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18/04/2024 | FRANCE | N°22/04955

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 18 avril 2024, 22/04955


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 18/04/2024





****





N° de MINUTE : 24/145

N° RG 22/04955 - N° Portalis DBVT-V-B7G-URS4



Jugement (N° 18/02582) rendu le 20 Septembre 2022 par le Tribunal judiciaire de Dunkerque





APPELANTS



Monsieur [E] [B]

né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 9]





Madame [Y] [R] épouse [B]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 14] (Chine)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 9]



Représentés par Me Devaux, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 18/04/2024

****

N° de MINUTE : 24/145

N° RG 22/04955 - N° Portalis DBVT-V-B7G-URS4

Jugement (N° 18/02582) rendu le 20 Septembre 2022 par le Tribunal judiciaire de Dunkerque

APPELANTS

Monsieur [E] [B]

né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 9]

Madame [Y] [R] épouse [B]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 14] (Chine)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentés par Me Devaux, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

INTIMÉES

S.A. Gan Assurances prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 11]

[Localité 10]

Représentée par Me Surmont, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

SA Axa France Iard prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 12]

Représentée par Me Deveyer, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 17 janvier 2024 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024 après prorogation du délibéré en date du 28 mars 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 4 décembre 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

M. [E] [B] et son épouse Mme [Y] [R] (M. et Mme [B]) ont entrepris de faire construire une maison individuelle d'habitation sur un terrain leur appartenant sis [Adresse 16] à [Localité 13], et ont conclu à cette fin :

- une convention de maîtrise d''uvre, le 24 juillet 2012, avec la société [C] [X] (la société [X]), assurée auprès de la société Axa France iard (Axa) ;

- un marché pour le lot gros 'uvre avec M. [M] [T] exerçant sous l'enseigne commerciale DCR [T] construction rénovation, assuré auprès de la société Gan assurances (Gan).

M. et Mme [B] ont réglé des acomptes à M. [T] d'un montant total de 73 376 euros.

Par jugement du 17 juillet 2013, M. [T] a été placé en liquidation judiciaire, et Maître [G] désigné en qualité de liquidateur judiciaire. M. et Mme [B] ont déclaré leur créance auprès de Maître [G].

La société [X] a dressé un état du chantier le 25 juillet 2013, puis recherché des entreprises pour le reprendre. Celles-ci, constatant d'importantes fissures affectant la maçonnerie déjà réalisée, ont décliné l'offre de reprise.

A la demande de M. et Mme [B] et de leur assureur protection juridique, le cabinet FD expertises a déposé un rapport le 5 novembre 2013, qui a relevé de nombreuses fissures dans la maçonnerie et fait état de malfaçons au niveau du ferraillage des fondations.

Le 22 décembre 2013, les murs de la construction se sont écroulés.

Faute de réponses favorables des assureurs Axa et Gan à leurs déclarations de sinistre, M. et Mme [B] ont fait citer, par actes d'huissier du 4 et 6 juin 2014, Axa, Maître [G] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [T], et le Gan devant le juge de référés du tribunal de grande instance de Dunkerque afin d'obtenir une mesure d'expertise judiciaire.

Par ordonnance de référé du 18 septembre 2014, le juge des référés a ordonné une expertise et désigné M. [Z] [O] afin notamment de rechercher la cause des désordres, malfaçons ou défauts de conformité affectant l'immeuble des demandeurs, de fournir les éléments permettant d'apprécier les responsabilités encourues, et d'évaluer les préjudices subis.

L'expert [O] a déposé son rapport d'expertise du 1er février 2016, puis un rapport complémentaire du 24 avril 2017.

La société [X] a été placée en liquidation judiciaire simplifiée par jugement du 22 mai 2017 désignant la SELAS Soinne comme liquidateur judiciaire. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 juin 2017 distribuée le 26 juin suivant, M. et Mme [B] ont déclaré leur créance entre les mains de la SELAS Soinne.

Par acte du 23 octobre 2018, M. et Mme [B] ont fait assigner les sociétés Axa et Gan devant le tribunal de grande instance de Dunkerque afin d'obtenir leur condamnation à réparer le dommages matériels et immatériels subis du fait de leurs assurés respectifs, la société [X] et M. [T].

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 20 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Dunkerque a :

débouté M. et Mme [B] et Axa, prise en sa qualité d'assureur de la société [X], de leurs demandes à l'encontre du Gan, pris en sa qualité d'assureur de M. [T] ;

déclaré recevables les demandes de M. et Mme [B] au titre de leurs préjudices personnels découlant du sinistre subi ;

condamné Axa en sa qualité d'assureur de la société [X] à payer à M. et Mme [B] :

- la somme de 73 376 euros en réparation du préjudice matériel, à indexer selon l'évolution de l'indice BT01 entre avril 2015 et celui publié à la date du jugement ;

- la somme de 11 698,83 euros au titre du préjudice matériel découlant des frais bancaires ;

dit que la franchise contractuelle de 2 039 euros serait déduite des sommes payées par Axa en qualité d'assureur de la société [X] ;

condamné Axa en qualité d'assureur de la société [X] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de l'instance en référé-expertise et les frais d'expertise ;

condamné Axa en qualité d'assureur de la société [X] à payer à M. et Mme [B] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

rejeté le surplus des demandes.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 24 octobre 2022, M. et Mme [B] ont formé appel de ce jugement, dans des conditions de forme et de délai non contestées, intimant Axa ès qualités, et limitant leur contestation aux seuls chefs du dispositif numérotés 3 et 4 ci-dessus.

Par acte du 20 avril 2023, Axa a fait assigner le Gan, en sa qualité d'assureur de M. [T], en appel provoqué devant la cour.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1 Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 16 octobre

2023, M. et Mme [B] demandent à la cour de :

- débouter Axa de l'intégralité de ses demandes ;

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Axa à leur payer seulement les sommes suivantes :

'73 376 euros avec indexation en fonction de l'indice BT01 entre avril 2015 et celui publié à la date du jugement en réparation de leur préjudice matériel ;

'11 698,83 euros au titre de leur préjudice matériel découlant des frais bancaires ;

- « pour le surplus, confirmer le jugement entrepris sur les chefs réformés » ;

statuant de nouveau,

- condamner Axa prise en sa qualité d'assureur de la société [X] à leur verser la somme de 137 816,67 euros au titre des travaux de réfection indexés en fonction de l'indice BT01 entre avril 2015 et son parfait règlement ;

- si par extraordinaire la juridiction de céans ne retenait pas le chiffrage de M. [J], condamner Axa prise en sa qualité d'assureur de la société [X] à leur verser la somme de 115 763,55 euros au titre des travaux de réfection indexés en fonction de l'indice BT01 entre avril 2015 et son parfait règlement ;

- condamner Axa prise en sa qualité d'assureur de la société [X] à leur verser les sommes suivantes qui seront à parfaire :

'30 491,06 euros au titre de l'augmentation du coût de la construction des travaux pour achever la maison, indexés en fonction de l'indice BT01 entre le rapport de M. [J] du 14 février 2019 et la décision à intervenir ;

'36 205,67 euros au titre des frais bancaires ;

'333,25 euros au titre des factures Noréade ;

'3 381,36 euros au titre des palettes de briques ;

'1 598,20 euros au titre de la pose des gaines électriques et des tuyaux d'eau ;

'24,38 euros au titre des frais postaux ;

'5 914,22 euros au titre des frais de stockage des menuiseries ;

'198 000 euros au titre de la privation de jouissance de leur bien, arrêtés à février 2023 ;

'1 500 euros par mois à compter du 1er février 2023 jusqu'au paiement des causes de la décision à intervenir ;

'180 euros au titre du constat Actanord du 29 juin 2023 ;

'5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

'les entiers dépens d'appel ;

- prononcer à leur profit à l'encontre du Gan, en application des articles 1788 du code civil et L. 124-3 du code des assurances, les mêmes condamnations qu'à l'encontre d'Axa, et ce in solidum tant en principal, frais irrépétibles, dépens et honoraires de l'expert judiciaire ;

- plus précisément, condamner le Gan in solidum avec Axa à leur verser les sommes suivantes, à parfaire :

'30 491,06 euros au titre de l'augmentation du coût de la construction des travaux pour achever la maison, indexés en fonction de l'indice BT01 entre le rapport de M. [J] du 14 février 2019 et la décision à intervenir ;

'36 205,67 euros au titre des frais bancaires ;

'333,25 euros au titre des factures Noréade ;

'3 381,36 euros au titre des palettes de briques ;

'1 598,20 euros au titre de la pose des gaines électriques et des tuyaux d'eau ;

'24,38 euros au titre des frais postaux ;

'5 914,22 euros au titre des frais de stockage des menuiseries ;

'198 000 euros au titre de la privation de jouissance de leur bien, arrêtés à février 2023 ;

'1 500 euros par mois à compter du 1er février 2023 jusqu'au paiement des causes de la décision à intervenir ;

'5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

'les entiers dépens d'appel.

A l'appui de leurs prétentions, M. et Mme [B] font valoir que :

- dans son rapport définitif du 24 avril 2017, l'expert [O] a chiffré le coût des travaux de reprise de l'immeuble jusqu'au stade constaté avant son effondrement à la somme de 105 251 euros TTC, outre 2 500 euros pour les frais de bureau de contrôle, et 2 500 euros pour les frais de maîtrise d''uvre, soit un total de 110 251 euros (en valeur à avril 2015), mais a omis certains postes et en a sous-évalué d'autres ;

- l'expert amiable [J], dans son rapport du 25 janvier 2018, a considéré que le coût de reconstruction du gros 'uvre endommagé s'élevait en réalité à la somme de 128 753,98 euros TTC, en ce compris 2 500 euros pour les frais de bureau de contrôle, et qu'ils avaient également subi un préjudice en raison de l'augmentation des coûts de la construction pour achever le chantier ;

- ils sont toujours propriétaires des parcelles cadastrées YO n°[Cadastre 6] et YO n°[Cadastre 7], sur lesquelles la construction sinistrée a été édifiée, et produisent à cet égard leur taxe foncière 2023 qui en justifie ;

- ils sont parfaitement fondés en leur demande tendant à voir condamner Axa à supporter le coût des travaux de reconstruction, et pas seulement à leur rembourser les acomptes qu'ils ont versés ;

- ils sont fondés à obtenir le remboursement des frais exposés pour le stockage de leur matériel, et versent à cette fin les factures qu'ils ont acquittées ;

- Axa doit voir sa garantie responsabilité civile souscrite par la société [X] mobilisée en application de l'article L. 124-3 du code des assurances relatif à l'action directe du tiers victime ;

- l'expert [O] a retenu que la chute des murs avait été provoquée par un effet domino résultant d'une absence d'étaiement et de chaînage des murs ; s'il n'aborde pas la responsabilité du maître d''uvre dans la survenance de ce désordre, il reste que la société [X] avait reçu une mission de maîtrise d''uvre complète, de la conception au suivi du chantier jusqu'à réception des travaux, de sorte qu'elle devait vérifier la méthodologie de l'entreprise exécutante, et qu'elle doit également répondre des malfaçons ;

- l'expert [O] retient que les fissures en fondations et façades sont dues au non-respect des règles du document technique unifié (DTU), des prescriptions contenues dans le rapport d'étude de sol, et des stipulations contenues dans les documents contractuels, notamment le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) ; l'expert retient à cet égard la responsabilité de M. [T] qui a exécuté les travaux, mais également celle de l'architecte qui n'a pas réclamé, en début ou en cours de chantier, les plans d'exécution ni les notes de calcul des ouvrages à réaliser, comme cela était prévu dans le CCTP ;

- la responsabilité contractuelle de la société [X] est engagée à l'égard des maîtres de l'ouvrage sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil ;

- selon l'expert judiciaire, les travaux de réfection nécessitent la démolition complète des fondations déjà exécutées, leur reconstruction, puis l'élévation des murs effondrés jusqu'au stade auquel ils parvenus au moment du sinistre ;

- contrairement aux conclusions de l'expert [O], l'article L. 242-1 du code des assurances impose la souscription d'une assurance dommages ouvrage pour la réalisation de tous travaux de construction ; l'appréciation de l'expert [O], selon laquelle les particuliers qui font construire l'immeuble pour l'habiter eux-mêmes ne sont pas soumis à l'obligation de souscrire une assurance dommages-ouvrage, est erronée ;

- le fait pour le maître d''uvre de ne pas avoir attiré leur attention sur la nécessité de souscrire une assurance dommages-ouvrage est fautif.

4.2 Aux termes de ses conclusions notifiées le 8 septembre 2023, Axa,

intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

'débouté M. et Mme [B] de leurs demandes au titre de la valeur de reconstruction de l'immeuble, des frais de bureau de contrôle, de maîtrise d''uvre et du coût de l'assurance dommages-ouvrage ;

'rejeté les demandes formulées au titre des frais de stockage du matériel, de la facture Noréade, des palettes de briques, et du trouble de jouissance ;

'retenu l'application de la franchise contractuelle assortissant sa garantie ;

- infirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

en conséquence,

- déclarer M. et Mme [B] irrecevables en leurs demandes, faute de justifier de leur qualité de propriétaires actuels du terrain concerné ;

- débouter en tout état de cause M. et Mme [B] de toutes demandes dirigées à son encontre ;

- condamner M. et Mme [B] à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux entiers dépens de l'instance ;

subsidiairement, au visa des articles 1240 du code civil et L. 124-3 du code de assurances,

- condamner le Gan à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, tant en principal, frais et intérêts ;

- subsidiairement sur ce point, condamner le Gan à la garantir pour une part qui ne saurait être inférieure à 80% du montant des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, tant en principal frais et intérêts ;

en tout état de cause,

- déduire des sommes qui pourraient être allouées à M. et Mme [B], ou à toute autre partie, et dont elle pourrait être tenue, le montant de la franchise contractuelle opposable, fixée à la somme de 2 249,29 euros par la police souscrite par la société [X].

A l'appui de ses prétentions, Axa fait valoir que :

- M. et Mme [B] recherchant la responsabilité contractuelle du maître d''uvre avant réception des travaux, celle-ci ne peut être engagée que pour faute prouvée dans l'exercice de la mission qui lui avait été confiée ;

- la chute des murs, et les fissures en fondations et sur les façades sont provoquées par un défaut de M. [T] dans la surveillance et la conduite de l'exécution des travaux, et non à un défaut de suivi de chantier par le maître d''uvre ;

- il n'appartient pas à l'architecte d'assurer une présence constante sur le chantier, ni de surveiller les travaux, mais uniquement d'en assurer le suivi et la direction ;

- M. et Mme [B] formulent des demandes excessives en décalage complet avec les préjudices réellement subis, le coût des travaux de démolition et de reconstruction devant s'apprécier au stade d'avancement existant ;

- les devis produits par les appelants correspondent au coût d'une reconstruction totale de l'immeuble comprenant le coût de l'achèvement des travaux, tous corps d'état, ce qui constitue un enrichissement sans cause de ces derniers ;

- il convient d'écarter le chiffrage non contradictoire effectué par M. [J], et de retenir les évaluations contradictoires de l'expert judiciaire [O] ;

- si une indexation selon l'indice BT01 du coût de la construction doit être retenue, elle ne peut être calcule qu'entre avril 2015 et le 1er février 2016, date de dépôt du rapport complémentaire de l'expert [O] ;

- l'expert [O] a clairement imputé les désordres liés à la chute du mur à un défaut de méthode de l'entreprise [T] dans la réalisation des ouvrages ; quant aux fissures, il précise que l'entreprise [T] n'a pas respecté les stipulations contenues dans le rapport de sol, ni produit les plans d'exécution ni les notes de calcul de l'ouvrage comme précisé au CCTP ;

- si le premier juge a écarté les garanties souscrites au titre de l'effondrement des ouvrages avant réception et de la responsabilité civile générale de M. [T], il ne s'est pas prononcé sur la garantie décennale souscrite par celui-ci auprès du Gan ;

- les travaux exécutés par M. [T] ont fait l'objet d'une réception matérialisée par l'état de chantier dressé le 25 juillet 2013, confirmant la volonté manifeste des maîtres de l'ouvrage de réceptionner en l'état les travaux de cette entreprise ;

- M. et Mme [B] avaient réglé la quasi-totalité des travaux exécutés par M. [T], et les désordres allégués n'étaient pas visibles lors de l'état des lieux du 25 juillet 2013, mais n'ont été constatés que dans le cadre des opérations d'expertise judiciaire.

4.3 Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 14 septembre

2023, le Gan, intimé et appelant incident, demande à la cour, au visa des articles 1792, ancien 1134, ancien 1147, 1240 et suivants, 1341-1, 1788 et suivants du code civil, 9 du code de procédure civile, de :

à titre principal,

- confirmer le jugement querellé en l'ensemble de ses dispositions ;

ainsi,

- débouter M. et Mme [B], et Axa de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre lui ;

- déclarer que les garanties issues de la police garantissant M. [T] de sa responsabilité civile décennale ne sont pas mobilisables en présence d'un chantier abandonné, inachevé et non réceptionné ;

- déclarer que les garanties issues de la police souscrite par M. [T] auprès de lui ne portent pas sur les conséquences de sa responsabilité civile contractuelle telle que définie à l'article 1134 ancien du code civil ;

- déclarer que les demandes formées par M. et Mme [B] sur le fondement de l'article 1788 du code civil sont irrecevables et mal fondées ;

- déclarer que la garantie facultative effondrement ne peut être mobilisée au profit des maîtres de l'ouvrage selon une jurisprudence constante et, en tout état de cause, n'est pas mobilisable en l'espèce ;

- le mettre purement et simplement hors de cause ;

à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait entrer en voie de condamnation à son encontre,

- déclarer que les condamnations au titre des travaux de reprise des malfaçons affectant les travaux de M. [T] ne sauraient aller au-delà de la somme de 110 251 euros TTC suivant chiffrage arrêté par l'expert judiciaire ;

- déclarer opposable le plafond de garantie s'établissant à 150 000 euros dont 15 000 euros de frais de démolition et déblaiement, et sous déduction de la franchise opposable ;

- débouter M. et Mme [B], et toutes autres parties, de toutes demandes subséquentes et complémentaires ;

- condamner Axa en sa qualité d'assureur du maître d''uvre, M. [X], à le garantir de toutes condamnations en principal, frais et accessoires qui pourraient être prononcées à son encontre ;

- déclarer que M. [X] a engagé sa responsabilité bien au-delà des 20% d'imputabilité qu'Axa tente de voir entériner ;

- déclarer opposable la franchise applicable ;

en tout état de cause, et ajoutant au jugement de première instance,

- condamner Axa à lui régler la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance d'appel.

A l'appui de ses prétentions, le Gan fait valoir que :

- le chantier s'est arrêté en juillet 2013 du fait de la déconfiture de l'entreprise en charge des travaux de gros 'uvre, le maître d''uvre faisant dresser le 25 juillet 2013 un état de l'avancement du chantier qui a répertorié des fissures affectant les maçonneries réalisées en l'état ;

- il a refusé sa garantie au titre de la responsabilité civile décennale obligatoire souscrite par M. [T], les dommages étant apparus avant réception, en cours de chantier ;

- ses garanties ne sont mobilisables sur le fondement ni de l'article 1792 du code civil, ni de la responsabilité civile contractuelle, ni de l'article 1788 du code civil, ni au titre du risque imminent d'effondrement avant réception ;

- l'état des lieux dressé le 25 juillet 2013 est insuffisant à établir l'existence d'une volonté tacite et non équivoque des maîtres de l'ouvrage de réceptionner les travaux, ce descriptif étant réalisé unilatéralement par le maître d''uvre en l'absence de convocation de l'entreprise et de son liquidateur, et de règlement intégral du marché ; M. et Mme [B] ont manifesté leur refus de réceptionner l'ouvrage en contestant la qualité des travaux exécutés dans leur déclaration de créance, en réclamant la restitution des acomptes réglés, et en organisant une expertise amiable en septembre 2013 pour constater l'état des malfaçons ;

- les non-conformités et désordres affectant les travaux inachevés de gros 'uvre étaient parfaitement visibles et apparents dans leur ampleur et étendue ;

- les fautes commises par M. [T] dans l'exécution des travaux qui lui sont confiés ne sont pas garanties par le contrat d'assurance qu'il a souscrit ;

- le contrat d'assurance souscrit par M. [T] ne garantit pas les fautes commises dans le cadre de sa responsabilité civile contractuelle de droit commun, ni sa responsabilité en cours de chantier sur le fondement de l'article 1788 du code civil pour les dommages survenus à des ouvrages dont il a la garde ;

- la garantie contre le risque d'effondrement en cours de chantier est une garantie facultative souscrite par l'entrepreneur pour son propre compte, et non pour le maître de l'ouvrage, garanti pour sa part par la police dommages-ouvrage ; or cette garantie est une assurance de choses souscrite au seul bénéfice de l'assuré qui est tenu de reprendre à ses frais les travaux défectueux, ce qui rend irrecevable l'action directe du maître de l'ouvrage à l'encontre de l'assureur ;

- M. et Mme [B] ne sont pas fondés à agir par la voie de l'action oblique, sur le fondement de l'article 1341-1 du code civil, à revendiquer le bénéfice de la garantie effondrement, dès lors que le liquidateur judiciaire de M. [T] n'est pas partie à l'instance ;

- la société [X] avait reçu une mission complète de maîtrise d''uvre, et ne s'est pas montrée diligente dans le suivi du chantier, dans la mesure où elle n'a produit aucun compte-rendu de chantier, n'a jamais exigé la communication des plans d'exécution ni notes de calcul, n'a pas enjoint à M. [T] d'exécuter les travaux conformément au DTU, ni exigé la réalisation conforme des fondations eu égard à l'étude des sols, la nature du terrain et des risques, et ne s'est assurée ni du chaînage ni de l'étaiement des murs ;

- les préjudices de M. et Mme [B] doivent être évalués conformément au chiffrage de l'expert judiciaire ;

- les appelants ne sont pas fondés à obtenir une somme de 5% du montant des travaux de reprise correspondant à la souscription d'une assurance dommages-ouvrage, dès lors qu'ils ont volontairement choisi de ne pas souscrire une telle police à l'ouverture du chantier.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur la recevabilité des demandes de M. et Mme [B]

Axa soutient que les appelants ne justifient pas être restés propriétaires du terrain concerné.

Suivant attestation notariée du 16 décembre 2011, M. et Mme [B] ont acquis la pleine propriété [Adresse 16] à [Localité 13] d'un terrain à bâtir composé de deux parcelles cadastrées YO[Cadastre 6] et YO[Cadastre 7], d'une placette de retournement cadastrée YO[Cadastre 8], et d'un terrain nu cadastré YO[Cadastre 4].

Ils produisent un courriel du 7 octobre 2022 du service départemental des impôts fonciers (SDIF) du Nord, auquel est joint un relevé de propriété 2022 émanant de la direction générale des finances publiques, établissant qu'ils sont propriétaires des parcelles cadastrées YO[Cadastre 4], YO[Cadastre 6] et YO[Cadastre 7] sises à [Localité 13].

M. et Mme [B] versent également au débat un courrier du SDIF du Nord du 28 août 2023 leur adressant un rappel de taxes foncières pour les parcelles YO447 et YO448 classées en terrain à bâtir.

Ainsi justifient-ils être restés propriétaires des parcelles YO447 et YO448 sur lesquelles est édifiée la construction sinistrée, outre de la placette de retournement inconstructible YO449 en partie avec leurs voisins, et sont recevables à solliciter la condamnation des assureurs des responsables du dommage à supporter le coût de la démolition et de la reconstruction de l'édifice sinistré.

II - Sur l'action directe des tiers lésés contre l'assureur du maître d''uvre

A - Sur la responsabilité contractuelle du maître d''uvre

Aux termes de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

La lecture du rapport d'expertise protection juridique du 5 novembre 2013, réalisé par le cabinet FD expertise à la demande de la société Macif, enseigne que l'entreprise [T] n'a pas « respecté les niveaux d'appui des fondations recommandés par le rapport de sol », et que le maître d''uvre, qui avait la responsabilité du suivi des travaux, n'a demandé aucun plan de structure ; le ferraillage n'a pas été réalisé conformément aux règles de l'art ni aux stipulations du rapport de sol.

Dans son rapport du 1er février 2016, l'expert [O] relève trois types de désordres :

- la chute d'un mur et d'un linteau en façade sud ;

- la chute d'un mur de refends ;

- d'importantes fissures dans les soubassements et maçonneries en façade sud et est.

L'expert précise que la chute de ces murs provient du fait qu'ils n'étaient pas maintenus en partie haute par des étais, un chaînage ou le plancher haut du rez-de-chaussée ; les fissures dans les soubassements et en maçonnerie sont le résultat d'une absence de liaisonnement entre les fondations d'altitudes différentes et la quasi absence de ferraillage, et également d'un niveau d'assise des fondations des murs en vide sanitaire non conforme à l'étude de sol.

Dans son rapport complémentaire du 24 avril 2017, l'expert [O] expose que la chute des murs du rez-de-chaussée a été provoquée par un défaut de stabilité de l'ouvrage consécutif à l'absence de chaînage en partie supérieure, et d'étaiement en phase transitoire ; ce défaut qui relève de la méthode de réalisation des ouvrages est imputable à l'entreprise.

S'agissant des désordres liés aux fissures en fondations et en façade, l'entreprise n'a respecté ni le DTU 13.12, ni les stipulations contenues dans le rapport de sol, et n'a établi ni plans d'exécution ni notes de calcul, et ce en dépit des préconisations du CCTP élaboré par le maître d''uvre.

Le maître d''uvre n'ayant formulé aucune demande de production de ces documents avant le début ou en cours de chantier, l'expert retient que « ces désordres sont imputables essentiellement à l'entreprise, et en partie au maître d''uvre qui n'a pas formulé d'observations à l'entreprise, ni réclamé les pièces, telles que plans d'exécution et notes de calculs, dans le cadre du suivi de chantier selon l'article 7 de son contrat de maîtrise d''uvre ».

La lecture de la convention de maîtrise d''uvre régularisée le 24 juillet 2012 enseigne que la société [X] a reçu une mission complète de conception des ouvrages et de contrôle de leur exécution jusqu'à la réception des travaux ; suivant l'article 4 intitulé « contrôle des travaux », elle s'est engagée à effectuer personnellement les visites nécessaires au contrôle de l'exécution des ouvrages (soit une visite par semaine suivant exécution des travaux) et à dresser procès-verbal des vices, manquements et malfaçons décelés.

Or la société [X] ne justifie avoir réclamé à l'entreprise ni plans d'exécution ni notes de calcul avant le début du chantier en mars 2013, ni vérifié la méthodologie de celle-ci, ni surveillé le chantier en visitant régulièrement le site, ni établi des comptes-rendus de chantier.

Si le maître d''uvre avait accompli sa mission avec diligence dans le respect de ses obligations contractuelles, il aurait, compte tenu de l'importance et de la nature des fautes commises par l'entrepreneur, constaté que celui-ci n'avait respecté ni les plans, ni l'étude des sols, ni le CCTP qu'il avait lui-même établi.

Les manquements contractuels de la société [X] étant suffisamment démontrés en l'espèce, celle-ci engage sa responsabilité civile contractuelle vis-à-vis des maîtres de l'ouvrage en application de l'article 1147 ancien précité.

B - Sur l'action directe proprement dite

Aux termes de l'article L. 124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

L'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré.

Axa verse au débat les conditions particulières du contrat « multigaranties techniciens de construction » souscrit par la société [X] avec effet au 1er janvier 2010, et ne conteste pas le principe et l'étendue de sa garantie à l'égard de l'assurée.

Les tiers lésés rapportent ainsi la preuve de l'existence du contrat d'assurance garantissant la responsabilité civile professionnelle de l'architecte, outre de la responsabilité contractuelle de celui-ci.

M. et Mme [B] sont donc fondés à exercer, en application de l'article L. 124-3 précité, une action directe à l'encontre d'Axa prise en sa qualité d'assureur responsabilité civile de la société [X], qui engage sa responsabilité contractuelle vis-à-vis des maîtres de l'ouvrage.

III - Sur l'appel en garantie dirigé contre l'assureur de l'entrepreneur

A - Sur la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur

Des développements précédents, il ressort que l'expert [O] a mis en évidence les manquements de M. [T] dans l'exécution des prestations de gros 'uvre qui lui avait été confiées, de sorte que celui-ci est entièrement responsable des désordres ayant affecté l'ouvrage.

B - Sur la mise en 'uvre des garanties d'assurance souscrites

M. [T] a souscrit auprès du Gan une police d'assurance n°111348025 à effet du 21 mars 2011 garantissant notamment sa responsabilité civile décennale au sens de l'article 1792 du code civil, sa responsabilité civile en cours d'exécution des travaux, et les dommages matériels survenus avant réception en cas d'effondrement.

Il convient d'examiner si les fautes commises par M. [T] dans l'exécution des travaux qui lui avaient été confiés sont ou non garanties par le contrat d'assurance qu'il a souscrit.

=$gt; Sur la garantie au titre de la responsabilité décennale de l'entreprise

Aux termes de l'article 1792 code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. [']

La garantie décennale ne s'applique que s'il y a eu réception.

En l'espèce, contrairement aux allégations d'Axa, « l'état des lieux suite au dépôt de bilan de l'entreprise DCR construction et rénovation », établi par la société [X] le 25 juillet 2013, est manifestement insuffisant à établir l'existence d'une volonté tacite et non équivoque des maîtres de l'ouvrage de réceptionner les travaux.

En effet, ce document descriptif émane unilatéralement du maître d''uvre, sans jamais avoir été précédé d'aucune convocation de l'entrepreneur ni de son liquidateur judiciaire, ni davantage des maîtres de l'ouvrage, et n'a donné lieu à aucun règlement intégral du marché.

Il est constant que le chantier a cessé du fait de la liquidation judiciaire de M. [T] prononcée le 17 juillet 2013, et que les non-conformités et désordres affectant les travaux inachevés de gros 'uvre, s'agissant notamment de fissures par suite de tassements différentiels, étaient visibles et apparents dans leur ampleur et étendue. Cela ressort notamment de la déclaration de créance chirographaire de M. et Mme [B] au passif de la liquidation judiciaire, le 22 septembre 2013, dans laquelle ils mentionnent des « fissurations de la maçonnerie construite » et réclament restitution des acomptes versés, ainsi que de l'expertise amiable confiée dès septembre 2013 au cabinet FD expertise.

Toute réception tacite doit être écartée, dès lors que les maîtres de l'ouvrage ont contesté la qualité des travaux et ont refusé d'en payer l'intégralité du prix.

En conséquence, la garantie décennale souscrite par M. [T] auprès du Gan n'est pas mobilisable.

=$gt; Sur la garantie au titre de la responsabilité civile générale de l'entreprise

Les dispositions particulières de la police souscrite par M. [T] à effet du 21 mars 2011 renvoient aux conditions générales A5200 et aux conventions spéciales, lesquelles prévoient que sont exclus de la garantie responsabilité civile générale les dommages subis par les ouvrages ou travaux exécutés par l'entreprise assurée.

Il s'ensuit que les fautes commises par M. [T] en cours d'exploitation ou d'exécution des travaux ne figurent pas au rang des garanties offertes par le Gan.

En conséquence, la garantie souscrite au titre de la responsabilité civile générale de droit commun de l'entreprise [T] n'est pas davantage mobilisable, et aucune condamnation du Gan ne peut être prononcée à ce titre.

=$gt; Sur la garantie souscrite au titre de l'effondrement des ouvrages avant réception

Aux termes de l'article 1788 du code civil, si, dans le cas où l'ouvrier fournit la matière, la chose vient à périr, de quelque manière que ce soit, avant d'être livrée, la perte en est pour l'ouvrier, à moins que le maître ne fût en demeure de recevoir la chose.

Il est rappelé que ce texte n'a pas vocation à s'appliquer dans le cas où la perte ou la détérioration de la chose est due à l'inexécution fautive des obligations de l'entrepreneur.

Des dispositions particulières du contrat, il ressort que M. [T] a souscrit auprès du Gan une garantie pour les dommages aux biens sur le chantier en cas d'effondrement ou de menace d'effondrement avant réception.

En l'espèce, l'effondrement des murs est survenu en décembre 2013 à la suite de l'exécution de travaux de maçonnerie non conformes aux règles de l'art et aux documents contractuels, à une date à laquelle M. [T] n'avait plus la garde du chantier après sa liquidation judiciaire prononcée le 20 juillet 2013 sans poursuite d'activité.

Or la garantie contre le risque d'effondrement sur chantier est une garantie facultative souscrite par l'entrepreneur pour son propre compte, et non pour le maître de l'ouvrage, qui est en principe garanti par la police dommages-ouvrage qu'il a l'obligation légale de souscrire.

Cette garantie au titre du risque d'effondrement de l'ouvrage sur chantier est une assurance de choses souscrite au seul bénéfice de l'assuré, qui est tenu de reprendre à ses frais les travaux défectueux, et n'est pas une assurance de responsabilité éligible au mécanisme de l'action directe prévue par l'article L.124-3 du code des assurances.

En conséquence, l'action directe des maîtres de l'ouvrage et l'appel en garantie de l'assureur Axa contre le Gan sont mal dirigés sur ce fondement ; la garantie souscrite au titre de l'effondrement des ouvrages avant réception n'est pas davantage mobilisable, et aucune condamnation du Gan ne peut être prononcée à ce titre.

=$gt; Sur l'action oblique ouverte aux maîtres de l'ouvrage

Aux termes de l'article 1166 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, néanmoins, les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne.

Outre que les créanciers ne peuvent se prévaloir de ce texte que lorsque leur créance est certaine, liquide et exigible, ce qui n'est pas le cas de la créance indemnitaire prétendument détenue par l'entrepreneur contre l'assureur Gan, le débiteur doit être appelé à l'instance lorsque les créanciers ne se contentent pas d'exercer les droits de leur débiteur par la voie oblique, mais réclame le paiement de ce qui leur est dû sur les sommes réintégrées, par le jeu de cette action, dans le patrimoine de ce dernier.

En vertu de l'article L. 641-9 du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2010-1512 du 9 décembre 2010 applicable au présent litige, pendant toute la durée de la liquidation judiciaire, les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés par le liquidateur auquel aucun créancier ne peut se substituer pour recouvrer, fût-ce par voie oblique, une créance de la personne soumise à cette procédure collective.

Le liquidateur judiciaire de M. [T] n'étant pas partie à la présente instance, M. et Mme [B] et Axa ne sont pas fondés à agir par la voie de l'action oblique pour revendiquer le bénéfice de la garantie effondrement.

Les conditions de recevabilité de l'action oblique ne sont pas remplies en l'espèce, et la garantie du Gan n'est pas mobilisable sur un tel fondement.

En conséquence, les maîtres de l'ouvrage et l'assureur Axa échouent à démontrer que les garanties du Gan sont mobilisables à leur bénéfice, et le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes à l'encontre du Gan, sans qu'il soit toutefois besoin de prononcer sa « mise hors de cause ».

IV - Sur l'indemnisation des préjudices

A - Sur les dommages matériels : le coût des travaux de reconstruction

A titre principal, sur la base du rapport [J], M. et Mme [B] réclament une somme de 128 753,98 euros TTC correspondant aux travaux de démolition et de reconstruction des fondations, et d'élévation du mur effondré jusqu'au stade atteint au jour du sinistre, à laquelle s'ajoute une somme de 2 500 euros pour les frais de maîtrise d''uvre, et une somme égale à 5% du coût des travaux pour la souscription obligatoire d'une assurance dommages-ouvrage, soit un total de 137 816,67 euros indexés en fonction de l'indice BT01 entre avril 2015 et son parfait règlement.

A titre subsidiaire, sur la base du rapport [O], ils sollicitent une somme de 110 251 euros TTC, études comprises, correspondant aux travaux de démolition et de reconstruction des fondations, et d'élévation du mur effondré jusqu'au stade atteint au jour du sinistre, à laquelle s'ajoute une somme de 5 512,55 euros au titre des 5% de l'assurance dommages-ouvrage, soit un total de 115 763,55 euros indexés en fonction de l'indice BT01 entre avril 2015 et son parfait règlement.

Axa expose que les appelants sont mal fondés à obtenir le règlement d'une somme égale à 5% du montant des travaux de réfection, dès lors qu'ils n'ont souscrit aucune assurance dommages-ouvrage dans le cadre du marché initial, et qu'ils n'ont donc supporté aucun préjudice à ce titre.

Sur ce, M. et Mme [B] rapportent la preuve, comme précédemment démontré, qu'ils sont propriétaires des parcelles YO447 et YO448 sur lesquelles a été édifiée la maison sinistrée ; ils sont donc fondés à réclamer à Axa le coût de la démolition et de la reconstruction de l'immeuble au stade d'avancement existant au moment de l'arrêt du chantier.

Les maîtres de l'ouvrage fondent leur demande principale d'indemnisation sur un rapport d'expertise amiable, qui a été réalisé le 14 février 2019 par M. [J] à l'initiative de leur assureur protection juridique, la société Macif.

Outre que ce rapport, postérieur aux rapports d'expertise judiciaire du 1er février 2016 et 24 avril 2017, n'est nullement contradictoire, il ne décrit pas avec précision les postes prétendument manquants ou sous-évalués par l'expert [O], et n'explique pas les différences de chiffrage retenues.

Dans ces conditions, la cour retiendra les conclusions de l'expert judiciaire [O], qui a répondu contradictoirement à pas moins de seize dires déposés par les parties.

L'expert [O] estime le coût de la démolition et de la reconstruction à l'identique à l'état d'avancement constaté lors de sa visite du 9 avril 2015 à la somme TTC de 105 251 euros, outre la somme de 2 500 euros TTC pour les frais de bureau de contrôle, et de 2 500 euros TTC pour les frais de maîtrise d''uvre, soit un total TTC de 110 251 euros, études comprises en valeur à avril 2015.

Aux termes de l'article L. 242-1 du code des assurances, toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil. [']

La cour rappelle que l'absence de mise en 'uvre de l'assurance de dommages-ouvrage n'a pas pour effet d'exonérer le maître d''uvre de sa responsabilité, et que les maîtres de l'ouvrage ne sont pas tenus de minimiser leur dommage à l'égard du maître d''uvre responsable.

En l'espèce, M. et Mme [B] se sont abstenus de souscrire une assurance dommages-ouvrage, rendue pourtant obligatoire par l'effet de la loi, et l'expert [O] a écarté de l'indemnisation le montant de l'assurance dommages-ouvrage, considérant qu'elle n'avait pas été souscrite par les maîtres de l'ouvrage avant la réalisation des travaux.

Cependant, l'indemnisation à la charge de l'assureur du responsable vise la reconstruction de l'immeuble, et non le remboursement des dépenses effectivement engagées par les maîtres de l'ouvrage.

Le respect de l'obligation légale de souscription à une assurance dommages-ouvrage, laquelle est au demeurant pénalement sanctionnée, implique que le coût d'une telle assurance soit pris en considération pour permettre la reconstruction de l'ouvrage dans l'état d'avancement dans lequel il se trouvait au moment de l'arrêt du chantier. En effet, il ne peut se déduire de l'absence de souscription d'une assurance dommages-ouvrage lors de la construction initiale que les maîtres de l'ouvrage n'y souscriront pas davantage pour les travaux de reconstruction.

La majoration de 5% du coût des travaux pour permettre aux maîtres de l'ouvrage de souscrire à l'assurance dommages-ouvrage obligatoire ne conduit pas à leur enrichissement sans cause, puisqu'ils sont fondés à obtenir l'indemnisation de leur sinistre.

Il leur revient à ce titre une somme complémentaire de 5 512,55 euros (soit 110 251 x 5%).

Sur l'indexation du coût des travaux de reconstruction, il est exact que le délai écoulé dans l'attente du dépôt du rapport complémentaire d'expertise judiciaire, et en raison de la durée de la procédure au fond, n'est pas imputable à M. et Mme [B], de sorte que la somme TTC de 115 763,55 euros, qui leur est allouée (soit 110 251 + 5 512,55), sera indexée selon l'indice du coût de la construction BT01 du 30 avril 2015 jusqu'à la date du présent arrêt.

B - Sur les dommages immatériels : l'augmentation du coût des travaux

M. et Mme [B] réclament une somme de 30 491,06 euros au titre de l'augmentation du coût de construction pour finir la maison, indexés en fonction de l'indice BT01 entre le 14 février 2019, date du rapport [J], et la décision à intervenir, aux motifs que :

- le prix des matériaux a considérablement augmenté ; le coût de reconstruction de l'immeuble sera largement supérieur à celui du marché initial ;

- l'expert [J] a retenu que, si le marché initial s'élevait à 131 060,60 euros, il s'élèverait en 2019 à 161 551,66 euros, ce qui correspond à un différentiel de 30 491,06 euros entre le marché initial et le marché indexé.

Axa considère que cette demande inexpliquée ressort exclusivement du rapport [J], qui a été établi unilatéralement.

Le Gan conclut subsidiairement au débouté de ce chef, considérant que si les appelants avaient souscrit une police dommages-ouvrage comme ils y étaient légalement tenus, leur construction serait aujourd'hui achevée, et qu'ils n'ont pas fait achever le chantier par une entreprise tierce ; il ne saurait supporter leur carence dans la souscription d'une police dommages-ouvrage et dans la lenteur des procédures qu'ils ont initiées.

Sur ce, la cour écarte le rapport [J] non contradictoire lequel n'est étayé par aucune autre pièce, et juge que le surcoût prévisible lié à l'achèvement futur du marché n'est pas en lien de causalité direct et certain avec les manquements retenus à l'encontre de l'entreprise et du maître d''uvre.

M. et Mme [B] sont déboutés de cette prétention.

C - Sur les frais bancaires

M. et Mme [B] réclament à ce titre une somme de 36 205,67 euros arrêtée au 10 mai 2016, laquelle correspond à une indemnisation au titre de la perte de la prime d'Etat, laquelle était conditionnée à l'achèvement des travaux, et des frais qu'ils seront contraints d'exposer pour souscrire un nouveau prêt bancaire.

Axa s'oppose à leur demande, faisant valoir que les maîtres de l'ouvrage ne transmettent pas les tableaux d'amortissement de leurs prêts ni le détail des frais bancaires ainsi exposés.

Sur ce, l'expert [O] ne formule pas d'avis sur ces frais qu'il considère toutefois comme réels et consécutifs aux désordres affectant la construction.

M. et Mme [B] produisent le tableau d'amortissement du prêt immobilier, un récapitulatif de leurs frais bancaires et des attestations du prêteur, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France, rédigées le 7 octobre 2015 et 4 mai 2016, dont il résulte que :

- ils ont souscrit pour financer leur projet immobilier un prêt principal de 199 790 euros, et un prêt épargne logement de 17 000 euros ;

- le premier prêt a été partiellement réalisé à hauteur de 122 551,16 euros, la période d'anticipation courant jusqu'au 1er mars 2016, puis étant prolongée de deux mois jusqu'au 1er mai 2016 pour raisons techniques ;

- à compter de cette date, aucun déblocage de fonds ne pouvait plus avoir lieu, de sorte qu'ils devaient souscrire un nouveau financement de 112 000 euros correspondant aux sommes non débloquées, ce nouveau financement entraînant pour eux des frais de prise de garantie à hauteur de 1 232 euros, de dossier à hauteur de 560 euros, et un surcoût pour une assurance décès invalidité au-delà de 70 ans estimé à 9 779 euros ;

- pour la période du 1er septembre 2013 au 1er mai 2016, le montant total des intérêts intercalaires s'élevait à la somme de 6 915,81 euros, et le montant total des cotisations d'assurance du prêt (égales à 144,94 euros par mois) à la somme de 4 783,02 euros ;

- le prêt épargne logement de 17 000 euros a été annulé, et la prime d'Etat de 1 525 euros, conditionnée au déblocage des fonds, ne leur a pas été versée.

Il en résulte que M. et Mme [B] justifient subir un préjudice de 24 794,83 euros au titre des frais bancaires imputables à la survenance du sinistre (soit 1 232 + 560 + 9 779 + 1 525 + 4 783,02 + 6 915,81).

D - Sur les factures Noréade

M. et Mme [B] réclament une somme de 333,25 euros, exposant que depuis le sinistre, ils paient à Noréade des factures d'abonnement à un compteur d'eau pour un immeuble dans lequel ils ne peuvent résider.

Axa conclut au débouté de ce chef, considérant que les frais d'abonnement au compteur d'eau auraient, même en l'absence de sinistre, dû être supportés par les maîtres de l'ouvrage.

Le Gan expose, à titre subsidiaire, que l'expert [O] a écarté ce poste.

Sur ce, les appelants supportent des frais d'abonnement à un compteur d'eau devenu inutile en raison de l'arrêt du chantier, et produisent les factures de Noréade.

Ils sont fondés à obtenir réparation de ce chef à hauteur de la somme qu'ils réclament, soit 333, 25 euros.

E - Sur les palettes de briques

M. et Mme [B] réclament une somme de 3 381,36 euros au motif que les briques commandées pour réaliser le chantier ne se fabriquent plus, et qu'ils doivent donc racheter les dix palettes de briques qu'ils avaient stockées.

Axa s'oppose à cette demande considérant que les briques stockées peuvent servir à la reconstruction.

Sur ce, l'expert [O] relève que la fourniture de briques à l'entreprise par les maîtres de l'ouvrage ne constitue pas une pratique courante, l'entreprise devant en principe la fourniture et la pose des matériaux.

Si M. et Mme [B] produisent une facture du 9 septembre 2013 d'un montant TTC de 3 381,36 euros pour l'achat de briques et une livraison prévue le 13 décembre 2013, ils ne justifient pas des conditions dans lesquelles cette commande a été passée, ni de son lien avec le chantier litigieux et le sinistre déclaré.

En outre, ils n'apportent aucune pièce au soutien de leur thèse selon laquelle ces briques, désormais vieillies et inesthétiques, ne pourront plus être mises en 'uvre.

La cour rejette leur demande à ce titre.

F - Sur la pose des gaines électriques et tuyaux d'eau

M. et Mme [B] réclament une somme de 1 598,20 euros correspondant au coût de la réfection des réseaux sous-dallage.

Axa estime que le coût de reprise des réseaux sous-dallage est déjà inclus dans le coût des travaux de démolition et reconstruction préconisés et chiffrés par l'expert judiciaire.

Sur ce, si l'expert [O] estime que les interventions de ces corps d'état étaient nécessaires à ce stade du chantier, il prévoit expressément la reprise et le coût des canalisations sous-dallage dans son chiffrage pour une somme de 1 200 euros.

En conséquence, M. et Mme [B] sont déboutés de leur demande de ce chef.

G - Sur les frais postaux

M. et Mme [B] sollicitent une somme de 24,38 euros en remboursement de l'achat d'une rame de papier, et des frais de copie et d'envoi postal du pré-rapport d'expertise.

Axa conclut au rejet de cette prétention qui correspond en réalité à des frais irrépétibles.

Sur ce, l'expert [O] n'apporte aucun commentaire sur ce point.

Les pièces produites suffisent à établir le lien de causalité entre les frais postaux exposés et le sinistre, les appelants ayant adressé copie du pré-rapport d'expertise à deux entreprises pour obtenir des devis.

Il sera fait droit à leur prétention à hauteur de 24,38 euros.

H - Sur les frais de stockage du matériel

M. et Mme [B] réclament le remboursement des frais exposés à hauteur de 5 914,22 euros « à parfaire » pour le stockage de leur matériel, notamment leurs menuiseries, et versent à cette fin les factures qu'ils ont acquittées.

Axa sollicite le rejet de cette demande, arguant que les factures de menuiseries déjà fabriquées et les frais de stockage y afférents ne sont pas versées au débat, et que le devis du 18 décembre 2019 est insuffisant pour justifier de l'existence même du préjudice allégué.

Sur ce, l'expert [O] estime que ces frais sont consécutifs aux désordres affectant la réalisation de la construction.

M. et Mme [B] produisent des factures acquittées de fournitures de menuiseries du 5 juillet, 10 octobre et 31 décembre 2013, ainsi qu'une facture acquittée le 17 décembre 2015, émise par la société Vaillant-Delalleau escalier menuiserie, d'un montant TTC de 5 914,22 euros pour des frais de stockage de 18 m² pendant 23 mois.

Les appelants sont bien fondés à obtenir une somme de 5 914,22 euros en réparation de ce préjudice, suffisamment démontré en son principe et son quantum.

I - Sur le trouble de jouissance subi

Les appelants considèrent qu'ils subissent une réelle perte de jouissance de leur immeuble, et l'évaluent en fonction de la valeur locative qu'ils en attendent ; ils estiment qu'ils auraient pu habiter la maison d'une valeur locative mensuelle de 1 500 euros à compter du 1er janvier 2014.

Ils réclament à ce titre une somme de 198 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance pour la période du 1er janvier 2014 au 1er février 2023, puis de 1 500 euros par mois du 1er février 2023 jusqu'au paiement des causes du présent arrêt.

Axa soutient que les appelants, qui résident dans une autre maison d'habitation dont ils sont propriétaires, ne subissent en réalité aucun préjudice de jouissance ; qu'ils ne justifient ni d'un planning prévisionnel de travaux, ni d'une date d'entrée prévisible dans l'immeuble ; qu'ils ne justifient d'aucune démarche ni diligence aux fins de reconstruction de l'immeuble ; qu'ils ne justifient ni de la destination du bien ni de sa valeur locative qu'ils fixent arbitrairement à 1 500 euros par mois.

Le Gan expose, à titre subsidiaire, que sa garantie des dommages immatériels consécutifs n'est pas mobilisable en l'absence de dommages matériels garantis, que le dommage immatériel est défini aux conditions générales comme tous préjudices pécuniaires consécutifs aux désordres, résultant de la privation d'un droit, de l'interruption d'un service rendu par l'immeuble, et que le préjudice allégué par les appelants n'est pas financier mais consiste en une gêne subie dans la jouissance normale de la maison en cours de réalisation.

Sur ce, l'expert [O] fait valoir qu'il n'a pas eu communication d'un planning contractuel de travaux signé par les parties, qu'il ne peut déterminer ni la date de réception ni celle de l'entrée en jouissance si l'immeuble avait été mené à son terme ; il estime la date de construction de ce type de maison à neuf mois.

Le constat de l'huissier de justice du 29 juin 2023 montre que les élévations effondrées se trouvent toujours au sol, que les fondations sont fissurées, et que les travaux de démolition et reconstruction n'ont pas été entrepris.

Si M. et Mme [B] produisent une unique attestation de la société Arcadim du 29 septembre 2015, qui propose une valeur locative de 1 500 euros par mois pour un immeuble présentant les caractéristiques de la construction envisagée, il reste qu'ils ne justifient pas de la date initiale prévisible d'achèvement des travaux, ni d'éventuels frais qu'ils auraient engagés pour se loger alors qu'ils sont propriétaires d'une autre maison d'habitation, ni de leurs démarches aux fins de poursuivre le chantier et reconstruire l'immeuble.

En définitive, ils ne démontrent pas subir un préjudice de jouissance, alors que le chantier a été arrêté au stade des fondations et de l'édification de quelques murs, et que leur immeuble n'a jamais été édifié.

Le jugement dont appel est confirmé en ce qu'il a rejeté leur prétention de ce chef.

J - Sur la déduction de la franchise

Axa demande à la cour de déduire la franchise contractuelle de 2 039 euros, revalorisée à la somme de 2 249,29 euros suivant l'indice du coût de la construction BT01, de toutes les condamnations qui seront prononcées à son encontre.

M. et Mme [B] ne formulent pas d'observation sur ce point.

Sur ce, il y a lieu, s'agissant d'une action directe des tiers lésés contre l'assureur de responsabilité, d'appliquer la franchise contractuelle revalorisée à la somme de 2 249,29 euros en déduction de la condamnation prononcée contre Axa.

V - Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement querellé sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

Axa qui succombe est condamnée aux entiers dépens d'appel.

La somme de 180 euros, réclamée par M. et Mme [B] en remboursement du coût du procès-verbal de constat établi le 29 juin 2023 par la société d'huissiers associés Actanord, sera incluse dans les dépens d'appel.

Le sens de l'arrêt et l'équité conduisent à condamner Axa à payer à M. et Mme [B] la somme de 3 000 euros, et au Gan la somme de 2 000 euros, à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 septembre 2022 par le tribunal judiciaire de Dunkerque, sauf en ce qu'il a :

- condamné la société Axa France iard en sa qualité d'assureur de la société [C] [X] à payer à M. [E] [B] et Mme [Y] [R] épouse [B] :

'la somme de 73 376 euros en réparation du préjudice matériel, à indexer selon l'évolution de l'indice BT01 entre avril 2015 et celui publié à la date du jugement ;

'la somme de 11 698,83 euros au titre du préjudice matériel découlant des frais bancaires ;

- dit que la franchise contractuelle de 2 039 euros serait déduite des sommes payées par la société Axa France iard en qualité d'assureur de la société [C] [X] ;

Le réforme de ces chefs ;

Prononçant à nouveau des chefs réformés et y ajoutant,

Condamne la société Axa France iard en sa qualité d'assureur de la société [C] [X] à payer à M. [E] [B] et Mme [Y] [R] épouse [B] les sommes suivantes :

115 763,55 euros au titre des travaux de réfection, à indexer selon l'évolution de l'indice du coût de la construction BT01 entre le 30 avril 2015 et la date de l'arrêt ;

'24 794,83 euros au titre des frais bancaires ;

'333,25 euros en remboursement des factures Noréade ;

'24,38 euros en remboursement des frais postaux ;

'5 914,22 euros au titre des frais de stockage des menuiseries ;

Dit que la franchise contractuelle revalorisée à la somme de 2 249,29 euros sera déduite des sommes dues à M. [E] [B] et Mme [Y] [R] épouse [B] par la société Axa France iard en qualité d'assureur de la société [C] [X] ;

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;

Condamne la société Axa France iard aux dépens d'appel, en ce compris le coût du procès-verbal de constat d'huissiers du 29 juin 2023 ;

Condamne la société Axa France iard à payer à M. [E] [B] et Mme [Y] [R] épouse [B] la somme de 3 000 euros, et à la société Gan assurances la somme de 2 000 euros, à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Harmony POYTEAU

Le président

Guillaume SALOMON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/04955
Date de la décision : 18/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-18;22.04955 ?
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