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11/04/2024 | FRANCE | N°23/01950

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 11 avril 2024, 23/01950


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 11/04/2024





****





N° de MINUTE : 24/130

N° RG 23/01950 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U3Y5



Jugement (N° 21/02883) rendu le 09 Mars 2023 par le tribunal judiciaire de Lille



APPELANTE



Madame [R] [C]

née le [Date naissance 1] 1982

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 5]



Représentée par

Me Priscilla Puteanus, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/23/004759 du 30/06/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 12])



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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 11/04/2024

****

N° de MINUTE : 24/130

N° RG 23/01950 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U3Y5

Jugement (N° 21/02883) rendu le 09 Mars 2023 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

Madame [R] [C]

née le [Date naissance 1] 1982

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 5]

Représentée par Me Priscilla Puteanus, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/23/004759 du 30/06/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 12])

INTIMÉS

Société XL Insurance Company Se prise en sa qualité d'assureur de la société Auchan Hypermarche

[Adresse 8]

[Localité 10]

SAS Auchan Hypermarche Prise en la personne de son Président

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Brigitte Beaumont, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Roubaix Tourcoing

[Adresse 3]

[Localité 6]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 7 juin 2023 à personne habilitée

DÉBATS à l'audience publique du 24 janvier 2024 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 4 décembre 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Le 12 juin 2019, Mme [R] [C] a chuté sur le parking de la SAS Auchan hypermarché (la société Auchan), a été hospitalisée le jour même, et une entorse du genou gauche lui a notamment été diagnostiquée.

Après l'échec des discussions amiables, par acte des 10 et 12 mai 2021, Mme [C] a fait assigner la société Auchan, la SAS Siaci Saint Honoré et la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing (Cpam) aux fins notamment de voir engager la responsabilité délictuelle d'Auchan et de voir organiser une expertise médicale.

Par ordonnance du 18 novembre 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille a notamment déclaré irrecevables les demandes de Mme [C] à l'égard de la SAS Siaci Saint Honoré.

Par acte du 27 octobre 2021, Mme [C] a attrait à la cause la compagnie Xl insurance compagny se (la compagnie Xl insurance), assureur de la société Auchan, afin de solliciter sa garantie.

La jonction des deux procédures a été ordonnée sous le numéro 21/02883 par ordonnance du 19 janvier 2022.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 9 mars 2023, le tribunal judiciaire de Lille a :

débouté Mme [C] de l'intégralité de ses demandes ;

condamné Mme [C] à verser à la société Auchan et à la compagnie Xl insurance la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné Mme [C] aux entiers dépens.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 15 avril 2023, Mme [C] a formé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1.                   Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 1er octobre 2023, Mme [C] demande à la cour de :

déclarer recevable et bien fondé son appel ;

=$gt; réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 9 mars 2023 en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Auchan et à la compagnie Xl insurance la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau,

déclarer que la société Auchan est responsable des dommages qu'elle a subis à la suite de l'accident du 12 juin 2019 ;

dire et juger que la société Auchan est entièrement responsable du préjudice qu'elle a subi lors de sa chute du 12 juin 2019 ;

en conséquence, organiser une mesure d'expertise médicale judiciaire avec la mission habituelle et désigner pour y procéder tel médecin expert qu'il plaira à la cour ;

condamner dès à présent l'assigné de première part à lui payer des dommages et intérêts à libeller par provision la somme de 1 000 euros, outre le montant de la somme qui sera fixée par le juge en couverture des frais et honoraires d'expertise ;

condamner l'assigné de première part à payer à Maître Priscilla Putéanus la somme de 2 000 euros au titre des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

condamner la compagnie Xl insurance à garantir la société Auchan de toutes condamnations et la condamner aux émoluments prévus à l'article A. 444-32 du code de commerce en cas d'exécution forcée de la décision à intervenir ;

voir déclarer le jugement à intervenir commun à la Cpam.

À l'appui de ses prétentions, Mme [C] fait valoir que :

la responsabilité délictuelle de la société Auchan est engagée au motif que la faute de cette dernière lui a causé un préjudice ;

la société Auchan a commis une faute en s'abstenant de reboucher le trou et en ne signalant pas la présence du trou se trouvant sur la pelouse de son parking et dans lequel elle a chuté, ce qui lui a causé un préjudice corporel ;

le témoignage de M. [P], respectant les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, ne saurait être écarté au motif qu'il s'agit d'un de ses proches ;

sa chute n'est pas imputable à une faute d'imprudence de sa part.

4.2.                   Aux termes de leurs conclusions notifiées le 23 août 2023, la société Auchan et la compagnie Xl insurance, intimées et appelantes incidentes, demandent à la cour de :

=$gt; confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

débouter Mme [C], et toute partie, de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre elles ;

y ajoutant,,

condamner Mme [C] à leur verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue Amiens [Localité 12] représentée par Maître Loïc Le Roy ;

à titre subsidiaire,

déclarer que Mme [C] a commis une faute d'inattention et d'imprudence entraînant une réduction de son droit à indemnisation de 70% ;

limiter le montant des sommes susceptibles d'être mises à la charge de la société Auchan à 30% du montant total qui sera éventuellement alloué à Mme [C] ;

sous cette nécessaire réduction du droit à indemnisation de Mme [C],

déclarer qu'elles s'en rapportent à justice sur la demande d'expertise médicale ;

si une expertise judiciaire était ordonnée,

mettre la totalité des frais d'expertise à la charge de Mme [C] ;

débouter Mme [C] de sa demande de provision ;

débouter Mme [C] de ses demandes au titre des frais irrépétibles ;

renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Lille pour la liquidation des préjudices ;

débouter Mme [C], et toute partie, de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre elles ;

condamner Mme [C] à leur verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue Amiens [Localité 12] représentée par Maître Loïc Le Roy.

À l'appui de ses prétentions, elles font valoir que :

il appartient à Mme [C] de démontrer l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux ;

aucune faute n'a été commise par la société Auchan dès lors que des rubalises étaient installées pour signaler la présence des trous sur la pelouse ;

la cour ne pourra retenir le témoignage de M. [N] dès lors que ses premières attestations ne faisaient pas état d'une absence de balisage et qu'il ne fait pas état des liens l'unissant à l'appelante ;

alors que la cliente a emprunté une voie non destinée au passage et sans faire attention à la signalisation, seule cette faute de la victime est en lien de causalité avec ses dommages, de sorte que la responsabilité de la société Auchan ne saurait être retenue ;

une telle imprudence, cause exclusive de la chute, est de nature à réduire son droit à indemnisation ;

il appartient au demandeur d'avancer les frais de l'expertise et la demande de provision se heurte à des contestations sérieuses : l'absence d'élément médical sur l'évaluation du préjudice et l'absence de communication des débours de la Cpam empêchent de vérifier si les demandes futures d'indemnisation ne sont pas déjà absorbées par la créance de la Cpam.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Régulièrement intimée, la Cpam de Roubaix-Tourcoing n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

À titre liminaire, il s'observe que Mme [C] ne fonde pas son action sur la responsabilité du fait des choses mais seulement sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour faute.

Sur la responsabilité délictuelle :

En vertu des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer et chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Conformément à l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il appartient ainsi à Mme [C] de démontrer que son préjudice a été causé par une faute de la société Auchan.

Il est constant que Mme [C] a chuté dans un trou situé sur un terre-plein herbeux du parking de la société Auchan et que cette chute lui a causé un préjudice corporel constitué par une entorse du genou, une lombalgie para-vertébrale bilatérale et une contusion de la main droite.

Sur la faute

La victime soutient que la faute de la société Auchan consiste en une absence de signalisation du trou dans lequel elle a chuté et par le fait que cette dernière s'est abstenue de le reboucher.

Afin de prouver cette faute, elle produit des photographies, des attestations de M. [N] et la réponse de la société Iléo.

La société Auchan a d'abord cherché à impliquer une société Iléo dans l'apparition des trous dans la pelouse par suite de travaux réalisés par cette dernière. Or, la société Iléo a expliqué à Mme [C] que ses travaux de voirie n'avaient pas été exécutés à l'endroit où elle avait chuté, et que des arbres étaient auparavant plantés sur la parcelle herbeuse litigieuse, ce que la société Auchan n'a jamais contesté.

Concernant la présence d'une signalisation le jour des faits, les photographies produites par la victime permettent d'établir :

la présence de trous cachés par l'herbe et légèrement visibles de près ;

leur présence à quelques pas de la voie piétonne bétonnée ;

l'absence de signalisation en octobre 2018 et le 17 juin 2019 ;

la présence d'une balise autour des trous le 19 juillet 2019 ;

que les trous étaient rebouchés en août 2019.

Aucune photographie prise le jour des faits n'est produite, et la photographie du 17 juin 2019, cinq jours après la chute, ne montre aucune signalisation près du trou.

Si les intimées soutiennent que les dates des photographies peuvent être modifiées et que Mme [C] a pu volontairement retirer la signalisation avant de prendre les clichés, elles n'apportent pour autant aucune preuve de telles allégations.

Les constatations factuelles sont corroborées par le témoignage de M. [N] qui vient confirmer l'absence de toute signalisation d'un danger sur la pelouse.

=$gt; Concernant la validité des attestations :

Aux termes de l'article 202 du code de procédure civile, l'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés. Elle mentionne les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s'il y a lieu, son lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles. Elle indique en outre qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales. L'attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.

Ces dispositions n'étant pas prescrites à peine de nullité, il appartient à la cour d'apprécier souverainement si les attestations, bien que non conformes, présentent des garanties suffisantes pour emporter sa conviction.

En l'espèce, M. [N] a rédigé quatre attestations.

La première du 4 août 2019, rédigée sur un cerfa n° 11527*03, respecte le formalisme prévu à l'article 202 précité. M. [N] indique n'avoir aucun lien de parenté, d'alliance, de subordination, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec les parties et aucune pièce ne vient contredire ce point. S'agissant du contenu de cette attestation, la chute dans un trou est bien mentionnée mais la présence ou l'absence de signalisation n'est pas évoquée.

Les trois autres attestations du 2 et 28 mai 2020 et du 20 mai 2023 ne répondent pas à toutes les exigences posées par l'article 202 précité dès lors qu'elles ne mentionnent ni sa profession, ni son lien de parenté ou de subordination avec les parties, et qu'il n'indique pas dans chacune d'elles, avoir connaissance qu'une fausse attestation l'expose à des sanctions pénales.

Il s'observe cependant que les intimés ne justifient pas en quoi les irrégularités constatées constituent l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public qui leur fait grief, d'autant plus que l'attestant avait dans sa première attestation respecté le formalisme prévu à l'article 202.

Par conséquent, si elles ne répondent pas toutes aux conditions de forme et de régularité posées par l'article 202 précité, ces pièces valent à tout le moins comme simples lettres missives, et ont été soumises à la libre discussion et à la critique des parties. Il n'y a pas lieu de les rejeter s'agissant d'éléments de preuve parmi d'autres, dont il est contradictoirement débattu.

M. [Y] évoque l'absence de balisage dans ses trois attestations de 2020 et 2023. S'il se montre de plus en plus précis dans ses déclarations, il explique avoir apporté des précisions à la demande de l'assureur de Mme [C], et il ne se contredit dans aucune d'elles.

Les photographies et les attestations se corroborant, Mme [C] démontre l'absence de signalisation des trous.

En laissant des trous ni signalés ni rebouchés durant plusieurs mois, sur un petit terre-plein herbeux ne présentant aucun risque apparent et à proximité de la voie piétonne, faisant courir un risque de chute au moindre empiétement sur cette pelouse, la société Auchan a commis une faute engageant sa responsabilité.

Sur le préjudice et le lien de causalité

La société Auchan ne conteste pas le préjudice corporel de Mme [C] dont l'existence est démontrée en particulier par les nombreuses pièces médicales versées au débat par la victime.

De même, la victime ayant été examinée deux heures après les faits aux urgences du centre hospitalier de [Localité 14] où il lui était diagnostiqué une entorse du genou gauche, l'imputabilité des blessures à la chute est suffisamment démontrée.

Par conséquent, la responsabilité de la société Auchan est engagée en raison du lien de causalité entre sa faute et le préjudice de la victime.

Le jugement querellé sera par conséquent réformé.

Sur la faute de la victime :

L'exonération partielle de responsabilité est admise, quand la victime a commis une faute d'imprudence ou d'inattention qui a concouru à la réalisation du dommage.

La société Auchan et la compagnie Xl insurance soutiennent que Mme [C] a commis une faute d'imprudence et d'inattention en allant sur une zone non prévue à la circulation piétonne et en ne prêtant pas attention à la présence de trous signalés par la rubalise.

Or, aucune signalisation n'interdisait de se rendre sur cette petite pelouse, laquelle ne présentait aucun risque apparent.

De plus, comme cela a été analysé précédemment, les trous n'étaient ni balisés ni clairement visibles de loin de sorte qu'il ne saurait être reproché à Mme [C] d'avoir marché sur cette pelouse sans prêter attention à la présence de trous.

Dans ces conditions, les intimées échouent à démontrer une faute d'imprudence ou d'inattention de la victime et la société Auchan devra indemniser Mme [C] pour les préjudices corporels consécutifs à sa faute.

La compagnie Xl insurance sera tenue de garantir la société Auchan.

Sur l'expertise :

Conformément à l'article 232 du code de procédure civile, le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclaire par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien.

En application des articles 263 à 284-1 du code de procédure civile, le juge peut autoriser le recours à l'expertise dans les cas où des constatations ou une consultation ne peuvent suffire à éclairer le juge.

Le juge qui ordonne l'expertise fixe, lors de la nomination de l'expert ou dès qu'il est en mesure de le faire, le montant d'une provision à valoir sur la rémunération de l'expert aussi proche que possible de sa rémunération définitive prévisible. Il désigne la ou les parties qui devront consigner la provision au greffe de la juridiction dans le délai qu'il détermine ; si plusieurs parties sont désignées, il indique dans quelle proportion chacune des parties devra consigner. Il aménage, s'il y a lieu, les échéances dont la consignation peut être assortie.

Les préjudices corporels de Mme [C] n'étant pas encore évalués, il convient d'ordonner une expertise médicale selon les termes visés au dispositif du présent arrêt, lequel sera par ailleurs déclaré commun à la Cpam.

Sur la demande de provision :

La responsabilité de la société Auchan étant acquise, au vu des séquelles présentées par la victime, il convient de condamner la société Auchan à verser à Mme [C] une somme de 1 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation intégrale des préjudices subis et ce malgré l'absence de communication des débours de la Cpam, dès lors que la victime a subi des préjudices personnels n'ouvrant pas droit à recours subrogatoire du tiers payeur.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Alors que l'appel formé ne vise pas le chef du jugement relatif aux dépens exposés en première instance, le sens du présent arrêt conduit :

d'une part à réformer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile ; l'équité ne commande pas qu'il soit fait application de ce texte au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ;

et d'autre part, à condamner la société Auchan, outre aux entiers dépens d'appel, à payer à Maître Priscilla Putéanus, avocat pouvant être rétribué totalement ou partiellement au titre de l'aide juridictionnelle, la somme de 2 000 euros au titre de la procédure d'appel sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les frais de recouvrement forcé :

Il n'y a pas lieu de se prononcer sur les frais éventuels d'exécution forcée, qui, en application de l'article L. 111-8 du code des procédure civiles d'exécution, sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme le jugement rendu le 9 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Lille en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare que la SAS Auchan hypermarché est entièrement responsable des dommages subis par Mme [R] [C] à la suite de l'accident du 12 juin 2019,

Condamne la SAS Auchan hypermarché à verser à Mme [R] [C] la somme de 1 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices subis,

Condamne la compagnie Xl insurance compagny se à garantir la SAS Auchan hypermarché de toutes les condamnations prononcées à son encontre, en ce compris les demandes accessoires et les dépens,

Avant-dire droit sur l'indemnisation des préjudices,

Ordonne une expertise médicale de Mme [R] [C], au contradictoire de l'ensemble des parties à la présente instance,

Commet à cet effet M. [K] [U], expert inscrit sur la liste dressée par la cour d'appel de Douai (Rue du professeur Verhaeghe 59045 Lille cedex Tél : [XXXXXXXX02] Port. : 06.09.75.36.37 2012-2020 Fax : 03.20.62.35.12 Mèl : [Courriel 13]), lequel pourra s'adjoindre comme sapiteur, si nécessaire, tout spécialiste d'un domaine de compétence distinct du sien, aux fins de procéder comme suit :

1 - entendre contradictoirement les parties, leurs conseils convoqués et entendus, ceci dans le strict respect des règles de déontologie médicale ou relative au secret professionnel ;

2 - recueillir toutes informations orales ou écrites des parties ; se faire communiquer puis examiner tous documents utiles (dont le dossier médical et plus généralement tous documents médicaux relatifs à la demande et le relevé des débours exposés par les organismes tiers-payeurs), à charge d'aviser le magistrat chargé du contrôle des expertises en cas de refus de lever le secret médical couvrant les documents concernés ; en prendre connaissance et les examiner ;

3 - se faire communiquer le relevé des débours de l'organisme de sécurité sociale de la victime et indiquer si les frais qui y sont inclus sont bien en relation directe, certaine et exclusive avec l'accident en cause ;

4 - entendre tous sachants ; rapporter fidèlement leurs déclarations après avoir précisé leur identité et s'il y a lieu, leur lien de parenté ou d'alliance, leur lien de subordination ou leur communauté d'intérêt avec les parties ;

5 - procéder contradictoirement à l'examen clinique de Mme [R] [C] ainsi qu'à toutes investigations utiles :

noter ses doléances ;

fournir le maximum de renseignements sur son identité, ses conditions d'activités professionnelles et de vie, son niveau scolaire, son statut exact, sa formation ;

déterminer ses antécédents médicaux et familiaux et tout autre élément utile, en particulier ceux relatifs à la pathologie ou aux pathologies dont elle se plaint ;

dire si les préjudices subis par Mme [R] [C] sont en relation de causalité avec l'accident qu'elle a subi le 12 juin 2019 ;

6 - évaluer les postes de préjudice qui résultent de l'état actuel constaté et qui sont en lien direct et certain avec l'accident du 12 juin 2019, par référence aux barèmes d'évaluation de droit commun et aux échelles habituelles :

1) Préjudices avant consolidation

1-1) Préjudices patrimoniaux

1-1-1) Pertes de gains professionnels actuels (P.G.P.A.) : Déterminer la durée de l'incapacité provisoire de travail, correspondant au délai normal d'arrêt ou de ralentissement d'activités ; dans le cas d'un déficit partiel, en préciser le taux,

1-1-2) Frais divers : Dire si du fait de son incapacité provisoire, la victime directe a été amenée à exposer des frais destinés à compenser des activités non professionnelles particulières durant sa maladie traumatique (notamment garde d'enfants, soins ménagers, frais d'adaptation temporaire d'un véhicule ou d'un logement, assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante - dans ce dernier cas, la décrire, et émettre un avis motivé sur sa nécessité et ses modalités, ainsi que sur les conditions de la reprise d'autonomie)

1-2) Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

1-2-1) Déficit fonctionnel temporaire : Décrire et évaluer l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant sa maladie traumatique (troubles dans les actes de la vie courante)

1-2-2) Souffrances endurées avant consolidation : Décrire les souffrances endurées avant consolidation, tant physiques que morales, en indiquant les conditions de leur apparition et leur importance ; les évaluer sur une échelle de sept degrés,

1-2-3) Préjudice esthétique temporaire : Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance, sur une échelle de sept degrés, d'un éventuel préjudice esthétique temporaire,

2) Consolidation

2-1) Proposer une date de consolidation des blessures, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire,

2-2) Dire si l'état de la victime est susceptible de modifications en aggravation ou amélioration ; dans l'affirmative, fournir au Tribunal toutes précisions utiles sur cette évolution, son degré de probabilité, et, dans le cas où un nouvel examen lui apparaîtrait nécessaire, indiquer le délai dans lequel il devra y être procédé,

2-3) Dans l'hypothèse où la consolidation ne serait pas acquise à l'issue du délai fixé par le présent arrêt pour l'exécution de l'expertise, faire rapport au juge chargé du contrôle des expertises pour déterminer l'opportunité d'une prorogation du délai ou d'un dépôt en l'état du rapport sur les seuls postes temporaires de préjudices ;

3) Préjudices après consolidation

3-1) Préjudices patrimoniaux permanents

3-1-1) Dépenses de santé futures : décrire les frais hospitaliers, médicaux, para-médicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels, mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation,

3-1-2) Frais de logement et de véhicule adapté : décrire et chiffrer les aménagements rendus nécessaires pour adapter le logement et/ou le véhicule de la victime à son handicap,

3-1-3) assistance par une tierce personne : Se prononcer sur la nécessité d'une assistance par tierce personne ; dans l'affirmative, préciser le nombre nécessaire d'heures par jour ou par semaine, et la nature de l'aide (spécialisée ou non) ; décrire les attributions précises de la tierce personne : aide dans les gestes de la vie quotidienne, accompagnement dans les déplacements, aide à l'extérieur dans la vie civile, administrative et relationnelle etc... ; donner toutes précisions utiles,

3-1-4) Perte de gains professionnels futurs : décrire les éléments permettant de dire si la victime subit une perte ou une diminution consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage (notamment perte d'emploi, temps partiel, changement de poste ou poste adapté)

3-1-5) incidence professionnelle : décrire l'incidence périphérique du dommage touchant à la sphère professionnelle (notamment dévalorisation sur le marché du travail, augmentation de la pénibilité de l'emploi, frais de reclassement, perte ou diminution de droits à la retraite)

3-1-6) préjudice scolaire, universitaire ou de formation : dire si du fait de l'événement, la victime a subi un retard dans son parcours scolaire, universitaire ou de formation, et/ou a dû modifier son orientation, ou renoncer à une formation,

3-2) Préjudices extra-patrimoniaux

3-2-1) Déficit fonctionnel permanent : Donner un avis sur le taux de déficit fonctionnel permanent imputable à l'événement, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, ce taux prenant en compte non seulement les atteintes physiologiques, mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes ressenties ;

Préciser le barème d'invalidité utilisé,

Dans l'hypothèse d'un état antérieur de la victime, préciser :

si cet état était révélé et traité avant le fait dommageable survenu le 12 juin 2019 (dans ce cas, préciser les périodes, la nature et l'importance des traitements antérieurs) et s'il entraînait un déficit fonctionnel avant le fait dommageable,

s'il a été aggravé ou révélé ou décompensé par l'agression,

si en l'absence d'agression, cet état antérieur aurait entrainé un déficit fonctionnel. Dans l'affirmative en déterminer le taux ;

En toute hypothèse, donner un avis sur le taux du déficit fonctionnel actuel, tous éléments confondus (état antérieur inclus) ;

3-2-2) Préjudice d'agrément : si la victime allègue l'impossibilité définitive de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisirs, correspondant à un préjudice d'agrément, donner un avis médical sur cette impossibilité ou cette limitation,

3-2-3) Préjudice esthétique permanent : donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique permanent, l'évaluer sur une échelle de sept degrés,

3-2-4) Préjudice sexuel : dire s'il existe un préjudice sexuel, le décrire en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l'acte sexuel proprement dit (impuissance ou frigidité), et la fertilité (fonction de reproduction),

3-2-5) Préjudice d'établissement : dire si la victime présente un préjudice d'établissement (perte de chance de réaliser un projet de vie familiale normale en raison de la gravité du handicap permanent) et le quantifier en indiquant des données circonstanciées,

Procéder de manière générale à toutes constatations ou conclusions utiles à la solution du litige ;

Commet le président de la 3ème chambre de la cour d'appel en qualité de magistrat chargé du contrôle de l'expertise ;

Dit que l'expert devra faire connaître sans délai son acceptation au juge chargé du contrôle de l'expertise, et devra commencer ses opérations dès réception de l'avis de consignation ;

Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du juge chargé du contrôle de l'expertise ;

Dit que l'expert devra accomplir sa mission conformément aux articles 232 et suivants du code de procédure civile, notamment en ce qui concerne le caractère contradictoire des opérations ;

Dit que l'expert devra tenir le juge chargé du contrôle de l'expertise, informé du déroulement de ses opérations et des difficultés rencontrées dans l'accomplissement de sa mission ;

Dit que l'expert devra :

=$gt; remettre un pré-rapport aux parties en considération de la complexité technique de la mission, dans un délai de 6 mois à compter de la date de l'acceptation de sa mission, et inviter les parties à formuler leurs observations dans un délai de 30 jours à compter de la réception de ce pré-rapport, étant rappelé aux parties qu'en application de l'article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai ;

=$gt; dresser de l'ensemble de ses investigations un rapport formalisant la réponse apportée à chaque question en reprenant les termes exacts de la mission figurant ci-dessus, et sans renvoyer à des pièces annexes ou à d'autres parties du rapport (tel que le commémoratif) ;

=$gt; adresser ce rapport, dans les 8 mois de l'acceptation de sa mission, sauf prorogation de ce délai accordée par le magistrat chargé du contrôle des expertises :

* aux parties ;

* au greffe de la troisième chambre de la cour d'appel de Douai :

- d'une part, en deux exemplaires et en format physique à destination du greffe de la troisième chambre la cour d'appel de Douai ;

- d'autre part, en format PDF et en pièce jointe à un courriel adressé à [Courriel 11] et indiquant en objet le numéro du répertoire général (RG) de la présente procédure ;

Dit que le dépôt du rapport sera accompagné de la demande de rémunération de l'expert, dont ce dernier aura adressé un exemplaire aux parties par tout moyen permettant d'en établir la réception ; que la demande de rémunération mentionnera la date d'envoi aux parties de cette copie ;

Rappelle que les parties disposeront d'un délai de 15 jours à compter de cette réception pour formuler toutes observations écrites auprès du magistrat chargé du contrôle des expertises et de l'expert, notamment aux fins de taxation des honoraires sollicités ;

Dispense Mme [R] [C] du versement de la consignation compte tenu de son admission à l'aide juridictionnelle, et dit que la rémunération de l'expert sera avancée par le trésor public, conformément à l'article 119 du décret n°91-1966 du 19 décembre 1991,

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,

Condamne la SAS Auchan hypermarché aux dépens de la procédure d'appel,

Déboute Mme [R] [C] de sa demande au titre de l'article A. 444-32 du code de commerce,

Condamne la SAS Auchan hypermarché à payer à Maître Priscilla Putéanus la somme de 2 000 euros au titre de la procédure d'appel sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Déclare le présent arrêt commun à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing,

Ordonne le renvoi de l'affaire devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille pour qu'il soit statué sur la liquidation du préjudice.

Le greffier

Harmony POYTEAU

Le président

[X] [O]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 23/01950
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;23.01950 ?
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