République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 4
ARRÊT DU 11/04/2024
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N° de MINUTE : 24/315
N° RG 23/04412 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VD6F
Ordonnance (N° 23/00151) rendue le 08 Août 2023 par le Président du tribunal judiciaire de Valenciennes
APPELANTE
Madame [U] [S]
née le 22 Février 1969 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
INTIMÉ
Monsieur [M] [L]
né le 05 Janvier 1960 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Loïc Ruol, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 05 mars 2024 tenue par Véronique Dellelis magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Véronique Dellelis, président de chambre
Emmanuelle Boutié, conseiller
Catherine Menegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 mars 2024
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Se prévalant de l'existence d'un bail consenti par ses soins à Mme [U] [S] sur un garage sis à [Localité 9] à l'angle des rues [Adresse 5] et [Adresse 8], cadastré section [Cadastre 7] le 3 juillet 2019, M. [M] [L] a fait signifier à Mme [U] [S] un commandement de payer en vertu de ce bail, ledit commandement visant la clause résolutoire prévue au contrat de bail.
Par acte d'huissier du 12 juin 2023, M. [M] [L] a fait assigner Mme [U] [S] en référé devant le tribunal judiciaire de Valenciennes aux fins d'entendre constater la résiliation de plein droit du bail à compter du 5 juin 2023, ordonner l'expulsion de Mme [U] [S] et de tout occupant de son chef, si besoin avec le concours de la force publique, et sous astreinte, condamner Mme [U] [S] à lui payer la somme de 5436,53 euros à titre de provision à valoir sur les loyers impayés arrêtés au 1er février 2023, condamner Mme [U] [S] à lui payer une indemnité d'occupation de 300 euros par mois à compter du 5 juin 2023 et jusqu'à libération des lieux, la condamner enfin à lui payer la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [U] [S] n'a pas comparu devant le premier juge.
Suivant ordonnance réputée contradictoire en date du 8 août 2023, ordonnance à laquelle il est renvoyé pour un exposé complet de la procédure antérieure à cette dernière, le juge des référés du tribunal judiciaire de Valenciennes a :
- condamné Mme [U] [S] à payer à M. [M] [L] la somme de 4 800 euros à titre de provision à valoir sur les loyers impayés arrêtés au mois d'avril 2022 inclus,
- constaté la résiliation du bail à compter du 4 juillet 2023,
- dit, en conséquence, que Mme [U] [S] devra rendre les lieux libres de toute occupation de son chef dans le délai d un mois à compter de la signification de la présente décision, faute de quoi elle pourra y être contrainte, au besoin avec j'assistance de la force publique,
- condamné Mme [U] [S] à payer à M. [M] [L] une indemnité provisionnelle d'occupation, due à compter du 4 juillet 2023 et jusqu'à libération effective des lieux, d'un montant égal à celui des loyers et charges gui auraient été dus si le bail avait continué ses effets,
- condamné Mme [U] [S] à payer à M. [M] [L] la somme de 800 euros sur Je fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [U] [S] aux dépens en ce compris le coût du commandement de payer délivré le 4 mai 2023,
- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires.
Mme [U] [S] a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 3 octobre 2023, déclaration d'appel critiquant chacune des dispositions de la décision entreprise.
Par acte d'huissier en date du 23 octobre 2023, Mme [U] [S] a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions d'appel à M. [M] [L] à personne présente.
M. [M] [L] a constitué avocat le 25 octobre 2023.
Par ses dernières conclusions en date du 5 mars 2024, Mme [U] [S] demande la cour de
- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Mme [U] [S] à payer à M. [M] [L] la somme de 4800 euros à titre de provision à valoir sur les loyers impayés arrêtés au mois d'avril 2022 inclus, constaté la résiliation du bail à compter du 4 juillet 2023, dit en conséquence, que Mme [U] [S] devra rendre les lieux libres de toute occupation de son chef dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, faute de quoi elle pourra y être contrainte, au besoin avec l'assistance de la force publique, condamné Mme [U] [S] à payer à M. [M] [L] une indemnité provisionnelle d'occupation, due à compter du 4 juillet 2023 et jusqu'à libération effective des lieux, d'un montant égal à celui des loyers et charges qui auraient été dus si le bail avait continué ses effets, condamné Mme [U] [S] à payer à M. [M] [L] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, condamné Mme [U] [S] aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer délivré le 4 mai 2023,
Statuant à nouveau,
-écarter des débats les pièces adverses n°9 et n°11 intitulées :
-pièce 9 ; procès-verbal de constat de Maître [H] (reprise des lieux du 5 septembre 2023;
-pièce 11 échange de SMS entre [J] [S] et [B] [L] ;
- constater l'absence de contrat régulièrement conclu entre Mme [U] [S]
et M. [M] [L],
- débouter M. [M] [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes,
- condamner M. [M] [L] aux entiers dépens de première instance et d'appel avec, au profit de la SCP Processuel qui le demande, droit de recouvrer directement sur la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision,
- condamner M. [M] [L] à payer à Mme [U] [S] la somme de
2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions en date du 28 février 2024, M. [M] [L] demande à la cour de :
- débouter Mme [U] [S] de ses demandes, fins et conclusions d'appel,
- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail par
application de la clause résolutoire,
- accueillir M. [M] [L] en son appel incident et condamner Mme [S] au paiement des loyers et charges dus jusqu'à libération des lieux, soit la somme de 6 160 euros,
-Y ajoutant, condamner Mme [U] [S] au paiement d'une indemnité de
1.500 euros pour appel abusif
- condamner Mme [U] [S] à la somme de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner également aux entiers dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Il est renvoyé aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé des demandes et des moyens des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Le conseil de M. [L] a demandé le rejet des conclusions déposées par Mme [S] le jour même de l'audience. Il a fait valoir que la clôture de l'affaire est intervenue à 10 heures et que par ailleurs et en tout état de cause lesdites conclusions étaient nécessairement tardives et n'avaient pu lui permettre de conclure utilement en réponse.
Le conseil de Mme [S] a soutenu que si ses conclusions étaient rejetées, il y aurait lieu ailleurs de rejeter également les conclusions déposées par M. [L] ainsi que les pièces communiquées par ce dernier le 28 février 2024.
MOTIFS :
Sur rejet des conclusions de Mme [S] du 5 mars 2024 :
Il n'y a pas lieu de les rejeter comme étant postérieures à l'ordonnance de clôture dès lors qu'il n'est pas prévu d'horaire pour le rendu de l'ordonnance de clôture du 5 mars, la seule limite étant l'ouverture de l'audience qui s'est tenue elle-même le 5 mars 2024.
Pour le surplus, la cour estime qu'il n'y a pas eu échec au principe de la contradiction alors que Mme [S] n'a fait dans ses dernières conclusions que répondre aux dernières pièces communiquées par M. [L] qui a lui-même conclu peu de temps avant la clôture soit le 28 février 2024.
Il convient de dire n'y avoir lieu à écarter les conclusions de Mme [U] [S] notifiées et déposées le 5 mars 2024.
Sur la demande d'expulsion présentée :
Le prononcé de l'expulsion d'un locataire devenu occupant sans droit ni titre par l'effet d'un commandement de payer visant une clause résolutoire et demeuré sans effet entre dans les pouvoirs du juge des référés, dès lors que le maintien de ce locataire dans les lieux est susceptible de correspondre à un trouble manifestement illicite.
En l'espèce, il est constant que quelle puisse être l'identité du locataire de M. [L], le trouble manifestement illicite dont se plaignait ce dernier a cessé dès lors que le garage a été libéré suivant procès-verbal de reprise en date du 5 septembre 2023.
Il convient dès lors de dire que la demande tendant à l'expulsion de Mme [G] [S] est devenue sans objet.
Sur la demande de provision de M. [L] au titre des loyers impayés :
Il sera précisé que le fait que la valeur probatoire de pièces produites soit remise en cause ne justifie pas que lesdites pièces soient écartées des débats, le juge ayant précisément la charge d'apprécier cette valeur probatoire.
Il y a lieu dès lors pour la cour de rejeter la demande de Mme [U] [S] tendant à voir écarter des débats les pièces 9 et 11 du dossier de l'intimé.
En application des dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référé peut en l'absence de contestation sérieuse allouer une provision au créancier.
Au soutien de sa demande tendant à voir condamner Mme [S] au paiement de loyers à titre provisionnel, M. [M] [L] fait valoir qu'il est engagé avec l'appelante dans les termes d'un bail écrit concernant le garage sis à l'angle des rues [Adresse 5] et [Adresse 8] tandis que Mme [S] soutient qu'elle n'a signé aucun bail de location et qu'elle n'est en aucune manière la locataire de l'intimé.
Il est constant que le bail produit aux débats ne porte pas la signature de la prétendue locataire.
Si M. [L] soutient par ailleurs que les différentes pages du contrat portent des paraphes apposés par Mme [L], ces différents paraphes sont trop peu caractéristiques et ne sauraient permettre de manière certaine de conclure qu'ils ont été apposés de la main de la partie appelante. Il est peu probable qu'une expertise graphologique puisse à cet égard permettre de parvenir à des résultats concluants, étant rappelé à cet égard que le juge des référés est le juge de l'évidence et par définition n'ordonne pas de mesures avant-dire droit.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. [L] ne peut prétendre établir la réalité de ses droits par la production du bail susvisé.
L'absence de bail écrit et signé ne saurait permettre cependant ipso facto de conclure à l'absence de bail dès lors que la preuve de l'existence d'un bail s'effectue par tous moyens. En effet, la signature d'un écrit n'est pas nécessaire comme le rappelle l'article 1714 du code civil : 'On peut louer ou par écrit ou verbalement, sauf, en ce qui concerne les biens ruraux, application des règles particulières aux baux à ferme et à métayage.'
Ainsi, en application de l'article 1715 du code civil , 'Si le bail fait sans écrit n'a encore reçu aucune exécution, et que l'une des parties le nie, la preuve ne peut être reçue par témoins, quelque modique qu'en soit le prix, et quoiqu'on allègue qu'il y a eu des arrhes données. Le serment peut seulement être déféré à celui qui nie le bail.'
Encore faut-il que le bail ait reçu un commencement d'exécution pour que la preuve testimoniale soit admise.
Il ne résulte en aucun cas nettement des éléments de la cause que Mme [G] [S] soit entrée en jouissance du garage donné à bail, et ce d'une manière ou d'une autre, même si M. [L] donne une explication plausible pour ce qui concerne les raisons de la prise de ce garage, à savoir la nécessité pour Mme [S] de trouver un local pour stocker certains de ses effets personnels en raison d'un déménagement pour la Vendée, étant précisé qu'il résulte effectivement des éléments de la cause que Mme [G] [S] s'est installée en Vendée.
Par ailleurs aucune des pièces produites aux débats par la partie intimée ne vient établir que Mme [G] [S] aurait à un quelconque moment réglé le loyer de 220 euros exigé.
A cet égard, les relevés de compte produits aux débats par M. [L] font apparaître que les règlements ont été fais pour l'essentiel par [J] [S] qui apparaît être le fils de la partie appelante. C'est ce même [J] [S] qui écrivait à l'épouse de M. [L] en ces termes dans le cadre d'un SMS :'Je lis avec stupéfaction votre texto de ce jour concernant le bail de location que nous avons souscrit avec vous. Je tiens à vous rappeler qu'à défaut de vous envoyer notre courrier de résiliation de bail, cette location court légalement. Dès lors, je transfère votre texto à mon avocat afin qu'il prenne la mesure de vos déclarations. Vous serez bien évidement tenu responsable du contenu de nos effets personnels dans notre garage évalué à la somme de 75 000 euros. Toute violation de domicile sera constatée par huissier. Votre comportement reste inadmissible et si vous souhaitez mettre fin à la location de manière prématurée, il vous faudra aller devant un juge. Dans l'intervalle et sauf décision contraire de notre part, nous continuons à louer votre garage. Bonne soirée [J] [S].
Il résulte par ailleurs des relevés de compte produits par M. [L] que certains des loyers ont été réglés par Mme [P] [S] qui serait la mère de la locataire. C'est précisément cette dame [P] [S] qui a été en mesure de remettre les clefs du logement lors de la reprise des locaux par leur propriétaire (procès-verbal de constat établi par Maître [H] le 5 septembre 2023).
Par ailleurs, si M. [L] a produit une liste des loyers effectivement réglés avec la mention à côte de certains de ces versements du mot'fils', ce qui impute le règlement a priori à [J] [S] et la mention à côté d'autres versements du mot'mère', cette liste établie de manière unilatérale ne saurait valoir preuve de règlements faits par Mme [G] [S], d'autant que derrière les mots 'fils' et 'mère', il convient d'entendre davantage 'fils' de Mme [G] [S]' et 'mère' de Mme [G] [S] en la personne d'[P] [S] qui a effectivement réglé certains loyers, plutôt que 'fils' de Mme [G] [S]' et 'mère' de [J] [S].
Ainsi, il n'a pas été justifié de règlements de loyer par Mme [G] [S].
Si par ailleurs, il a été produit un SMS adressé par l'épouse de M. [L] à Mme [G] [S], l'absence de production d'une éventuelle réponse de cette dernière à ce SMS ne permet d'en tirer aucune conclusion particulière.
Enfin, la preuve d'un bail verbal ne peut se déduire du silence de l'occupant à la réception d'un commandement de payer.
Dès lors que la preuve d'un commencement d'exécution d'un bail par Mme [G] [S] n'est pas rapportée, la preuve par témoins n'est pas admise. En conséquence, l'attestation de Mme [D] [F], belle soeur de M. [L], qui atteste avoir fait signer le bail à Mme [S] qui était alors en compagnie de sa mère [P] et avoir eu ensuite affaire à [G] [S] ne peut être reçue pour faire la preuve du bail.
En conséquence, s'il apparaît bien que les trois personnes dont les noms apparaissent dans le dossier à savoir Mme [P] [S], Mme [G] [S] et M. [J] [S] gravitent autour du garage litigieux , la cour conclut des éléments de la cause qu'il n'est pas établi avec l'évidence requise en référé que Mme [G] [S] a bien la qualité elle-même de locataire du garage litigieux , ni qui se cache derrière le pronom personnel de la première personne du pluriel 'nous' employé par [J] [S] dans le cadre de son SMS rappelé plus haut.
Dès lors, il convient de dire n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision de M. [M] [L].
Sur la demande de dommages et intérêts pour appel abusif de M. [L] :
Elle sera nécessairement rejetée.
Sur les dépens et sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Dès lors que M. [L] succombe dans ses demandes, il convient de le condamner aux dépens de première instance et d'appel.
Cependant, dès lors que Mme [S] s'est abstenue de comparaître en première instance et que les moyens de contestation sérieuse n'ont donc été soulevés qu'en cause d'appel, et que l'appelante manque de sincérité en se présentant comme étrangère à des personnes apparaissant dans le dossier, il n'y pas lieu en équité de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Dit n'y avoir lieu à écarter les conclusions de Mme [U] [S] notifiées et dépôsée le 5 mars 2024 ;
Rejette la demande de Mme [U] [S] tendant à voir écarter des débats les pièces 9 et 11 du dossier de l'intimé ;
Réformant l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau,
Dit n'y avoir plus lieu à statuer sur la demande d'expulsion présentée par M. [M] [L] ,
Dit n'avoir lieu à référé sur la demande de provision présentée par M. [M] [L];
Déboute M. [M] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;
Condamne M. [M] [L] aux dépens de première instance et d'appel .
Déboute Mme [U] [S] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Fabienne DUFOSSÉ
Le président
Véronique DELLELIS