République Française
Au nom du Peuple Français
C O U R D ' A P P E L D E D O U A I
RÉFÉRÉ DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 27 MAI 2024
N° de Minute : 78/24
N° RG 24/00060 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VPAL
DEMANDERESSE :
S.A.R.L. IMMO SERVICES PLUS
dont le siège social est situé [Adresse 5]
[Localité 4]
ayant pour avocats Me Virginie LEVASSEUR, avocate au barreau de Douai et Me Julien PRIGENT, avocat au barreau de Paris
DÉFENDERESSE :
S.A.S. MADELEINE PROPERTIES
dont le siège social est situé [Adresse 2]
[Localité 3]
ayant pour avocats Me Marie-Hélène LAURENT, avocate au barreau de Douai et Me Nicolas AYNES,avocat au barreau de Paris
PRÉSIDENTE : Hélène CHÂTEAU, première présidente de chambre désignée par ordonnance du 22 décembre 2023 du premier président de la cour d'appel de Douai
GREFFIER : Christian BERQUET
DÉBATS : à l'audience publique du 6 mai 2024
Les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance serait prononcée par sa mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe le vingt-sept mai deux mille vingt-quatre, date indiquée à l'issue des débats, par Hélène CHÂTEAU, Présidente, ayant signé la minute avec Christian BERQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
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EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé à effet au 15 mars 2010, la société Immobilière 8, a donné à bail à la société LPCR Immo (dénommée désormais « Immo Services Plus ») des locaux à usage commercial situés [Adresse 1], afin d'y exploiter une activité de crèche et ce, pour une durée de 9 ans moyennant un loyer annuel de 39 640 euros HT HC. Le bail autorisait le preneur à sous-louer les locaux à toute entité de la société LPCR. Ainsi, la société Immo Services Plus, a par acte du 14 avril 2011, sous-loué les locaux à la société LPCR Roubaix Est. Le 20 décembre 2012, la société Immo Services Plus, a sous-loué les locaux à la société LPCR Groupe, et a adressé le jour même copie du dudit contrat à la S.A.R.L. HE France, qui apparaît être le mandataire du bailleur. LPCR groupe ayant pour nom commercial les Petits Chaperons rouges justifie s'être adressé directement à la S.A.R.L. HE France le 6 février 2013 pour justifier de l'assurance des lieux et le 6 novembre 2015 pour contester le montant du nouveau loyer après indexation.
Par acte du 10 septembre 2018, la société Immobilière 8 a donné congé à la société Immo Services Plus avec offre de renouvellement au 14 mars 2019.
Par acte sous seing privé en date du 27 février 2019, la société Immobilière 8 a donné à bail à la société Immo Services Plus des locaux à usage commercial situés [Adresse 1], pour une durée de 10 ans à compter du 15 mars 2019 et ce moyennant un loyer annuel de 45 804 euros, les échanges relatifs à ce nouveau bail n'ayant pas été menés avec LPCR Immo Services Plus, mais avec Les Petits Chaperons rouges, groupe Grandir.
Dans le cadre de ce bail du 27 février 2019, la société Immo Services Plus s'engageait à occuper les locaux personnellement, tout en étant autorisée à sous-lieur partiellement les lieux à une filiale, à condition de soumettre au bailleur le projet de convention de sous-location et de justifier de la qualité de filiale du futur sous-locataire.
La société Madeleine Properties a acquis l'immeuble [Adresse 1] le 23 décembre 2021 et informait par courrier du 28 décembre 2021 la société Immo Services Plus de son intention de sa volonté de faire des travaux dans l'immeuble, lui précisant que la durée des travaux était estimée à une année complète. Le congé délivré le 28 février 2023 comportant dénégation du droit au bénéfice du statut des baux commerciaux indiquait quant à lui que la bailleresse entendait entreprendre une opération de démolition-reconstruction.
Par acte du 7 juillet 2023, la société Madeleine Properties a fait délivrer à la société Immo Services Plus un commandement visant la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail d'avoir à jouir et occuper personnellement et à mettre un terme à la sous-location.
Par acte en date du 8 septembre 2023, la société Madeleine Properties a fait délivrer à la société Immo Services Plus une assignation devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille aux fins de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial à effet du 15 mars 2019.
Par ordonnance du 2 avril 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a :
- déclaré recevable l'action de la société Madeleine Properties ;
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail en date du 15 mars 2019, portant sur les locaux situés [Adresse 1], depuis le 7 août 2023 ;
- ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les 15 jours de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de la société Immo Services Plus et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 1], avec le concours en tant que de besoin de la force publique et d'un serrurier ;
- dit, en cas de besoin, que le sort des meubles sera réglé conformément aux articles L.433-1 et suivants et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
- fixé à titre provisionnel, l'indemnité mensuelle d'occupation au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi, à compter du 8 août 2023 ;
- condamné la société Immo Services Plus à payer, à titre provisionnel, cette indemnité jusqu'à libération effective des lieux ;
- dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Madeleine Properties de conservation du dépôt de garantie et de doublement de l'indemnité d'occupation ;
- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la société Immo Services Plus de paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
- rejeté la demande de suspension des effets de la clause résolutoire et de délais de paiement ;
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- condamné la société Immo Services Plus à payer à la société Madeleine Properties la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté la demande de la société Immo Services Plus au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Immo Services Plus aux dépens ;
- rappelé l'exécution provisoire de droit.
Par déclaration adressée au greffe de la cour d'appel de Douai le 5 avril 2024, la société Immo Services Plus a interjeté appel de la décision.
Par acte en date du 5 avril 2024, la société Immo Services Plus a fait assigner la société Madeleine Properties devant le premier président de la cour d'appel de Douai aux fins de voir ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance du 2 avril 2024 rendue par le président du tribunal judiciaire de Lille.
L'affaire appelée à l'audience du 8 avril 2024 a été renvoyée à la demande des avocats des parties.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES A L'AUDIENCE DU 6 MAI 2024
La société Immo Services Plus, au visa des articles 514-3 du code de procédure civile, L.145-31, L.145-32, L.145-41, L.145-60 du code de commerce, 1104 et 1225 du code civil, demande au premier président de :
- juger sa demande recevable et bien fondée ;
- en conséquence, ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance du 2 avril 2024 rendue par le président du tribunal judiciaire de Lille ;
- condamner la société Madeleine Properties aux entiers dépens, outre la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que :
- l'arrêt de l'exécution provisoire d'une ordonnance de référé peut être sollicitée, même si aucune observation sur l'exécution provisoire n'a été formée en première instance ;
- les actions fondées sur une disposition du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans. Ainsi, l'action tendant à faire constater l'acquisition d'une clause résolutoire en raison d'une sous-location irrégulière, fondée sur les dispositions du statut des baux commerciaux est donc soumise à la prescription biennale. En l'espèce, la sous-location existe depuis 2011 et le bailleur en avait connaissance. Ainsi, le point de départ étant la signature du bail initial, l'action est prescrite et ce, même si la prescription biennale est écartée au profit de la prescription quinquennale de sorte que la décision encourt l'infirmation de ce chef ;
- la clause résolutoire ne précise pas suffisamment les engagements dont l'inexécution entraînerait la résolution du contrat, hormis en ce qui concernant les défauts de paiement. Ainsi, en l'espèce, la clause résolutoire ne sanctionne pas expressément la sous-location irrégulière de sorte qu'il existe un autre moyen sérieux de réformation ;
- l'acquisition de la clause résolutoire ne peut pas être constatée s'il n'existe pas d'infraction. Or, en l'espèce, il existait un accord, d'abord exprès, puis, tacite mais non équivoque du bailleur sur la sous-location puisque : la sous-location à toute entité de la LPCR Immo lui a été autorisée dans le bail initial ; l'acte de sous-location a été transmis au bailleur, le sous-locataire était l'interlocuteur du bailleur ; le bailleur a offert le renouvellement en 2018 du bail aux mêmes termes et conditions, alors qu'il avait connaissance de la sous-location. Elle ajoute que si le bail de renouvellement du 27 février 2019, comporte des stipulations contraignant la sous-location, ces stipulations n'ont vocation qu'à régir les sous-locations futures dès lors qu'au moment de la signature, les locaux étaient déjà sous-loués en totalité à un locataire approuvé par le bailleur et que le congé offrait un renouvellement aux mêmes termes et conditions. Enfin, selon elle, lors du renouvellement, le bailleur a sollicité l'extrait K bis de la société LPCR Groupe et non d'Immo Services plus et les échanges relatifs à l'exécution du bail ont été effectués entre le bailleur et la société LPCR Groupe de sorte qu'il existe un moyen d'infirmation ;
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- à considérer que la sous-location litigieuse soit constitutive d'une infraction, le bailleur actuel serait irrecevable à l'invoquer dès lors qu'elle est antérieure à la vente, sauf cession de créance ou subrogation expresse ; tel n'est pas le cas en l'espèce de sorte qu'il existe une contestation sérieuse quant à l'intérêt à agir de la société Madeleine Properties ;
- le commandement visant la clause résolutoire intervient dans un contexte d'éviction subséquent à un projet immobilier d'envergure et constitue le prolongement du chantage initialement exercé par le nouveau propriétaire, consistant à menacer le locataire d'avoir à prendre en charge le coût important de travaux tout en étant privé de la jouissance des locaux et en devant régler le loyer, sans indemnisation possible des pertes d'exploitation. Elle ajoute que la délivrance du commandement de payer au visa de la clause résolutoire d'avoir à cesser une sous-location qui existe depuis plus de 10 ans, convenue dès l'origine entre les parties, dans ce contexte d'éviction, caractérise une mauvaise foi manifeste du bailleur. Enfin, le bailleur n'a jamais proposé de solutions de déménagement conforme à son activité de sorte que l'ordonnance encourt l'infirmation ;
- depuis la loi du 31 décembre 1989, le juge peut sanctionner des infractions autres que le paiement du loyer et la suspension des effets de la clause résolutoire peut être accordée pour ces autres infractions de sorte que le premier juge aurait dû lui accorder cette suspension des effets de la clause résolutoire ainsi que les plus larges délais pour régulariser la situation afin d'exploiter les locaux directement. Ainsi, l'ordonnance encourt la réformation ;
- les conséquences manifestement excessives doivent s'apprécier par rapport aux personnes en lien direct avec la partie qui le sollicite. Ainsi, le licenciement des salariés et les conséquences pour un sous-locataire, qui a un lien direct avec le locataire, doivent être prises en compte ;
- l'exécution provisoire aura des conséquences manifestement excessives dès lors qu'est exploitée dans les locaux loués, une crèche, comportant environ 30 berceaux, accueillant 54 enfants (le nombre d'inscrits est supérieur à son agrément dans la mesure où certains inscrits occupent la crèche seulement à temps partiel, ainsi, d'autres inscrits occupent les berceaux qui ne sont pas occupés par ces derniers) ce qui conduirait à laisser, au regard de la pénurie de place en crèche, en pleine année scolaire, 54 familles sans solution de garde. Elle ajoute que les enfants sont âgés de 2 mois et demi à 3 ans de sorte que leur expulsion serait dramatique au regard de leur développement et ce, d'autant qu'ils ne pourraient pas être répartis dans les autres crèches LPCR qui sont saturées. Enfin, l'exécution provisoire impliquerait de procéder aux licenciements des
13 salariés employés par la société LPCR Groupe et ce, alors que le bailleur ne subit aucun préjudice, les loyers étant toujours réglés.
La SAS Madeleine Properties, au visa de l'article 514-3 du code de procédure civile, demande au premier président de :
- à titre principal, déclarer irrecevable la demande de la société Immo services plus d'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance rendue le 2 avril 2024 par le président du tribunal judiciaire de Lille ;
- à titre subsidiaire, débouter la société Immo services plus de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- en tout état de cause, débouter la société Immo services plus de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
- condamner la société Immo services plus à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Elle avance que :
- en première instance, la société Immo services plus n'a formulé aucune observation sur l'exécution provisoire et dans son assignation aux fins d'arrêt de l'exécution provisoire, elle n'allègue, ni ne démontre de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à l'ordonnance dont appel de sorte qu'elle est irrecevable à demander l'arrêt de l'exécution provisoire ;
- les conséquences manifestement excessives doivent directement et personnellement concerner le locataire, débiteur à la mesure d'expulsion, ces conséquences ne sauraient s'apprécier au regard d'un sous-locataire, tiers à la décision ordonnant l'expulsion du preneur, celui-ci n'étant pas débiteur. En outre, toute expulsion ordonnée par une décision assortie de l'exécution provisoire entraîne certaines difficultés mais n'implique pas en soi, l'existence de conséquences manifestement excessives. Ainsi, une telle circonstance est insuffisante et impropre à caractériser des conséquences manifestement excessives. Enfin, le risque de conséquences manifestement
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excessives suppose un préjudice irréparable ou une situation irréversible en cas d'infirmation de la décision de première instance, il appartient au demandeur d'apporter la preuve des conséquences manifestement excessives, tel n'est pas le cas en l'espèce ;
- l'affirmation selon laquelle 56 enfants se retrouveraient sans solution de garde du jour au lendemain est trompeuse car la crèche exploitée dans les locaux loués n'a été agréée par le conseil départemental du Nord que pour 34 enfants comme en témoigne l'arrêté du conseil départemental du Nord du 31 mai 2011. En outre, les enfants concernés pourront aisément être répartis dans les crèches du groupe « Les Petits Chaperons Rouges » ou dans les crèches partenaires à proximité dont les plus proches sont à moins d'un kilomètre à pied et accessibles par les transports en commun. Elle précise que le groupe LPCR, selon son site internet, dispose à [Localité 7], de 22 crèches ce qui permettra de replacer les enfants concernés par la fermeture en cause de sorte qu'à supposer que la société Immo services plus, subisse personnellement les conséquences de l'exécution, celle-ci ne connaîtrait en réalité aucune difficulté à la réaffectation des berceaux dès lors qu'elle fait partie du groupe LPCR qui dispose d'un grand réseau de crèches. De plus, la société Immo services plus ne démontre pas l'impossibilité de replacer les berceaux concernés, elle se contente de l'alléguer ;
- s'agissant du licenciement des 13 salariés, la société Immo services plus verse aux débats un planning des salariés ce qui ne permet pas d'identifier avec certitude les salariés qui travaillent pour la crèche exploitée dans les lieux loués, les contrats de travail n'étant pas communiqués. En outre, eu égard à la taille du groupe et du nombre de crèches à proximité de la crèche litigieuse, la société Immo services plus pourra, en cas d'exécution de l'ordonnance, aisément transférer les salariés qui travaillent au sein des lieux loués dans l'une des 22 crèches situées à [Localité 7] et à proximité de la crèche litigieuse. Enfin, la société Immo services plus ne démontre pas qu'elle aurait personnellement embauché ces salariés, ni l'impossibilité de les transférer vers une autre crèche du groupe ;
- la société Immo services plus n'allègue pas et ne démontre pas un préjudice irréparable en cas d'infirmation de l'ordonnance. Elle ajoute que si l'ordonnance était exécutée puis infirmée, la concluante, faisant partie d'un « groupe industriel belge de premier rang dans le domaine de la construction, de la promotion immobilière et des concessions » réalisant un « chiffre d'affaires de 3,4 milliards d'euros », serait tenue d'en assumer les conséquences ;
- la société Immo services plus ne justifie d'aucun moyen sérieux de réformation de l'ordonnance car :
o ses demandes ne sont pas prescrites puisque la prescription biennale ne s'applique qu'aux actions exercées en vertu du statut des baux commerciaux, tel n'est pas le cas en l'espèce dans la mesure où l'action en acquisition de la clause résolutoire ne relève pas du statut des baux commerciaux, elle est soumise à la prescription quinquennale de droit commun. En outre, le point de départ de la prescription quinquennale est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, soit en l'espèce, au jour où elle a appris l'existence de la sous-location illicite, c'est-à-dire lorsqu'elle a fait signifier à la société Immo Service plus le congé, soit le 28 février 2023, ou au plus tôt au jour de l'entrée en vigueur du nouveau bail, soit le 15 mars 2019. Elle précise que la sous-location a été autorisé par l'ancien bailleur. Or, l'anéantissement de l'ancien bail a mis fin à la sous-location autorisée ;
o la clause résolutoire contenue dans le bail est efficace dans la mesure où la clause est parfaitement compréhensible puisque visant expressément l'hypothèse d'une inexécution de l'une quelconques des clauses du bail ou des obligations légales ou réglementaires. Or, le nouveau bail, en son article 15 interdit expressément toute sous-location et oblige le preneur à occuper personnellement, de manière continue et sans interruption les lieux loués (articles 5 et 6.2 du bail). Enfin, la société Immo services plus ne saurait ignorer que l'illicéité d'une sous-location est une cause qui justifie la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusif du preneur ;
o la société Immo services plus a effectivement manqué et continue de manquer à ses obligations contractuelles nées du nouveau bail puisque, d'une part, la société Immo service plus, comme en témoigne un procès-verbal dressé le 28 février 2023 dans le cadre de la signification d'un acte de « congé commercial avec refus de renouvellement sans indemnité pour dénégation du droit au statut », n'exploite pas personnellement les locaux loués, rien ne permet d'identifier dans les lieux loués sa présence et ce, d'autant que le personnel présent dans les lieux loués déclare ne pas connaître cette société. D'autre part, la sous-location qui date d'un acte antérieur au bail en cours conclu le 15 mars 2019, est
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irrégulière dans la mesure où elle a été consentie à une société qui n'est manifestement pas une société filiale de la société Immo services plus. Enfin, la société Immo services plus a reconnu qu'elle est locataire principal mais que c'est la société LPCR qui exploite le local en vertu d'un contrat de sous-location du 14 avril 2011 suite au contrat de bail du 15 mars 2010. Or, le bailleur avait donné congé à ce bail du 15 mars 2010, ce qui a mis fin à ce bail mais aussi au contrat de sous-location du 14 avril 2011 ce, à compter du 14 mars 2019 ;
o elle est recevable à invoquer l'illicéité de la sous-location dans la mesure où la violation de l'interdiction de sous-location est une infraction qui persiste de sorte que le manquement n'est pas antérieur à la vente. Elle ajoute que la jurisprudence invoquée par le preneur, ainsi que l'article 1743 du code civil ne sont pas applicables en l'espèce puisque le nouveau bail à effet au 15 mars 2019 n'est pas un bail authentique et il n'a pas de date certaine ;
o elle n'agit pas de mauvaise foi, d'ailleurs, le preneur ne démontre pas et ne justifie pas que le bailleur aurait mis en 'uvre la clause résolutoire de mauvaise foi et pour cause, le bailleur se contente d'user d'une prérogative prévue dans le bail pour sanctionner un comportement contraire à la loi des parties ;
o la demande de délais de grâce ne pouvait en tout état de cause pas prospérer dans la mesure où le juge ne saurait pas accorder des délais de paiement pour permettre à un locataire de régulariser une infraction contractuelle d'ores et déjà consommée, qui n'est, au reste, pas régularisable. En outre, une telle demande n'est pas justifiée eu égard à la surface financière et le nombre de crèches exploitées par le groupe auquel le preneur appartient, y compris à proximité immédiate des lieux loués de sorte que la société Immo services plus n'aura aucune difficulté à faire face à la perte de jouissance des locaux loués et qu'il n'y avait pas lieu de lui accorder un délai de grâce de deux ans.
En définitive, aucun des moyens soulevés par le preneur ne justifie la réformation de l'ordonnance de sorte qu'il conviendra de rejeter la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la recevabilité de la demande
Il ressort des dispositions de l'article 514-3 alinéa 1er du code de procédure civile, applicable aux instances introduites après le 1er janvier 2020, ce qui est le cas de l'espèce, qu'en cas d'appel, le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsque celle-ci risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives et lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision de première instance.
Certes l'alinéa 2 du même article dispose que :
'La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.'
Toutefois, cet alinéa 2 ne peut s'appliquer que dans les hypothèses où le juge de première instance peut, suite aux observations d'une partie, écarter l'exécution provisoire de plein droit.
Or, l'article 514-1 alinéa 3 précise que le juge ne peut écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé, lorsqu'il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l'instance, qu'il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu'il accorde une provision au créancier en qualité de juge de juge de la mise en état.
En l'espèce, le juge de première instance qui statuait en référé ne pouvait donc écarter l'exécution provisoire.
En conséquence, est recevable en son principe la demande d'arrêt de l'exécution provisoire formée par la S.A.R.L. Immo Services Plus, bien que les circonstances manifestement excessives dont elle fait état étaient connues antérieurement à la décision de première instance.
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2. Sur le bien fondé de la demande
Le premier juge a fait droit à la demande de constatation de la clause résolutoire en retenant qu'il était établi que le preneur n'exploitait pas personnellement les locaux loués. L'appelant fait valoir que le bailleur savait au moment de la signature du nouveau bail que c'était la société LPCR Groupe qui exploitait une crèche depuis décembre 2012 dans les lieux donnés à bail, et les pièces qu'il verse aux débats font en effet apparaître le sérieux de ce moyen qui devra être tranché par la cour de sorte que sera retenu l'existence d'un moyen sérieux de réformation de la décision.
Si la société Madeleine Properties soutient que les circonstances manifestement excessives découlant du maintien de l'exécution doivent concerner la société Immo Services Plus, les dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile ne restreignent nullement ainsi les conséquences manifestement excessives, alors qu'il est constant qu'en l'espèce, l'expulsion prononcée concernera en réalité la société LPCR Group, ses salariés et les enfants accueillis dans la crèche de [Localité 6] et leur famille.
Il est justifié par la production du registre unique du personnel de la crèche de la société LPCR Group de [Localité 6] que onze personnes travaillent dans cette crèche, et de la pièce 38 versée aux débats par la société Immo Services Plus que 54 enfants sont inscrits dans cette crèche, même si l'agrément a été donné pour 31 places, compte tenu de l'accueil d'enfants à temps partiel. De cette même pièce, il peut être conclu que quand bien même, la société LPCR Group dispose de quinze autres établissements sur [Localité 7] et d'un sur [Localité 8], il n'existe pas suffisamment de places disponibles pour accueillir 54 enfants, ce qui constitue des circonstances manifestement excessives.
Au vu de ces éléments, il sera fait droit à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de la décision de référé du 2 avril 2024 du juge des référés de [Localité 7].
Chaque partie conservera à sa charge les frais et dépens qu'elle a engagés dans le cadre de la présente instance.
PAR CES MOTIFS
Ordonne l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision de référé du 2 avril 2024 de la vice-présidente du tribunal judiciaire de Lille dans l'instance opposant la S.A.R.L. Immo Services Plus à la SAS Madeleine Properties,
Dit que chaque partie conservera à sa charge les frais et dépens qu'elle a engagés dans le cadre de la présente instance.
Le greffier La présidente
C. BERQUET H. CHÂTEAU