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11/04/2024 | FRANCE | N°23/02488

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 11 avril 2024, 23/02488


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 11/04/2024





****



N° de MINUTE : 24/131

N° RG 23/02488 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U5RX

Jugement (N° RG 22/0210) rendu le 02 Mai 2023 par le tribunal judiciaire de Lille



APPELANTE



Madame [W] [U]

née le [Date naissance 1] 1972

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Jean-Claude

Zambo Mveng, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/23/004563 du 16/06/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 6])

...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 11/04/2024

****

N° de MINUTE : 24/131

N° RG 23/02488 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U5RX

Jugement (N° RG 22/0210) rendu le 02 Mai 2023 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

Madame [W] [U]

née le [Date naissance 1] 1972

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-Claude Zambo Mveng, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/23/004563 du 16/06/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 6])

INTIMÉE

SA CNP Assurances

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Patrick Dupont-Thieffry, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 24 janvier 2024 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 4 décembre 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Le 28 septembre 2014, Mme [W] [U] a contracté un prêt immobilier et a adhéré à un contrat d'assurance groupe auprès de la SA Cnp assurances (Cnp assurances) pour garantir les risques de décès, de perte totale et irréversible d'autonomie, d'incapacité temporaire totale de travail, et à un contrat d'assurance couvrant la perte d'emploi.

À la suite d'un avis d'inaptitude du médecin du travail du 21 juin 2021 ayant conclu que le maintien d'un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, Mme [U] a été placée en invalidité de deuxième catégorie à compter du 1er juin 2021. Mme [U] a dès lors sollicité la prise en charge des échéances de son prêt.

Une expertise médicale a été organisée à l'initiative de Cnp assurances.

Par courrier du 14 décembre 2021, Cnp assurances a refusé sa garantie, estimant que Mme [U] était apte à exercer partiellement son activité professionnelle ou une autre activité professionnelle.

Par acte du 30 mars 2022, Mme [U] a fait assigner Cnp assurances devant le tribunal judiciaire de Lille en garantie de son sinistre et aux fins notamment de la voir condamner à prendre en charge les échéances du prêt immobilier à compter du 1er juin 2021 et à lui payer la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 2 mai 2023, le tribunal judiciaire de Lille a :

débouté Mme [U] de l'ensemble de ses demandes ;

débouté la Cnp assurances de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné Mme [U] aux dépens.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 31 mai 2023, Mme [U] a formé appel de ce jugement.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1 Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 décembre

2023, Mme [U], appelante, demande à la cour de :

déclarer recevable son appel ;

avant dire droit,

ordonner une expertise judiciaire ;

dire que le médecin expert désigné aura pour mission de :

se faire communiquer son entier dossier médical ;

retracer ses antécédents médicaux et les traitements suivis ;

l'examiner ;

dire si son état de santé la place, depuis le 1er juin 2021, dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle quelconque à temps plein ou à temps partiel ;

établir un pré-rapport afin de permettre aux parties de formuler leurs observations ou réclamations éventuelles ;

faire toutes les observations utiles ;

au fond,

=$gt; réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 2 mai 2023 ;

condamner Cnp assurances à prendre en charge les échéances de son prêt immobilier à compter de la constatation de son invalidité, soit le 1er juin 2021 ;

condamner, en outre, Cnp assurances au paiement de la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'ensemble des préjudices causés ;

condamner Cnp assurances au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

À l'appui de ses prétentions, Mme [U] fait valoir que :

conformément à l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation ;

en vertu de l'article 562 du code de procédure civile, la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'objet du litige est indivisible ;

l'objet du litige est indivisible lorsque son objet intéresse plusieurs aspects, de telle manière que l'on ne peut juger la situation juridique d'un aspect sans que cela ne retentisse sur les autres aspects, lorsqu'il n'est pas possible d'attaquer certains chefs du jugement sans attaquer indirectement les autres ;

en l'espèce, elle a demandé « d'infirmer le jugement dans son entièreté » et précisé dans sa déclaration d'appel que l'objet du litige était indivisible ;

l'objet du litige est indivisible dès lors que le jugement l'a déboutée de « l'ensemble de ses demandes ».

4.2 Aux termes de ses conclusions notifiées le 26 septembre 2023, Cnp

assurances, intimée, demande à la cour, au visa des articles 562 et suivants et 901 et suivants du code de procédure civile, de :

à titre principal,

déclarer que la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif de l'appel,

en conséquence,

=$gt; confirmer purement et simplement le jugement du tribunal judiciaire de Lille du 2 mai 2023 en toutes ses dispositions ;

à titre subsidiaire,

=$gt; confirmer en toutes ses dispositions le jugement et débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes ;

à titre plus subsidiaire,

désigner un expert judiciaire qui aurait pour mission de :

se faire communiquer l'entier dossier médical de Mme [U] ;

retracer ses antécédents médicaux et les traitements suivis ;

examiner Mme [U] ;

dire si son état de santé la place, depuis le 1er juin 2021, dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle quelconque à temps plein ou à temps partiel ;

établir un pré-rapport afin de permettre aux parties de formuler leurs observations ou réclamations éventuelles en application de l'article 276 du code de procédure civile ;

à titre infiniment subsidiaire,

déclarer que toute éventuelle prise en charge du prêt ne pourrait intervenir que selon les termes et les limites du contrat d'assurance et au profit de l'organisme prêteur, bénéficiaire du contrat d'assurance ;

en tout état de cause,

rejeter la demande de dommages et intérêts formulée par Mme [U] ;

y ajoutant,

condamner Mme [U] à lui payer une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la présente instance.

Au soutien de ses prétentions, Cnp assurances fait valoir que :

en vertu de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ;

conformément à l'article 901 du code de de procédure civile, la déclaration d'appel est faite par un acte contenant notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité ;

or, en l'espèce dans sa déclaration d'appel, Mme [U] fait grief au jugement « d'avoir écarté des éléments de preuve produits par la requérante » et qu'« il appartenait au premier juge de désigner un expert, comme les parties l'avaient demandé, à titre subsidiaire » et ne critique donc pas le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée aux dépens ;

dès lors, l'effet dévolutif n'a pas opéré et la cour n'est saisie d'aucune demande.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 4 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des conclusions de l'intimée

Par ordonnance du 7 décembre 2023, le magistrat chargé de la mise en état a refusé la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 4 décembre 2023 et son report au jour de l'audience ou une huitaine avant celle-ci, laquelle avait été sollicitée par Cnp assurances, considérant que le dépôt de conclusions par la partie appelante le 3 décembre 2023 ne constituait pas une cause grave justifiant une telle révocation au sens de l'article 803 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

En application de ce texte, l'irrecevabilité des conclusions ou pièces déposées après l'ordonnance de clôture est prononcée d'office, sans qu'il soit nécessaire d'inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen.

Il s'ensuit que la cour a l'obligation de relever d'office l'irrecevabilité des conclusions notifiées le 6 décembre 2023, postérieurement à la clôture, par Cnp assurances, et des pièces qui y sont jointes.

En conséquence, la cour déclare irrecevables comme tardives les conclusions de Cnp assurances notifiées le 6 décembre 2023.

Sur l'absence d'effet dévolutif

En application de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.

Enfin, la déclaration d'appel affectée de ce vice de forme peut être régularisée par une nouvelle déclaration d'appel, dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond conformément à l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.

Il résulte de l'article 901 du code de procédure civile que la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En vertu de cet article et de l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, la mention des chefs du jugement expressément critiqués peuvent n'apparaître que dans l'annexe.

En revanche, l'annexe ne fera corps avec la déclaration d'appel que lorsque cette dernière renvoie expressément à l'annexe contenant les chefs du jugement critiqués. En l'absence de renvoi, l'annexe ne fait pas corps avec la déclaration d'appel et l'effet dévolutif de l'appel n'opère pas.

La déclaration d'appel, nulle, erronée ou incomplète, peut néanmoins être régularisée par une nouvelle déclaration d'appel, dans le délai pour conclure.

Si l'appelant n'est pas tenu de mentionner dans la déclaration d'appel un ou plusieurs des chefs de dispositif du jugement qu'il critique lorsqu'il entend se prévaloir de l'indivisibilité de l'objet du litige, il ne doit pas moins s'y référer dans sa déclaration.

L'indivisibilité du litige, au sens des articles 529 et 905-2, alinéas 2 et 3 du code de procédure civile, nécessite l'impossibilité d'exécuter simultanément plusieurs chefs de dispositifs de jugements dans un même litige. Par ailleurs, il y a indivisibilité de l'objet du litige lorsque la demande n'est susceptible que d'une seule et même solution à l'égard de toutes les parties.

Seule la cour d'appel peut statuer sur cette absence d'effet dévolutif.

Sur ce,

La déclaration d'appel de Mme [U] du 31 mai 2023 indique « Objet/Portée de l'appel : Appel en cas d'objet du litige indivisible ' il est fait grief au jugement du 2 mai 2023, signifié le 10 mai 2023, d'avoir écarté des éléments de preuves produits par la requérante. - il appartenait au premier juge de désigner un expert, comme les parties l'avaient demandé, à titre subsidiaire ».

Néanmoins, aucun chef de jugement n'est précisé dans cette déclaration d'appel et le jugement, ayant débouté Mme [U] de l'ensemble de ses demandes, débouté Cnp assurances de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamné Mme [U] aux dépens, ne présente aucun objet indivisible.

À cette déclaration d'appel, a été joint lors de la notification par RPVA un document intitulé « Déclaration d'appel devant la cour d'appel de Douai ». Ce document critique les motifs du jugement et présente un dispositif au sein duquel Mme [U] demande à la cour d'infirmer le jugement dans son entièreté.

En premier lieu, il est observé que la déclaration d'appel ne fait état d'aucun renvoi à une annexe. Par conséquent, ce document intitulé « Déclaration d'appel devant la cour d'appel de Douai » n'est constitutif ni d'une déclaration d'appel ni d'une annexe faisant corps avec la déclaration d'appel.

En second lieu, surabondamment, ce document opère une confusion entre les chefs et les motifs du jugement et ne précise pas expressément les chefs du jugement critiqués.

Par conséquent, quand bien même ce document aurait constitué une annexe faisant corps avec la déclaration d'appel, celle-ci n'aurait pas davantage opéré effet dévolutif.

Dès lors que la déclaration d'appel ne vise aucun chef de jugement critiqué, qu'il n'existe aucune indivisibilité de l'objet du litige, et qu'aucune régularisation de la déclaration d'appel n'est intervenue dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond, la cour ne peut que constater que cette déclaration d'appel est dépourvue d'effet dévolutif, de sorte qu'elle n'est saisie d'aucune demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens du présent arrêt et l'équité conduisent à condamner Mme [U] aux dépens d'appel et à débouter Cnp assurances de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Constate que la déclaration d'appel ne produit aucun effet dévolutif de sorte que la cour n'est pas valablement saisie,

Déboute la SA Cnp assurances de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [W] [U] aux dépens de la procédure d'appel.

Le Greffier

Harmony Poyteau

Le Président

[P] [V]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 23/02488
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;23.02488 ?
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