromagnétiques émis par le compteur électrique communicant et le syndrome d'électrohypersensibilité dont fait état M. [Y], étant au demeurant relevé la pluralité et la diversité des sources électromagnétiques existant dans l'environnement géographique, professionnel, voire domestique de tout individu.
Dès lors, celui-ci échoue à caractériser, avec l'évidence requise en référé, l'existence d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage imminent imputable à la société Enedis, et résultant de la présence d'un compteur électrique communicant au domicile de son oncle.
En conséquence, l'ordonnance critiquée est confirmée en ce qu'elle a débouté M. [Y] de sa demande tendant à voir ordonner, sous astreinte, à la société Enedis de procéder à la dépose du compteur Linky au domicile de son oncle, et à son remplacement par un compteur électrique non communicant.
III - Sur les dépens et les frais irrépétibles
L'ordonnance dont appel est confirmée sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.
M. [Y] qui succombe est condamné aux entiers dépens d'appel.
Le sens de l'arrêt conduit à le débouter de sa demande d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 16 août 2023 par le président du tribunal judiciaire de Béthune statuant en référé ;
Y ajoutant,
Déboute M. [I] [Y] de ses plus amples prétentions ;
Condamne M. [I] [Y] aux entiers dépens d'appel ;
Le déboute de sa demande de frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Harmony POYTEAU
Le président
Guillaume SALOMON