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29/03/2024 | FRANCE | N°22/01660

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 2, 29 mars 2024, 22/01660


ARRÊT DU

29 Mars 2024







N° 383/24



N° RG 22/01660 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UTR3



LB/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

17 Octobre 2022

(RG 21/00252 -section )







































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GROSSE :



aux avocats



le 29 Mars 2024





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



S.A.S. OBJECTWARE NE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me François DE RAYNAL, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉ :



M. [P] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

...

ARRÊT DU

29 Mars 2024

N° 383/24

N° RG 22/01660 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UTR3

LB/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

17 Octobre 2022

(RG 21/00252 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 29 Mars 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

S.A.S. OBJECTWARE NE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me François DE RAYNAL, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

M. [P] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Dalila DENDOUGA, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 08 Février 2024

Tenue par Laure BERNARD

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Cindy LEPERRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mars 2024,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 18 janvier 2024

EXPOSE DU LITIGE

La société Objectware N.E exerce une activité de conseil et d'ingénierie en systèmes d'informations et comprend une agence à [Localité 5]. Elle est soumise à la convention collective des bureaux d'études dite «SYNTEC».

M. [P] [V] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée du 5 août 2019 en qualité de consultant, ingénieur d'études et développement statut cadre, position 2.1, coefficient 115.

À compter du 12 août 2019, M. [P] [V] a été placé en mission en qualité de consultant au sein de la société Euro information développement, filiale du groupe Crédit mutuel à [Localité 5] pour une durée de trois ans.

Le 18 septembre 2020, la société Euro information développement a mis fin de façon anticipée à la mission de M. [P] [V] en raison de la faible implication professionnelle de M. [P] [V].

Par courrier en date du 24 novembre 2020, M. [P] [V] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 7 décembre 2020. M. [P] [V], en arrêt de travail, ne s'est pas présenté à cet entretien.

Par courrier du 11 décembre 2020, M. [P] [V] a été licencié pour insuffisance professionnelle. Le courrier est rédigé en ces termes :

«Embauché en contrat à durée indéterminée le 5 août 2019, et malgré la patience demandée à notre client, celui-ci a mis un terme à notre relation contractuelle.

La réputation de notre société étant basée sur notre haut niveau d'expertise, il est fortement préjudiciable pour l'entreprise qu'un collaborateur proposé au sein de sa clientèle, ne puisse démontrer sa capacité à délivrer le niveau d'exigence attendu.

En tant que consultant, il vous appartient de rassurer vos interlocuteurs sur votre maîtrise des sujets pour lesquels vous détenez un savoir-faire. Et nous déplorons un désalignement entre vos aptitudes professionnelles et les besoins remontés par nos clients.

Sorti de mission par notre client le 18 septembre 2020, la société a tenté de procéder à votre positionnement sur plusieurs appels d'offre en lien direct avec vos compétences professionnelles.

Ainsi, vous avez été présenté les 30 septembre, 13 octobre et 10 novembre 2020, à trois interlocuteurs différents.

Chacune de ces tentatives s'est soldée par un refus de nos clients de vous sélectionner comme intervenant sur leurs projets.

Ce constat démontre votre manque de capacité à convaincre sur vos compétences professionnelles et met à mal le bon fonctionnement de l'entreprise qui se retrouve dans l'obligation de faire appel à d'autres profils équivalents au vôtre. Alors même qu'il vous incombe, sachant que vous engagez l'image de la société auprès de ses clients, de donner la plus entière satisfaction à nos clients et de réaliser vos missions avec sérieux et compétence.

Cette situation a des conséquences graves pour l'image de notre entreprise qui se trouve discréditée auprès de ses clients. Dans un marché extrêmement concurrentiel basé sur la réactivité, trois refus de trois clients sur un profil en adéquation avec votre formation nous est préjudiciable.

Enfin, des absences et des retards viennent confirmer votre manque de motivation qui est préjudiciable au sérieux que l'entreprise s'efforce de respecter vis-à-vis de ses clients.

Compte tenu de ce qui précède, nous considérons que vos carences et défaillances dans l'exercice de vos fonctions sont désormais incompatibles avec vos obligations professionnelles et ce que nous sommes légitimement en droit d'attendre d'un consultant.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que nous vous notifions par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse fondée sur votre insuffisance professionnelle».

Par lettre en date du 5 janvier 2021, la société Objectware N.E a précisé les motifs du licenciement pour insuffisance professionnelle. La lettre a été rédigée en ces termes :

«Notre client a mis un terme à votre mission le 18 septembre 2020 ne vous trouvant pas suffisamment impliqué, la présence de votre CV sur des sites de recrutement, alors qu'en poste, n'étant pas de nature à le réconforter.

S'en sont suivies trois présentations, chez trois clients majeurs pour notre société, à des postes en parfaite adéquation avec votre formation et vos compétences.

La première le 30/09/2020 auprès du groupe HN

La seconde le 13/10/2020 auprès d'ADELERE

La troisième le 10/11/2020 auprès du groupe ALLIANCE.

Ces trois présentations se sont soldées par trois refus ;

Cette succession de refus, malgré notre volonté de vous maintenir en poste, dénote une carence de votre part sur votre capacité à convaincre de vos compétences et à délivrer le niveau d'exigence attendu, ainsi qu'une défaillance dans l'exécution de votre contrat de travail ' lequel prévoit que vous puissiez rassurer vos interlocuteurs sur la maîtrise des sujets en rapport avec votre savoir-faire.

Par ailleurs, ce désalignement entre vos aptitudes et les besoins remontés par nos clients nuisent à la pérennisation de nos relations commerciales sur un marché extrêmement concurrentiel.»

Le 10 novembre 2021, M. [P] [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Roubaix aux fins principalement contester le bien-fondé de son licenciement et de voir condamner la société Objectware N.E à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'un remboursement de frais professionnels.

Par jugement rendu le 17 octobre 2022, la juridiction prud'homale a :

- dit que le licenciement de M. [P] [V] est sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Objectware N.E à payer à M. [P] [V] les sommes suivantes :

- 10 250 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 317,05 euros à titre de remboursement de frais professionnels,

- 2 040 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux éventuels dépens de la présente instance,

- précisé que les condamnations prononcées emportent intérêt au taux légal : à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale, à compter de la présente décision pour toute autre somme,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.

La société Objectware N.E a régulièrement interjeté appel contre ce jugement par déclaration du 28 novembre 2022.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 17 février 2023, la société Objectware N.E demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré,

- juger que le licenciement de M. [P] [V] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- juger que la demande de remboursement de frais ne porte pas sur des frais professionnels,

- débouter M. [P] [V] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [P] [V] à lui payer 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- juger que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont conformes aux conventions internationales,

- juger que M. [P] [V] ne justifie pas de son préjudice,

- juger que la demande de remboursement de frais n'est pas étayée,

A titre plus subsidiaire,

- juger que M. [P] [V] ne fait ni la démonstration de l'étendue de son préjudice, ni ne justifie des raisons pour lesquelles, dans sa situation particulière, les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail devraient être écartés.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 22 mars 2023, M. [P] [V] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré excepté en ce qu'il a limité la condamnation de la société Objectware N.E à la somme de 5 317,05 euros à titre de remboursement de frais professionnels,

- dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Objectware N.E à lui payer les sommes suivantes :

- 10 250 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 5 630,40 euros à titre de remboursement de frais professionnels,

- 2 053 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ladite somme s'ajoutant à la somme de 2 040 euros allouée en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Objectware N.E aux dépens en première instance et en cause d'appel.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le remboursement de frais

L'article 50 de la convention applicable prévoit que les déplacements hors du lieu de travail habituel nécessités par le service ne doivent pas être pour le salarié l'occasion d'une charge supplémentaire ou d'une diminution de salaire.

L'importance des frais dépend du lieu où s'effectuent les déplacements, ils ne sauraient être fixés d'une façon uniforme. Ils seront remboursés de manière à couvrir les frais d'hôtel et de restaurant du salarié. Ils pourront faire l'objet d'un forfait préalablement au départ, soit par accord particulier, soit par règlement spécifique approprié.

L'article 53 de la convention applicable prévoit que le salarié dont la lettre d'engagement mentionne qu'il doit travailler tout ou partie de l'année en déplacement continu, aura droit, outre son salaire, à une indemnité de remboursement de frais pendant la durée de ce déplacement.

Cette indemnité sera :

' soit forfaitaire, auquel cas, elle représentera la différence entre les frais de séjour et les dépenses normales du salarié s'il vivait au lieu où il a été engagé, et sera fixée par accord préalable entre l'employeur et le salarié, sauf règlement spécifique conformément à l'article 50 ;

' soit versée sur pièces justificatives.

En l'espèce, M. [P] [V] sollicite le remboursement de frais qui correspondent à des frais de déplacement entre [Localité 4] (son domicile familial) et [Localité 5] (son lieu de mission) et des frais d'hébergement (loyer pour un studio à [Localité 5]).

Le contrat de travail stipule que M. [P] [V] exerce ses fonctions dans les locaux du client et qu'en dehors de ses missions, il les exerce au siège social de la société ou tout autre établissement.

Le contrat précise que M. [P] [V] accepte d'effectuer tout déplacement professionnel et comprend également une clause de mobilité en raison de l'implantation géographique de la clientèle de la société et des particularités du métier (moyenne ou longue mission).

Le contrat fixe l'obligation pour le consultant de prendre ses dispositions pour rendre effective cette mobilité géographique, sachant qu'il ne bénéficiera pas de frais de déplacements mais que la société prendra à sa charge ses frais de déménagement selon les règles en vigueur dans l'entreprise.

Au moment de la signature du contrat de travail le salarié résidait à [Localité 4] avec sa famille, et il a conservé ce logement familial durant toute sa mission à [Localité 5]. Il n'est pas produit l'ordre de mission concernant cette mission mais la société Objectware N.E soutient que celle-ci devait se dérouler sur trois années.

Ainsi, il doit être considéré que M. [P] [V] se trouvait dans la situation visée à l'article 53 de la convention applicable qui vise le salarié qui doit travailler tout ou partie de l'année en déplacement continu.

Ainsi, malgré la clause du contrat de travail qui exclu le versement de frais de déplacement, l'employeur était redevable d'une indemnité de remboursement de frais, en application de l'article 53 de la convention collective précitée.

Faute d'accord entre les parties sur une indemnité forfaitaire, celle-ci devait se faire sur présentation de justificatifs.

Ainsi, M. [P] [V] est bien fondé à obtenir le remboursement de tous les frais de déplacement et d'hébergement sous réserve de justifier du montant des dépenses exposées.

Or, M. [P] [V] verse aux débats les justificatifs de réservation et de paiement de ses trajets en covoiturage et en train entre [Localité 4] et [Localité 5], et un décompte de ses loyers pour un studio à [Localité 5], avec ses relevés bancaires correspondants.

Dans ces conditions, la demande de remboursement est fondée dans son intégralité et la société Objectware N.E sera condamnée à payer à M. [P] [V] la somme de 5 630,40 euros à ce titre, le jugement déféré étant infirmé en ce sens.

Sur le bien-fondé du licenciement

Aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.

Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, M. [P] [V] qui exerçait des fonctions de consultant, avait débuté une mission chez un client de la société Objectware N.E, la société Euro information développement, située à [Localité 5] au début de la relation de travail.

Par courrier du 11 décembre 2020, la société Objectware N.E a licencié M. [P] [V] pour insuffisance professionnelle tenant :

- au fait que son client Euro information développement a mis fin prématurément le 18 septembre 2020 à la mission du salarié initialement prévue pour 3 ans, du fait de son mécontentement (manque d'implication et de disponibilité de M. [P] [V])

- au refus de trois clients de l'accepter en mission (le groupe HN le 30/09/2020, le groupe ADELERE le 13/10/2020 et le groupe ALLIANCE le 10/11/2020), ce qui dénote selon l'employeur une carence de la part du salarié sur sa capacité à convaincre de ses compétences et à délivrer le niveau d'exigence attendu, ainsi qu'une défaillance dans l'exécution du contrat de travail ' lequel prévoit que celui-ci puisse rassurer ses interlocuteurs sur la maîtrise des sujets en rapport avec son savoir-faire.

L'attestation de M. [I], directeur d'agence, relatant le mécontentement de la société Euro information développement quant à la prestation de travail et au comportement de M. [P] [V] n'est confortée par d'autres éléments du dossier ; notamment, il n'est versé aux débats aucun mail ou courrier de plainte de ce client auprès duquel le salarié a travaillé pendant plus d'une année, ni aucun justificatif des absences ou retards répétés imputés à M. [P] [V], qui n'a d'ailleurs jamais été rappelé à l'ordre sur ce point. Elle est insuffisante à démontrer les insuffisances du salarié auprès de société Euro information développement.

Concernant le refus de trois clients d'accepter M. [P] [V] en mission le 30 septembre 2020, le 13 octobre 2020 et le 10 novembre 2020, il ressort des échanges mails produits (dont les dates ne correspondent pas toutes), qu'une des candidatures était spontanée, et ne correspondait à aucun besoin exprimé par le client (13 novembre 2020), qu'une autre n'a pas été concluante sans précision du motif (ALLIANCE), et qu'une autre a fait l'objet d'un entretien téléphonique avec le client, qui a simplement indiqué que «cela ne conviendra pas».

Ainsi, contrairement à ce qu'affirme la société Objectware N.E, il ne peut être déduit de l'absence de recrutement de M. [P] [V] par ces clients un manque d'implication de la part de ce dernier pour être recruté, une incapacité à convaincre de ses compétences et à délivrer le niveau d'exigence attendu, et, partant, une incapacité à remplir correctement ses fonctions de consultant.

Dès lors c'est de manière justifiée que le conseil de prud'hommes a considéré qu'aucune insuffisance professionnelle n'était caractérisée et a jugé le licenciement de M. [P] [V] sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement

M. [P] [V] sollicite que soit écarté l'application des maximums prévus à l'article L.1235-3 du code du travail.

Cependant, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT).

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.

En outre, concernant la charte sociale européenne, sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive pour déterminer s'il est d'effet direct, les stipulations d'un traité international, régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution, sont d'effet direct dès lors qu'elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers.

Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

L'invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

Il convient, par suite, de faire application dudit article L1235-3 du code du travail et d'examiner la situation particulière M. [P] [V].

En l'espèce, au moment du licenciement, M. [P] [V] était âgé de 39 ans, il percevait un salaire de 3 230 euros par mois en qualité de consultant et bénéficiait d'une ancienneté d'une année complète au sein de la société Objectware N.E.

Il bénéficiait d'une expérience antérieure de 10 années et a rapidement retrouvé un emploi. Il justifie avoir trois enfants à charge, son épouse étant quant à elle sans emploi.

Au regard de ces éléments, il est justifié d'allouer au salarié la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte injustifiée de son emploi. Le jugement de première instance sera infirmé en ce sens.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Aux termes de l'article L.1235-4 du code du travail dans sa rédaction applicable, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

La société Objectware N.E sera condamnée à rembourser à l'organisme intéressé les indemnités de chômage versées à M. [P] [V] du jour de son licenciement au jour de la décision, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Le jugement entrepris sera confirmé concernant le sort des dépens et l'indemnité de procédure.

La société Objectware N.E sera condamnée aux dépens de l'appel ainsi à payer à M. [P] [V] la somme complémentaire de 2 053 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement rendu le 17 octobre 2022 par le conseil de prud'hommes de Roubaix, sauf en ce qu'il a condamné la société Objectware N.E à payer à M. [P] [V] 10 250 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 5 317,05 au titre du remboursement de frais ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société Objectware N.E à payer à M. [P] [V] :

- 5 630,40 euros au titre du remboursement de frais,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Objectware N.E à rembourser à l'organisme intéressé les indemnités de chômage versées à M. [P] [V] du jour de son licenciement au jour de la décision, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage ;

CONDAMNE la société Objectware N.E aux dépens de l'appel ;

CONDAMNE la société Objectware N.E à payer à M. [P] [V] la somme complémentaire de 2 053 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 2
Numéro d'arrêt : 22/01660
Date de la décision : 29/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-29;22.01660 ?
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