ARRÊT DU
29 Mars 2024
N° 418/24
N° RG 22/01573 - N° Portalis DBVT-V-B7G-USKQ
LB/AL
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE
en date du
22 Septembre 2022
(RG 21/00919 -section )
GROSSE :
Aux avocats
le 29 Mars 2024
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
M. [Y] [T]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représenté par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉS :
Me [C] [Z] ès qualité de mandataire liquidateur de la Société BSD SPEED TRANSPORTS (signif DA et ccl le 20.12.2022 à personne habilitée)
Centre des affaires du [7] [Adresse 6]
[Localité 4]
n'ayant pas constitué avocat
CGEA DE LILLE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI
DEBATS : à l'audience publique du 18 Janvier 2024
Tenue par Pierre NOUBEL et Virginie CLAVERT
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER : Valérie DOIZE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre NOUBEL
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Virginie CLAVERT
: CONSEILLER
Laure BERNARD
: CONSEILLER
ARRÊT : Réputé contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mars 2024,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 28 Décembre 2023
EXPOSE DU LITIGE
La société BDS speed transports exerçait une activité de transport routier de fret de proximité, spécialisée dans le transport de messagerie.
M. [Y] [T] a été engagé par la société BDS speed transports contrat de travail à durée indéterminée du 1er août 2013 en qualité de chauffeur livreur.
Par jugement du Tribunal de Commerce de Lille du 4 avril 2016, la société BDS speed transports a été placée en liquidation judiciaire et Maître [C] [Z] a été désigné en qualité de mandataire liquidateur.
M. [Y] [T] a été licencié par le liquidateur de la société BDS speed transports courrier du 15 avril 2016.
Par contrat de travail en date du 18 avril 2016, M. [Y] [T] a été engagé par la société MBK SPEED TRANSPORTS.
Le 21 octobre 2021, M. [Y] [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille aux fins principalement d'obtenir des dommages et intérêts pour travail dissimulé.
Par jugement rendu le 22 septembre 2022, la juridiction prud'homale a :
- dit que M. [Y] [T] a été employé par la société BDS speed transports à compter du 1er août 2013 jusqu'au 18 avril 2016,
- débouté M. [Y] [T] de sa demande de caractérisation de fait de travail dissimulé et des autres demandes afférentes,
- débouté M. [Y] [T] de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- laissé les parties à leurs éventuels frais et dépens.
M. [Y] [T] a régulièrement interjeté appel contre ce jugement par déclaration du 3 novembre 2022.
Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 19 décembre 2022, M. [Y] [T] demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre des dommages et intérêts pour travail dissimulé,
- dire et juger les faits de travail dissimulés caractérisés,
- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société BDS speed transports, pour les sommes suivantes :
- 9 191,22 euros nets au titre des dommages et intérêts pour travail dissimulé,
- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire le jugement à intervenir commun et opposable au mandataire judiciaire et au CGEA AGS de Lille,
- condamner « le défendeur » aux dépens d'instance.
Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 15 mars 2023, l'UNEDIC Délégation AGS, CGEA de Lille demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré excepté en ce qu'il a débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- à titre principal, déclarer irrecevable la demande de M. [Y] [T] car prescrite,
- à titre subsidiaire, débouter M. [Y] [T] de l'ensemble de ses demandes,
- en tout hypothèse, donner acte à l'organisme concluant qu'il a procédé aux avances au profit de M. [Y] [T] d'un montant de 7 664,41 euros et dire que l'arrêt à intervenir ne lui sera opposable que dans la limite de sa garantie légale et des plafonds conformément aux dispositions légales et réglementaires, et ce toutes créances du salarié confondues et dire et juger que son obligation de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire conformément aux dispositions légales,
- statuer ce que de droit quant aux dépens.
Maître [C] [Z] en qualité de mandataire liquidateur de la société BDS speed transports n'a pas constitué avocat ni conclu.
Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA en application de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 décembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il sera indiqué que la demande de donner acte présentée par le CGEA ne constitue pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile et que la cour n'en est pas saisie.
Sur la prescription
Conformément à l'article 1471-1 du code du travail toute action portant sur l'exécution se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
En l'espèce, M. [Y] [T] reproche à son employeur d'avoir sciemment omis de déclarer son emploi à l'assurance chômage et de ne pas avoir réglé les cotisations afférentes.
Dans la mesure où sa demande porte sur des dommages et intérêts pour travail dissimulé son action est relative à l'exécution du contrat et non à sa rupture et le délai de prescription applicable est de deux ans et non d'un an comme l'invoque le CGEA.
L'indemnité forfaitaire prévue à l'article L.8223-1 du code du travail n'est due qu'à compter de la rupture du contrat de travail, de sorte que ce délai de prescription de deux ans ne commence à courir qu'à compter de cette date.
Son point de départ est cependant susceptible d'être reporté après la rupture, à la date à laquelle le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
Il appartient toutefois au salarié qui invoque le report du point de départ de démontrer à quelle date il a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer son droit.
Si M. [Y] [T] soutient avoir commencé à suspecter des faits de travail dissimulé imputables à son employeur lors de la réception du courrier du syndicat FO le 5 juin 2019, ce courrier qui est une demande de vérification adressée par le syndicat à la CARSAT, ne lui est pas adressé, ne fait pas référence nommément à lui et concerne la société MBK Speed transports et non la société BSD Speed Transports ; de même le mail émanant du service Klesia daté du 1er juillet 2019 (qui ne lui est pas adressé) vise « la société » sans qu'il soit possible de déterminer quelle est la société concernée.
Le relevé de carrière versé aux débats a été édité le 22 décembre 2020, sans qu'il soit possible de retenir que le salarié ne pouvait avoir connaissance des manquements reprochés à une date antérieure, notamment par la consultation de son espace personnel mis à disposition par l'assurance retraite et l'Argic-arcco.
Ainsi, faute d'élément suffisamment probant apporté par le salarié quant à la date à laquelle il a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance des faits de travail dissimulé, le délai de prescription de deux ans a commencé à courir à la date de la rupture du contrat de travail intervenue le 15 avril 2016. Ce délai était donc expiré lors de la saisine du conseil de prud'hommes par M. [Y] [T] le 21 octobre 2021.
La demande de dommages et intérêts est dès lors prescrite et le jugement de première instance doit être infirmé en ce sens.
Sur les dépens et l'indemnité de procédure
Le jugement de première instance sera confirmé concernant le sort des dépens et l'indemnité de procédure.
M. [Y] [T] sera condamné aux dépens d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement rendu le 22 septembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Lille, sauf en ce qu'il a dit que M. [Y] [T] a été salarié de la société BDS speed transports du 1er août 2013 au 18 avril 2016 et en ce qu'il a statué sur le sort des dépens et l'indemnité de procédure ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DECLARE irrecevable la demande d'indemnité pour travail dissimulé présentée par M. [Y] [T] ;
CONDAMNE M. [Y] [T] aux dépens de l'appel.
LE GREFFIER
Serge LAWECKI
LE PRESIDENT
Pierre NOUBEL