La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2024 | FRANCE | N°22/03083

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 04 avril 2024, 22/03083


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 04/04/2024





****





N° de MINUTE :

N° RG 22/03083 - N° Portalis DBVT-V-B7G-ULN3



Jugement n° 2020/1461 rendu le 08 juin 2022 par le tribunal de commerce d'Arras





APPELANTE



Société Loadhog Limited

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Raphaële Martinuzzo, avocat au barreau d'Arras, avocat constitu

é

assistée de Me Thomas Bloch, avocat au barreau de Strasbourg, avocat plaidant





INTIMÉE



SAS HDF Emballages prise en la personne de son directeur général domicilié en cette qualité audit siège 

ay...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 04/04/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 22/03083 - N° Portalis DBVT-V-B7G-ULN3

Jugement n° 2020/1461 rendu le 08 juin 2022 par le tribunal de commerce d'Arras

APPELANTE

Société Loadhog Limited

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Raphaële Martinuzzo, avocat au barreau d'Arras, avocat constitué

assistée de Me Thomas Bloch, avocat au barreau de Strasbourg, avocat plaidant

INTIMÉE

SAS HDF Emballages prise en la personne de son directeur général domicilié en cette qualité audit siège 

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par Me Arnaud Fasquelle, avocat constitué, substitué à l'audience par Me Alicia Galet, avocats au barreau de Béthune

DÉBATS à l'audience publique du 07 février 2024 tenue par Aude Bubbe magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Aude Bubbe, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 avril 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 décembre 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

Le 3 octobre 2017, la société HDF Emballages (HDF Emballages) et la société Loadhog Limited (Loadhog Limited), société de droit anglais, ont conclu, pour une durée de deux ans, renouvelable annuellement pour une période maximale de cinq ans, une convention relative à la distribution des produits de Loadhog Limited par HDF Emballages notamment auprès de la société Boulanger.

Par lettre recommandée internationale avec demande d'accusé de réception adressée le 2 septembre 2019, HDF Emballages a mis en demeure Loadhog Limited d'exécuter strictement la convention et de cesser tout agissement contraire.

Par courrier officiel du 18 novembre 2019, le conseil de Loadhog Limited indiquait résilier la convention.

Par acte du 19 mai 2020, HDF Emballages a fait assigner Loadhog Limited devant le tribunal de commerce d'Arras aux fins de la voir condamner à lui payer des dommages-intérêts à raison de l'inexécution du contrat, à cesser tout agissement en contravention avec la convention, sous astreinte journalière de 100 euros, et à communiquer les contrats conclus, directement et indirectement, avec la société Boulanger.

Par jugement contradictoire du 8 juin 2022, le tribunal de commerce d'Arras a :

- jugé recevable et bien fondée HDF Emballages en ses demandes, fins et conclusions,

- jugé que Loadhog Limited avait failli à son obligation de bonne foi et de loyauté et qu'elle avait commis des fautes et manquements dans l'exécution de la convention de collaboration souscrite avec HDF Emballages,

- jugé que la résiliation du contrat par Loadhog Limited n'était valablement intervenue au plus tôt qu'à compter du 3 octobre 2020,

- prononcé la résiliation du contrat, aux torts exclusifs de Loadhog Limited,

- condamné Loadhog Limited à verser à HDF Emballages les sommes de :

- 13 700 euros représentant la somme de 100 euros par jour pendant 137 jours, entre le 19 mai 2020 (date de l'assignation) et le 3 octobre 2020 (date de résiliation du contrat) pour ne pas avoir cessé d'agir en contravention avec la convention de collaboration,

- 20 000 euros pour l'ensemble des infractions aux obligations issues de la convention litigieuse,

- 45 054,55 euros au titre de la perte de marge

- 50 000 euros en réparation du préjudice découlant de la perte de chance d'obtenir de nouvelles commandes durant l'exécution de la convention de collaboration

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

- prononcé l'exécution provisoire,

- dit que l'exécution provisoire s'effectuera en application du règlement UE relatif à la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale,

- condamné Loadhog Limited à verser à HDF Emballages la somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par déclaration du 28 juin 2022, Loadhog Limited a interjeté appel du jugement, en l'ensemble de ses dispositions.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 28 juillet 2022, Loadhog Limited demande à la cour de :

- infirmer le jugement intervenu,

A titre principal :

- débouter HDF Emballages de l'ensemble de ses demandes,

En tout état de cause :

- limiter les montants alloués à HDF Emballages,

- la condamner aux entiers frais et dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle souligne que le tribunal de commerce a statué ultra petita en accordant 20 000 euros au titre des infractions à la convention de collaboration alors que la demande s'élevait à 10 000 euros et qu'il n'a procédé à aucun arbitrage des montants réclamés, accordant la totalité des sommes demandées.

Sur la convention de collaboration, elle souligne avoir modifié le projet de convention adressé par HDF Emballages quant à l'identité du co-contractant et l'étendue de la clause de non-concurrence, par mentions manuscrites. Elle fait valoir que la modification manuscrite de l'identité du co-contractant a été prise en compte par HDF Emballages et que la modification de la clause de non-concurrence est intervenue dans les mêmes conditions. Elle précise que la clause 4.5 de la convention est destinée à protéger les parties contre les modifications unilatérales du contrat et que les modifications ont été acceptées par HDF Emballages. Elle estime que les ratures constituent des informations préalables au contrat. Elle fait valoir que HDF Emballages ne peut invoquer l'irrégularité de la rature alors qu'elle seule produit son exemplaire et qu'elle ne produit aucun original produit signé par les parties sans rature des mentions 'indirecte'.

Sur le fond, elle conteste toute faute. Rappelant que HDF Emballages a accepté la modification de la clause de non-concurrence, en produisant le contrat amendé, elle expose ne pas avoir directement démarché la société Boulanger mais avoir été sollicitée par une société tierce déjà en lien avec ce client. N'ayant pas réalisé de démarchage direct, elle souligne ne pas avoir pu nuire aux intérêts de HDF Emballages. Elle indique que HDF Emballages ne justifie pas ne pas avoir reçu les meilleures conditions commerciales possibles. Elle expose que HDF Emballages ne précise pas en quoi elle ne lui aurait pas apporté son soutien technique et logistique.

Sur les demandes financières, elle indique que HDF Emballages produit un seul document concernant la perte de la marge qui ne permet pas de justifier sa demande. Sur la perte de chance, elle expose que HDF Emballages est toujours le fournisseur des palettes plastiques de la société Boulanger. Elle conteste toute condamnation pour manquement à ses obligations contractuelles.

Sur les demandes subsidiaires de production de pièces, elle fait valoir que HDF Emballages n'avait pas l'exclusivité de la distribution de ses produits, que cette dernière a toujours refusé de stocker ses produits et qu'elle ne conteste pas travailler avec la société Provost, qui a accepté d'entreposer ses produits. Elle rappelle que les sociétés Loadhog SARL, Provost et Boulanger ne sont pas dans la cause. Elle précise ne pas être opposée à la production par la société Provost de la commande finalement formée par Boulanger, permettant certainement de retenir qu'une marge de 12% est impossible avec ce client et que l'indemnisation du taux de marge ne peut donc être réalisée à ce taux.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 27 octobre 2022, HDF Emballages demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la résiliation du contrat par Loadhog Limited est intervenue au plus tôt le 3 octobre 2020, prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de Loadhog Limited et condamné Loadhog Limited à lui verser la somme de 13 700 euros,

- confirmer le surplus,

Statuant de nouveau,

- juger que la résiliation du contrat par Loadhog Limited n'est pas valablement intervenue,

En conséquence,

- condamner Loadhog Limited à lui verser la somme de 85 400 euros représentant la somme de 100 euros par jour à compter entre le 19 mai 2020 (date de l'assignation), arrêtée au 854 jours arrêtés au 21 octobre 2022, sauf à parfaire au jour de la décision à intervenir, pour ne pas avoir cessé d'agir en contravention avec la convention de collaboration,

- enjoindre à Loadhog Limited de cesser tout agissement contraire à la convention souscrite, sous astreinte de 100 euros par jour de retard courant à compter de la décision à intervenir et jusqu'au terme de la convention soit le 3 octobre 2023,

Subsidiairement,

- constater la résiliation de la convention au 3 octobre 2020 par Loadhog Limited,

- juger cette résiliation fautive,

En conséquence,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné Loadhog Limited à verser à la société HDF Emballages la somme de 13 700 euros pour ne pas avoir cessé d'agir en contravention avec la convention de collaboration jusqu'à la date de résiliation,

Au besoin, avant dire droit,

- enjoindre à Loadhog Limited de communiquer les conditions tarifaires proposées par elle, ainsi que le ou les contrats passés par elle, directement ou indirectement auprès du ou des distributeurs pour le client Boulanger, pour les bacs plastiques, sous astreinte de 100 euros par jour de retard courant à compter de la décision à intervenir,

- enjoindre notamment à Loadhog Limited de communiquer les conditions tarifaires proposées, ainsi que le ou les contrats souscrits, par elle, ses établissements, filiales, ou sociétés du groupe Loadhog avec la société Provost pour la fabrication et commercialisation des bacs plastiques emboîtables pour le client final Boulanger sous astreinte de 100 euros par jour de retard courant à compter de la décision à intervenir,

- enjoindre à la SARL Loadhog, société de droit français, de communiquer les contrats et conventions souscrits, pour la fabrication et commercialisation des bacs plastiques emboîtables, auprès de tout distributeur et notamment la société Provost pour le client final Boulanger,

- enjoindre à la société Provost de communiquer la commande passée par la société Boulanger auprès d'elle pour commandes de bacs plastiques, ainsi que la convention et/ou le contrat souscrit avec la société Loadhog Limited ou Loadhog, à compter du 3 octobre 2017

- enjoindre à la société Boulanger de communiquer le ou les contrats souscrits par elle pour la ou les commandes de bacs plastiques fabriqués par la société Loadhog Limited ou Loadhog à compter du 3 octobre 2017,

En tout état de cause,

- condamner la société Loadhog Limited au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens,

- dire que l'exécution du jugement s'effectuera en application du règlement UE relatif à la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Sur le fondement de l'article 1104 du code civil, elle souligne que l'obligation de bonne foi des contractants s'impose tant lors de la formation que de l'exécution du contrat.

Visant les articles 1112-1 et 1137 du code civil, elle affirme qu'en raturant les mentions 'indirecte', Loadhog Limited avait l'intention d'entrer en relation avec la société Boulanger et qu'elle a contracté de mauvaise foi. Elle indique que la société Loadhog Limited a entretenu le flou sur son identité, utilisant diverses enseignes, et que Loadhog Limited est l'associée unique de la SARL Loadhog, créée en novembre 2018. Elle affirme que Loadhog Limited a utilisé d'autres sociétés du groupe Loadhog pour ne pas respecter ses engagements.

Elle rappelle que les mentions raturées n'ont pas été paraphées par elle et lui sont donc inopposables, en application de l'article 4.5 de la convention. Elle souligne que le co-contractant est bien Loadhog Limited, la modification de l'identité des parties ne portant pas sur leurs obligations réciproques. Elle indique que les ratures sont intervenues a posteriori et de manière unilatérale par Loadhog Limited. Elle souligne que Loadhog Limited n'est entrée en relation avec la société Boulanger que suite à leur convention de collaboration. Elle fait valoir qu'il appartenait à Loadhog Limited de prévoir des clauses spécifiques dans ses contrats pour éviter le démarchage d'autres clients.

Elle indique que dévoiler sa stratégie commerciale et capter ses clients en profitant des investissements et du savoir-faire constitue une atteinte à ses intérêts commerciaux par Loadhog Limited. Elle ajoute que Loadhog Limited a tenté en outre de détourner le client Boulanger pour le marché de palettes plastique, constituant une nouvelle atteinte à ses intérêts commerciaux. Elle expose qu'il appartient à Loadhog Limited de justifier qu'elle lui a proposé les meilleures conditions tarifaires et que la société Boulanger lui a indiqué avoir choisi le meilleur offrant, après avoir été contactée directement par Loadhog Limited avec la société Provost comme distributeur. Elle souligne que Loadhog Limited ne lui a apporté aucun soutien technique et logistique.

Elle rappelle que l'article 2 de la convention prévoit la possibilité de la résilier après une première durée de deux ans, par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée trois mois avant la date anniversaire. A défaut de lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, elle conclut que la convention n'a pas été valablement résiliée et qu'elle est toujours en vigueur et a minima jusqu'au 3 octobre 2023.

Au visa des articles 1217 et 1231-1 du code civil, sur le fondement de la réparation en nature, elle sollicite la somme de 10 000 euros par infraction constatée à l'exécution du contrat, évoquant l'existence de quatre fautes et soulignant que la commande des bacs en plastique avait été passée pour la société Boulanger par Loadhog Limited auprès d'un tiers. Elle souligne qu'à défaut de résiliation, la somme journalière de 100 euros est due jusqu'a minima le 3 octobre 2023.

Elle rappelle que Loadhog Limited s'était engagée à lui accorder une remise commerciale exceptionnelle pour la commande de la société Boulanger, qui devait lui permettre d'améliorer sa marge. Elle indique que les 12% prévus sont déjà inférieurs à sa marge habituelle, établie par son comptable pour 2020 et 2021.

Elle souligne que la durée maximale de la convention aurait du permettre à la société Boulanger de réaliser de nouvelles commandes de bacs en plastique. Elle fait valoir les efforts développés pour la réussite de la commande que devait passer la société Boulanger ainsi que l'absence de cette référence pour ses futurs clients.

Enfin, et avant dire droit, elle rappelle que Loadhog Limited reconnaît l'existence d'au moins une commande de la société Boulanger par l'intermédiaire de la société Provost, le 12 avril 2018. Elle indique l'avoir officiellement sommée de communiquer le contrat la liant à cette dernière, alors qu'aucune autre société du groupe Loadhog n'avait d'existence juridique autonome à cette date.

Elle affirme que la société Provost n'était pas en relation antérieure avec la société Boulanger pour les bacs en plastique.

Par ordonnance du 9 février 2023, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement de l'incident en radiation d'appel formé par la société HDF Emballages.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 décembre 2023, l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 17 janvier 2024, reportée au 7 février 2024, et mise en délibéré au 4 avril 2024.

MOTIFS

L'article 6 de la convention des parties prévoyant l'application de la loi française, s'agissant de droits dont elles ont la libre disposition, il en sera donc fait application.

Loadhog Limited ayant été condamnée à l'exécution forcée de la convention et à des dommages-intérêts pour inexécution, il convient dans un premier temps de définir la durée de la convention entre les parties et le moment de sa résiliation, avant de statuer sur la responsabilité de l'appelante.

Sur la résiliation

L'article 2 de la convention retient la possibilité d'une reconduction annuelle de celle-ci dans la limite de cinq ans à compter d'un premier délai de deux ans, sauf 'dénonciation écrite adressée par l'une des Parties à l'autre Partie, par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, au plus tard trois (3) mois avant la date anniversaire de la convention.'

Pour fixer la résiliation au 3 octobre 2020 puis la prononcer aux torts exclusifs de Loadhog Limited, le tribunal retient que ni la forme de la résiliation ni le délai de trois mois n'ont été respectés par le courrier officiel adressé le 18 novembre 2019, repoussant dès lors les effets de la résiliation à la date du prochain renouvellement.

En l'espèce, il ressort du courrier officiel du conseil de Loadhog Limited daté du 18 novembre 2019 la volonté expresse de cette dernière de mettre fin à la convention, par la mention 'Ma mandante entend ainsi notifier, par la présente, la terminaison avec respect du préavis de la convention qui a été conclue.'

En outre, alors que les parties avaient alors toutes deux constitué avocat, il apparaît que HDF Emballages a accusé réception du courrier officiel du conseil de Loadhog Limited par mail en réponse daté du 20 novembre 2018.

En conséquence, alors que la convention ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect de la formalité d'envoi de la résiliation par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, il convient de retenir que HDF Emballages a bien eu connaissance de manière certaine de la volonté de Loadhog Limited de résilier le contrat par courrier officiel du 18 novembre 2019, la résiliation étant reportée à la date anniversaire suivante soit le 3 octobre 2020 par l'effet du contrat.

Enfin, il convient de relever que le tribunal constatant la résiliation du contrat au 3 octobre 2020, il ne pouvait la prononcer à nouveau.

Dès lors, la résiliation de la convention sera constatée au 3 octobre 2020, le jugement sera confirmé de ce chef, mais infirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation aux torts exclusifs de Loadhog Limited.

Sur l'existence de manquements contractuels

En application des articles 1103 et 1104 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

Pour retenir que HDF Emballages n'avait pas accepté que les deux mentions des termes 'indirecte' et 'indirectement' de l'article 1.1 soient écartées, le tribunal retient que les ratures portent les seuls paraphes de Loadhog Limited et que l'article 4.5 de la convention prévoit expressément que les ratures doivent être paraphées par chacune des parties. En outre, alors qu'elle reconnaissait avoir commercialisé ses produits par l'intermédiaire de la société Provost, le tribunal en a déduit que Loadhog Limited avait violé ses trois autres engagements auprès de HDF Emballages (obligations de proposer les meilleures conditions commerciales possibles, d'apporter son soutien technique et logistique et de ne pas nuire aux intérêts commerciaux de HDF Emballages).

En l'espèce, il apparaît que HDF Emballages produit un contrat intitulé 'convention de collaboration' avec la précision en sous-titre 'dans le cadre de la distribution de bacs plastique et d'équipements de manutention', dont chacune des pages est paraphée et la dernière signée, avec apposition de leur cachet humide, par les deux parties.

En outre, ce contrat précise qu'il est réalisé en deux exemplaires et prévoit, dans son article 4.5, que 'toute rature ou annotation manuscrite devra être paraphée par les deux Parties, sous peine de nul effet'.

Or, si la société Loadhog Limited invoque avoir porté des ratures dans le cadre d'un avant-contrat, il convient de retenir qu'elle n'apporte aucun élément (échanges de mails, autre exemplaire avec ratures contresignées par la société HDF Emballages...) permettant de retenir que la convention produite par la société HDF Emballages, comportant les deux signatures, ne soit qu'un projet de contrat.

En outre, s'il peut être retenu que la société HDF Emballages a tenu compte de la modification de l'identité de Loadhog Europe en Loadhog Limited, en assignant cette dernière, il convient de relever qu'aucun élément ne permet d'établir que la société HDF Emballages a accepté les deux modifications par ratures concernant l'article 1.1 relatif à l'objet-même de la convention : 'ne pas approcher la société BOULANGER, par toute démarche commerciale directe ou indirecte susceptible de faire concurrence au distributeur en rentrant directement ou indirectement en relations commerciales avec la société BOULANGER', alors que son seul silence ou la simple exécution du contrat ne pouvaient valoir acceptation en présence d'une clause expresse contraire et en l'absence de tout élément permettant de retenir que la société HDF Emballages avait eu l'intention univoque de ratifier le contrat en toute connaissance de cause.

Enfin, il apparaît que la société Loadhog Limited n'apporte aucun autre élément, extérieur au contrat, qui permettrait de retenir que la société HDF Emballages ait accepté la modification de l'objet de la convention.

Dès lors, il convient de retenir que la modification de l'objet de la convention n'a pas été acceptée par la société HDF Emballages et que la société Loadhog Limited était tenue dans les termes initiaux du contrat.

Par ailleurs, il ressort de l'attestation de son dirigeant que, si la société Provost avait déjà formé des offres de prix à la société Boulanger pour les bacs de navette, elle n'avait pas été retenue pour ce marché, aucun contrat-cadre n'étant évoqué.

Ainsi, alors qu'elle reconnaît avoir fourni les bacs plastiques, objets de la convention, à la société Boulanger par l'intermédiaire de la société Provost, il convient de retenir que la société Loadhog Limited a approché la société Boulanger par une démarche commerciale indirecte, susceptible de faire concurrence à la société HDF Emballages, et qu'elle a donc manqué à ses obligations contractuelles.

De même, il est constant que la société Loadhog Limited a bénéficié de contacts avec la société Boulanger par l'intermédiaire de la société HDF Emballages, tirant profit des relations et du savoir-faire de cette dernière, sur le marché des bacs plastiques empilables, avant de conclure le contrat avec un autre distributeur, ce comportement étant lui aussi constitutif d'une faute contractuelle alors que la société Loadhog Limited s'était engagée à ne pas nuire aux intérêts commerciaux de la société HDF Emballages.

A l'inverse, il ressort des conditions commerciales de partenariat et des échanges de mails produits par les parties que la société Loadhog Limited demande à ses cocontractants de stocker les marchandises qu'elle fabrique, en contrepartie d'une réduction de prix, ce qu'a refusé la société HDF Emballages, à l'inverse de la société Provost.

Dès lors, en l'absence de stocks sur place, il n'est pas pertinent de comparer les prix proposés à la société Provost (franco de port) avec ceux proposés à la société HDF Emballages (port en sus) et il n'y aura pas lieu d'ordonner la communication des éléments se rapportant, directement ou indirectement, à ce contrat.

De plus, la société HDF Emballages n'apporte aucun élément permettant de retenir que le prix unitaire proposé de 7,73 euros HT ne soit pas le meilleur possible, en l'absence de stockage sur place.

En conséquence, il n'y aura pas lieu de retenir de manquement contractuel de ce chef.

Enfin, la société HDF Emballages n'ayant pas conclu le contrat avec la société Boulanger, elle n'a pas pu bénéficier du soutien logistique et technique de la société Loadhog Limited, sans que cela ne constitue une inexécution contractuelle.

En conséquence, seules deux manquements contractuels seront retenus.

Sur l'exécution forcée en nature

Aux termes de l'article 1217 du code civil, 'La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- obtenir une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.'

Pour condamner la société Loadhog Limited à verser 20 000 euros pour l'ensemble des infractions liées à l'inexécution du contrat, le tribunal a indiqué que la responsabilité de la société Loadhog Limited pouvait être retenue pour sa mauvaise foi et sa déloyauté dans l'exécution du contrat de collaboration avec la société HDF Emballages.

En outre, au visa de l'article 1217 du code civil, le tribunal a condamné la société Loadhog Limited au paiement de 13 700 euros, correspondant à 100 euros par jour entre l'assignation et la résiliation de la convention, pour ne pas avoir cessé d'agir en contravention avec la convention de collaboration signée le 3 octobre 2017.

En l'espèce, en raison de la résiliation du contrat, il convient de relever que l'exécution forcée en nature des obligations du débiteur, distincte d'une demande de dommages-intérêts, ne pourra pas être prononcée.

Au surplus, s'il est constant que la société Provost a distribué à la société Boulanger les produits de la société Loadhog Limited, par contrat du 12 avril 2018, il convient de relever que la société HDF Emballages n'apporte aucun élément sur de nouveaux agissements de Loadhog Limited, contraires aux stipulations contractuelles, qui seraient intervenus entre l'assignation du 19 mai 2020 et la résiliation du 3 octobre 2020, le mail de la société Loadhog Limited, du 13 octobre 2021, portant sur des demandes de prix de palettes étant postérieur.

En conséquence, le jugement sera infirmé des chefs des deux condamnations de la société Loadhog Limited au paiement des sommes de 20 000 euros et 13 700 euros au titre de l'exécution forcée en nature et la société HDF Emballages sera déboutée de sa demande actualisée en condamnation au paiement de 85 400 euros, ainsi que de sa demande de condamnation sous astreinte.

Sur les dommages-intérêts

Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.'

Le tribunal de commerce retient qu'en raison de l'inexécution du contrat, la société Loadhog Limited a causé à HDF Emballages des préjudices tirés de la perte de la marge du premier contrat non abouti, de la perte de chance de conclure de nouvelles commandes et d'un préjudice moral.

En l'espèce, il convient de retenir qu'en ne concluant pas le contrat par son intermédiaire mais par celui d'une société tierce, la société Loadhog Limited, dont les produits ont été retenus, a privé HDF Emballages de sa marge commerciale sur ce contrat.

En outre, HDF Emballages justifie d'un taux de marge de 18,89% pour 2020 et 22,13% pour 2021.

Dès lors, compte tenu du volume de la commande (40 000 pièces, outre les pièces détachées) et en l'absence d'éléments contraires de la société Loadhog Limited, le taux de 12%, taux moyen parmi ceux étudiés par la société HDF Emballages dans l'établissement de ses prix, sera retenu au titre de la perte de marge, soit la somme de 45 054,55 euros.

De plus, alors que HDF Emballages était déjà en relations d'affaires avec la société Go Sport, elle n'a pas pu, par la faute de la société Loadhog Limited, développer ses relations, son expérience et ses références commerciales avec la société Boulanger ni bénéficier de l'expérience du contrat pour prospecter d'autres clients durant l'exécution de la convention, subissant une perte de chance de contracter qui sera évaluée à 50 000 euros, au regard de la marge réalisable sur la durée du contrat, soit trois ans du 3 octobre 2017 au 3 octobre 2020.

Enfin, il est constant qu'HDF Emballages a engagé des frais pour obtenir la commande auprès de la société Boulanger, présenté Loadhog Limited à cette dernière avant que le fabricant ne lui vende ses produits par l'intermédiaire d'un tiers, justifiant la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral.

En conséquence, le jugement sera confirmé quant aux montants alloués au titre de la réparation des préjudices subis à raison de l'inexécution du contrat de collaboration.

Sur les demandes accessoires

L'équité ne commande pas de réformer les dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile ni d'accorder d'autres sommes en cause d'appel.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société Loadhog Limited sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme partiellement le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat et condamné Loadhog Limited au paiement des sommes de 13 700 euros et 20 000 euros au titre de l'exécution forcée en nature ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Constate la résiliation de la convention au 3 octobre 2020 ;

Déboute la société HDF Emballages de ses demandes en paiement des sommes de 13 700 et 85 400 euros et de condamnation sous astreinte, au titre de l'exécution forcée en nature ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Rejette les demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la société Loadhog Limited aux dépens.

Le greffier

Valérie Roelofs

Le président

Dominique Gilles


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 22/03083
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;22.03083 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award