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30/05/2024 | FRANCE | N°22/05407

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 30 mai 2024, 22/05407


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 30/05/2024





****





N° de MINUTE :

N° RG 22/05407 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UTKT



Jugement (N° 2020002465) rendu le 13 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Boulogne Sur Mer







APPELANTE



SARL Decostock, prise en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adr

esse 2]



représentée par Me Laurence Vandermersch, avocat au barreau d'Arras, avocat constitué

assistée de Me Claire Flageollet, avocat au barreau de Marseille, avocat plaidant





INTIMÉE



SAS Lebr...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 30/05/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 22/05407 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UTKT

Jugement (N° 2020002465) rendu le 13 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Boulogne Sur Mer

APPELANTE

SARL Decostock, prise en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 2]

représentée par Me Laurence Vandermersch, avocat au barreau d'Arras, avocat constitué

assistée de Me Claire Flageollet, avocat au barreau de Marseille, avocat plaidant

INTIMÉE

SAS Lebrun, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social[Adresse 1]

représentée par Me Sébastien Boulanger, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 13 février 2024 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphanie Barbot, présidente de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Anne Soreau, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 14 novembre 2023

****

FAITS ET PROCEDURE

La société Décostock, exerçant une activité de vente à distance de mobiliers de jardin pour particuliers, s'est approvisionnée auprès de la société Lebrun à compter de mars 2016.

Les relations commerciales entre les deux sociétés se sont dégradées à compter du printemps 2018, puis ont cessé.

Par assignation du 15 octobre 2020, la société Lebrun a sollicité le paiement de factures demeurées impayées.

Par jugement du 13 septembre 2022, le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer a :

- débouté la société Décostock de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamné la société Décostock à payer à la société Lebrun la somme de 10 278,47 euros assortie d'un intérêt légal à 3 fois le taux d'intérêts légal à compter du 31 juillet 2020 ;

- condamné la société Décostock à payer à la société Lebrun la somme de 120 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement ;

- condamné la société Décostock à payer à la société Lebun la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Décostock aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 24 novembre 2022, la société Décostock a interjeté appel de l'ensemble des chefs du jugement.

PRETENTIONS

Par conclusions du 17 octobre 2023, la société Décostock demande à la cour, au visa des dispositions des articles 1217 et suivants du code civil de :

- infirmer les chefs du jugement critiqués [..]

- statuant à nouveau :

- débouter la société Lebrun de sa demande de condamnation aux pénalités de retard, ainsi que de la somme de 120 euros sollicitée au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement ;

- condamner la société Lebrun au paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial subi suite aux manquements contractuels qui ont conduit à des retards de livraison des marchandises, la perte de chiffre d'affaires liée à la résiliation de son compte vendeur CDiscount, l'atteinte à l'image de marque de la société Décostock et la baisse de sa marge sur les ventes réalisées en 2018/2019 due aux avoirs ou remboursements des livraisons non conformes ;

- ordonner la compensation judiciaire entre les condamnations prononcées à l'égard de la société Lebrun au titre de ses manquements contractuels sur l'année 2019 et le solde des factures revendiquées par la société Lebrun au titre des ventes de marchandises réalisées en mai 2020 ;

- condamner la société Lebrun au paiement de la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- dire et juger que les condamnations prononcées porteront intérêts de droit au taux légal à compter du 22 juillet 2020 et ordonner la capitalisation des intérêts.

Par conclusions signifiées le 1er mars 2023, la société Lebrun demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté la société Décostock de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et l'a condamnée à devoir lui payer les sommes de :

- 10 278,47 euros assortie d'un intérêt égal à 3 fois le taux d'intérêt légal à compter du 31 juillet 2020,

- 120 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

Y ajoutant,

- condamner la société Décostock à lui payer la somme de 3 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Décostock aux entiers dépens d'appel.

MOTIVATION 

I- Sur le fond

La société Décostock revient sur le déroulement des relations contractuelles l'unissant à la société Lebrun et estime avérés les manquements graves et réitérés de cette dernière à son obligation contractuelle de livrer dans les délais contractuels des marchandises conformes.

Elle rappelle que toute clause limitative de responsabilité qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur est réputée non écrite et qu'il ne saurait être stipulé dans un contrat une clause précisant que le délai de livraison n'est qu'indicatif. Elle mentionne des difficultés récurrentes apparues à la fin de l'année 2018. La société Lebrun, fournisseur, n'exécutait plus ses engagements en ne traitant pas spontanément les commandes de ses clients, et ce à compter du début de l'année 2019.

Elle précise que la société Lebrun n'a jamais contesté la réalité de ces manquements et souligne que les délais anormaux de préparation de commande et de livraison ont eu de graves répercussions sur son fonctionnement, notamment dans ses liens avec la plateforme Cdiscount.

Elle soutient avoir légitimement suspendu le règlement des factures de marchandises commandées en mai 2020 dans l'attente de l'édition d'un avoir sur les livraisons tardives intervenues en 2019.

La société Décostock estime que ces violations justifiaient l'engagement de la responsabilité contractuelle de son cocontractant. Elle précise que « l'exception d'inexécution invoquée vise donc à solliciter la condamnation de la société Lebrun à réparer les conséquences de son inexécution contractuelle durant l'année 2019 ». Elle souligne que les préjudices subis résultent de la perte de chiffre d'affaires liée à la résiliation de son compte vendeur Cdiscount, de la baisse de sa marge sur les ventes réalisées en 2018/2019 en raison des avoirs ou remboursements des livraisons non conformes, de l'atteinte à l'image de marque de l'entreprise qui a été fortement dégradée du fait de ces dysfonctionnements répétés.

La société Lebrun conteste avoir manqué à ses obligations contractuelles en termes de délai de livraison, qui est bien noté dans ses conditions générales de vente comme étant indicatif à compter de la validation de la commande. Elle précise que les incidents de livraisons relevant de sa responsabilité étaient pris en charge par ses services, en respectant à la lettre ses conditions générales de vente, qui prévoyaient le suivi d'une procédure par le client pour faire valoir toute réclamation.

Elle rappelle que la commercialisation par internet de mobilier de jardin « premier prix » génère inévitablement quelques réclamations de la clientèle en terme de qualité et de finitions. Sur 97 dossiers traités, 8 d'entre eux faisaient l'objet de réclamations pour un montant de 262 euros.

Elle ajoute qu'elle n'était nullement tenue par les engagements de la société Décostock en termes de délai de livraison à l'égard de la société CDiscount.

Elle fait remarquer que la société Décostock ne conteste nullement le solde des factures restant dû à hauteur de 11 209,21 euros TTC. Les indemnités de recouvrement et intérêts sont dus.

Réponse de la cour

Aux termes des dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutées de bonne foi.

L'article 1353 du même code précise que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui produit l'extinction de sa créance.

Aux termes de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- obtenir une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

L'article 1219 du même code précise qu'une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

1) sur le paiement des factures en attente

En l'espèce, aux termes du dispositif de ses écritures, qui seul saisit la cour en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la société Décostock ne formule aucune demande de rejet de la prétention de la société Lebrun en paiement des différentes factures échues, quand bien même la société Décostock sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et consacre de longs développement à l'exception d'inexécution justifiant la suspension du paiement des factures.

Au contraire, dans ce dispositif, l'appelante sollicite uniquement le rejet de la demande de la société Lebrun présentée au titre des pénalités de retard et frais de recouvrement et de compenser les sommes dues au titre des factures avec l'indemnisation des préjudices qu'elle réclame.

Il s'en déduit que le chef de la décision ayant condamné la société Décostock à payer à la société Lebrun la somme de 10 278,47 euros n'est pas critiqué et doit être confirmé.

2) sur l'inexécution contractuelle invoquée

Pour s'opposer au paiement des intérêts et des frais de recouvrement ainsi que pour fonder sa demande d'indemnisation au titre de la responsabilité contractuelle de la société Lebrun, la société Décostock se prévaut d'une inexécution, qu'il convient donc désormais d'examiner.

Que ce soit pour refuser d'exécuter sa propre obligation à raison d'une exception d'inexécution ou pour engager la responsabilité de son cocontractant, la charge de la preuve de l'inexécution incombe à celui qui l'invoque, soit en l'espèce, à la société Décostock, et ce conformément aux dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile.

Deux motifs sont plus spécifiquement invoqués au soutien de ses prétentions par la société Décostock : un retard dans les livraisons et des livraisons non conformes.

- sur le retard de livraison

La société Décostock invoque un non-respect réitéré du délai de livraison de 8 jours stipulé dans les conditions générales de vente de la société Lebrun, ayant conduit à son déréférencement sur la plateforme CDiscount.

Premièrement, il sera souligné que la société Décostock, en relations d'affaires avec la société Lebrun depuis 2016, ne conteste pas que les conditions générales de vente de cette dernière société lui soient opposables et régissent les relations contractuelles unissant les parties.

Deuxièmement, il ressort bien des conditions générales de vente, reprises sur chacune des factures, que « les délais de livraisons sont indicatifs », cette mention figurant à plusieurs reprises, notamment aux clauses « Livraison, produits permanents ». Il est également prévu qu'aucun retour de livraison ou refus de livraison pour retard n'est possible, sans que la société Lebrun ait été mise en mesure de vérifier la réalité du grief.

Ainsi, aucun délai impératif de 8 jours n'existait entre les parties, peu important que la société Décostock ait elle-même pris des engagements plus restrictifs auprès de la plate-forme CDiscount.

Troisièmement, la société Décostock ne peut utilement combattre cette stipulation contractuelle librement consentie entre professionnels en arguant de la jurisprudence rendue en matière de clauses limitatives de responsabilité contredisant la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur.

Outre qu'elle ne conclut pas au caractère réputé non écrit de la clause, la société Décostock ne peut se prévaloir d'une jurisprudence rendue concernant les clauses abusives conclues entre professionnels et particuliers.

Rien ne s'oppose à la fixation d'un délai de livraison indicatif au profit du vendeur dans le cadre de conditions générales de vente conclues entre deux professionnels, étant au surplus observé qu'il n'est nullement démontré que le délai de livraison ait été, pour la société Décostock, une condition essentielle des obligations souscrites.

Quatrièmement, les éléments parcellaires produits, essentiellement constitués de courriels ponctuels et épars, sans pièces les corroborant, telles que les bons de commande du client, facture, bons de livraisons) ne permettent nullement d'établir, ce qui n'est d'ailleurs pas soutenu, que les délais de livraison, qui étaient réalisés au-delà de 8 jours, aient été déraisonnables.

Le seul fait que la société CDiscount ait estimé « le taux de respect des préparations inférieurs à 96% » n'est pas suffisant à établir, d'une part, le caractère déraisonnable des délais de livraison, en l'absence d'information sur le seuil déclenchant une mise en demeure de la part de CDiscount, d'autre part, le lien de causalité avec les manquements imputés à la société Lebrun. La société Décostock est particulièrement taisante sur la structure même de son activité, et notamment sur la part que représente l'activité auprès de ce fournisseur dans son activité plus globale avec la plateforme CDiscount.

Ce manquement n'est donc pas établi.

- sur le défaut de livraison conforme

La seule production de quelques courriels de réclamations de clients, relatifs à la fragilité de sièges ou aux tâches apparues sur une table, est insuffisante à établir une non-conformité des biens vendus à la commande, en l'absence, d'une part, de production des différents éléments relatifs à la commande passée et à sa livraison, d'autre part, de constatations précises et objectives sur les défauts mentionnés dans les réclamations, et enfin, de justification de la mise en 'uvre des procédures précises de réclamation prévues dans les conditions générales de vente de la société Lebrun.

Ainsi, ni l'absence de conformité de la commande ni l'imputabilité de cette dernière à la société Lebrun ne sont établies.

Ce grief ne peut donc pas plus être retenu.

Il s'ensuit qu'à juste titre les premiers juges ont :

- compte tenu des termes de l'article D 441-5 et du nombre de factures demeurées impayées, condamné la société Décostock au paiement d'une indemnité de recouvrement de 120 euros ;

- compte tenu des termes des conditions générales, stipulant que toute somme non payée à l'échéance entraîne de plein droit, un intérêt égal à trois fois le taux d'intérêts, assorti la condamnation à paiement de la société Décostock de ce taux d'intérêt ;

- débouté la société Décostock de sa demande de dommages et intérêts au titre de la responsabilité contractuelle, faute de démonstration d'une faute et d'un lien de causalité.

La décision des premiers juges est donc confirmée de ces chefs.

II- Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Décostock succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.

Les chefs du jugement relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale allouée sont donc confirmés.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Décostock, tenue aux dépens, sera condamnée à payer à la société Lebrun la somme de 3 000 euros et sera déboutée de sa propre demande.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer du 13 septembre 2022 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Décostock aux dépens d'appel.

LA DEBOUTE de sa demande d'indemnité procédurale ;

CONDAMNE la société Décostock à payer à la société Lebrun la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le greffier

Marlène Tocco

La présidente

Stéphanie Barbot


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 22/05407
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.05407 ?
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