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18/04/2024 | FRANCE | N°23/02269

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 18 avril 2024, 23/02269


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 18/04/2024





****





N° de MINUTE : 24/138

N° RG 23/02269 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U44W



Jugement (N° 21/00836) rendu le 28 Mars 2023 par le tribunal judiciaire de Dunkerque







APPELANTE



Madame [Z] [J]

née le [Date naissance 4] 1974

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Yann Leupe, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué





INTIMÉES



SARL [F] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 18/04/2024

****

N° de MINUTE : 24/138

N° RG 23/02269 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U44W

Jugement (N° 21/00836) rendu le 28 Mars 2023 par le tribunal judiciaire de Dunkerque

APPELANTE

Madame [Z] [J]

née le [Date naissance 4] 1974

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Yann Leupe, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

INTIMÉES

SARL [F] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Ingrid Schoemaecker, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

SA L'Equite prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés es qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Catherine Trognon-Lernon, avocat au barreau de Lille, avocat constitué aux lieu et place de Me Jacques Sellier, avocat au barreau de Lille,

DÉBATS à l'audience publique du 08 février 2024 tenue par Yasmina Belkaid magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 février 2024

****

EXPOSE DU LITIGE

Après avoir fait l'acquisition d'un véhicule en juin 2019, Mme [J], qui avait été impliquée dans dix accidents de la circulation entre 2017 et 2019, a souscrit une police d'assurance automobile auprès de la société l'Equité le 26 juin 2019 par l'intermédiaire de la société [F], courtier d'assurances.

Le 26 octobre 2019, Mme [J] a été de nouveau impliquée dans un accident de la circulation.

Une expertise amiable a conclu au caractère économiquement réparable du véhicule pour un montant de 13 227,74 euros.

N'ayant pas obtenu la prise en charge totale du sinistre, par actes des 22 et 23 avril 2021, elle a fait assigner la société [F], la société l'Equité et la société Assurance Unie devant le tribunal judiciaire de Dunkerque en vue d'obtenir leur condamnation in solidum à l'indemniser de l'ensemble des préjudices subis des suites de l'accident du 26 octobre 2019.

Par un jugement rendu le 28 mars 2023, le tribunal judiciaire de Dunkerque a :

débouté Mme [Z] [J] de l'ensemble de ses demandes

condamné Mme [Z] [J] aux dépens

condamné Mme [Z] [J] à payer à la Sarl [F] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

débouté la SA l'Equité et la SAS Assurance Unie de leurs demandes d'indemnité de procédure

Par déclaration du 16 mai 2023, Mme [J] a intimé les sociétés [F] et l'Equité et a formé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Par conclusions notifiées le 22 janvier 2024, Mme [Z] [J] demande à la cour de

- infirmer le jugement rendu le 28 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Dunkerque en ce qu'il l'a :

=$gt; débouté de l'ensemble de ses demandes ;

=$gt; condamné aux dépens ;

=$gt; condamné à payer à la société [F] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civil

Et, en lieu et place :

A titre principal :

Vu le contrat d'assurance,

- condamner in solidum les sociétés l'Equité et [F] à une somme de 200 euros au titre des deux remorquages du véhicule consécutifs à l'accident, en application du contrat d'assurance ;

Vu, ensemble, les articles L521-4 et L112-2 du Code des Assurances,

Vu, ensemble, les articles L.121-2, L.121-6 et L.121-7 du code de la consommation,

Vu les articles L.511-1 IV du Code des Assurances et 1242 du Code Civil,

Vu la Jurisprudence relative à la responsabilité des mandats du fait de leurs mandataires à l'égard des tiers,

- condamner in solidum les sociétés l'Equité et [F] à une somme de 13.227,84 euros correspondant à la valeur des travaux à réaliser sur le véhicule ;

-condamner in solidum les sociétés l'Equité et [F] à l'indemniser des préjudices consécutifs à l'absence de prise en charge de son sinistre, soit la somme à parfaire de 24 240,50 euros, sous réserve d'actualisation, correspondant à :

* 22.170,50 euros au titre du préjudice de jouissance au 16 août 2023, somme à parfaite de 15,95 euros par jour jusqu'à l'exécution du jugement à intervenir ;

* frais de gardiennage du véhicule, soit 2 070 euros à date d'août 2023, somme à parfaire de 45 euros / mois jusqu'au jour de l'exécution du jugement.

A titre subsidiaire et avant dire droit :

Vu les articles 1385 et suivants du Code Civil,

- déférer à la société [F], prise en la personne de M. [F], un serment décisoire sur le fait qu'elle lui ait certifiée, après la survenance du sinistre, qu'elle était assurée tous risques, eu égard au témoignage de M. [U] certifiant avoir été témoin de ces propos ;

En tout état de cause :

- condamner in solidum les sociétés l'Equité, Assurances Unies et [F] à

une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la procédure ;

-assortir toutes condamnations d'une prise d'intérêts au taux légal, à

compter de la date de l'assignation introductive d'instance.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

Le courtier, intermédiaire d'assurance, engage sa responsabilité délictuelle sur le fondement de l'article L. 521-4 du code des assurances dès lors qu'il a manqué à son obligation d'information et de conseil :

- d'une part, au moment de la souscription du contrat

la charge de la preuve du respect de cette obligation pèse sur le courtier

il n'y a eu aucun questionnaire écrit et précis pour définir ses besoins alors qu'elle avait oralement clairement exprimé son souhait de bénéficier d'une assurance tous risques

elle n'a pas davantage été destinataire du document d'information normalisé visé à l'article L. 112-2 du code des assurances

le devis vise, parmi les garanties non souhaitées, la « garantie du conducteur » qui correspond à la clause 2Y des conditions générales relatives à la garantie du préjudice corporel subi par le conducteur et non à la garantie des dommages subis par le véhicule qui est quant à elle prévue à l'article 4

elle démontre qu'elle était persuadée d'être garantie tous risques par les mentions du constat amiable

d'autre part, lors de l'exécution du contrat, la société [F] l'a maintenue dans la certitude d'une garantie tous risques

en effet, la société [F] a fait réaliser une expertise amiable pour chiffrer les dommages, a pris en charge des frais de gardiennage du véhicule puis l'engagement d'en régler de nouveaux alors que le contrat souscrit ne prévoit pas une telle prise en charge, ce qui équivaut à une reconnaissance de garantie et non à un geste commercial

la société a créé une pièce pour les besoins de la cause à savoir un courrier du 8 décembre 2019 reprenant les termes d'un courriel par lequel elle évoque l'absence de garantie dommage

en juillet 2020, M. [F] lui a confirmé la souscription de la garantie tous risques

elle a donc été victime d'une pratique commerciale trompeuse au sens de l'article L. 121-2 du code de la consommation et d'une pratique commerciale agressive au sens des articles L. 121-6 et L. 121-7 du même code.

La société l'Equité engage également sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 511-1 IV du code des assurances dès lors qu'elle a pu croire que le courtier agissait en qualité de mandataire de la société d'assurance.

Son préjudice est constitué du coût du remorquage du véhicule et des travaux de réparation du véhicule. Elle subit en outre un préjudice de jouissance et des frais de location d'un garage.

Subsidiairement, dans la mesure où elle démontre que la société [F] l'a maintenue dans la croyance d'avoir souscrit un contrat d'assurance automobile tous risques jusqu'au mois de juillet 2020, il convient, avant dire droit sur l'indemnisation de ses préjudices, de déférer à celle-ci, qui le nie, un serment décisoire sur le fait qu'elle lui a certifié, après la survenance du sinistre, qu'elle était assurée tous risques.

Par conclusions notifiées le 17 octobre 2023, la société [F] demande à la cour de :

A titre principal  :

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

débouter Mme [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en cause d'appel

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [J] à une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance,

A titre subsidiaire et avant dire droit :

-débouter Mme [J] de sa demande de déférer de serment décisoire, mais constater qu'elle n'a cause d'opposition à celui-ci

En tout état de cause :

- condamner Mme [J] à une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens pour la procédure d'appel.

Au soutien de ses prétentions, elle soutient que :

Sur le manquement à l'obligation d'information et de conseil au moment de la souscription du contrat :

rappelant les dispositions des articles L. 211-1, L. 521-4 et L. 112-2 du code des assurances, le courtier engage sa responsabilité contractuelle en cas de manquement à son obligation d'information et de conseil dès lors qu'il refuse sa garantie sur la base des clauses du contrat qui ne concordent pas avec celles attendues par l'assuré sur la base d'une information reçue par le courtier

toutefois, en l'espèce, un devis, valant questionnaire, a été rempli avec le courtier et signé par Mme [J] avec la mention « lu et approuvé » avec prise de renseignement sur les garanties voulues par celle-ci

Mme [J] ne rapporte pas la preuve qu'elle a souhaité bénéficier d'une garantie tous risques

ni dans les besoins et souhaits exprimés, ni dans les garanties souhaitées, l'assurance tous risques n'est envisagée

Mme [J] a fait le choix de souscrire à trois garanties, la responsabilité civile, la défense pénale recours et l'assistance 0 km

l'article L. 112-2 du code des assurances ne prévoit aucun document type, seule une liste de renseignements doit y figurer

Mme [J] ne peut se prévaloir des mentions du constat alors que les constatations de la police ont révélé qu'elle était à l'origine de l'accident

Sur le manquement à l'obligation d'information et de conseil pendant l'exécution du contrat :

le constat que produit Mme [J] ne peut valoir constat amiable alors qu'elle a été la seule à le remplir et qu'en outre elle a fait une fausse déclaration en indiquant qu'elle avait été percutée par une motocyclette

elle a pris acte de l'accident et de la déclaration de sinistre mais a sollicité des informations complémentaires sur les circonstances de l'accident

pour éviter toute négligence ou retard dans la prise en charge du sinistre, elle a acquiescé au remorquage du véhicule et à une expertise amiable à titre conservatoire en attendant de déterminer les responsabilités respectives des véhicules impliqués

le paiement des frais de gardiennage a été réalisé à titre de geste commercial et pour « calmer la furie et l'agressivité » de Mme [J]

dés qu'elle a eu confirmation de la société l'Equité de l'absence de prise en charge en l'absence de tiers responsable, elle en a informé Mme [J]

sur le préjudice :

Mme [J] ne peut solliciter l'exécution forcée du contrat en se prévalant d'un contrat hypothétique

elle doit être déboutée de ses demandes indemnitaires au titre du préjudice matériel et du préjudice d'agrément

subsidiairement, le serment décisoire ne peut suppléer la carence du demandeur dans l'administration de la preuve ce d'autant plus qu'il s'agit d'un contrat écrit et régulier.

Par conclusions notifiées le 17 octobre 2023, la société l'Equité demande à la cour de :

confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

A titre infiniment subsidiaire,

- condamner la société [F] à la garantir de condamnation en principal intérêts, dommages et intérêts, article 700 et frais qui pourrait être prononcée à son encontre,

- s'entendre condamner Mme [J] au paiement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

seul le courtier, mandataire de Mme [J] est susceptible d'engager sa responsabilité et n'ayant pas la qualité de mandant, elle ne peut être tenue responsable à l'égard de Mme [J]

en toute hypothèse, Mme [J] a accepté un devis qui fait apparaitre les questions posées et les garanties offertes et les dispositions particulières sont conformes au devis

en cas de garantie, elle ne peut être tenue au-delà des garanties souscrites par l'intermédiaire de son courtier.

Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Les moyens soutenus par les parties ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants :

Sur la responsabilité de la société [F]

sur le manquement à l'obligation d'information et de conseil au moment de la souscription du contrat

L'article L.520-1 II 2° du code des assurances définit les obligations de l'intermédiaire en assurances avant la conclusion du contrat tenant en particulier à préciser les exigences et les besoins du souscripteur éventuel ainsi que les raisons qui motivent le conseil fourni quant à un produit d'assurance déterminé. Ces précisions, qui reposent en particulier sur les éléments d'information communiqués par le souscripteur éventuel, sont adaptées à la complexité du contrat d'assurance proposé.

L'article L. 112-2 du code des assurances prévoit que l'assureur doit obligatoirement fournir une fiche d'information sur le prix et les garanties avant la conclusion du contrat d'assurance.

La société [F], en sa qualité d'intermédiaire en assurances et de mandataire de l'assuré, est tenue d'une obligation d'information et de conseil de moyen envers son client.

Il incombe au débiteur d'une obligation d'information et de conseil de prouver qu'il l'a exécutée.

En l'espèce, le devis signé le 26 juin 2019 par la société [F] et Mme [J] comporte la liste des neuf sinistres antérieurs du 9 juin 2017 au 27 avril 2019, un questionnaire auquel elle a répondu et mentionne la souscription des seules garanties responsabilité civile, défense pénale recours et assistance 0 km en réponse aux besoins exprimés et à l'aulne des renseignements fournis. Il précise que la garantie du conducteur n'a pas été souhaitée et que Mme [J] a eu connaissance, préalablement à la souscription du contrat, des conditions générales de la police d'assurance qui définissent chacune de ces garanties de sorte que celle-ci a été informée sur ces garanties par des clauses claires énonçant de façon compréhensible les risques couverts et les conditions de mise en 'uvre des garanties souscrites.

Ce devis satisfait donc aux dispositions de l'article L. 112-2 du code des assurances en ce qu'il comporte les garanties souscrites ainsi que le prix des cotisations.

Pour autant, la clarté des stipulations d'une police d'assurance définissant les garanties et en fixant le montant n'est pas exclusive d'un manquement de l'assureur à son devoir de conseil dès lors qu'il est établi que c'est sur les conseils erronés de l'assureur que ces stipulations ont été acceptées par l'assuré.

Le devis précité mentionne à la rubrique « vos besoins et souhaits exprimés » que Mme [J] indique « satisfaire à l'obligation et à la protection de ses droits ».

Ainsi, les garanties ont été souscrites pour répondre à l'obligation de satisfaire à la couverture d'assurance obligatoire, au sens de l'article L. 211-1 du code des assurances, en ce qu'elles couvrent la responsabilité civile du conducteur.

En revanche, la garantie facultative couvrant les dommages causés au véhicule de l'assuré n'a pas été souscrite, la garantie étant en conséquence «au tiers» et non «tous risques» comme le mentionne le devis précité du 26 juin 2019.

Il est ainsi établi l'adéquation de la police souscrite à la situation de Mme [J] qui a été vérifiée notamment au regard de ses antécédents déclarés portant sur 9 accidents du 9 août 2017 au 27 avril 2019.

Il ne résulte d'aucune pièce du dossier que Mme [J] a pu légitimement croire qu'elle avait souscrit la garantie couvrant les dommages à son véhicule qui avait précisément été exclue du champ de la police souscrite et qui correspond, non pas comme elle le prétend, à la garantie Y des conditions générales relative au préjudice corporel subi par le conducteur alors qu'elle correspond à une extension de garantie, mais au risque B prévu par l'article 4 des conditions générales (dommages tous accidents avec ou sans collision).

Cette preuve ne saurait efficacement résulter des mentions qu'elle a elle-même portée sur le constat d'accident en méconnaissance des garanties qu'elle a souscrites.

Il ne saurait donc être reproché à la société [F] un manquement à son obligation précontractuelle d'information et de conseil.

Sur le manquement à l'obligation d'information et de conseil en cours d'exécution du contrat d'assurance

Il est établi qu'à la suite de l'accident de la circulation du 26 octobre 2019, la société [F] a mandaté son expert automobile aux fins d'évaluer les dommages matériels et a versé à Mme [J] la somme de 850 euros au titre des frais de gardiennage du véhicule sinistré.

Toutefois et contrairement aux assertions de cette dernière, le paiement de ces frais ne constitue pas une reconnaissance de garantie par l'assureur dès lors que, comme cela résulte de son courrier du 13 novembre 2019, la société [F] a évalué le montant des travaux réparatoires ainsi que des frais de gardiennage à titre conservatoire en l'absence de connaissance des circonstances exactes de l'accident et alors que Mme [J] avait seule renseigné le constat amiable du 26 octobre 2019 et avait déclaré que le sinistre était consécutif à la faute d'un motocycliste lui ayant refusé la priorité dans un rond-point.

Or, il résulte de la main courante déposée par M. [D] [L], conducteur de la motocyclette, que les services de police sont intervenus sur le lieu de l'accident et ont constaté que le véhicule de Mme [J] a, en réalité, percuté la motocyclette engagée dans le rond-point.

Ainsi, seule la déclaration de sinistre trompeuse de Mme [J] a été à l'origine des diligences de la société [F] qui, sur la base des déclarations de l'assurée quant à l'imputabilité de l'accident, a pris des mesures conservatoires en vue de la prise en charge du sinistre avant d'envisager l'exercice d'un recours subrogatoire à l'encontre du tiers responsable.

Aucune pièce du dossier ne tend à démontrer que la société [F] lui aurait certifiée qu'elle bénéficiait d'une assurance « tous risques. A cet égard, le témoignage du compagnon de Mme [J], tiers au contrat, est totalement inopérant.

Dans ces conditions, aucun manquement à son obligation d'information et de conseil au cours de l'exécution du contrat ne saurait être reproché à la société [F].

Le jugement critiqué sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société [F].

Sur la responsabilité de la société l'Equité

Dès lors que le réalisateur du contrat d'assurance est le courtier de l'assuré et que l'assureur ne pouvait s'immiscer dans les relations entre le courtier, professionnel de l'assurance, et l'assuré mandant, il ne peut être tenu pour responsable de l'inadaptation du contrat aux besoins de l'assuré et alors en outre que le contrat d'assurance établi par la société l'Equité est conforme au devis du 26 juin 2019.

En l'absence de démonstration d'un mandat apparent dont bénéficierait la société [F] pour représenter l'assureur lors de la conclusion du contrat d'assurance, la société L'Equité ne peut être engagée au-delà des termes du contrat effectivement souscrit par l'intermédiaire de ce courtier.

Par suite, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de ses demandes formées à l'encontre de la société l'Equité.

La demande de garantie formée par cette dernière à l'encontre de la société [F], étant devenue sans objet, sera rejetée.

Sur la demande de serment décisoire

La société [F] ne s'oppose pas à ce qu'un serment décisoire soit prêté par son représentant légal mais elle relève son caractère inutile au regard du contrat valablement souscrit par Mme [J].

L'article 317 alinéa 2 du code de procédure civile prévoit que le juge ordonne le serment s'il est admissible et retient les faits pertinents sur lesquels il sera reçu. 

Aux termes de l'article 1385 du code civil, le serment décisoire peut être déféré sur quelque espèce de contestation que ce soit et en tout état de cause.

Le serment décisoire n'est pas de droit dès qu'une partie le demande et la cour dispose d'un pouvoir pour apprécier si la délation de serment est ou non nécessaire.

En l'espèce, Mme [J] défère le serment décisoire sur la question suivante : la société [F] en la personne de M. [F] lui a-t-elle certifiée, après la survenance du sinistre, qu'elle était assurée tous risques ' » compte tenu de l'attestation de son compagnon, M. [U], certifiant avoir été témoin de ces propos.

Alors que Mme [J] a établi une déclaration de sinistre mensongère sur les circonstances de l'accident et que son compagnon, M. [T] [U], a confirmé sa version des faits laquelle a été démentie par les constatations des services de police, l'attestation de M. [U] selon laquelle il a assisté aux échanges entre Mme [J] et M. [F] qui aurait assuré que Mme [J] était assurée « tous risques » ne constitue pas un élément suffisamment probant pour ordonner le serment.

En effet, outre que la datation de ces propos n'est pas précisée, il résulte d'un courriel du 5 décembre 2019 adressé à M. [F] qu'au vu du sinistre, le gestionnaire a imputé la responsabilité de l'accident à l'assuré à 100% ajoutant que celui-ci n'avait pas souscrit de garantie dommage.

Dans ces conditions, il est invraisemblable que M. [F], en connaissance des circonstances de l'accident et des garanties souscrites, a assuré, au mois de juillet 2020, à Mme [J] qu'elle était assurée « tous risques » alors en outre que le contrat d'assurance prévoit de manière claire et précise que celle-ci a souscrit les seules garanties responsabilité civile, défense pénale recours et assistance 0 km et que cette souscription est intervenue dans un contexte de sinistres récurrents.

Dès lors, il ne sera pas fait droit à la demande de serment décisoire.

Sur les dépens et les demandes au titre des frais irrépétibles

Le sens du présent arrêt conduit à :

- d'une part à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

- et d'autre part, à condamner Mme [J] aux entiers dépens d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 1 500 euros chacun à la société [F] et à la société l'Equité à titre d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 28 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Dunkerque en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Rejette la demande de garantie formée par la société l'Equité à l'encontre de la société [F] ;

Rejette la demande tendant à déférer à la société [F] un serment décisoire ;

Condamne Mme [Z] [J] aux dépens d'appel ;

Condamne Mme [Z] [J] à payer à la société [F] et à la société l'Equité, chacune, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La Greffière Le Président

Harmony Poyteau Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 23/02269
Date de la décision : 18/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-18;23.02269 ?
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