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11/04/2024 | FRANCE | N°22/04644

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 4, 11 avril 2024, 22/04644


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 4

ARRÊT DU 11/04/2024



N° de MINUTE : 24/313

N° RG 22/04644 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UQQQ

Jugement (N° 21/2379) rendu le 02 Septembre 2022 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Valenciennes



APPELANT



Monsieur [K] [F]

né le 28 Février 1951 à [Localité 6] - de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]



Comparant en personne assisté de Mme [F] [X]

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INTIMÉ



Monsieur [R] [I]

né le 11 Avril 1970 à [Localité 7] - de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représenté par Me Philippe Meillier, avocat au barreau d'...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 4

ARRÊT DU 11/04/2024

N° de MINUTE : 24/313

N° RG 22/04644 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UQQQ

Jugement (N° 21/2379) rendu le 02 Septembre 2022 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Valenciennes

APPELANT

Monsieur [K] [F]

né le 28 Février 1951 à [Localité 6] - de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Comparant en personne assisté de Mme [F] [X]

INTIMÉ

Monsieur [R] [I]

né le 11 Avril 1970 à [Localité 7] - de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Philippe Meillier, avocat au barreau d'Arras

DÉBATS à l'audience publique, tenue par Emmanuelle Boutié magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Dellelis, président de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Par acte notarié en date du 24 juillet 1990, M. [V] [C] a donné à bail à ferme au profit de M. [G] [I] une parcelle à usage agricole située sur la commune de [Localité 5], cadastrée C[Cadastre 2] lieudit [Localité 4], d'une contenance de 3ha 11a 38 ca.

Cette parcelle a été vendue à M. [K] [F] le 21 septembre 1992.

M. [G] [I] a ensuite cédé le bail à son fils M. [R] [I].

Par requête réceptionnée le 9 juillet 2021, M. [K] [F] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Valenciennes à l'encontre de M. [R] [I], au visa de l'article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime, aux fins notamment de voir prononcer la résiliation du bail rural et de condamnation de M. [I] au paiement de la somme de 329,09 euros au titre des arrérages de fermage impayés avec intérêts au taux légal depuis l'échéance impayée.

Par requête réceptionnée le 9 novembre 2021, M. [F] a formulé les mêmes demandes à l'encontre de M. [I], au visa des articles L.411-27, L.411-31 et L.415-12 du code rural et de la pêche maritime, sauf à fonder la résiliation du bail sur les agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds.

En l'absence de conciliation, les affaires ont été jointes et renvoyées à l'audience de jugement où le dossier a finalement été plaidé le 17 juin 2022.

Par jugement en date du 2 septembre 2022, auquel il est expressément renvoyé pour un exposé complet de la procédure antérieure au jugement et des demandes et moyens des parties le tribunal paritaire des baux ruraux de Valenciennes a:

- ordonné la jonction des recours 21/2379 et 21/3326 sous le numéro de rôle le plus ancien,

- dit n'y avoir lieu à résiliation du bail rural liant M. [K] [F] à M. [R] [I],

- débouté M. [F] de ses demandes à l'exception de celle tendant à obtenir le paiement de la quote-part de taxes foncières incombdant à M. [I] au titre des années 2016 à 2020,

- condamné M. [I] à payer à M. [F] la somme de 329,09 euros correspondant à la quote-part de taxes foncières incombant au preneur pour les années 2016 à 2020,

- laissé à chaque partie la charge de ses dépens,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- précisé que le présent jugement est susceptible d'appel dans le délai d'un mois à compter de sa notification.

M. [F] a interjeté appel de cette décision, la déclaration d'appel visant l'ensemble des dispositions du jugement entrepris.

Lors de l'audience devant cette cour, M. [F], représenté par Mme [X] [F], sa fille, munie d'un pouvoir de représentation, reprend se conclusions déposées lors de l'audience et dûment visées par le greffe par lesquelles il demande à cette cour de:

- déclarer recevable et bien fondé M. [K] [F] en son appel de la décision rendue le 2 septembre 2022 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Valenciennes,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions hormis sur la condamnation de M. [I] à payer au bailleur la somme de 329,09 euros,

Et statuant à nouveau,

- prononcer la résiliation du bail rural notarié du 24 juillet 1990 reçu par Maître [U] [N], notaire à [Localité 7], sur le fondement du changement de destination agricole de la parcelle louée, cadastrée section C numéro [Cadastre 2] sise à [Localité 5], par le preneur, M. [R] [I], qui y exerce une activité n'entrant pas dans la définition prévue par l'article L.311-1 du code rural et de la pêche maritime,

- ordonner la libération des lieux dans le mois de la signification du jugement à intervenir sous astreinte provisoire de 50 euros par jour avec le concours de la force publique si besoin est;

- condamner M. [I] à payer M. [F] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [I] à supporter les dépens en application des articles 695 et 696 du code de procédure civile,

- rappeler que l'exécution provisoire est de droit.

M. [F] soutient essentiellement que le preneur qui change la destination agricole du bien loué pour y exercer une activité n'entrant pas dans la définition de l'article L.311-1 du code rural et de la pêche maritime doit être sanctionné par la résiliation du bail rural et avance qu'en l'espèce, M. [I] fait paître des chevaux sur la parcelle et ce à des fins de pur loisir.

Il précise qu'en première instance, M. [I] déclarait se livrer à une activité de reproduction équine avec poulinières et poulains alors qu'en cause d'appel, il affirme désormais que la parcelle est essentiellement utilisée pour ses bovins, ce comportement procédural, de nature à induire l'autre partie en erreur sur ses intentions, constituant un manquement au principe de cohérence ou de l'estoppel.

En outre, l'appelant ajoute qu'il justifie que la parcelle est exclusivement destinée aux chevaux personnels du preneur, M. [I] ne justifiant d'aucune activité poulinière active à son nom et ne disposant d'aucune infrastructure en lien avec la reproduction ou l'élevage équin.

M. [I] soutient ses conclusions déposées lors de l'audience et dûment visées par le greffe par lesquelles il demande à cette cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner M. [F] à payer à M. [I] la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens de la première instance.

M. [I] soutient essentiellement qu'il est propriétaire de chevaux et de bovins qu'il fait paître dans la pâture sans que cette situation ne constitue un changement de destination de la parcelle louée.

Il précise qu'il est agriculteur, qu'il pratique l'élevage et utilise essentiellement le fond pour faire pâturer ses bovins et accessoirement quelques chevaux dont il est propriétaire, l'élevage bovins entrant manifestement dans la définition d'une activité agricole aux termes de l'article L.311-1 du code rural.

Il avance aussi que le fait de soutenir qu'il utilise la pâture pour y faire paître ses chevaux élevés en vue de leur reproduction n'a rien de contraire avec le fait que la parcelle est également utilisée pour y faire paître des bovins.

Il est pour le surplus renvoyé aux écritures des parties pour un exposé complet de leurs moyens et arguments.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour relève que les dispositions du jugement entrepris relatives à la condamnation de M. [R] [I] à payer à M. [F] la somme de 329,09 euros au titre de la quote-part de taxe foncière incombant au preneur au titre des années 2016 à 2020 ne fait l'objet d'aucune contestation, M. [I] sollicitant la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions.

Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement déféré de ce chef.

Sur la demande en résiliation du bail

Il résulte des dispositions de l'article L.311-1 alinéa 1er du code rural et de la pêche maritime que sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation. Les activités de cultures marines et d'exploitation de marais salants sont réputées agricoles, nonobstant le statut social dont relèvent ceux qui les pratiquent. Il en est de même des activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation, à l'exclusion des activités de spectacle. (...)

Aux termes des dispositions de l'article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime, sauf les dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L.411-32 et L.411-34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie de l'un des motifs suivants :

1° Deux défauts de paiement des fermages ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition;

2° Des agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu'il ne dispose pas de la main-d'oeuvre nécessaire aux besoins de l'exploitation;

3° Le non-respect par le preneur des clauses mentionnées au troisième alinéa de l'article L.411-27.

Les motifs mentionnés ci-dessus ne peuvent être invoqués en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes.

(...)

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article L.411-46 du même code que le preneur a droit au renouvellement du bail, nonobstant toute clauses, stipulations ou arrangements contraires, à moins que le bailleur ne justifie de l'un des motifs graves et légitimes mentionnés à l'article L.411-31.

En application des dispositions de l'article L.411-31 susvisé, le prononcé de la résiliation du bail suppose que le preneur ait commis des actes fautifs et que ces derniers aient pour conséquence de préjudicier gravement à l'exploitation du fond.

En cause d'appel, M. [F] soutient que M. [I] fait paître des chevaux sur la parcelle et ce à des fins de pur loisir ce qui caractérise un changement de destination agricole de la parcelle louée par le preneur pour y exercer une activité n'entrant pas dans la définition prévue par l'article L.311-1 du code rural et de la pêche maritime justifiant la résiliation du bail rural.

Il argue aussi de ce que le positionnement procédural de M. [I] devant la cour se heurte au principe de l'estoppel dans la mesure où il affirmait devant le tribunal qu'il utilisait la parcelle dans le cadre de son activité de reproduction équine, indiquant qu'il y faisait paître exclusivement poulinières et poulains alors qu'il soutient en cause d'appel que la parcelle est utilisée pour son activité d'élevage bovin. Il soutient aussi que M. [I] a reconnu en premier instance utiliser la parcelle pour ses chevaux (poulinières et poulains) dans le cadre de son activité de reproduction équine entrant dans le champ de l'article L.311-1 du code rural et de la pêche maritime ce qui constitue un aveu judiciaire au sens de l'article 1356 du code civil.

Ainsi, l'article 1383 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, que l'aveu est la déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques.

Il peut être judiciaire ou extrajudiciaire.

En outre, le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, dit de l'estoppel, interdit à une partie d'adopter des positions procédurales incompatibles, de nature à induire l'adversaire en erreur sur ses intentions.

Alors qu'il ressort de la motivation du jugement entrepris que la question de l'activité de reproduction équine de M. [I] n'a pas constitué un élément déterminant du litige qui portait essentiellement sur l'existence d'agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, s'agissant de la présence de chardons, d'orties et de bois morts éparpillés sur la parcelle louée et plus largement de son entretien et de la présence d'un poulain signalé comme agonisant sur la parcelle, la cour relève que le fait pour M. [I] de soutenir qu'il utilise la parcelle pour y faire paître ses chevaux élevés en vue de leur reproduction n'est pas contraire avec le fait d'indiquer que la parcelle est aussi utilisée pour y faire paître des bovins dans le cadre de son activité agricole alors qu'il n'est pas soutenu que les deux activités seraient incompatibles.

Ainsi, il résulte du livre bovins produits aux débats que M. [I] est propriétaire de 71 vaches laitières, 18 bovins mâles et 18 bovins de type viande pour un total de 107 animaux présents sur l'exploitation et M. [A] [S], voisin de l'exploitation, atteste avoir vu de jeunes bovins cohabiter sur la parcelle: 'En qualité de voisin de la parcelle référencée C[Cadastre 2], j'atteste sur l'honneur avoir constaté régulièrement la présence de jeunes bovins avec les chevaux sur ladite parcelle. A ma connaissance, les deux cohabitent en harmonie sans aucun incident relevé de ma part'.

En outre, si M. [F] affirme que le fait que M. [I] ait pu indiqué aux termes de ses conclusions de première instance les éléments suivants: 'Que le grief que prétend tiré Monsieur [F] de l'usage effectué par Monsieur [I] de la pâture, à savoir faire pâturer des chevaux et notamment des poulinières avec leurs poulains est enfin particulièrement surprenant dès lors que la reproduction équine est une activité agricole au sens de l'article L.311-1 du code rural et de la pêche maritime' constitue un aveu judiciaire de ce que la parcelle est utilisée de manière permanente et exclusive par le preneur pour ses chevaux dans le cadre de son activité de reproducteur équin, force est de constater que ces seuls éléments sont insuffisants à caractériser l'existence d'une volonté non équivoque de M. [I] de reconnaître une activité de reproducteur équin de sorte qu'ils ne sauraient s'analyser en un aveu judiciaire au sens des dispositions de l'article 1383 du code civil susvisé.

Par ailleurs, alors que M. [I] ne conteste pas ne pas avoir la qualité de reproducteur équin mais uniquement celle d'exploitant agricole et explique élever des chevaux uniquement dans un cadre de loisirs, les constatations réalisées par Maître [O], commissaire de justice, dans le cadre du procès-verbal de constat établi le 5 avril 2023 permettent de confirmer l'absence d'inscription de M. [I] auprès de l'Institut français du cheval et de l'équitation en qualité d'éleveur équin.

De la même manière, la seule attestation établie par M. [Z] [M], voisin de la parcelle litigieuse, faisant état de la présence de chevaux sur la parcelle litigieuse ainsi que de l'existence de divagations de ces dernier, est insuffisante à caractériser la présence exclusive de chevaux sur la parcelle litigieuse de nature à caractériser un usage non agricole de la parcelle contraire aux dispositions de l'article L.311-1 du code rural et de la pêche maritime.

Ainsi, M. [F] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un manquement fautif du preneur à son obligation d'user du fonds selon sa destination justifiant la résiliation du bail.

En conséquence, il y a lieu de le débouter M. [F] de sa demande en résiliation du bail rural, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

La décision entreprise sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [F], partie perdante, sera condamné à supporter les dépens d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable de le condamner à payer à M. [I] la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [K] [F] à payer à M. [R] [I] la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [K] [F] aux dépens d'appel.

Le greffier

Ismérie CAPIEZ

Le président

Véronique DELLELIS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 4
Numéro d'arrêt : 22/04644
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;22.04644 ?
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